Intervention de François Bonhomme

Réunion du 26 février 2020 à 15h00
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Article 1er

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Cet article est essentiel et il présente en lui-même une fragilité intrinsèque, qu’ont parfaitement analysée le président de la commission, Philippe Bas, et Muriel Jourda.

Vous avez indiqué, dans votre propos liminaire, monsieur le secrétaire d’État, que l’affaire Mila représentait « un coup de canif » ; ce n’est pas un coup de canif, c’est un coup de poignard !

Je le rappelle, Mila, après avoir éconduit un internaute qui la draguait, a vu, en quelques heures, sa vie être bouleversée et peut-être durablement ruinée. Ses propos étaient peut-être déplacés – elle avait tenu des propos sur les religions, qu’elle disait détester –, mais elle a été l’objet d’un déferlement de haine sans doute sans précédent.

Quoi qu’il en soit, elle usait de son droit d’expression, sauf à rétablir, monsieur le secrétaire d’État, le délit de blasphème. Or, le 15 janvier dernier, lors de ses vœux à la presse, M. le Président de la République indiquait que, « en France, la liberté de blasphème est protégée. » Il ajoutait : « nous ne nous lasserons jamais de défendre la liberté d’expression, dans toute sa plénitude. »

Pourtant, la lapidation numérique dont Mila a été l’objet résume notre défaite, ainsi que l’ambiguïté du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d’État, l’ambiguïté de l’État, en dépit des rodomontades et des déclarations, parfois martiales, selon lesquelles vous voulez lutter contre la haine sur internet.

Au passage, Mme Schiappa, généralement prompte à réagir, a mis plusieurs jours à demander la protection de la jeune fille poursuivie par cette Némésis électronique. Et les néo-féministes patentées étaient aux champignons…

Surtout, le parquet de Vienne décida d’ouvrir deux enquêtes : l’une sur les menaces de mort à l’égard de Mila et l’autre pour déterminer si les propos de l’adolescente relevaient éventuellement de la provocation à la haine raciale alors même, je le rappelle, qu’aucune plainte n’avait été déposée. On ne choisit donc pas.

Monsieur le secrétaire d’État, en ne voulant pas choisir, en entretenant la confusion, vous avez renvoyé dos à dos l’auteur des menaces de mort et sa victime.

Encore une fois, les propos de Mila n’étaient pas contraires à la loi ; en revanche, votre faux parallélisme – le déclenchement d’une action publique à l’égard des deux protagonistes – affaiblit, me semble-t-il, vos propos et votre volonté affirmée de réguler la haine. Tout cela est profondément regrettable.

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