Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique dont nous entamons la discussion s’inscrit dans une longue série de textes ayant pour objet la modernisation de l’administration et l’amélioration de son efficacité.
Plus précisément, il répond à trois engagements pris par le Gouvernement : rendre l’administration plus simple, d’où la proposition de supprimer des commissions consultatives jugées inutiles, plus proche des Français, par la déconcentration des décisions, plus efficace et plus rapide, grâce à la modernisation et à la simplification des démarches courantes.
Le Sénat s’est toujours exprimé positivement sur les dispositions des projets et des propositions de loi visant à améliorer l’efficacité de notre administration. Il en est de même de la commission spéciale : elle approuve toutes les mesures ayant pour objet de simplifier les normes et les procédures qui entravent inutilement les initiatives des particuliers ou des entreprises, et en conséquence le développement économique et l’emploi.
Nous avons donc examiné avec bienveillance et sans a priori négatif les propositions gouvernementales de suppression ou de fusion de commissions administratives consultatives, au nombre de quinze au total. Le Gouvernement justifie ces propositions par plusieurs motifs : l’absence d’activité de ces commissions, leur caractère superfétatoire en raison de l’existence d’autres organismes similaires, enfin leur coût de fonctionnement et la perte de temps administratif au détriment d’actions à plus forte valeur ajoutée pour nos concitoyens.
La commission spéciale a toutefois procédé à un examen approfondi de l’activité et des domaines de compétence de ces commissions. Elle a constaté que certaines avaient une activité soutenue, jouaient un rôle déterminant pour l’information des citoyens et la transparence de l’action publique ou assuraient une fonction de recours indispensable en cas de désaccord ou de contestation des niveaux de concertation inférieurs.
En conséquence, elle a refusé la suppression de plusieurs de ces commissions ou adopté des dispositifs évitant leur disparition « sèche ».
Pour ce qui concerne la déconcentration de certaines procédures et de la prise de décisions administratives individuelles dans les domaines de la culture, de la propriété intellectuelle et de la santé, qui vise à transférer à des organismes administratifs déconcentrés la prise de décision formellement assurée par les ministres concernés alors que les organismes en assuraient l’instruction, la commission spéciale a considéré qu’il s’agissait d’une mesure bienvenue d’allégement des procédures.
En revanche, elle a exclu de cette évolution la question très sensible des labels de la création artistique, compte tenu des enjeux en matière d’aménagement culturel du territoire et d’égalité territoriale dans l’accès à la culture.
Elle a approuvé également les mesures de simplification administrative proposées concernant surtout des procédures obsolètes, les suites d’expérimentations abouties ou des dispositions d’ajustement des textes en vigueur.
S’agissant de la transcription des recommandations concernant la simplification des installations industrielles du rapport remis en septembre dernier au Premier ministre par M. le député Guillaume Kasbarian, la commission les a jugées bien équilibrées entre exigence de défense de l’environnement et besoins de la vie économique. Elle n’y a apporté que des précisions rédactionnelles.
Toutefois, le Gouvernement ne s’en est pas tenu à ces mesures qui justifiaient l’intitulé de son projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
Ce projet de loi comporte en effet bien d’autres dispositions d’importance très variable, qui touchent surtout à des sujets extrêmement divers. Cela en fait un texte hétéroclite, voire « fourre-tout », un texte d’un genre que nous n’apprécions pas, ici au Sénat, car source de beaucoup de frustrations, aucun sujet ne pouvant être correctement traité dans son contexte et dans toutes ses implications.
D’abord, ce projet de loi comporte nombre de « reprises », de « secondes chances » : je veux parler de mesures déjà votées par l’Assemblée nationale ou par le Sénat, mais dont le processus d’adoption n’a pas été conduit à son terme, parce que le Conseil constitutionnel les a censurées au titre de l’irrecevabilité des cavaliers législatifs ou parce que la navette parlementaire a été abandonnée en raison de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement.
La commission spéciale n’est bien sûr pas opposée à ces mesures ; elle a même profité de l’occasion pour réintroduire dans le processus législatif de navette avec l’Assemblée nationale des avancées votées par la Haute Assemblée et favorables aux droits des citoyens consommateurs et à l’information des élus locaux ou destinées à améliorer les processus administratifs. Je pense par exemple à la simplification de l’approvisionnement en médicaments des officines ou à la clarification des modalités d’application du droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur. Ces mesures ne sont pas mauvaises sur le fond, mais elles illustrent les difficultés que nous rencontrons pour débattre sereinement dans de bonnes conditions, puisque nous sommes contraints à des repentirs et à des ajustements très rapides après le vote d’une loi.
Surtout, ce projet de loi contient des mesures qui n’ont qu’un lointain rapport avec la simplification de l’action publique et dont certaines sont très contestées par les acteurs des secteurs d’activité concernés – je pense évidemment aux avocats et aux pharmaciens. Ces articles nous ont donné le sentiment d’avoir été raccrochés au texte sans préparation suffisante, surtout parce que celui-ci constituait un véhicule législatif commode dans un agenda législatif surchargé.
Ces dispositions très contestables, dont certaines ont un caractère quasiment provocateur, concernent des thèmes variés. Le service national universel, par exemple, qui n’a jamais été débattu au Parlement, est abordé sous l’angle bien étroit d’une habilitation à légiférer par ordonnance sur le recrutement des encadrants. Elles concernent aussi les seuils de revente à perte et les promotions pour les denrées et certains produits alimentaires ou les règles applicables aux personnels de l’Office national des forêts et à son conseil d’administration, deux questions sur lesquelles le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnance, sans manifestement avoir tenu compte des travaux parlementaires.
Sur tous ces sujets, la commission spéciale estime qu’un vrai débat doit avoir lieu et elle ne souhaite pas donner carte blanche au Gouvernement.
Enfin, au nom de la commission spéciale, je regrette que l’examen du projet de loi se déroule dans des conditions assez acrobatiques.