Intervention de Anne Gautier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 18 février 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur les retraites des agricultrices

Anne Gautier, agricultrice dans le Maine-et-Loire, vice-présidente de la Caisse centrale de la MSA et présidente de la MSA Maine-et-Loire :

On constate depuis quelques années une réelle prise de conscience de la nécessité d'un effort contributif pour la constitution de droits à la retraite. Il est essentiel de faire passer ce message : pour pouvoir recevoir, il faut avoir contribué. Le système universel de retraite, avec des points consultables sur le compte personnel de l'assuré, devrait améliorer la visibilité de leur futur niveau de pension, quel que soit leur statut.

Il est cependant dommage que le projet de loi ne traite pas des collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole, ni des aides familiales, ni des cotisants de solidarité. Afin d'améliorer à terme la retraite des conjoints d'exploitants, la MSA est favorable à une limitation dans le temps du statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole, qui n'offre que des droits limités à la retraite, non représentatifs de l'activité professionnelle exercée.

Nous avons réalisé le bilan des mesures prises dans le cadre de la loi relative aux retraites de janvier 2014 : 193 000 personnes ont accédé à la RCO, pour un gain moyen annuel de 380 euros, ce qui n'est pas négligeable compte tenu du niveau des retraites agricoles. L'attribution des points gratuits a principalement bénéficié aux femmes, puisqu'elles ont constitué 67 % des bénéficiaires. Par ailleurs, un quart des bénéficiaires du complément différentiel de RCO sont des femmes et l'attribution de cette prestation a représenté un gain annuel moyen de 500 euros.

Que vont devenir ces mesures dans le cadre de la nouvelle réforme ? Le projet dont nous avons été saisis prévoit une application à partir de la génération de 1975, avec une montée en charge progressive pour les liquidations à partir de 2037 ; de plus, les carrières constituées antérieurement à 2025 seraient calculées dans le cadre des règles actuelles : il y a donc tout lieu de penser que ces mesures s'appliqueront encore quelques années. Quant à la période de transition, le projet de loi renvoie à des ordonnances dont nous ignorons le contenu. Cela rend délicate l'évaluation des effets de la réforme, tant sur les droits des futurs retraités que sur son financement et sa gouvernance. C'est pourquoi la MSA a rendu avis défavorable à ce projet de loi.

Le recours au remplacement était de 56 % en 2018, avant la mise en place du congé de maternité unique. Au cours du premier semestre de 2019, 729 dossiers de congé maternité ont été déposés par les agricultrices auprès des caisses de MSA : 68 % ont bénéficié d'une allocation de remplacement maternité et 1 % de la nouvelle indemnité journalière forfaitaire. Cette très faible proportion s'explique notamment par la publication tardive du décret qui a fixé le montant de l'indemnité journalière à 55,51 euros, le 14 juin 2019. En outre, il s'agit de proposer prioritairement un remplacement, avant l'indemnité journalière. Il est apparu que 31 % des assurées n'ont pas été indemnisées : 6 % des femmes concernées ont refusé de déposer une demande de remplacement et 25 % d'entre elles ne remplissaient pas les conditions d'ouverture de droits. Mais au final, ce nouveau dispositif a permis à davantage d'agricultrices d'être indemnisées, puisque 69 % d'entre elles en ont bénéficié.

En ce qui concerne le recours au remplacement, nous n'avons pas de données actualisées.

S'agissant de l'amélioration de l'information des agricultrices sur leurs droits, la MSA a mis en place une procédure d'accompagnement des assurées dès la déclaration de grossesse, afin de les inciter à faire une demande d'allocation de remplacement maternité.

Le futur régime universel à points exige des carrières complètes, or les agricultrices rejoignent plus tard le métier. Certaines dispositions, notamment relatives à la période de transition, sont renvoyées à des ordonnances dont nous ignorons le contenu. Ce manque de précision complique l'évaluation de l'impact de la réforme sur les droits des futurs retraités, le financement du dispositif et sa gouvernance.

Comme le statut de collaborateur entraîne de la précarité pour les conjoints au moment de la liquidation de la retraite, la MSA souhaite limiter sa durée à cinq ans, à l'instar des personnes sous statut d'aide familial, conformément à la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. En cas de poursuite de l'activité professionnelle du conjoint, le chef d'exploitation inviterait, au terme de cinq années, à choisir entre le statut d'exploitant et celui de salarié, plus protecteurs. À défaut de déclaration, le conjoint serait réputé être salarié d'exploitant ou d'entreprise agricole, en conformité avec les dispositions de l'article 9 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte).

De nombreuses règles seront fixées par ordonnances, mais le système universel s'appliquera à partir de 2025 aux générations nées après 1975. Les droits acquis jusqu'en 2025 seront garantis à 100 %. Les personnes nées avant 1975 ne sont pas concernées par la réforme, et leur retraite sera liquidée selon les règles antérieures.

Pour l'accueil des jeunes enfants en milieu rural, la MSA a dépassé la phase expérimentale depuis 2010 et soutient des micro-crèches, des maisons d'assistantes maternelles (MAM) et des structures à horaires atypiques, conformément au dispositif « Accueil du jeune enfant » prévu par notre convention d'objectif et de gestion 2016-2020. Nous soutenons une centaine de projets : 60 micro-crèches, 52 MAM et 10 innovations. Nous vous enverrons ultérieurement le détail de ces projets.

Les assurés cotisent et se créent des droits dans la limite d'un plafond de Sécurité sociale ; le maximum des pensions est fixé à 50 % de ce plafond. La LURA ne fait pas perdre de droits aux assurées non salariées agricoles, car c'est une liquidation unique entre les régimes salariés et indépendants non agricoles. Seules les exploitantes agricoles ayant exercé des activités auprès d'au moins deux des régimes de salariés ou d'indépendants sont concernées par la LURA pour ces activités. Mais leurs droits à la retraite comme agricultrices ne sont pas modifiés.

Selon les travaux du Conseil d'orientation sur les retraites (COR), les règles d'assurance avantagent parfois les polypensionnés, qui peuvent cotiser plus de quatre trimestres par an, ou dont le coefficient de proratisation est supérieur à un, tous régimes confondus. Cela peut aussi les désavantager en raison de la validation d'années incomplètes du fait des effets de seuil, et selon les appréciations régime par régime. Cela concerne la période antérieure à la LURA, qui a bien amélioré le dispositif.

Dans le nouveau système de retraites universel, il faudra garantir le montant des droits, les règles de valorisation des périodes cotisées ou assimilées, la bonification pour enfants, prévoir la période de transition...

La LURA avait comme avantage de simplifier les démarches de liquidation et de calculer plus équitablement les périodes cotisées dans les différents régimes pour ne pas faire perdre de droits. Elle prenait comme base unique les salaires et les revenus, prémices du répertoire de gestion des carrières uniques en cours de construction.

Le projet de loi renforce ces objectifs de simplification et d'équité. Le compte personnel de carrière retracera l'intégralité des droits de chaque assuré. Les règles de gestion de la retraite du nouveau système seront précisées par ordonnances, décrets et conventions entre la Caisse nationale de retraite universelle et les régimes obligatoires y contribuant. Les règles antérieures continueront de s'appliquer pour les générations nées avant 1975. À partir de 1975, les droits acquis jusqu'en 2025 seront garantis à 100 % selon les anciennes règles ; ce sera un peu complexe...

Il y a quelques années, la Cour des comptes avait analysé les conséquences éventuelles d'un calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années, mais n'arrivait pas à se prononcer sur l'opportunité d'un tel changement, car de multiples scénarios étaient envisageables. Le nouveau système se fondant sur l'intégralité de la carrière, une telle hypothèse de calcul sur vingt-cinq ans n'est donc plus d'actualité.

Le montant des retraites agricoles étant très faible, une majoration unique de 5 % par enfant, dès le premier enfant, sur un tel montant, ne donnera pas grand-chose. Cette bonification serait accordée par défaut à la mère, qui peut la partager avec le père ; une majoration supplémentaire de 1 % serait accordée à chacun à partir du troisième enfant. Pour améliorer les retraites des femmes qui ont de faibles pensions, le projet de loi devrait plutôt prévoir un forfait de points identique, quel que soit le montant de la pension. Ce système serait plus redistributif, et donnerait les mêmes droits à tous, quels que soient les revenus de l'assuré et son parcours professionnel. Souvent, ces femmes ont touché de faibles revenus et ont eu plus de difficultés à élever leurs enfants - ce ne serait donc que justice.

Les conditions d'attribution de la pension de réversion sont identiques entre le régime général et celui des agriculteurs. Mais en 2014, la réforme des retraites prévoyait un rapport sur les ressources en matière de réversion, qui n'a jamais été présenté. Or les régimes prennent en compte les avantages viagers et des éléments patrimoniaux, qui peuvent exclure certains assurés. La réforme maintient le principe d'une réversion. Celle-ci sera attribuée au conjoint survivant à partir de 55 ans, à hauteur de 70 % des points acquis par le couple, sans condition de ressources. C'est plus lisible que le système actuel. Le futur dispositif ne s'appliquera qu'aux conjoints survivants des personnes décédées ayant basculé dans le nouveau système de retraite, et donc nées après 1975, soit à partir de 2037. Pour les conjoints de personnes décédées nées avant 1975, les règles actuelles de réversion s'appliqueront.

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