Nous nous rejoignons évidemment sur l’intention ; je comprends votre volonté de réaffirmer le rôle de l’autorité judiciaire pour apprécier le caractère illicite des contenus haineux, monsieur Durain.
Néanmoins, comme en première lecture – je ne dirai pas bis repetita placent… –, je ne suis toujours pas convaincu, non plus que la commission, par le mécanisme que vous nous proposez, qui ne me semble pas plus opérationnel que le précédent, pour deux raisons essentielles.
D’abord, la saisine du juge des référés serait, d’après le mécanisme que vous proposez, systématique ; il faudrait le saisir après chaque retrait de contenu, même lorsque l’auteur de ce contenu litigieux ne le conteste pas et même dans les cas d’évidence. Je n’ai pas besoin de vous rappeler les ordres de grandeur ; pour YouTube, on parle de millions de retraits chaque mois. Cela va, non pas immanquablement, mais pratiquement, engorger nos juridictions au-delà du raisonnable.
Ensuite, le référé obligatoire relèverait uniquement de l’initiative des seuls intermédiaires techniques. La procédure que vous envisagez ne précise pas la place, dans cette instance, de l’auteur du contenu ni de l’auteur de la notification, qui ont, pourtant, les meilleurs arguments à faire valoir devant un juge.
Je ne peux pas plus vous suivre à propos de l’inclusion des moteurs de recherche dans le champ du délit, disposition que vous rétablissez tout en omettant, d’ailleurs, de prévoir un référé dans ce cas. Le Sénat les avait exclus, jugeant leur rôle bien moins déterminant que celui des réseaux sociaux dans la propagation de la haine. Surtout, les caractéristiques techniques des moteurs de recherche rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux précis – un commentaire ou une image – sur la page d’un média, d’un forum ou d’un site de débat participatif, sans rendre inaccessible ou invisible tout le reste, donc tous les autres contenus, pourtant licites.
En outre, vous supprimez diverses améliorations de la LCEN, pourtant adoptées par le Sénat – message de substitution, durée de conservation des contenus illicites –, qui nous semblaient au contraire très utiles.
Enfin, vous affirmez en conclusion que nous ne comptons que sur la bonne volonté des plateformes. Je vous rappelle tout de même qu’il y a un régulateur, sur lequel repose le dispositif que nous proposons, et surtout une amende administrative pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires. Cela n’est pas rien et cela fera, me semble-t-il, réfléchir les plateformes. Par conséquent, ne dites pas que, si cet amendement n’était pas adopté, on ne s’en remettrait qu’à la bonne volonté des plateformes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.