Intervention de Viviane Artigalas

Réunion du 3 mars 2020 à 14h30
Accélération et simplification de l'action publique — Discussion générale

Photo de Viviane ArtigalasViviane Artigalas :

Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, la volonté de simplifier l’action publique afin de faciliter la vie de nos concitoyens est louable, et l’on ne peut qu’être d’accord avec cet objectif.

Néanmoins, nous ne pouvons que critiquer la méthode choisie pour l’examen de ce texte. Un mois à peine s’est écoulé entre sa présentation en conseil des ministres et son examen en séance : c’est fort peu pour mesurer toutes les implications et les incidences d’un texte qui compte près de cinquante articles touchant aux sujets les plus divers, les plus complexes et les plus techniques.

Finalement, l’acronyme par lequel on « simplifie » son titre présente le mérite de la clarté quant à l’objectif du Gouvernement : « ASAP », soit en anglais as soon as possible, ce qui signifie, dans la langue de Molière, aussi vite que possible… Mais n’est-ce pas l’objectif du Gouvernement : faire adopter des réformes impopulaires, en toute discrétion et aussi vite que possible, au mépris du travail du Parlement ?

Je tiens donc à saluer les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi et particulièrement de sa rapporteure, Patricia Morhet-Richaud, qui a rempli sa mission en un temps record et a permis de faire évoluer le texte en partie dans le bon sens. Les sénateurs socialistes y ont pris toute leur part.

Dans un esprit constructif, et parce que des dispositions allaient dans le sens d’une réelle simplification, nous avons, en accord avec la commission spéciale, approuvé ou simplement précisé près de la moitié des articles de ce texte. Mais d’autres mesures ne sont pas du tout anodines et n’ont que peu de rapport avec la simplification de l’action publique. La commission spéciale les a modifiées ou supprimées.

Ainsi, je me félicite du maintien de la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez reconnu vous-même : comment pouvait-on envisager la suppression de cette commission, alors que votre objectif est le démantèlement de quatorze réacteurs d’ici à quinze ans ?

Je me félicite également du remplacement de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’expérimentation de l’encadrement des promotions et du relèvement des seuils de revente pour les denrées et certains produits alimentaires par une prorogation sous conditions. La commission aménage ainsi certains dispositifs problématiques de la loi Égalim et de cette ordonnance, que nous avions fortement mis en exergue dans le cadre d’une mission d’information sénatoriale.

De même, nous avons demandé et approuvé la modification des dispositions concernant les avocats et les pharmaciens. En effet, en supprimant la possibilité de vente de médicaments par des plateformes en ligne et celle d’exercer cette activité en stockant dans des locaux distincts des officines, nous avons évité une certaine forme d’« ubérisation » de la santé.

Enfin, l’autorisation, pour l’assureur de protection juridique, d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et son avocat était préjudiciable à cette profession et à ses clients ; nous l’avons donc supprimée.

Le travail commun, souvent transpartisan, a permis d’autres améliorations, dont certaines méritent d’être précisées : je pense à la parité entre élus locaux et représentants institutionnels au sein des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), au renforcement de l’information des maires sur les projets d’installation d’éoliennes, à la mise en place, sur proposition de notre groupe, d’antennes de pharmacie pour préserver l’accès à une offre pharmaceutique dans les communes isolées, à des mesures de simplification en matière de résiliation d’un contrat assurance emprunteur, qui reprennent la proposition de loi socialiste de Martial Bourquin adoptée à l’unanimité au Sénat en novembre dernier.

Cependant, ces modifications auraient pu aller encore plus loin, s’agissant particulièrement des installations classées pour la protection de l’environnement, ainsi que du maintien de la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’État outre-mer – je suis certaine que nos collègues ultramarins y reviendront – et de la suppression du recours à la simple consultation du public pour certains projets soumis à autorisation environnementale. Nous défendrons de nouveau ces modifications en séance publique.

Nous redemanderons aussi la suppression de l’habilitation à réformer l’ONF par ordonnance. Un sujet de cette importance ne saurait être traité de cette façon. La gestion de notre forêt et l’avenir de l’ONF doivent faire l’objet d’un débat et d’une réforme à part entière.

Je suis au regret de devoir vous dire que, selon nous, votre réponse au grand débat national ne répond pas aux préoccupations des Français. Bien au contraire, certaines de vos « simplifications » leur envoient un très mauvais signal. Ils demandent des services publics plus lisibles, plus proches et plus accessibles dans tous les territoires, sans exception. Or suppression n’a pas valeur de simplification : c’est l’aveu d’un manque de réflexion et de l’absence totale d’un véritable projet politique que de le croire.

Les avancées obtenues en commission sont heureuses, mais encore insuffisantes, et je souhaite que nos débats en séance publique puissent nous permettre d’obtenir de nouvelles garanties sur tous les sujets que j’ai évoqués et qui restent en suspens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion