Ma première observation porte sur le changement de philosophie qu'implique ce texte. Le Conseil national de la résistance avait élaboré un système dans lequel chacun contribuait selon ses moyens et recevait selon ses besoins. Avec le système universel par points, c'est fini ! Le nouveau système redonnera à ceux qui ont payé ce qu'ils ont versé. Il ne prévoit plus véritablement de mécanismes de redistribution. Il faut savoir que, dans le système actuel, les plus bas salaires perçoivent un revenu de remplacement qui représente près de 75 % de leur ancien salaire, contre 50 % pour les cadres, ce qui prouve que notre régime était redistributif.
M. Askenazy a affirmé que les cotisations réglées par l'État employeur passeront de 74 % à 28 %. Il se trompe : elles s'élèveront à 17 %, ce qui représente plusieurs milliards d'euros en moins. On se demande vraiment comment le nouveau système compensera cette perte de ressources. Même si la transition est progressive, les sommes en jeu sont en effet considérables. Autre exemple, le plafonnement du montant des cotisations des cadres s'appliquera tout de suite, alors que les prestations versées resteront à leur niveau antérieur pendant un certain temps : cette disposition créera un déséquilibre de 4 à 5 milliards d'euros. Nous aimerions véritablement obtenir des informations sur le coût global de la réforme pour l'État et, par conséquent, pour la Nation.
M. Bozio a aussi indiqué que la remise en cause de la règle des vingt-cinq meilleures années ne serait pas forcément désavantageuse, mais il a conditionné son analyse à la revalorisation des pensions sur le niveau de l'inflation. Selon moi, cette règle avait quand même le mérite de contribuer à une sorte de péréquation en gommant les plus mauvaises années d'une carrière.
Comparons la situation d'un salarié qui serait ingénieur depuis l'origine et percevrait un salaire élevé tout au long de sa carrière et celle d'un salarié, qui aurait démarré comme technicien puis exercé le métier d'ingénieur pendant vingt-cinq ans après avoir suivi une formation continue. Dans le nouveau système, le second sera très pénalisé par rapport au premier tandis que, dans le système actuel, les deux toucheraient la même retraite. Autrement dit, le futur système par points pénalise ceux qui font l'effort de se former, mais avantage ceux qui font des grandes écoles c'est-à-dire, compte tenu de la sociologie de ces écoles, ceux qui sont nés avec une cuillère en argent dans la bouche.