Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en saluant le travail de l’ensemble de nos collègues lors de la discussion de ces textes et l’accord intervenu en commission mixte paritaire, preuve de la volonté de tous les groupes de nos deux assemblées d’aboutir.
Nous saluons nos collègues députés de La République En Marche, qui n’ont pas suivi la position du Gouvernement, en commission puis en séance, et enfin au cours des travaux de la commission mixte paritaire sur les deux ajouts importants opérés dès le stade de l’examen en commission au Sénat par notre groupe, sous l’impulsion nette de Jean-Yves Leconte, que je salue.
Je salue également notre rapporteur pour les avis favorables qu’il a donnés sur deux questions importantes : le président de la Commission d’accès aux documents administratifs et le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ont ainsi été intégrés à la liste des nominations devant relever de cette procédure spéciale. C’est une belle avancée démocratique que nous apprécions tous.
Une pierre d’achoppement a toutefois persisté jusqu’à la fin de la réunion de la commission mixte paritaire, comme l’ont rappelé les précédents orateurs, à savoir la nomination du directeur général de SNCF Réseau, le gestionnaire des 30 000 kilomètres d’infrastructures ferroviaires de notre pays. Il s’agit ni plus ni moins que d’un recul des droits du Parlement, qu’il s’inflige paradoxalement lui-même ; on lui retire la faculté de s’opposer.
Permettez-moi de m’expliquer sur ce malentendu, voire cette incohérence : les députés de la majorité ont opposé au maintien de cette audition parlementaire l’argument du droit commun, puisque SNCF Réseau est filiale de la SNCF. Le rapporteur M. Euzet a fait valoir que « si l’on convenait d’une situation inverse, on établirait une sorte de double légitimité qui pourrait poser des difficultés en termes de gouvernance ». Pourtant, dans la phrase suivante, M. Euzet renvoie sur l’Autorité de régulation des transports pour s’assurer que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau. Vous saisissez le paradoxe, sinon la contradiction ! M. Euzet est sans nul doute un juriste reconnu, mais il méconnaît manifestement le nouveau pacte ferroviaire et les intenses discussions qui ont prévalu à ce sujet.
J’étais impliqué dans ce débat au cours duquel nous nous sommes collectivement battus, au Sénat, pour transformer huit ordonnances en un véritable texte de loi avec un véritable volet social. Cette question avait pourtant été fort bien expliquée dès la discussion générale du texte par le rapporteur pour avis Didier Mandelli.
De trois auditions, nous ne conservons qu’une. Si certains y voient une marque d’intégration du nouveau groupe ferroviaire, nous nous inquiétons de la fragilité de ce que la ministre Élisabeth Borne qualifiait elle-même de « muraille de Chine » qui devait s’ériger entre SNCF Réseau et les autres parties du groupe pour garantir son indépendance à l’heure de la fin du monopole et de l’ouverture à la concurrence. C’est au nom de cette indépendance que nous demandions de garder un droit de regard sur cette nomination, qui aurait permis de mettre de la distance dans la relation hiérarchique évidente entre la SNCF et SNCF Réseau, entre M. Luc Lallemand et M. Jean-Pierre Farandou, qui l’a nommé.
Cette question de l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure est au centre à la fois de nos débats et de l’avenir du système ferroviaire français. Je veux mettre en garde le Gouvernement contre une possible hâte en la matière, et lui suggérer de prendre le temps de réunir toutes les garanties et accords des parties, au premier titre celui de l’Autorité de régulation des transports, qui, comme de nombreux professionnels du secteur ou observateurs avisés, exprimait des doutes sur ces dispositions.
Le président de cette autorité, Bernard Roman, a d’ailleurs bien précisé que l’avis préalable des commissions parlementaires serait de nature à accroître l’indépendance et la légitimité des candidats retenus, et plus largement, de l’entreprise SNCF Réseau, en particulier au regard des autres entités de la SNCF.
Permettez-moi de citer mon collègue Jean-Pierre Sueur : « Pourquoi se donner tant de mal pour réduire les pouvoirs du Parlement ? Quel inconvénient y aurait-il à soumettre le directeur général de SNCF Réseau à la procédure du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution ? Chacun conviendra qu’il n’y avait rien de dramatique à voir chaque groupe politique, au sein des commissions parlementaires concernées, formuler une position. Si le vote devait être négatif, une autre personne serait pressentie. Serait-ce si grave ? »
Pour en revenir à ce qui nous réunit ce soir, ce texte n’était pas une priorité, mais il existe, et il a fait l’objet d’un accord. Le groupe socialiste et républicain le votera, car en matière de commission mixte paritaire, un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras ».