Je dispose des mêmes documents publics que chacun d'entre nous. Je n'ai donc pas plus d'informations que vous sur le coût global de la réforme.
Selon l'étude d'impact, la part des pensions passerait de 13,8 % à 12,9 % du PIB, ce qui représente une baisse de 0,9 point des dépenses publiques. Cela ne reflète cependant pas le coût des mesures prises récemment, en particulier la hausse des rémunérations des fonctionnaires sans primes. Ces chiffres ne tiennent pas compte des compensations annoncées ultérieurement par le Gouvernement. On aimerait connaître l'effet net de l'ensemble des mesures liées à la réforme, afin de dissiper les doutes et de clarifier les interprétations contradictoires.
En ce qui concerne les réserves, je suis d'accord avec Hervé Boulhol. Le corollaire d'un système de retraite, dont la gestion serait relativement autonome et largement confiée aux partenaires sociaux, c'est la constitution de réserves à un niveau suffisant pour assumer des chocs inattendus et garantir le niveau des pensions. À défaut, il faudra revenir sur les droits à la retraite, la valeur du point et la règle d'or, pourtant essentiels pour convaincre de l'utilité du système.
Permettez-moi une confidence : en tant qu'économiste, j'ai été très surpris par la réaction de certains hauts fonctionnaires qui certifient que l'État ne sait pas bien gérer les réserves. En réalité, la réflexion est « maastrichienne » : en vertu des règles européennes, les sommes tirées d'un fonds de réserve pour gérer un aléa sont comptabilisées comme du déficit. C'est pourtant absurde, car cela contrevient aux politiques contracycliques, qui prévoient de faire jouer les stabilisateurs automatiques, comme le niveau des pensions de retraite.
Dans les cercles d'experts et chez les partenaires sociaux, il existe un consensus autour de l'idée que le système actuel comporte des effets redistributifs, mais que ceux-ci sont liés aux dispositifs non-contributifs, c'est-à-dire le fait d'accorder des droits pour compenser les périodes d'inactivité, de chômage ou de maladie, ou encore le minimum vieillesse, le minimum contributif, des droits familiaux, etc. La simple combinaison de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années et de l'indexation de la valeur du point sur les prix conduit en revanche à une augmentation des inégalités.
Le cas présenté par M. Tourenne tout à l'heure est marginal : au cours de leur carrière, la plupart des ingénieurs voient leurs salaires augmenter plus rapidement que ceux des ouvriers. En réalité, le système favorise avant tout les individus qui ont les salaires les plus élevés, et non les carrières ascendantes au détriment des autres.