Intervention de Hervé Boulhol

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 mars 2020 à 10h30
Projet de loi instituant un système universel de retraite — Audition d'économistes

Hervé Boulhol, responsable retraite à la Direction de l'emploi et des politiques sociales de l'OCDE :

Dans la mesure où la pérennité financière du régime est garantie, l'Agirc-Arrco est effectivement bien géré, monsieur le rapporteur général. Cela étant, vous avez vous-même parlé de la manipulation de la valeur du point par les partenaires sociaux, ce qui laisse supposer que les règles ne sont pas claires. Or l'un des enjeux du futur système universel, c'est précisément que les salariés puissent clairement s'y retrouver et anticiper le montant de leurs futurs droits à la retraite. L'exigence de clarté est primordiale pour ce nouveau régime unique.

Comme l'a dit Philippe Askenazy, je ne m'aventurerai pas à évaluer le coût global de la réforme. En revanche, je confirme que la baisse du taux effectif de cotisation des employeurs publics est un sujet très important : il s'agit d'un angle mort de la réforme, pour lequel des compensations doivent être envisagées.

Dans un contexte où l'on cherche à renforcer la transparence de la gestion financière du système de retraite, il est logique de prévoir un niveau de réserves suffisamment élevé pour gérer, non seulement des chocs transitoires, qui sont parfois longs comme le baby-boom, mais aussi des aléas de court terme. Pour donner un ordre de grandeur, en Suède, les réserves du système de retraite équivalent à 30 points de PIB ; au Canada, les réserves du système public de retraite atteignent entre 25 et 30 points de PIB ; aux États-Unis, ces réserves s'élèvent à 14 points de PIB. Ces chiffres sont à comparer avec ceux de la France, où le niveau des réserves s'élèverait à 5 ou 6 points de PIB.

Je veux aussi aborder la question du plafonnement des cotisations. Dans certains pays, il n'existe pas de plafond : les individus cotisent sur l'ensemble de leurs revenus, sans aucune limite. Mais parmi les pays ayant défini un plafond, la France fait figure d'exception avec un seuil de revenus, qui est fixé à huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). C'est un record parmi les pays de l'OCDE, dont la majorité fixe ce seuil à deux ou trois fois le salaire moyen national, ce à quoi correspond le PASS en France.

En créant un système qui associe étroitement les cotisations et les droits à la retraite, on peut cependant estimer que cette question deviendra secondaire, car l'argent cotisé créera des droits qui seront collectés plus tard.

Un système dans lequel certaines personnes perçoivent des retraites très élevées, après avoir perçu des salaires très élevés eux aussi, tout en bénéficiant d'une espérance de vie plus importante que la moyenne, peut être qualifié de régressif ou d'anti-redistributif, car il y a une quasi-corrélation entre l'espérance de vie et la catégorie socioprofessionnelle d'appartenance. C'est pourquoi nous sommes favorables à l'abaissement du plafond de cotisations, qui passerait de huit à trois fois le montant du PASS. Cela étant, comme vous l'avez indiqué, une telle disposition pose un problème financier, puisque l'on se prive de cotisations pendant une très longue phase de transition.

Enfin, M. Tourenne a défini le système actuel comme un régime donnant à chacun selon ses besoins. À mon sens, le principe n'est pas si clairement défini : le système actuel prévoit un minimum contributif, mais ses effets redistributifs sont infimes. Je ne perçois pas de réel changement de philosophie. Il s'agit davantage, de ce point de vue, d'un changement de règles de calcul.

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