Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 26 février 2020 à 15h00
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Adoption en nouvelle lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

En Allemagne, en décembre dernier, le ministre fédéral de la justice a annoncé vouloir réviser la loi relative aux réseaux sociaux, loi NetzDG, pour les intimes, pour lutter contre la multiplication des retraits abusifs de contenus pourtant licites ; devons-nous vraiment faire la même erreur ? C’est toute la question posée par cet article 1er.

Je veux le souligner avec force : le Sénat ne s’est évidemment pas résolu à l’inaction face aux grandes plateformes. Mais nous privilégions les solutions efficaces, et surtout applicables, celles qui conservent toute sa place à la puissance publique, via la régulation du CSA, plutôt que des innovations incertaines déléguant toujours plus de pouvoir aux géants américains du numérique. Ce n’est pas à eux d’exercer la police de la liberté d’expression !

La commission des lois a donc réaffirmé que le délai de vingt-quatre heures pour le retrait d’un contenu manifestement haineux devra être un objectif à atteindre pour les grandes plateformes, consacrant ainsi une obligation juridique de moyens. Pour s’assurer du respect de cette obligation, le régulateur se voit d’ailleurs confier de solides pouvoirs de contrôle, passant au besoin par la communication des algorithmes utilisés, et de sanction, l’amende administrative pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel.

Avec la version du Sénat, les réseaux sociaux devront bien rendre des comptes à leurs utilisateurs et prouver qu’ils consacrent suffisamment de ressources humaines et techniques à la satisfaction de cet objectif.

La commission des lois a en outre rétabli plusieurs dispositions qui, supprimées par l’Assemblée nationale, permettent pourtant de s’attaquer aux ressorts profonds de la diffusion de la haine en ligne.

Elle a aussi rétabli la possibilité d’introduire une certaine souplesse dans le champ de la régulation du CSA, afin de lui permettre de contrôler les sites qui, sans répondre au critère de fort trafic, accentuent fortement la viralité des contenus, et de leur imposer des obligations.

La commission des lois a également maintenu la mission du CSA consistant à encourager la lutte contre les faux comptes qui, sur les réseaux sociaux, ne sont dédiés qu’à la propagation de contenus haineux illicites, les fameuses « fermes à trolls ».

Enfin a été réaffirmée la mission du CSA en faveur de l’interopérabilité des grandes plateformes, afin de fluidifier le passage des utilisateurs de l’une à l’autre ; ceux-ci pourront réellement choisir les plateformes dont les politiques de modération des contenus leur conviennent le mieux.

Mes chers collègues, une nouvelle fois, la commission des lois a tenté de tenir une délicate ligne de crête entre, d’une part, la protection des victimes de haine et, d’autre part, la protection de la liberté d’expression telle qu’elle est pratiquée dans notre pays – il ne faut sacrifier ni l’une ni l’autre. Elle vous invite donc à adopter la proposition de loi ainsi modifiée.

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