Nous poursuivons ce soir nos travaux sur les retraites des femmes.
Afin d'inscrire notre délégation dans les réflexions en cours sur la réforme des retraites, qui nous concerne compte tenu de ses conséquences controversées sur la situation des femmes, nous avons désigné une équipe de quatre rapporteures représentative de la diversité politique de notre assemblée : Laurence Cohen, Laure Darcos, Françoise Laborde et Michelle Meunier.
Notre délégation attache une importance particulière à la question des retraites des agricultrices. En juillet 2017, nous avons publié un rapport sur les agricultrices intitulé Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires, qui continue à vivre, près de trois ans après sa publication. Il avait été porté à l'époque par une équipe de six rapporteurs représentant toutes les familles politiques du Sénat, dont je faisais partie, de même que mes collègues Françoise Laborde et Marie-Pierre Monier.
Ce rapport s'était, entre autres sujets, intéressé à la question de la retraite des agricultrices, dont le montant particulièrement modeste nous avait interpellés. Lors de son audition, Christiane Lambert, qui venait tout juste d'être élue présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), avait ainsi qualifié les retraites des agricultrices les plus âgées de « scandaleusement basses ».
Le 4 avril 2017, nous avons reçu ici même, pour une table ronde sur les questions sociales, un panel d'interlocuteurs, dont beaucoup sont présents aujourd'hui pour nous éclairer sur la situation des agricultrices et les effets de la réforme des retraites.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie de vous être rendus disponibles pour venir nous aider à actualiser les constats réalisés en 2017 et nous éclairer sur la situation des agricultrices trois ans après notre travail. Nous avons besoin de vous aussi pour essayer d'y voir plus clair sur les résultats prévisibles de la réforme en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Je vais, si vous le voulez bien, vous présenter dans l'ordre envisagé pour votre prise de parole.
M. Olivier Cunin, sous-directeur du travail et de la protection sociale au ministère de l'agriculture, est accompagné de Mme Rose-Marie Nicolas, cheffe du bureau des prestations sociales agricoles. Mme Anne Gautier est agricultrice en Maine-et-Loire, vice-présidente de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) et présidente de la MSA Maine-et-Loire ; elle est accompagnée de M. Christophe Simon, responsable des relations avec le Parlement et de Mme Christine Dupuy, directrice de la réglementation, à la Caisse centrale de la MSA. Mme Jacqueline Cottier est agricultrice dans le Maine-et-Loire et présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA ; elle est accompagnée de Mme Catherine Guerrauld, agricultrice dans la Manche. Mme Catherine Laillé est éleveuse dans la Loire-Atlantique et présidente de la section Agricultrices de la Coordination rurale nationale ; elle est accompagnée de Mme Yvette Lainé, éleveuse dans l'Orne et vice-présidente de la Coordination rurale nationale, chargée des questions sociales. Enfin, Mme Véronique Marchesseau est paysanne dans le Morbihan et secrétaire générale de laConfédération paysanne, chargée du pôle social ; elle est accompagnée de Mme Aurélie Bouton.
On sait que les retraites des agriculteurs sont parmi les plus basses de notre pays, puisqu'elles sont 2,5 fois plus faibles que la moyenne. On sait aussi que celles des agricultrices sont encore plus basses : les personnes auditionnées il y a trois ans les estimaient à 550 euros par mois en moyenne. L'une de nos recommandations visait justement à faire en sorte qu'aucune retraite agricole ne soit inférieure au minimum vieillesse.
Les causes de cette situation sont multiples et connues : la question des agricultrices sans statut ; la surreprésentation, parmi les agricultrices retraitées, des conjointes collaboratrices, qui ne cotisent à la retraite proportionnelle que depuis 1999, et sur une assiette de cotisations limitée ; le fait que les conjointes collaboratrices ne cotisent à la retraite complémentaire obligatoire (RCO) que depuis 2011 ; l'accès plus tardif pour les femmes que pour les hommes au statut de chef d'exploitation. Quels sont aujourd'hui les principaux constats statistiques concernant la retraite des agricultrices ? Des évolutions ont-elles été constatées depuis 2017 ?
Nous avions également noté, à l'époque de l'élaboration de ce rapport, une certaine réticence du monde agricole à l'égard des cotisations : on sait combien il est difficile de cotiser quand on n'a que de tout petits revenus. L'une de nos recommandations visait donc à rendre obligatoire l'information des conjointes collaboratrices sur les cotisations de retraite effectivement payées par le chef d'exploitation, qui est souvent leur mari. Il s'agissait d'éviter toute mauvaise surprise au moment de la liquidation des droits, d'une éventuelle séparation ou d'un décès prématuré. La situation est-elle sur ce point en voie d'amélioration ?
Selon les informations transmises par la MSA lors de l'élaboration de notre rapport de 2017, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, dite loi Touraine, avait revalorisé la situation des agricultrices en faisant accéder 256 000 femmes au régime complémentaire ou RCO. Le gain annuel pour ces retraitées avait été évalué, en 2017, à 377 euros.
L'attribution de points gratuits de RCO avait par ailleurs principalement bénéficié à des femmes, qui représentaient 72 % des bénéficiaires : 340 300 femmes, dont 149 300 veuves.
De même, on avait évalué à 59 000 le nombre de femmes bénéficiaires de l'attribution d'un complément différentiel permettant d'atteindre progressivement une retraite égale à 75 % du SMIC pour une carrière complète de chef d'exploitation. L'augmentation annuelle permise par cette mesure était estimée à 491 euros.
Quel bilan peut-on tirer aujourd'hui de ces améliorations ? Que vont devenir ces mesures avec la réforme ? Comment se règlera la période de transition ?
Par ailleurs, quelles sont les conséquences pour les agricultrices de la mise en place du congé maternité unique ? La proportion d'agricultrices en bénéficiant a-t-elle augmenté, sachant que le pourcentage était de 58 % en 2017 ? Des progrès ont-ils été constatés en matière d'adéquation de l'offre aux besoins de remplacement - c'était le principal frein constaté en 2017 ? La proportion de prestations de remplacement liées à la maternité n'était que de 20 % en 2017, contre 35 % pour la maladie et l'accident : cette proportion a-t-elle augmenté depuis ?
Enfin, quid de l'amélioration de l'information des agricultrices sur leurs droits ? Ce point faisait partie des recommandations de la délégation en 2017.
Quelles seront les conséquences du futur système universel à points et de l'exigence de carrières complètes pour les agricultrices, dont on sait qu'elles rejoignent souvent ce métier plus tard que les hommes ?
De manière générale, selon les informations transmises il y a trois ans à notre délégation par le ministère, seulement 31 % des agriculteurs et agricultrices totalisaient une durée d'assurance d'au moins 150 trimestres, soit 37,5 ans. L'exigence de carrière complète, qui va de pair avec la réforme, ne va-t-elle pas aggraver encore la faiblesse des retraites agricoles ?
Les solutions d'accueil des jeunes enfants en milieu rural ont-elles connu des évolutions récentes ? Le rapport de nos collègues fait état d'expérimentations conduites par la MSA concernant les micro-crèches, les maisons d'assistantes maternelles et les structures à horaires atypiques, qui peuvent être particulièrement adaptées aux contraintes du monde agricole. Ce point est important compte tenu des contraintes des métiers de l'agriculture.
Lors de la publication du rapport de notre délégation sur les agricultrices, en juillet 2017, la réforme de la liquidation unique des retraites des régimes alignés (LURA) venait d'entrer en vigueur. Il s'agissait, à des fins de simplification, de calculer la pension de retraite des polypensionnés comme si l'assuré avait cotisé à un seul régime, le calcul de ses droits à pension étant effectué par la dernière caisse à laquelle il ou elle avait été affilié. Dans ce rapport, la délégation avait exprimé la crainte que cette réforme ne se traduise par une baisse des retraites pour certaines agricultrices, relativement nombreuses parmi les polypensionnés. En effet, la retraite totale est soumise dans le nouveau système au plafond de la sécurité sociale - alors 39 228 euros annuels -, ce qui n'était pas le cas précédemment. Un article du Figaro avait même évalué à l'époque la proportion des perdants à environ deux tiers des polypensionnés. Qu'en est-il aujourd'hui ? Les conséquences de cette mesure sont-elles mieux connues ? Que deviendra cette liquidation unique avec le système des points ?
Vous le voyez, nous nourrissons notre travail d'aujourd'hui du rapport d'il y a trois ans, dans lequel nous avions constaté les énormes difficultés des agricultrices. Il est particulièrement important pour nous d'établir un nouveau bilan de la situation des agricultrices et des effets qu'aura la réforme sur leurs retraites. Parmi les pistes évoquées il y a trois ans avec nos interlocutrices et interlocuteurs pour améliorer les retraites des agricultrices, plusieurs points avaient émergé.
Il avait ainsi été question d'éliminer les plus mauvaises années et de ne retenir que les vingt-cinq meilleures années, ce qui serait plus cohérent avec les aléas propres au monde agricole. Le ministère avait évoqué cette orientation en 2017 ; or la réforme actuelle suppose des carrières complètes. Qu'en pensez-vous ?
L'idée d'une bonification forfaitaire pour enfant, pour les parents de trois enfants, avait été portée ici même, il y a trois ans, par la représentante de la MSA. Elle reposait sur le constat que le montant des retraites agricoles était trop faible pour qu'une méthode de calcul proportionnelle soit avantageuse, a fortiori avec une bonification fiscalisée. Or, avec la réforme, on s'oriente vers une bonification de 5 % dès le premier enfant. Il me semble que les réserves exprimées il y a trois ans sont encore plus fondées avec 5 % dès le premier enfant qu'avec 10 % à la troisième naissance. Qu'en pensez-vous ?
S'agissant de la réversion, nos interlocuteurs de l'époque avaient déploré les conséquences de plafonds de revenu extrêmement bas, privant de réversion les conjoints survivants disposant d'une retraite complémentaire même modeste. Ces conditions restrictives étaient considérées comme une injustice de plus. Nous avions donc recommandé la mise à l'étude d'un alignement des conditions d'accès à la réversion sur celles du droit commun. Les choses ont-elles évolué depuis ? Quelles perspectives la réforme ouvre-t-elle en ce domaine ?
Notre présentation permettra d'actualiser le constat sur la situation des agricultrices retraitées que nous avions réalisé en 2017, sur la base des chiffres connus au 31 décembre 2018. Nous vous présenterons également un bilan de la situation des agricultrices actuellement en activité.
Le régime de base agricole compte aujourd'hui 1,3 million de retraités agricoles, dont 760 000 femmes. Elles sont plus nombreuses que les hommes en raison de la réversion - les titulaires d'un droit de réversion sont à 90 % des femmes. Leur âge moyen est de 80 ans ; 54 % d'entre elles ont plus de 80 ans. Sur ces 760 000 retraitées du régime agricole, 360 000 sont également titulaires de la RCO, soit 47 % - alors que 55 % des hommes sont dans cette situation.
Le nombre de polypensionnés est particulièrement important en agriculture : 75 % des retraités hommes sont polypensionnés. La situation des femmes est un peu différente : sur les 760 000 femmes retraitées, 15 % sont monopensionnées, 8 % sont pensionnées du régime agricole avec une réversion en provenance d'un autre régime, 66 % sont polypensionnées - soit 500 000 femmes - et 10 % n'ont pas travaillé dans l'agriculture, mais touchent une pension de réversion du régime agricole.
S'agissant des montants de pension, qui intègrent les revalorisations issues de la loi Touraine sur la RCO, on observe que les pensions des hommes sont supérieures aux pensions des femmes, sauf en ce qui concerne les pensions de réversion. La pension moyenne d'une femme polypensionnée serait de 1 115 euros par mois ; si son activité était principalement agricole, la pension moyenne serait de 1 027 euros par mois ; si son activité était principalement non agricole, elle s'établirait à 1 225 euros par mois.
Dans le cas d'une carrière complète pour une femme monopensionnée - elles sont 90 000 dans ce cas -, le montant moyen de la retraite est de 684 euros par mois, contre 922 euros pour un homme. En cas de carrière incomplète - les femmes sont 20 000 dans ce cas -, la pension moyenne est de 368 euros par mois pour une femme et de 579 euros par mois pour un homme.
Les dispositions de la loi Touraine ont concerné 300 000 femmes, pour un gain moyen annuel de 363 euros. Quant au complément différentiel, il a concerné 54 000 femmes pour un gain moyen de 498 euros.
Les explications sont connues et vous les avez rappelées : les statuts sont arrivés tardivement, l'entrée dans la profession est plus tardive, les agricultrices sont souvent sous le statut de conjoint collaborateur, et il existe un effet lié au niveau de revenu.
Venons-en à la situation des agricultrices en activité. Souvenons-nous que les femmes ont toujours été présentes sur les exploitations agricoles, mais que la reconnaissance de leur travail a été tardive. Elle est passée par l'évolution des statuts, avec la création en 1980 du statut de co-exploitant et en 1999 de celui de conjoint collaborateur. Elle est passée aussi par l'évolution des entreprises, avec la création de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en 1985 et la possibilité de faire un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) entre époux à partir de 2010.
On compte aujourd'hui 450 000 chefs d'exploitation agricole, dont 110 000 femmes. Ce pourcentage d'un quart de femmes est resté relativement stable sur les dix dernières années. Ces femmes dirigent ou codirigent 30 % des exploitations et entreprises agricoles, alors que ce pourcentage n'était que de 8 % en 1970.
En 2018, 16 000 nouveaux chefs d'exploitation se sont installés, dont 35 % de femmes. Parmi ces 5 800 nouvelles installées, une majorité a moins de 40 ans, 34 % a plus de 40 ans et 14 % accèdent au statut par transfert de l'époux, le plus souvent au moment de la retraite de ce dernier.
L'immense majorité des conjoints collaborateurs sont des femmes : elles sont 21 200 sur 26 000. Cela représente 15 % du total des conjointes de chefs d'exploitation hommes. Depuis dix ans, on constate une érosion de ce statut.
Globalement, on constate une érosion démographique des chefs d'exploitation - hommes et femmes confondus -, qui sont passés de 520 000 à 450 000 en dix ans. Quant aux membres de famille - conjoints collaborateurs et aides familiaux -, ils sont passés de 56 000 à 30 000. Cela pose la question de l'évolution du statut de conjoint collaborateur.
Concernant les femmes, les proportions demeurent stables : elles représentent un quart des chefs d'exploitation et 80 % des conjoints collaborateurs.
L'âge moyen des femmes chefs d'exploitation est de 52 ans, contre 48 ans pour les hommes, et 20 % d'entre elles ont plus de 60 ans. Elles sont présentes dans tous les secteurs d'activité : 16 % dans l'élevage de bovins et le lait, 17 % dans les cultures céréalières et industrielles, 13 % dans les cultures et élevages non spécialisés et 12 % dans la viticulture. Elles sont également très implantées dans la filière cheval, mais pas du tout dans d'autres secteurs tels que l'exploitation de bois, les entreprises paysagistes, la sylviculture et les entreprises de travaux agricoles, qui restent très masculins.
S'agissant des structures juridiques, 62 % des femmes exercent leur activité dans une entreprise sociétaire - alors que ce n'est le cas que de 57 % des hommes - et 38 % sous forme individuelle. Les revenus professionnels des femmes, calculés sur l'assiette sociale, sont en moyenne inférieurs de 30 % à ceux des hommes.
On constate depuis quelques années une réelle prise de conscience de la nécessité d'un effort contributif pour la constitution de droits à la retraite. Il est essentiel de faire passer ce message : pour pouvoir recevoir, il faut avoir contribué. Le système universel de retraite, avec des points consultables sur le compte personnel de l'assuré, devrait améliorer la visibilité de leur futur niveau de pension, quel que soit leur statut.
Il est cependant dommage que le projet de loi ne traite pas des collaborateurs d'exploitation ou d'entreprise agricole, ni des aides familiales, ni des cotisants de solidarité. Afin d'améliorer à terme la retraite des conjoints d'exploitants, la MSA est favorable à une limitation dans le temps du statut de conjoint collaborateur d'exploitation ou d'entreprise agricole, qui n'offre que des droits limités à la retraite, non représentatifs de l'activité professionnelle exercée.
Nous avons réalisé le bilan des mesures prises dans le cadre de la loi relative aux retraites de janvier 2014 : 193 000 personnes ont accédé à la RCO, pour un gain moyen annuel de 380 euros, ce qui n'est pas négligeable compte tenu du niveau des retraites agricoles. L'attribution des points gratuits a principalement bénéficié aux femmes, puisqu'elles ont constitué 67 % des bénéficiaires. Par ailleurs, un quart des bénéficiaires du complément différentiel de RCO sont des femmes et l'attribution de cette prestation a représenté un gain annuel moyen de 500 euros.
Que vont devenir ces mesures dans le cadre de la nouvelle réforme ? Le projet dont nous avons été saisis prévoit une application à partir de la génération de 1975, avec une montée en charge progressive pour les liquidations à partir de 2037 ; de plus, les carrières constituées antérieurement à 2025 seraient calculées dans le cadre des règles actuelles : il y a donc tout lieu de penser que ces mesures s'appliqueront encore quelques années. Quant à la période de transition, le projet de loi renvoie à des ordonnances dont nous ignorons le contenu. Cela rend délicate l'évaluation des effets de la réforme, tant sur les droits des futurs retraités que sur son financement et sa gouvernance. C'est pourquoi la MSA a rendu avis défavorable à ce projet de loi.
Le recours au remplacement était de 56 % en 2018, avant la mise en place du congé de maternité unique. Au cours du premier semestre de 2019, 729 dossiers de congé maternité ont été déposés par les agricultrices auprès des caisses de MSA : 68 % ont bénéficié d'une allocation de remplacement maternité et 1 % de la nouvelle indemnité journalière forfaitaire. Cette très faible proportion s'explique notamment par la publication tardive du décret qui a fixé le montant de l'indemnité journalière à 55,51 euros, le 14 juin 2019. En outre, il s'agit de proposer prioritairement un remplacement, avant l'indemnité journalière. Il est apparu que 31 % des assurées n'ont pas été indemnisées : 6 % des femmes concernées ont refusé de déposer une demande de remplacement et 25 % d'entre elles ne remplissaient pas les conditions d'ouverture de droits. Mais au final, ce nouveau dispositif a permis à davantage d'agricultrices d'être indemnisées, puisque 69 % d'entre elles en ont bénéficié.
En ce qui concerne le recours au remplacement, nous n'avons pas de données actualisées.
S'agissant de l'amélioration de l'information des agricultrices sur leurs droits, la MSA a mis en place une procédure d'accompagnement des assurées dès la déclaration de grossesse, afin de les inciter à faire une demande d'allocation de remplacement maternité.
Le futur régime universel à points exige des carrières complètes, or les agricultrices rejoignent plus tard le métier. Certaines dispositions, notamment relatives à la période de transition, sont renvoyées à des ordonnances dont nous ignorons le contenu. Ce manque de précision complique l'évaluation de l'impact de la réforme sur les droits des futurs retraités, le financement du dispositif et sa gouvernance.
Comme le statut de collaborateur entraîne de la précarité pour les conjoints au moment de la liquidation de la retraite, la MSA souhaite limiter sa durée à cinq ans, à l'instar des personnes sous statut d'aide familial, conformément à la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. En cas de poursuite de l'activité professionnelle du conjoint, le chef d'exploitation inviterait, au terme de cinq années, à choisir entre le statut d'exploitant et celui de salarié, plus protecteurs. À défaut de déclaration, le conjoint serait réputé être salarié d'exploitant ou d'entreprise agricole, en conformité avec les dispositions de l'article 9 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte).
De nombreuses règles seront fixées par ordonnances, mais le système universel s'appliquera à partir de 2025 aux générations nées après 1975. Les droits acquis jusqu'en 2025 seront garantis à 100 %. Les personnes nées avant 1975 ne sont pas concernées par la réforme, et leur retraite sera liquidée selon les règles antérieures.
Pour l'accueil des jeunes enfants en milieu rural, la MSA a dépassé la phase expérimentale depuis 2010 et soutient des micro-crèches, des maisons d'assistantes maternelles (MAM) et des structures à horaires atypiques, conformément au dispositif « Accueil du jeune enfant » prévu par notre convention d'objectif et de gestion 2016-2020. Nous soutenons une centaine de projets : 60 micro-crèches, 52 MAM et 10 innovations. Nous vous enverrons ultérieurement le détail de ces projets.
Les assurés cotisent et se créent des droits dans la limite d'un plafond de Sécurité sociale ; le maximum des pensions est fixé à 50 % de ce plafond. La LURA ne fait pas perdre de droits aux assurées non salariées agricoles, car c'est une liquidation unique entre les régimes salariés et indépendants non agricoles. Seules les exploitantes agricoles ayant exercé des activités auprès d'au moins deux des régimes de salariés ou d'indépendants sont concernées par la LURA pour ces activités. Mais leurs droits à la retraite comme agricultrices ne sont pas modifiés.
Selon les travaux du Conseil d'orientation sur les retraites (COR), les règles d'assurance avantagent parfois les polypensionnés, qui peuvent cotiser plus de quatre trimestres par an, ou dont le coefficient de proratisation est supérieur à un, tous régimes confondus. Cela peut aussi les désavantager en raison de la validation d'années incomplètes du fait des effets de seuil, et selon les appréciations régime par régime. Cela concerne la période antérieure à la LURA, qui a bien amélioré le dispositif.
Dans le nouveau système de retraites universel, il faudra garantir le montant des droits, les règles de valorisation des périodes cotisées ou assimilées, la bonification pour enfants, prévoir la période de transition...
La LURA avait comme avantage de simplifier les démarches de liquidation et de calculer plus équitablement les périodes cotisées dans les différents régimes pour ne pas faire perdre de droits. Elle prenait comme base unique les salaires et les revenus, prémices du répertoire de gestion des carrières uniques en cours de construction.
Le projet de loi renforce ces objectifs de simplification et d'équité. Le compte personnel de carrière retracera l'intégralité des droits de chaque assuré. Les règles de gestion de la retraite du nouveau système seront précisées par ordonnances, décrets et conventions entre la Caisse nationale de retraite universelle et les régimes obligatoires y contribuant. Les règles antérieures continueront de s'appliquer pour les générations nées avant 1975. À partir de 1975, les droits acquis jusqu'en 2025 seront garantis à 100 % selon les anciennes règles ; ce sera un peu complexe...
Il y a quelques années, la Cour des comptes avait analysé les conséquences éventuelles d'un calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années, mais n'arrivait pas à se prononcer sur l'opportunité d'un tel changement, car de multiples scénarios étaient envisageables. Le nouveau système se fondant sur l'intégralité de la carrière, une telle hypothèse de calcul sur vingt-cinq ans n'est donc plus d'actualité.
Le montant des retraites agricoles étant très faible, une majoration unique de 5 % par enfant, dès le premier enfant, sur un tel montant, ne donnera pas grand-chose. Cette bonification serait accordée par défaut à la mère, qui peut la partager avec le père ; une majoration supplémentaire de 1 % serait accordée à chacun à partir du troisième enfant. Pour améliorer les retraites des femmes qui ont de faibles pensions, le projet de loi devrait plutôt prévoir un forfait de points identique, quel que soit le montant de la pension. Ce système serait plus redistributif, et donnerait les mêmes droits à tous, quels que soient les revenus de l'assuré et son parcours professionnel. Souvent, ces femmes ont touché de faibles revenus et ont eu plus de difficultés à élever leurs enfants - ce ne serait donc que justice.
Les conditions d'attribution de la pension de réversion sont identiques entre le régime général et celui des agriculteurs. Mais en 2014, la réforme des retraites prévoyait un rapport sur les ressources en matière de réversion, qui n'a jamais été présenté. Or les régimes prennent en compte les avantages viagers et des éléments patrimoniaux, qui peuvent exclure certains assurés. La réforme maintient le principe d'une réversion. Celle-ci sera attribuée au conjoint survivant à partir de 55 ans, à hauteur de 70 % des points acquis par le couple, sans condition de ressources. C'est plus lisible que le système actuel. Le futur dispositif ne s'appliquera qu'aux conjoints survivants des personnes décédées ayant basculé dans le nouveau système de retraite, et donc nées après 1975, soit à partir de 2037. Pour les conjoints de personnes décédées nées avant 1975, les règles actuelles de réversion s'appliqueront.
agricultrice dans le Maine-et-Loire, présidente de la Commission nationale des agricultrices de la FNSEA, membre du Conseil économique, social et environnemental de 2015 à 2020. - Le nombre d'agricultrices concernées par le statut de conjoint collaborateur a diminué de moitié en dix ans. Les agricultrices relèvent donc aujourd'hui d'un statut plus protecteur. Nous plaidons également pour que ce statut soit limité dans le temps - en début de carrière surtout - à cinq ans. Sinon, la carrière en sera pénalisée, mais également la retraite, qui est un héritage du parcours professionnel. Ce statut, transitoire, permettra aux intéressées de s'assurer que leur projet professionnel prend forme et est viable. Nous attendons beaucoup de la loi Pacte. Les agricultrices travaillent pour le développement de leur exploitation, mais elles n'ont pas de statut social. Qu'on leur attribue le statut soit de salariée, soit d'exploitante agricole ! Ce serait plutôt positif, malgré les obligations qui en résultent. Les aléas de la vie, comme un veuvage ou une séparation, ont des conséquences dramatiques pour les agricultrices. Cela leur assurerait une forme de protection.
Le congé maternité est une avancée pour les agricultrices, avec un reste à charge nul. Auparavant, cet aspect financier était un frein pour certaines. La MSA, qui réalise un bon travail de communication, a analysé les refus qui ont dû être opposés à certaines demandes. Des agricultrices se sont vu refuser une indemnisation, car elles n'avaient pas de statut et ne pouvaient donc entrer dans le dispositif ; c'est la règle, mais c'est désolant que ces femmes travaillent sans statut.
La bonification pour enfant devrait selon nous être forfaitaire, même si l'attribuer dès le premier enfant est une avancée.
Les pensions de réversion suscitent de nombreuses attentes : certaines veuves sont dans une situation délicate. La réforme pourrait améliorer leur sort, avec un taux de 70 % au lieu de 50 % actuellement. Mais il va falloir du temps avant que les intéressées puissent en bénéficier.
Avant toute chose, l'agricultrice doit avoir un statut pour bien démarrer dans sa vie professionnelle, même si elles sont encore une certaine proportion à entrer plus tard que les hommes dans cette profession. Mais aujourd'hui, les agricultrices ont en général choisi ce métier en connaissance de cause, et l'installation de ces jeunes femmes est en bonne voie. Je suis rassurée lorsque je vois les chiffres. Ces agricultrices doivent percevoir des revenus dignes de ce nom, dans la durée.
Venue à plusieurs reprises au Sénat depuis 2017, j'ai beaucoup apprécié le travail de votre délégation. Il est important d'évoquer les retraites des agricultrices. Que la moyenne des retraites pour elles soit de 570 euros est indécent, et je parle autant des retraitées actuelles que de celles à venir...
Si nous devons changer quelque chose, c'est maintenant ! Le constat est connu. Nous avons émis des propositions et effectué le bilan des quarante recommandations du rapport que vous avez publié en 2017. Sur les retraites, il ne s'est malheureusement rien passé.
Avec la loi Pacte, le mari agriculteur est obligé de déclarer sa femme comme collaboratrice. La MSA dispose-t-elle de chiffres précis ? On évoquait 5 000 agricultrices sans statut : sont-elles moins nombreuses désormais ?
Il en reste toujours...
C'était une demande importante il y a trois ans : nous voulions que ce statut soit temporaire. Cinq ans, c'est la durée maximale du statut d'aide familial. Au bout de cinq ans, un vrai statut est choisi. Nous améliorerons les conditions de retraite par l'amélioration des statuts. Nous ne sommes pas « conjointes de », nous sommes agricultrices. Valorisons-nous ! Actuellement, les jeunes agricultrices qui s'installent choisissent plus facilement le statut de chef d'exploitation. Il y a eu des avancées depuis trois ans, par rapport à l'époque de la publication de votre rapport.
Notre priorité, c'est que les agricultrices déjà retraitées touchent 85 % du SMIC, soit 1 040 euros - l'équivalent du seuil de pauvreté. Le fait que les revenus agricoles soient faibles n'est pas la faute des agriculteurs, qui travaillent beaucoup, mais qui subissent les conséquences des crises agricoles ! La loi de 2003 devait en principe porter progressivement ce seuil de 75 % à 85 % du SMIC, mais elle n'est toujours pas appliquée, alors qu'elle a été votée par le Parlement ! C'est ahurissant et insupportable. Les agricultrices prenant demain leur retraite devraient pouvoir toucher 100 % du SMIC pour une carrière entière, elles ont travaillé tous les jours, même parfois sans revenu en cas de crise agricole... Elles méritent leurs 1 200 euros. Nous ne pouvons demander moins ! Les syndicats de salariés n'accepteraient pas ces chiffres au rabais.
Il faut par ailleurs conserver les 10 % de majoration pour le troisième enfant, même si la bonification de 5 % dès le premier enfant est une bonne chose.
S'agissant du partage des 5 % de bonification entre les parents, il y a des arbitrages à faire entre l'homme et la femme. Cette réforme pourrait être l'occasion de réduire les inégalités entre hommes et femmes. Car même si les jeunes générations évoluent, les femmes s'occupent toujours davantage des enfants que les hommes.
Quant aux pensions de réversion, il ne faudrait surtout pas les supprimer. Il faut séparer les revenus du travail et les autres et rehausser le plafond.
Il faudrait revoir la fiscalité. J'ai entendu dire que les agriculteurs ont une grande réticence à l'égard des cotisations sociales : ce n'est pas complètement faux. Mais il faut savoir ce qu'on veut et trouver le curseur d'équilibre entre investissements et cotisations... Les arbitrages peuvent être difficiles.
Reste la question de savoir comment financer tout cela. Enfin, ces changements ne doivent pas avoir lieu en 2025 ou en 2022, mais bien en 2020. C'est maintenant que tout se joue ! Le président de la République a fait de l'égalité entre femmes et hommes une priorité, il faut donc avoir le courage d'agir vite, d'autant plus qu'il ne s'agit finalement que d'un rattrapage !
Les médias avaient malheureusement très mal expliqué le fonctionnement de la TVA sociale : ce serait pourtant une bonne solution. Une hausse de TVA équivaut à une baisse des charges et permettrait de conserver le prix des produits agricoles français inchangés au plan national, mais de rendre leur prix à l'export plus compétitif, tout en taxant les importations, qui aujourd'hui ne financent en rien la protection sociale.
éleveuse dans l'Orne, vice-présidente de la Coordination rurale, en charge des questions sociales. - Nous notons une nette amélioration concernant le congé maternité. Ce qui nous cause du souci, ce sont les femmes qui, faute d'un revenu correct, préfèrent les 55 euros d'indemnité journalière au remplacement. De ce fait elles doivent travailler pendant leur congé, alors que le but est bien le repos de la mère, pour son bien et celui de l'enfant. Le problème est aussi que les services de remplacement ne montent qu'à 35 heures, alors que dans les faits, les agricultrices travaillent plutôt 50 à 70 heures par semaine. Point positif : en Savoie, une femme a obtenu de la MSA deux remplaçants à temps plein, en cohérence avec un temps de travail déclaré de 70 heures : c'est un progrès. Dans des situations comparables, nous avions obtenu le remplacement de femmes par trois salariés se relayant entre les jours de semaine et les week-ends. Il serait bon de faire monter le remplacement à 70 heures.
La pénibilité doit aussi être prise en compte, en particulier dans l'élevage. Un éleveur ne prend pas cinq semaines de congés. Avec les samedis, dimanches et jours fériés, il travaille déjà quinze semaines de plus par an. Comme il travaille 50 heures - et je suis modeste, c'est plus en réalité - il faut rajouter au minimum sept semaines supplémentaires : il finit par totaliser 22 semaines de déficit de repos par an. Au bout de 32 ans, il aura travaillé 13 ans de plus qu'un salarié ! Nous demandons un départ anticipé, comme les marins-pêcheurs.
Premier principe : il faut d'abord des prix rémunérateurs, pour que les agriculteurs puissent payer les cotisations sociales. S'ils ont des difficultés pour payer la MSA, c'est qu'il y a des problèmes de revenu dans les fermes.
Il faut aussi réformer les outils fiscaux qui réduisent artificiellement l'assiette des cotisations sociales, comme l'exonération des plus-values professionnelles et les amortissements dégressifs. Tant qu'ils existeront, les paysans ne contribueront pas suffisamment. Il faut des cotisations justes, adaptées au revenu, pour financer des prestations de qualité.
Nous déplorons que la revalorisation des pensions actuelles ne soit pas à l'ordre du jour. La faiblesse des pensions s'explique par différents facteurs : des carrières incomplètes à cause de périodes non cotisées ; des « sous-statuts » qui concernent tout particulièrement les femmes ; des revenus dont on connaît la faiblesse ; des cotisants solidaires qui n'ont pas cotisé ; des exonérations de cotisation pour les paysans et paysannes d'outre-mer qui n'ont pas été compensées par l'État, ce qui abaisse encore plus leur niveau de pensions.
Actuellement les personnes aux carrières incomplètes qui partent avant l'âge de retraite à taux plein - 67 ans - sont très pénalisées : elles n'ont pas droit aux points gratuits de retraite complémentaire obligatoire et de complément différentiel de RCO (CDRCO) qui permettent d'atteindre 75 % du Smic, et n'ont pas accès à la pension majorée de référence (PMR), dont les conditions d'accès sont complexes, ce qui explique que la MSA fasse régulièrement des erreurs de calcul.
Pour améliorer ces retraites, il faudrait augmenter les points de retraites proportionnels pour tous, y compris pour les femmes et les personnes à la carrière incomplète. C'est une mesure d'urgence. Cela ne permettra pas d'atteindre 75 % du Smic, mais les retraites seront un peu moins indécentes.
Nous demandons aussi l'alignement des conditions d'accès à la pension minimale de référence sur le minimum contributif (MICO) qui existe pour les salariés et la suppression des distinctions de statuts. Nous demandons enfin la revalorisation de la pension des anciens chefs d'exploitation à 85 % du SMIC.
Le système actuel a de nombreux défauts, mais il a une qualité : il est redistributif pour le bas du barème. Le projet de réforme, avec son principe des droits identiques pour un euro cotisé, serait moins équitable : il reproduirait les inégalités de la vie active dans les retraites.
La promesse d'une retraite de carrière compète à 85 % du SMIC est un leurre : elle incitera les paysans à réduire leurs revenus pour payer moins de cotisations. Dans ce cas, s'ils n'atteignent pas une carrière complète, ils auront des droits acquis très faibles.
La bonification proportionnelle pour les enfants ne nous satisfait pas du tout. Elle favorisera les hauts revenus et a toutes les chances d'être attribuée aux hommes, dont les revenus sont le plus souvent plus élevés.
Sur la réversion, la réforme nous surprend : elle maintient un système patriarcal et matrimonial qui ne correspond plus du tout à la société actuelle en excluant les couples non mariés.
Quant au statut de conjoint, c'est est un « sous-statut » qui doit être supprimé ou, au moins, limité dans le temps, comme celui d'aide familial. Le statut de cotisant solidaire doit être réservé aux situations d'installation progressive ou de pluriactivité.
Enfin, l'accès au congé maternité n'est pas assez connu. Nous avons rédigé et distribué un livret pour remédier à ce défaut d'information. C'est un droit, il faut faire en sorte que davantage de femmes puissent en bénéficier. À cet effet, un accompagnement au service de remplacement est indispensable. Il est difficile de trouver un remplaçant qui puisse assurer la totalité des tâches qui incombent aux femmes. Par exemple, il y a encore des tâches féminisées, comme la comptabilité, pour lesquelles il est plus difficile de trouver des remplaçants.
Merci à tous pour ces interventions dans lesquelles nous retrouvons l'engagement et la détermination qui nous avait marqués il y a trois ans. Le débat actuel sur les retraites met en exergue les inégalités entre hommes et femmes dans leurs parcours professionnels. Les femmes sont trop souvent contraintes d'exercer des activités en plus de l'exploitation pour garantir des revenus suffisants à la famille. À cela s'ajoute la pénibilité, le temps de travail, les difficultés à prendre un congé maternité. Nous retrouvons des thématiques qui nous avaient alarmés en 2017.
À titre d'information, je rappelle que la proposition 16 du rapport de la délégation en 2017 était de limiter à cinq ans le statut de conjoint collaborateur, ce qui rejoint une demande que plusieurs d'entre vous ont exprimée aujourd'hui...
Nous ne pouvons effectivement imaginer des retraites à 550 euros pour les femmes alors que l'égalité a été consacrée « grande cause du quinquennat ».
Les inquiétudes qui ont été exprimées rejoignent celles des parlementaires, qu'il s'agisse des insuffisances de l'étude d'impact, qui ne permet pas d'appréhender tous les effets de la réforme, plus particulièrement pour les femmes, ou des nombreux renvois à des ordonnances.
Vous avez tous apporté un regard différent - parfois militant. Nous retrouvons l'engagement des agricultrices bretonnes, qui nous avaient beaucoup impressionnés il y a trois ans. Mais d'autres régions ne sont pas en reste - je m'adresse à notre collègue Loïc Hervé - puisque la Savoie a ainsi été citée en exemple au sujet du remplacement des agricultrices en congé maternité !
C'est un plaisir de vous retrouver quelques années après nos travaux. Depuis, dans nos départements du Finistère et du Morbihan, nous avons continué à travailler localement sur ces sujets. Je remercie la délégation d'assurer ainsi le suivi de notre rapport.
Lorsqu'on connaît le métier d'agriculteur, on s'étonne que la prise en compte de la pénibilité n'apparaisse pas dans la réforme. Par ailleurs, en ce qui concerne la réversion, je suis d'accord avec ce qui a été dit : la société évolue et il faut intégrer les conjoints non mariés.
La bonification de 5 % par enfant devrait être destinée à la mère, mais comme sa retraite sera le plus souvent bien moindre, la tentation sera grande de la porter sur l'homme.
Oui, il y aura un intérêt à placer la bonification de 5 % sur les hommes, mais quelles en seront les conséquences en cas de divorce ? Il faut une retraite de base et une majoration. Il n'y aura plus d'inquiétude sur ce point si nous sanctuarisons une retraite de base.
Un forfait de points par enfant nous semblerait plus équitable qu'une majoration.
Lors des concertations avec les syndicats agricoles, nous avons évoqué tous ces points, notamment la revalorisation des pensions actuelles.
Il est utile d'avoir des chiffres précis. Certes les pensions des femmes sont plus faibles que celles des hommes, et celles des agriculteurs plus basses que celles des autres professions. Mais lorsqu'on évoque 550 euros pour les femmes par exemple, il s'agit de la moyenne versée par le régime agricole, indépendamment de la durée d'assurance dans le régime agricole, donc en intégrant des personnes qui ont cotisé toute leur carrière dans ce régime comme celles qui ont eu une durée d'affiliation très courte, parce qu'elles ont eu d'autres expériences professionnelles. Mais la problématique des faibles pensions est bien évidemment très réelle.
Le statut de conjoint collaborateur est une des causes de la faiblesse des retraites des agricultrices. Ce sujet sera forcément débattu à l'occasion de la discussion du projet de loi, même s'il n'est pas évoqué dans le texte initial. La diminution du nombre de personnes concernées montre bien qu'il n'est plus attractif. D'autres statuts comme les GAEC entre époux pourraient s'avérer préférables pour reconnaître le travail des femmes.
En ce qui concerne le congé de maternité, il est compréhensible que les personnes confrontées à des difficultés financières préfèrent l'indemnité journalière au remplacement. Conscient de ce risque, le ministère de l'agriculture a oeuvré pour que la prestation sociale reste en première instance la prise en charge du remplacement et que l'indemnité journalière ne soit versée qu'en absence de solution de remplacement.
Dans les outre-mer, les modalités de prélèvement sont spécifiques : les cotisations ne sont pas assises sur le revenu réel comme c'est le cas en métropole. Elles conduisent en outre à construire un revenu fictif très bas, et donc des prélèvements contributifs très bas, ce qui explique les pensions très faibles. Nous sommes en train d'expertiser cette problématique pour voir si une évolution des modalités de prélèvements, tendant à ce que les cotisations soient assises sur le revenu, comme en métropole, serait envisageable. Il y a bel et bien un dispositif de compensation des exonérations qui se traduit par une prise en charge pour 98 % des actifs.
Sans entrer dans le débat sur la lisibilité du projet de loi et sur le renvoi aux ordonnances, vous avez évoqué les cotisations des membres de famille. Il est vrai que le texte est complexe, mais une assiette minimale est bien prévue pour les conjoints collaborateurs et les aides de famille. Pour finir, le projet de loi prévoit bien un « filet de sécurité » à 85 % du SMIC pour les carrières complètes, quel que soit le régime.
Pour les carrières complètes, ce n'est pas un détail ! C'est tout le problème...
Les assiettes minimales seront associées à ce minimum de pension de 85 %. Cela permettra de créer des droits en cas d'absence de revenu.
En matière de bonification pour enfant, le système universel prévoit 5 % par enfant dès le premier enfant. Ce dispositif prend le relais des deux dispositifs actuels que sont la majoration de durée d'assurance et la bonification de 10 % pour les familles d'au moins trois enfants. De plus, 2 % seront répartis entre les parents à partir de trois enfants. À défaut d'un accord entre le père et la mère, la majoration bénéficiera à la mère. Des aménagements ont été proposés vendredi dernier par la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. La moitié de la majoration de 5 % (soit 2,5 %) irait automatiquement à la mère au titre de la maternité et l'autre moitié pourrait être répartie entre les parents et attribuée à la mère par défaut.
Par ailleurs, les femmes ayant des faibles revenus pourront bénéficier d'une garantie minimale. La majoration de 2,5 % ne pourrait pas être inférieure à un forfait plancher, accordé sous condition d'une durée minimale travaillée.
Je souhaite revenir sur la question de la pénibilité. Mme Lainé demande qu'un départ anticipé soit possible pour les agriculteurs, à l'instar de ce qui existe pour les marins-pêcheurs. Avez-vous fait part de cette revendication dans les négociations actuelles ? Quels retours avez-vous eus ?
Ce point a été fortement revendiqué par notre syndicat. La pénibilité est prise en compte pour les salariés, pourquoi ne le serait-elle pas pour les exploitants agricoles ? En cas de forte pénibilité, il devrait être possible d'arrêter de travailler à cinquante-cinq ans, comme cela se pratiquait il y a quinze ou vingt ans ! De plus, où met-on le curseur de l'invalidité par rapport à la pénibilité ? Ce sont des sujets transversaux qui demeurent flous et sans réponse. Nous avons pourtant interrogé M. Macron il y a quinze jours !
Sur la pénibilité, qui ne concerne pas que le monde agricole, une concertation est menée par la ministre du travail, dont nous connaîtrons les résultats fin avril. Dans le cadre des discussions avec les syndicats agricoles, le sujet a été mis sur la table à la fois pour les salariés et pour les non-salariés. Aucune décision n'a été prise, mais nous en discutons.
La pension d'invalidité a été revalorisée au 1er janvier. Il s'agissait d'une revendication de très longue date, car elle était très faible.
Cette revalorisation a été décidée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Elle n'atteint pas le niveau de l'indemnisation des travailleurs indépendants. C'est un premier pas. Par ailleurs, elle n'est plus uniquement forfaitaire : elle est également proportionnelle aux revenus, ce qui permet d'en faire un revenu de remplacement.
Nous verrons bien quelles seront les nouvelles règles pour la génération de 1975. Mais quid des agricultrices relevant du système antérieur, et dont le revenu est inférieur au minimum vieillesse ? Comment faire pour avancer ?
Nous ne pouvons que vous conforter dans cette idée ! Il paraît impossible d'appliquer le dispositif uniquement pour la génération de 1975. Le président de la République n'a-t-il pas annoncé qu'à partir 2022, il n'y aurait plus de retraite en dessous du SMIC ?
Beaucoup d'agricultrices sont dans l'attente : 1 000 euros, c'est presque le double de ce qu'elles perçoivent ! Ces annonces ont suscité beaucoup d'espoir... Le minimum vieillesse n'est pas assez utilisé : il faudrait retravailler la communication. Nous avons d'ailleurs demandé une étude en cas de veuvage et lorsque les revenus sont très faibles, car de trop nombreuses personnes n'accomplissent pas les démarches par méconnaissance.
Je suis plus revendicative : pour moi, l'objectif ce n'est pas 2022, mais 2020 ! C'est une question de justice sociale. Je pense à nos mères et à nos grand-mères qui ont nourri la population pendant la guerre et ont été considérées comme « sans profession » ! Il est urgent d'agir. La revalorisation des retraites des agriculteurs favorisera l'installation et la transmission. N'oublions pas que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite d'ici à dix ans : le chantier est phénoménal.
On se réfère souvent à des carrières complètes, mais la plupart des femmes dans l'agriculture ont travaillé sans être déclarées. Leur travail a permis de maintenir des prix agricoles bas. Elles ont donc participé à la production de richesse de la société. Pourquoi devraient-elles vivre maintenant comme des misérables dans leur campagne ? Il importe de reconnaître le travail des femmes en agriculture, mais pas via le minimum vieillesse, qui est un mécanisme de solidarité ! Le travail des femmes doit être reconnu par la retraite.
J'ai commencé à travailler à dix-sept ans, j'ai eu une carrière longue, j'ai cotisé au même titre que mon mari et je perçois aujourd'hui une retraite de 750 euros...
Merci pour cet exemple concret et, hélas, éclairant.
Il me reste à vous remercier pour cet échange qui, j'en suis certaine, marquera les travaux de la délégation, comme cela a été le cas en 2017. Je pense que tout le monde a apprécié le bel esprit qui a régné sur cette table ronde.