Je me reconnais dans cette étude. Je suis directeur à Cap d'Ail depuis 1997, d'abord en maternelle, puis en école maternelle et élémentaire. Auparavant, il y avait dans la ville l'école maternelle d'un côté et l'école élémentaire de l'autre. Elles ont fusionnée en 2016 suite au burnout de la directrice de l'école élémentaire. Les premières actions pour répondre au mal-être des directeurs datent du décret Monory de 1987. Depuis, nous tournons en rond.
Je suis directeur d'une école de treize classes, dont une UP2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) pour les élèves ne parlant pas français. L'année dernière, j'avais quatorze classes et donc aucune charge d'enseignement. L'école accueille depuis la rentrée 2019 dix élèves en moins, soit 300 élèves, entraînant la fermeture d'une classe, si bien que je me suis retrouvé avec la charge d'une classe à mi-temps. Je suis à la tête de la seule école de la commune et je n'ai pas de souci avec la municipalité.
En revanche, ma charge de travail est immense. Notre fonction est définie par des missions, mais nous sommes écrasés par des tâches. Personne ne se soucie de savoir si nous sommes en classe lorsque l'on cherche à contacter le directeur. Nous sommes directeurs à 100 %, notamment depuis l'explosion de ce qui nous est demandé en matière de sécurité dans le cadre de Vigipirate. En outre, on continue à nous demander des choses en doublon.
Dans le cadre de la définition du plan particulier de mise en sécurité (PPMS) nous sommes censés communiquer les horaires d'ouverture du bâtiment. L'école ouvre à 7h30 avec l'accueil. La cantine et le centre de loisirs font partie du bâtiment. Je suis pratiquement dans l'incapacité de savoir combien d'adultes se trouvent dans l'école à certains moments de la journée. J'ai demandé confirmation à l'administration, en octobre dernier, que je devais bien prendre en compte l'accueil et la cantine. Je n'ai toujours reçu aucune réponse. J'ai pourtant relancé l'administration à deux reprises.
J'ai choisi d'enseigner en petite section de maternelle car le temps que passent les enfants à faire la sieste l'après-midi me permet d'augmenter mon temps consacré à la direction. Que ce soit la hiérarchie, les parents, la commune ou les collègues, personne ne se soucie de savoir si je suis en classe lorsqu'ils me contactent.
La question centrale est la suivante : que veut-on dans l'école ? La première mission d'un directeur est le pilotage pédagogique de l'école. Le temps que je consacre à cette mission est proche de zéro. Il nous est demandé de travailler en équipe. Les réunions (conseils de maîtres, conseils de cycles) se font le soir, après la classe. Combien d'entreprises organisent leurs réunions stratégiques à 17h30 ou 18h, après une journée entière passée avec les élèves ? La mission de pilotage pédagogique de l'école et l'amélioration de la réussite des élèves - qui sont pourtant deux missions fondamentales du métier de directeur - passent après d'autres tâches.
Les relations avec les parents ne sont pas simples car il est difficile d'être à l'écoute lorsque l'on est à la fois enseignant et directeur. Nous sommes toujours entre deux feux.
S'agissant des relations avec la mairie, nous avons la présidence du conseil d'école. La question des rythmes scolaires s'est focalisée sur une demi-journée de classe en plus ou en moins. Ce qui était sous-entendu, c'était d'avoir une cohérence dans les politiques éducatives locales et une véritable convergence entre ce qui se passe dans les écoles et ce qui se passe dans les communes (qui ont notamment en charge les centres de loisirs). Les conseils d'école sont le lieu où nous discutons de tout ce qui concerne l'enfant et l'éducation. Ce temps est très peu compté. Il n'est pas apprécié comme il devrait l'être. Nous n'avons pas le temps et le pouvoir de le faire vivre. Imaginez-vous un conseil d'administration où celui qui préside a son supérieur hiérarchique dans la salle ! C'est le cas du directeur d'école avec l'IEN.