Sur un temps très limité, nous nous sommes efforcées de multiplier les auditions pour pouvoir formuler les propositions que nous vous soumettons.
Cette proposition de loi est inspirée du rapport que notre collègue député Jean-Luc Lagleize a rédigé en tant que parlementaire en mission auprès du Premier ministre, entre avril et novembre 2019. Dans ce rapport, il formulait 50 propositions d'ordre très varié pour maîtriser le coût du foncier dans les opérations de construction. Seules quelques-unes figurent dans sa proposition de loi.
Ce rapport est, dans une certaine mesure, l'une des conséquences de la crise des « gilets jaunes », car il est apparu au grand jour que nombre de nos concitoyens n'avaient d'autre solution pour se loger que de s'éloigner de plus en plus des métropoles. Ce faisant, ils ont accru considérablement leurs coûts de transport, ce qui a entraîné un étalement urbain préoccupant. Cet éloignement des métropoles est aussi le symptôme d'une perte de pouvoir d'achat face au logement, dont les prix se sont envolés.
Cette situation est, bien entendu, le résultat de dynamiques sociétales, économiques et démographiques complexes. Si le foncier se fait cher dans nos centres-villes, et surtout dans les zones tendues, nous savons bien que sa rareté n'explique pas à elle seule la hausse des prix. Celle-ci est largement alimentée par la politique de taux bas des banques centrales depuis 2008, qui permet aux ménages d'acheter toujours plus cher et sur des durées d'emprunt toujours plus longues. De même, l'immobilier n'est pas la seule cause des problèmes de pouvoir d'achat de nos concitoyens. Le partage de la valeur ajoutée, la fiscalité, la compétitivité de notre économie sont autant de facteurs qu'il convient de prendre en compte.
Si je me suis attardée un instant sur ces différents points, c'est que la proposition de loi qui nous est proposée aurait tendance à laisser croire que, grâce à l'interdiction de la vente aux enchères du foncier public et à la dissociation du foncier et du bâti - déjà possible aujourd'hui par le bail réel solidaire (BRS), mais que le texte étend à d'autres formes d'habitats à travers les offices fonciers libres (OFL), par voie d'ordonnance -, on parviendrait à casser l'engrenage de la hausse des prix. Disons-le tout de suite, en ces matières la martingale n'a pas encore été trouvée !
Nous avons été guidées par cinq principes : le respect des prérogatives parlementaires ; le respect de la libre administration des collectivités territoriales : l'expérience et le pragmatisme ; l'écoute des acteurs du monde du logement ; et la volonté de renforcer l'accession sociale à la propriété par des mesures concrètes et d'application rapide pour conforter les outils existants qui fonctionnent.
Cette proposition de loi comporte sept articles sur des sujets assez différents les uns des autres. Nous allons les aborder successivement pour faciliter la compréhension du propos.
L'article 1er interdit la vente aux enchères des immeubles, bâtis ou non, de l'État, des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics, dans les zones urbaines tendues, à l'exception des lots de copropriété. Il s'agit plus d'un parti pris philosophique que du résultat d'une démonstration, chiffres à l'appui, car aucune donnée n'est disponible sur les ventes des collectivités territoriales. Nos auditions ont montré que cette pratique était assez marginale et que, sauf exception, pour les collectivités, la vente par adjudication peut être un outil utile pour vendre en toute transparence en dessous du prix estimé par le service du Domaine. C'est le retour d'expérience que nous avons eu aussi bien des élus que des représentants d'Agorastore, site internet assez connu de vente en ligne, lesquels nous ont indiqué que, en moyenne, les ventes se concluaient 11 % en dessous du prix des domaines. Nous vous proposerons donc de rendre leur liberté aux collectivités et de supprimer la disposition qui les concerne, tout en laissant subsister l'interdiction pour l'État.