Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 26 février 2020 à 15h00
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Article additionnel avant l'article 1er

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

Nous avions déjà déposé un amendement similaire lors de la première lecture. Il s’agit de préciser que la proposition de loi dont nous débattons, principalement le dispositif de l’article 1er, ne s’appliquera pas à la presse, dont le régime juridique des publications est fixé par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et étendu aux publications audiovisuelles et en ligne.

Une véritable ambiguïté subsiste sur le champ d’application du texte dont nous débattons, et nous préférons qu’elle soit expressément levée.

Il serait invraisemblable que la responsabilité juridique des éditeurs de presse, voire des journalistes, puisse éventuellement être retenue sur la base des dispositions applicables aux opérateurs de plateformes, et qu’ils soient tenus à de nouvelles obligations et passibles de nouveaux types de sanctions.

Je rappelle que la responsabilité juridique des éditeurs de presse quant aux contenus qu’ils publient est déjà engagée par la loi du 29 juillet 1881, dans ses articles 23, 24 et 24 bis, qui soumet à sanction les cas de publication de propos injurieux, diffamatoires, d’incitation à la haine ou à la discrimination de toute sorte.

Les textes d’application de la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi Hadopi, ont en outre prévu l’obligation pour un service de presse en ligne de préciser, lors de son agrémentation, certaines mentions permettant l’identification d’un directeur de publication pénalement responsable.

Enfin, les éditeurs de presse en ligne sont déjà responsables de la modération des commentaires en ligne.

Les lois restreignant actuellement la liberté d’expression et celle de la presse – liberté pourtant érigée en principe à valeur constitutionnelle – sont dans l’air du temps.

Nous avons déjà alerté il y a un an, lors des débats préalables à son adoption, sur les dommages collatéraux pour la presse que pourrait contenir la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information.

Les conditions d’exercice de la presse sont de plus en plus précaires et difficiles, tant financièrement parlant qu’en termes de conditions de travail, ou encore sur le plan déontologique. La période est à la censure accrue, qui menace d’induire une autocensure.

N’aggravons ni les conditions d’exercice des journalistes ni celles des éditeurs de presse. La liberté d’expression et celle de la presse constituent l’un des principaux fondements de la démocratie. Aussi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter notre amendement, qui garantira à la presse de continuer d’informer dans un régime de responsabilité ad hoc respectueux de la liberté.

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