Intervention de Mélanie Guichaoua

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 26 février 2020 à 9h40
Audition sur la situation des directeurs d'école

Mélanie Guichaoua :

Je suis directrice d'une école de trois classes. L'an dernier, l'établissement en comptait quatre. Je bénéficie de l'équivalent d'une journée de décharge par mois. Le reste du temps, je suis en classe avec des petites, moyennes et grandes sections. L'an dernier, j'avais une journée de décharge par semaine. J'ai sept élèves en moins dans l'école par rapport à l'an dernier, mais j'ai le même nombre de familles. La charge de travail est exactement la même tout comme la disponibilité qui m'est demandée. Malgré cela, trois décharges m'ont été retirées chaque mois.

Je suis dans une école rurale. Ma commune n'est pas très au fait des questions relatives aux modalités de prises en charge de la petite enfance et de l'enfance. Dès lors, elle me sollicite beaucoup. Les relations avec la mairie sont bonnes. Notre journée ne se résume pas au temps scolaire. Récemment, le maire m'a demandé de rédiger le règlement intérieur de la cantine. Il ne se sentait pas la compétence de l'écrire lui-même : que peut-on demander à des enfants, ou encore quelles sanctions appliquer ? Or, il s'agit pour moi d'une charge supplémentaire.

Nous n'arrivons pas à énumérer l'ensemble des tâches que nous réalisons. Nous n'avons pas de journée type. Nous sommes sollicités tout le temps, que ce soit par les parents, la mairie ou l'IEN. Lorsque je ne suis pas déchargée, je suis en classe. L'IEN ne se prive pas de m'appeler quand je suis en classe. C'est le temps passé avec les élèves qui en pâtit. En effet, une fois que vous avez répondu au téléphone - même cinq minutes - l'élève ne pourra pas se reconcentrer sur l'activité que vous étiez en train de faire avant l'interruption par ce coup de fil, surtout chez des petits.

Il m'est parfois demandé d'effectuer des tâches dans la semaine, alors que ma décharge de direction est prévue dans trois semaines. Je n'ai pas d'autres choix que d'effectuer celles-ci immédiatement. Il s'agit d'un métier de tous les instants. Le matin, ma première action consiste à lire mes e-mails. Il en va de même à midi et le soir, lorsque la classe est terminée. Si je ne le fais pas, je suis débordée. Je suis incapable de vous décrire ma tâche et ma fonction. Peut-être qu'il existe un descriptif, mais notre mission déborde de tous les côtés. À partir de la définition de missions on en est arrivé à nous demander de remplir des enquêtes, des documents... Chaque année, il nous est demandé d'indiquer les horaires de nos écoles, alors qu'ils ne changent pas et que s'ils devaient changer il faut de toute façon passer en conseil des maîtres, d'expliciter de quelle manière nous nous sommes organisés... Il serait plus simple de nous demander si nous avons changé notre organisation. Il est impossible de quantifier les tâches administratives qui nous sont demandées. Ces tâches n'ont rien à voir avec le bien-être des élèves, ni celui des parents. Elles ne font pas non plus avancer l'école. Elles nous font d'ailleurs plutôt prendre du retard.

Je suis directrice depuis trois ans, et enseignante depuis quatre ans. Auparavant, j'étais juriste. À la sortie de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ), l'IEN m'a dit que ce serait bien si je prenais une direction. Le directeur de l'ÉSPÉ a tenu le même discours. Je l'ai fait car cela me plaisait. Néanmoins, on sent bien qu'il existe un manque d'envie pour ce métier.

J'ai suivi une formation de trois semaines en juin avant ma prise de poste, puis de deux semaines (deux fois une semaine) lors de ma première année de directrice. Cette formation est nécessaire, mais elle est très théorique. Elle est également très intense. En trois semaines, on vous informe de tout ce que vous devez faire, et de tout ce que disent les textes. J'apprécierais de bénéficier d'une nouvelle semaine de formation à présent que je suis en poste depuis trois ans. En effet, de nombreuses questions sont nées de trois ans d'expérience professionnelle. J'aimerais pouvoir échanger avec d'autres directeurs, savoir comment ils ont réagi à telle ou telle situation. Cela me semble même nécessaire tout au long de la carrière.

Dans les petites écoles, nous ne recevons pas d'aide. Les petites communes ne sont pas attractives. J'ai demandé un service civique pendant trois ans. Je l'ai enfin obtenu cette année. Je sens vraiment la différence. Cette personne peut ouvrir le portail quand on sonne, répondre à un parent au téléphone, temporiser... Malheureusement, je ne suis pas certaine d'avoir un autre service civique l'an prochain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion