Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, je voudrais partager avec vous quatre motifs d’étonnement.
En premier lieu, pourquoi nous imposer d’examiner ce texte à marche forcée ? Y avait-il urgence à prendre des mesures concernant l’archéologie préventive ? Je ne le pense pas. Cette première question s’accompagne d’un coup de chapeau à notre commission spéciale, à son président et à sa rapporteure, Patricia Morhet-Richaud, qui ont travaillé, et bien travaillé, dans des conditions de délais pour le moins discutables.
Mon deuxième motif d’étonnement tient au fait que le Gouvernement nous présente ce texte comme une des résultantes des consultations effectuées dans le cadre du grand débat national de l’an dernier. Pour autant, sur les ronds-points, il me semble que l’on parlait davantage des fins de mois difficiles, du prix de l’essence, des taxes, du coût de la vie que de l’utilité de la commission consultative des baux ruraux, de l’opportunité de conserver la Commission centrale des évaluations foncières ou de la pertinence de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement…
En travaillant votre texte, je n’ai pu m’empêcher, madame, monsieur les secrétaires d’État, de penser aux « comités Théodule » qu’évoquait le général de Gaulle. Vous avez raison de vouloir faire disparaître certains d’entre eux. La commission spéciale de la Haute Assemblée vous a d’ailleurs largement suivis sur ce point.
Pour autant, elle a pu également s’étonner de voir supprimer d’un trait de plume certains outils qui pourraient s’avérer utiles, sous réserve qu’ils soient transformés. Ainsi, en pleine réflexion sur les restitutions – on sait le travail accompli sur le sujet par la commission de la culture du Sénat et sa présidente, Catherine Morin-Desailly –, vous entendiez supprimer la Commission scientifique nationale des collections. Nous sommes nombreux à le regretter.
Au-delà, le besoin de transformation, de simplification et d’accompagnement de l’action publique relève d’une préoccupation pérenne des responsables politiques et d’une attente de nos concitoyens. J’en arrive ainsi à mon troisième motif d’étonnement, nourri par le décalage entre l’ambition politique affichée au travers de ce texte et son contenu.
Nos concitoyens ont besoin de présence et d’échanges efficaces avec les services déconcentrés de l’État. Ce projet de loi avait pour ambition de répondre à cette attente ; je doute que ce soit le cas.
Certes, le rapprochement ou la suppression de nombreuses commissions va dans le bon sens, mais cela permettra-t-il de répondre à ce besoin d’un État plus proche, plus simple, plus efficace – l’« État assoupli » qu’évoquait déjà, en 1969, le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas ?
Les dispositions de ce projet de loi sont avant tout issues d’une administration qui se parle à elle-même. Elles ne vont donc pas suffisamment loin pour que la simplification infuse dans la vie de nos concitoyens, parce qu’elles ont pour point de départ l’administration elle-même et non le parcours de l’administré.
Mon quatrième motif d’étonnement, enfin, tient à ce que ce projet de loi révèle de la cohérence de l’action gouvernementale et de son calendrier. Pour que cohérence il y ait, n’aurait-il pas fallu mener une réflexion sur le périmètre de l’État et sur l’application du principe de subsidiarité ? Quelle peut être la cohérence de ce texte quand les consultations sont en cours afin de finaliser le projet de loi 3D, porté par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ? Le présent texte en constitue-t-il un premier volet ou s’agit-il d’une initiative connexe ? Nous n’en savons rien.
Faute de ligne directrice, ce projet de loi s’apparente à un inventaire à la Prévert. Il est composé de dispositions plus ou moins opportunes, plus ou moins bien préparées, plus ou moins bien acceptées par les acteurs.
De surcroît, en cherchant à faire du chiffre, vous avez pris le risque d’inquiéter certaines professions. Ce n’est, en effet, pas au détour d’un texte de cette nature que l’on réforme l’économie de la distribution du médicament et le maillage du territoire par les officines, les missions et l’organisation de l’ONF ou encore la place des assurances dans les procédures de fixation des honoraires des avocats. Ce texte fourre-tout ne peut être le véhicule de réformes de fond qui méritent études, concertation et débats approfondis.
Néanmoins, certaines mesures vont bien sûr dans le bon sens et contribueront, à n’en pas douter, à améliorer les relations entre nos concitoyens et l’administration. En cela, elles sont bienvenues. Je pense, en particulier, à celles qui concernent le permis de conduire, la vérification du lieu du domicile dans la procédure de demande de pièces d’identité, la sécurisation des porteurs de projet ou la simplification de la vie des entreprises.
Les travaux de notre commission spéciale, et particulièrement ceux de Patricia Morhet-Richaud, ont permis d’améliorer le texte et nos débats y contribueront encore. C’est pourquoi, fort de ces travaux et des améliorations substantielles apportées au texte, je voterai, comme mes collègues du groupe Les Républicains, ce projet de loi amendé.