Merci pour l'ensemble de ces interventions qui confirment l'analyse que notre commission, au nom de laquelle je m'exprime aujourd'hui, a faite jusqu'ici de ce texte.
On le voit bien, initialement, cette réforme visait la mise en oeuvre d'un modèle sociétal différent, avec la fixation d'un âge de départ à la retraite à soixante-deux ans, que compensait la mise en place d'un âge pivot. L'objectif était d'élaborer un système unique dont tout le monde pouvait bénéficier, ce qui est particulièrement compliqué.
Progressivement, nous avons hélas ! observé une dérive : on voit bien que Bercy a repris la main et que la réforme systémique est également devenue financière et paramétrique, ce qui a suscité la confusion la plus complète. Cette confusion a, du reste, été entretenue par la décision d'allonger la période de transition, puisque les premières générations concernées par la réforme liquideront leur retraite dans dix-sept ans, et non dans cinq ans comme initialement prévu. La réforme s'est également complexifiée au fil des mesures prises pour calmer la pression syndicale, que ce soit la compensation de la pénibilité ou la « clause à l'italienne ».
Ces modalités de compensation représentent un coût supplémentaire que personne n'a encore chiffré. Or, dans le nouveau système, plus vous prendrez des mesures qui auront pour effet d'abaisser l'âge de départ à la retraite de certaines personnes - on peut le comprendre quand il s'agit de compenser la pénibilité -, plus les autres devront travailler longtemps. À mon sens, il serait plus raisonnable de privilégier les dispositifs de prévention.
M. Askenazy a mentionné la prise en charge par les collectivités territoriales d'une partie des cotisations calculées sur les primes de leurs agents. Cette seule mesure coûtera 1,5 milliard d'euros. L'État, pour sa part, s'en sortira certainement à bon compte, puisque rien ne nous garantit que le secteur privé ne règlera pas l'addition. La compensation de la hausse des cotisations des indépendants, c'est-à-dire l'application d'un abattement de 30 % sur les bénéfices ou les rémunérations dans la future assiette, entraînera un coût supplémentaire de 2,6 milliards d'euros pour l'État. La clause à l'italienne, quant à elle, coûterait 5 milliards d'euros. Ma question est simple : quel est le coût global de cette réforme ?
Autre sujet : je suis de ceux qui pensent que, pour donner confiance dans le futur système, il faut garantir un niveau de réserves suffisant pour neutraliser les aléas économiques ou démographiques.
On n'a pas non plus abordé la question du plafonnement des cotisations à hauteur de trois fois le plafond de la sécurité sociale, alors que cette limitation déséquilibre complètement les régimes complémentaires actuels. En effet, lesdits régimes auront à verser des prestations pendant de nombreuses années à des personnes qui perçoivent des revenus supérieurs à trois fois le plafond de la sécurité sociale, mais n'encaisseront plus les cotisations qui lui seraient nécessaires. Ne serait-il pas judicieux de revoir ce dispositif ? Pourquoi plafonner le montant des cotisations, alors qu'elles donnent des droits à la retraite et contribuent largement aux mécanismes de redistribution vers les moins favorisés ?
Enfin, dans la mesure où le texte ne prévoit d'indexer la valeur du point sur le revenu moyen par tête qu'à partir de 2045, je crains que les carrières heurtées ne soient insuffisamment prises en compte. Partagez-vous cette inquiétude ?