Intervention de Caroline Pirocchi

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 26 février 2020 à 9h40
Audition sur la situation des directeurs d'école

Caroline Pirocchi :

Je suis directrice d'une école maternelle de trois classes. Je bénéficie de dix jours de décharge par an. Je suis en charge d'une classe de petite section. L'an dernier, j'avais une classe de toute petite et petite section, sachant que les toutes petites sections ne sont pas comptabilisées dans l'effectif. Il s'agit d'une sorte de service que nous rendons aux parents. J'ai un élève en situation de handicap dans ma classe, donc une accompagnante des élèves en situation de handicap (AESH) pour l'accompagner. Elle est actuellement en arrêt maladie et n'est pas remplacée. Ces difficultés de classe s'ajoutent aux difficultés de direction.

Je suis directrice depuis trois ans. Nous avions été menacés d'une fermeture la première année où j'ai pris le poste. La classe a finalement été sauvée. Une collègue s'est tout de même retrouvée avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête la moitié de l'année. Cela a créé une ambiance particulière dans l'école tout au long de l'année. Notre collègue est finalement partie car il lui avait été demandé de choisir un poste au cas où sa classe fermerait.

Avant d'être directrice, je faisais fonction de directrice dans une autre école. Le poste de directrice n'est pas très attractif. Je le découvre. Lorsque j'étais remplaçante, l'inspecteur m'avait surtout présenté les aspects très positifs d'un poste dont personne ne voulait. Pour autant, je ne me plains pas.

En tant qu'enseignants, nous avons des heures cadrées (heures d'enseignement devant les élèves, heures de réunion), même si le travail personnel de préparation d'une classe est important. Pour le poste de direction, il n'existe pas d'heures en face des tâches. Nous avons tellement de tâches qu'il est difficile d'en faire une liste. Nous travaillons beaucoup avec l'humain. Lorsque nous discutons avec une famille qui rencontre des difficultés éducatives avec son enfant, nous ne regardons pas l'heure. Je comprends les collègues qui se sentent submergés. Nous avons beaucoup de petites tâches à effectuer. Additionnées les unes aux autres, cela représente un travail considérable. On se rend compte à un moment donné que l'on n'a pas fait un quart des tâches que l'on devait faire dans la journée, avec en plus des enquêtes à remplir pour lesquelles on est déjà en retard....

Nous devons disposer d'un panel de compétences pour être efficaces. La formation devrait être renouvelée régulièrement. L'aspect management est important. Nous sommes à la tête d'une équipe qui doit fonctionner - même si nous ne sommes pas leur supérieur hiérarchique. Nous ne sommes pas du tout préparés à diriger une équipe durant notre formation d'enseignant. Certes, ce sujet est abordé pendant la formation au poste de directeur, mais au milieu de beaucoup d'autres thématiques. La formation au management représente peut-être une journée de formation sur les trois semaines dont nous disposons. Tout dépend des personnes. Lorsque l'équipe est motivée, tout va bien. Lorsque certains enseignants le sont moins, cela devient difficile. Pour être efficaces vis-à-vis des élèves, il nous faut une équipe unie, qui travaille dans le même sens. Nous avons besoin d'aide sur la manière de motiver une équipe. De telles formations doivent exister dans le privé, mais il s'agit clairement d'un point faible de notre formation. Moi qui n'ai pas beaucoup de recul professionnel sur ma fonction de direction, j'aimerais bien que l'on m'aide sur ce point.

J'ai également été étonnée de certaines responsabilités que l'on nous donne, alors que nous ne disposons pas forcément des compétences correspondantes. La gestion des locaux du point de vue de la sécurité est un bon exemple. Il nous est demandé d'assister à la commission sécurité, avec les pompiers, les services municipaux afin de vérifier que tout est aux normes. Cela fait trois ans que j'apprends régulièrement l'existence de nouvelles règles : le sens d'ouverture de la porte, le nombre de lits maximum dans un dortoir,... Aucune formation ne nous a été délivrée à la prise de poste. Aucun document ne nous est remis. Je suis la responsable unique de sécurité des locaux de l'école maternelle et en plus de l'école élémentaire, que je ne dirige pourtant pas. Nous avons un document unique d'évaluation des risques (DUER), un plan particulier de mise en sécurité (PPMS), un registre des risques graves et imminents... On a l'impression d'avoir des documents officiels importants entre les mains, mais de ne pas être tout à fait maîtres de ce qu'il se passe. Nous avons le sentiment de nous former seuls. Serais-je en capacité d'agir si quelque chose de grave survenait ? En matière de sécurité, le bon sens ne suffit pas.

Nous avons le sentiment de manquer de temps constamment. J'ai dix jours de décharge dans l'année. Je travaille sur mon temps de déjeuner, le soir. Je n'ai jamais de créneau long pour travailler sereinement sur un projet ou un document de sécurité, sauf à prendre sur mes week-ends.

La fonction de direction revient à accepter d'être sans arrêt dérangé, que ce soit par les collègues, un livreur, un élève en retard, des intervenants extérieurs... Il est gênant d'être dérangé sur le temps scolaire. Les élèves s'y habituent, mais il suffit d'une absence de trois minutes - simplement pour aller ouvrir la porte - pour perdre l'attention des élèves, notamment en petite section. Cela m'arrive constamment de modifier le programme d'apprentissage, de remettre à plus tard ou au lendemain une activité commencée mais interrompue par mes tâches de direction.

Je suis avant tout enseignante. Je me sens enseignante. Or mon travail d'enseignante est morcelé. Malgré tout, j'adore ce que je fais. Nous avons simplement besoin de meilleures conditions.

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