Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dirai quelques mots pour relever nos accords et désaccords, que nous avons identifiés depuis le début de cette discussion générale.
Nous sommes évidemment d’accord sur le fait qu’il est intolérable d’écouter et de lire sur les réseaux sociaux tant de propos qui sont souvent assimilables à des infractions pénales. Il est certain que l’on s’échange via des claviers des phrases que l’on ne serait pas capable de s’adresser en tête à tête, en face à face.
Mais nous avons aussi entendu les points de désaccord. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez assumé d’être en désaccord avec le Sénat. Nous aussi assumons d’être en désaccord avec le Gouvernement, notamment lorsqu’un ministre déclare, comme l’a rappelé Mme la présidente Morin-Desailly, que si la Chine se défend si bien, c’est parce que ses réseaux sociaux ne sont pas ouverts !
Notre désaccord porte sur la liberté d’expression et le risque de sur-censure qui est contenu dans ce texte, ainsi que l’a d’ores et déjà expliqué le rapporteur, Christophe-André Frassa. Je ne reviendrai pas sur ce point, car je l’avais déjà longuement évoqué lors de la discussion générale il y a deux mois.
J’avais alors exposé comment ce risque de sur-censure était accentué par le fait que la plupart des plateformes et des opérateurs étaient étrangers – américains, pourquoi ne pas le dire ? – et qu’ils développaient une vision de la censure et de la liberté d’expression très éloignée de la nôtre. Je m’inquiétais ainsi que certains opérateurs ne supportent pas de voir une œuvre d’art représentant un nu, de sorte qu’ils la censurent, ce qui laisse augurer l’application d’une possible censure générale par ces acteurs.
L’article de presse que j’ai lu ce week-end m’a inquiétée encore davantage. Le sujet en était les altercations opposant Jean Messiha, cadre du Rassemblement national d’origine égyptienne, et Yassine Belattar, humoriste que vous connaissez peut-être et qui est surtout connu pour avoir été nommé au Conseil présidentiel des villes par le Président de la République, celui-ci estimant que ces questions ne peuvent pas se régler entre « mâles blancs ».
M. Belattar a pour coutume, était-il écrit dans l’article, d’attaquer régulièrement M. Messiha sur ses origines en disant que celles-ci se lisent sur son visage, ajoutant même qu’il a une « tête de bougnoule », et de le traiter très régulièrement de « chameau », ce qui est assez désagréable. C’est de cette façon qu’il l’a encore traité très récemment dans un tweet – car nous parlons là de réseaux sociaux…
L’auteur de l’article faisait le parallèle entre ce que subit M. Messiha et ce qui était arrivé à Mme Christiane Taubira lorsqu’elle avait été traitée de « singe ». Cette insulte qui avait ému la totalité de la classe politique française était en effet – il faut le dire ! – totalement indigne.
Le parallèle entre ces deux situations m’a semblé de bon sens et il a dû paraître tel, également, à M. Messiha puisqu’il a immédiatement tweeté un message – on ne fait plus que cela, de nos jours ! – à M. Dominique Sopo, président de SOS Racisme, lui demandant de le soutenir en raison du caractère inadmissible de ces propos. Or M. Sopo lui a répondu qu’il était en effet odieux de le comparer à un chameau parce que c’était infamant… pour les chameaux. Ce tweet, nous dit l’article, a été « liké » par Mme Laetitia Avia, …