Intervention de Charles Guené

Réunion du 27 septembre 2010 à 14h30
Débat sur les mécanismes de péréquation et de répartition des ressources des collectivités locales

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Ce rendez-vous est important parce que, au-delà de la simple ponctualité dont nous avons déjà débattu, il s’inscrit véritablement dans le processus parlementaire et marque une étape dans l’établissement de la loi fiscale. Il constitue un moment autonome, ainsi que nous l’avions souhaité dans la loi de finances initiale pour 2010.

Je voudrais, à cet égard, remercier le président du Sénat et le président de notre groupe, qui n’ont fait aucune concession par rapport à cette exigence, et vous remercier aussi, madame le ministre, de vous y être pliée, en respectant totalement l’esprit de l’exercice et en nous apportant des réponses dont je salue la grande qualité.

Le sursis que nous venons de nous accorder mutuellement a été très profitable puisque, tenant compte du rapport Durieux, du rapport parlementaire que j’ai eu l’honneur de commettre avec mes collègues Alain Chatillon et François-Noël Buffet ainsi que des « remontées » du terrain, vous avez su, madame le ministre, esquisser un grand nombre de corrections que les entreprises, comme les élus, apprécieront. Nous en prenons la mesure.

Notre réflexion a également évolué, mais je ne peux m’empêcher d’établir le parallèle avec les demandes que nous avions formulées dans notre rapport parlementaire.

Si nous sommes satisfaits et même flattés de la prise en compte du plus grand nombre de nos remarques, je ne puis m’en contenter au regard de plusieurs points essentiels.

Je n’évoquerai pas le nécessaire rééquilibrage au profit des territoires industriels ni la réactualisation des bases, qu’abordera mon collègue Alain Chatillon. Je m’attacherai, en revanche, à plusieurs aspects sur lesquels nous pensons que le compte n’y est pas tout à fait et qui appellent une réflexion plus approfondie.

Mon propos portera tout d’abord sur la péréquation, et plus particulièrement sur la péréquation horizontale, c’est-à-dire entre collectivités.

Pour la première fois de l’histoire parlementaire et de la fiscalité moderne, notre rapport ose faire passer la péréquation du statut de notion intellectuelle et conceptuelle à une réalité mathématique pouvant faire l’objet d’une déclinaison pratique, d’ailleurs appliquée par nos voisins allemands.

Jusqu’alors, chacun s’accordait à dire qu’il s’agissait d’une nécessité mais pour laquelle il fallait surtout prendre le temps de la réflexion.

Nous avons proposé deux systèmes cohérents susceptibles de constituer une base sérieuse de discussion. Nous n’avons pas envisagé une application immédiate, mais seulement la fixation de principes et de mécanismes, ainsi que leur développement en 2011, dans le cadre d’une deuxième « revoyure » et de la loi de finances suivante, une fois les chiffres de la réforme connus et sécurisés.

Je rappelle, à cet égard, que notre rapport prévoit le remplacement de la péréquation des départements et des régions, telle que nous l’avons votée l’an passé et dont les critères nous sont apparus inopérants, par une péréquation basée sur un prélèvement de 50 % de la croissance, répartie en fonction de critères fiscaux et de charges, dont nous avons listé les caractéristiques pour les rendre plus efficaces, et cela indépendamment des nouveaux financements à venir pour la dépendance.

Madame le ministre, vous nous avez orientés dans cette voie, ainsi que vers le partage des droits de mutations à titre onéreux, les DMTO, cher à notre collègue député Marc Laffineur, et dont le rapporteur général vient de dire tout le bien qu’il pensait.

Pour le bloc communal, nous proposons de maintenir durant un an les fonds départementaux de la taxe professionnelle et le Fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France, le FSRIF. Nous profitons de l’occasion pour fixer les principes d’une péréquation susceptible d’intervenir dès 2012, sur la base de la constitution de deux fonds qui prélèveront, au niveau national comme au niveau régional, le flux dépassant un certain seuil de richesse.

Cela implique d’établir un nouveau potentiel fiscal et de tenir compte de l’ensemble de la richesse, et non plus de la simple richesse économique, puisque les paramètres ont changé. Il faudra aussi, bien sûr, territorialiser la décentralisation, comme vous le suggérez, monsieur Mézard.

J’appelle votre attention sur ce point, chers collègues : cette péréquation sera réalisée sur les seuls flux et non sur la totalité de l’existant. En outre, nous disposerons d’une année pour arrêter ce que nous conservons des fonds départementaux et du FSRIF afin, notamment, de ne pas pénaliser les départements qui ont effectué des choix courageux et qui bénéficient de légitimes retombées.

Par ailleurs, lorsque nous parlons de « péréquation au niveau régional », il ne s’agit pas de gouvernance, mais du niveau de partage. Autrement dit, la répartition n’est pas conférée aux régions, mais elle relève de critères établis par la loi ; je tenais à apporter ces précisions afin de dissiper certaines inquiétudes.

Si ces dispositions sont audacieuses dans le principe, avouez qu’elles ne constituent qu’un démarrage progressif de la future péréquation territoriale. Aussi, il me semble que le Sénat s’honorerait en dépassant, dans ce domaine, la simple incantation.

Nos collègues maires et présidents d’EPCI attendent que nous remplissions le rôle que nous a confié la Constitution au regard des collectivités locales. Ils savent que le Parlement a refusé la péréquation géographique totale, initialement proposée par le Gouvernement. Je vous rappelle, à cet égard, madame Bricq, que, en commission mixte paritaire, ce sont les représentants de la gauche du Sénat qui ont fait basculer la décision dans ce sens...

La quasi-totalité des maires de France, dont beaucoup de nos collègues des zones urbaines défavorisées, ne peuvent se satisfaire d’un statu quo dans ce domaine.

Nous sommes actuellement sur les bases d’une croissance relativement faible, ce qui rendra moins sensible l’amorce de la mise en œuvre du système. Nous sommes aussi à un moment charnière où tout est possible.

Il faut donner un signe à cette France qui est située en dehors des courants d’échanges économiques pour de multiples raisons, et pas seulement parce qu’elle ne disposait pas d’élus capables de les attirer. Elle ne peut se satisfaire de la promesse d’un Grand Soir à venir, qui rassemblera péréquation horizontale et péréquation verticale dans un même mouvement, et où une générosité nouvelle viendra changer son sort.

Je crois, au contraire, que la mise en œuvre de la péréquation horizontale, qui représente une très faible part comparativement à la péréquation verticale, doit justement être annoncée dans cette loi de finances en termes suffisamment précis pour baliser le chemin d’un véritable changement.

Le temps m’étant compté, je n’irai pas plus loin, mais nous reviendrons, chaque fois que possible, pour incliner les textes dans ce sens. Je ne doute pas que le Sénat saura nous entendre.

Je terminerai par deux sujets annexes, mais d’importance pour les élus de terrain.

D’une part, nous avions signalé la problématique des abattements sur la taxe d’habitation, et vous nous avez entendus, madame le ministre, en accordant un délai supplémentaire d’un mois pour la prise de décision. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Il faut trouver des solutions aux problèmes rencontrés. En effet, les collectivités doivent choisir, lorsqu’un département a été trop généreux en pratiquant de larges abattements entre conserver leur produit et pénaliser le contribuable ou satisfaire le contribuable au détriment de leur budget.

Je vous propose, à cet égard, de compléter cette alternative en leur offrant la possibilité, à l’occasion de cette année de transfert, de jouer librement sur le facteur taux, à condition de conserver le produit attendu. Cette dérogation permettrait de déterminer les abattements optimaux, en lissant en partie l’effet vis-à-vis des budgets et des contribuables. Ce n’est pas parfait, mais cela ajoute une solution et, en outre, disculpera pour partie l’État concernant certaines options maximalistes qui ne manqueront pas de lui être imputées.

Il serait important que vous puissiez expertiser et valider cette idée avant la fin du mois d’octobre, de manière à laisser une plus grande latitude aux collectivités en temps opportun. Nous pourrions ainsi en voter l’aménagement en loi de finances.

D’autre part, je reviendrai sur la question de l’éolien. J’avais attiré votre attention sur la nécessité de respecter le pacte conclu avec les communes qui avaient fait le pari de l’éolien. Le nouveau dispositif réduit de deux tiers les rentrées attendues, et cette fois sans aucune contrepartie de garantie, alors que les choix effectués ont des impacts paysagers importants. Il s’applique de plus de manière inéquitable puisque sa mise en œuvre dépend du degré d’instruction du dossier au moment de la promulgation de la loi.

Nous sommes face à une rétroactivité fiscale insoutenable, qui remet en cause la parole même de l’État.

Notre rapport préconisait d’augmenter significativement le tarif de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, en la faisant passer à 6 euros, et d’en affecter totalement le produit au bloc communal sans partage avec les départements qui ne se sont pas engagés politiquement dans ces choix. Les départements percevraient, bien sûr, une légitime compensation. Cette solution est la seule qui soit de nature à satisfaire le bloc communal et vos engagements.

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