Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est censé satisfaire la contrainte de la clause de rendez-vous inscrite dans la réforme de la taxe professionnelle. À vrai dire, il était temps de mettre en œuvre cette fameuse clause, puisque le projet de loi de finances pour 2011 sera adopté en conseil des ministres dans deux jours !
Lors des débats relatifs à la loi de finances de 2010, vous aviez présenté, madame la ministre, les trois principes au cœur de la réforme de la taxe professionnelle : la territorialisation, la compensation et la péréquation. Si les deux premiers d’entre eux ont été mis en application, le troisième doit encore être finalisé. C’est urgent dans le contexte du gel annoncé des concours financiers de l’État aux collectivités en 2011 qui limitera les perspectives d’évolution de la péréquation verticale.
De fait, comme l’a justement rappelé M. le rapporteur général, c’est la péréquation horizontale qui constituera la principale source de progrès en matière de réduction des inégalités entre collectivités. Pour autant, la réforme des mécanismes de péréquation verticale est plus que jamais nécessaire. Si la part de la DGF consacrée à la péréquation s’est accrue de 6, 2 % entre 1998 et 2008, la performance de la péréquation verticale a diminué depuis 2001 pour les communes et les départements.
À titre d’exemple, parmi les dotations péréquatrices destinées aux communes, la part « péréquation » de la dotation de solidarité rurale, la DSR, s’élève à 444 millions d’euros, qu’il faut comparer au montant global de la DGF communale pour 2010, soit 41 milliards d’euros. Elle profite à 34 369 communes. Comment avec une masse financière aussi faible et un saupoudrage aussi important assurer une péréquation intelligente et efficace ? Le comité des finances locales s’est d’ailleurs saisi de ce sujet en créant un groupe de travail.
S’agissant de la péréquation horizontale, pour être équitable, la réforme de la taxe professionnelle ne pouvait sanctuariser les inégalités territoriales en matière de richesse fiscale. Ainsi, la loi de finances de 2010 a mis en place plusieurs fonds de péréquation. Il est trop tôt, aujourd’hui, pour évaluer leurs effets et juger de leur efficacité péréquatrice. Cependant, le rapport Durieux et celui des parlementaires en mission en ont d’ores et déjà soulevé les failles.
De même, pour Yves Fréville, dont chacun connaît l’expertise, le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pourrait reproduire les inégalités existantes, voire les aggraver. Rappelons que 5 % des communes concentraient 80 % des bases de taxe professionnelle avant la réforme.
En effet, le mécanisme du Fonds national de garantie individuelle de ressources garantit certes à chaque collectivité un niveau de ressources égal à celui dont elle disposait avant la réforme, mais il figera ces montants. Ainsi, les territoires à faible valeur ajoutée subiront une double peine, puisqu’une partie de leur produit fiscal au titre du FNGIR ne profitera d’aucune évolution de base fiscale. De ce fait, leurs recettes risquent d’évoluer moins vite qu’avant la réforme.
Le Parlement examinera attentivement les dispositifs correctifs proposés dans le projet de loi de finances pour 2011 et s’investira pleinement dans la rénovation des mécanismes de solidarité. À cet égard, au-delà des montants destinés à la péréquation, deux questions me paraissent devoir être soulevées.
Premièrement, sur quels critères asseoir les nouveaux dispositifs de solidarité ? Depuis l’origine, le critère du potentiel fiscal intervient dans la répartition de toutes les dotations de péréquation. La suppression de la taxe professionnelle déséquilibre le système, calculé notamment sur les bases d’imposition des quatre taxes directes. Plus large, le critère du potentiel financier pourrait donc se substituer à celui du potentiel fiscal. Toutefois, il convient évidemment d’agir avec précaution, monsieur Blanc.
De manière générale, pour procéder à une appréciation fine des besoins de péréquation, il me semble primordial de prendre en compte l’ensemble des critères de ressources et de charges, notamment celui de la population – même s’il devrait être pondéré, pour tenir compte des territoires les moins peuplés – et celui de la spécificité des territoires qui engendre des charges fixes particulières, notamment en zone de montagne. De même, le revenu global des habitants devrait être pris en considération, tout comme, dans une certaine mesure, les critères d’effort fiscal.
Deuxièmement, quel est le niveau pertinent de péréquation ? Les dispositifs existants sont assis sur les trois niveaux de collectivités ; or lorsqu’une entreprise s’installe sur le territoire d’une commune membre d’un EPCI à taxe professionnelle unique, les bases communales et le potentiel fiscal de la commune augmentent sans pour autant que ses ressources croissent, puisque le produit de taxe professionnelle est perçu par l’EPCI.
Avec le développement de l’intercommunalité, le critère du potentiel fiscal ne paraît donc plus pertinent, dans la mesure où il n’a plus de lien direct avec le territoire communal. Cette réflexion relative au bon niveau de péréquation doit nécessairement être reprise au cours de notre débat. Le renouveau de la solidarité entre les territoires ne peut faire l’impasse sur le rôle majeur que joue l’intercommunalité, en particulier dans les territoires les plus ruraux, dont le développement repose souvent sur des politiques territoriales solidaires.
C’est donc bien à cette échelle que la péréquation en faveur du bloc communal pourrait être la plus pertinente, dès lors, également, que les communes-centres n’assurent plus seules les charges de centralité qui leur ont été imposées.
Au terme de cette intervention, et au vu des chiffres publiés par l’Observatoire des finances locales montrant que la capacité d’autofinancement des collectivités est en nette baisse, je formule le vœu que nous ne manquions pas ce rendez-vous d’une péréquation plus forte, plus ciblée et plus efficace en faveur des territoires les plus fragiles, car ce sont eux, précisément, qui souffrent le plus de la crise et des restrictions budgétaires actuelles.