Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 26 février 2020 à 15h00
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Article 2

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

L’amendement de M. Ouzoulias, comme il le souligne lui-même, est inspiré d’un travail en commun avec le barreau de Paris. Il vise, comme en première lecture, à réintroduire le juge dans le processus de retrait du contenu haineux.

En l’espèce, en cas de contre-notification par l’auteur de contenus litigieux retirés, la plateforme devrait obligatoirement les rétablir, à charge pour le notifiant de saisir le juge des référés.

Cher collègue, même si je partage l’esprit de cet amendement, je ne peux y être favorable – je ne fais pas planer le doute plus longtemps.

En effet, le délai de quarante-huit heures que vous laissez au juge pour statuer me semble assez illusoire, surtout si ce contentieux tend à se développer, ce qui, je le pense, va se passer. Je vous rappelle que le délai pour obtenir un blocage en référé au titre de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au moyen d’une décision de justice rendue par le plus grand tribunal de France est actuellement de quarante-cinq jours.

Je décèle, en outre, deux problèmes juridiques dans la procédure que vous proposez.

Premièrement, concernant l’intérêt pour agir du requérant, une notification de contenu haineux illicite à un hébergeur peut émaner de toute personne sans qu’elle ait à justifier qu’elle est personnellement lésée par ledit contenu. Or, devant le juge, une action doit bien s’appuyer sur un intérêt lésé, sauf à permettre une sorte d’action populaire, si je puis utiliser ce terme.

Deuxièmement, concernant l’articulation avec le régime de responsabilité de la LCEN, le dispositif de votre amendement tend à obliger la plateforme à rétablir certains contenus litigieux dans l’attente de la décision du juge. Or cette décision peut n’être rendue qu’après des semaines et conclure, finalement, au caractère illicite du contenu. Dans l’intervalle, les contenus resteront visibles, ce qui engagera forcément la responsabilité pénale et civile de la plateforme qui ne les a pas retirés promptement.

Pour ces deux raisons et compte tenu du caractère illusoire du délai proposé, l’avis de la commission est défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion