Intervention de Philippe Askenazy

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 mars 2020 à 10h30
Projet de loi instituant un système universel de retraite — Audition d'économistes

Philippe Askenazy, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

Merci pour ces questions. Hélas, je crains qu'aucun d'entre nous ne soit capable de vous communiquer le coût global de la réforme.

En ce qui concerne le coût de la transition du régime des fonctionnaires vers le nouveau système par points, je prendrai l'exemple du CNRS.

D'après mes calculs, si mes revenus ne sont pas revalorisés, le montant de ma retraite sera réduit d'un tiers. Pour compenser cette perte, il faudrait que ma rémunération augmente de 50 %. Or, comme l'a rectifié le sénateur Jean-Louis Tourenne, le taux de cotisation de mon employeur, le CNRS, passera de 74 % à 17 %. À budget constant, on pourrait donc y arriver, dans la mesure où les rémunérations des agents du CNRS augmenteront parallèlement à la diminution des cotisations. Reste le problème du financement des retraites des fonctionnaires déjà pensionnés auquel je n'ai pas de solution à apporter.

Sur un plus court terme, les fonctionnaires nés après 1975 cotiseront dès 2025 sur l'ensemble de leurs revenus. Ils verront donc leur rémunération nette baisser. Il sera de la responsabilité de leur employeur de compenser ou non cette perte de ressources.

Tel que le système est établi, l'âge d'équilibre risque d'accroître très fortement les inégalités au sein de la fonction publique. Un magistrat de la Cour des comptes, qui perçoit des primes élevées, dont l'espérance de vie est très longue, et dont l'âge de départ à la retraite est de soixante-huit ans verra sa retraite sensiblement augmenter grâce à l'âge pivot. À l'inverse, un agent de catégorie C dans une collectivité territoriale, qui partirait à la retraite à soixante-deux ans, connaîtra une perte de revenus importante si aucune mesure relative à la pénibilité n'est prise.

Peut-être que la solution consiste à différencier les âges d'équilibre selon les situations. Dans l'exemple précédent, on fixerait un âge pivot à soixante-huit ans pour les magistrats de la Cour des comptes et à soixante-deux ans pour les agents de catégorie C, afin de tenir compte de la pénibilité et de l'espérance de vie en bonne santé.

En tout cas, il est indispensable de mener une réflexion sur la prévention, notamment dans les fonctions publiques. La généralisation de l'accès à une retraite progressive pour les fonctionnaires est de ce point de vue une bonne chose.

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