Les débats très approfondis menés au sein de la commission Champsaur ont permis de faire émerger, de façon assez naturelle et consensuelle, une troisième voie nous permettant à la fois de maintenir une régulation très forte tout en restant fidèles aux trois piliers qui fondent notre stratégie énergétique, à savoir un haut degré de compétitivité, une sécurité absolue de nos approvisionnements et une politique électrique plus respectueuse de l’environnement, grâce notamment à la maîtrise de la demande et à la gestion de la pointe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif proposé par la commission Champsaur, modifié par l’Assemblée nationale et amendé par la commission de l'économie du Sénat, s’articule ou s’organise autour de quatre principes ou de quatre concepts clefs.
Le premier, c’est ce que l’on a appelé « l’accès régulé à la base » et que l’on appelle aujourd’hui, pour des raisons de précision et de clarté, « l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique », l’ARENH, c’est-à-dire la possibilité pour les concurrents d’EDF d’acquérir de l’électricité pour l’approvisionnement de leurs clients situés en France, au coût complet de production du parc nucléaire historique, autrement dit au « juste prix » ou au prix le plus équitable, transparent et opposable qui soit.
Le projet de loi définit ainsi clairement les composantes de ce prix régulé. Son objectif sera, dans un premier temps, d’être cohérent avec le TARTAM, puis, sur la durée de la période de régulation, de couvrir strictement les coûts de production du parc nucléaire historique, à savoir la rémunération du capital, les charges courantes, les investissements nécessités par l’allongement de la durée de vie des centrales et les charges de long terme, autrement dit la gestion des déchets et du démantèlement.
Je rappelle que ce dispositif est strictement encadré puisqu’il est restreint dans le temps – il est valable quinze ans –, limité quantitativement, et qu’il prévoit des clauses de revoyure tous les cinq ans.
Par ailleurs, les fournisseurs qui décideront de revendre plus cher à l’étranger l’électricité achetée en France par l’ARENH pour augmenter artificiellement leurs profits devront rembourser la différence à EDF, sous peine de sanction. Il s’agit de s’assurer qu’ils ne disposeront d’aucun bénéfice illégitime.
Grâce à ce dispositif, nous faisons le choix d’une régulation forte, mais ciblée. On passe, en réalité, d’une régulation « aval » à une régulation « amont », tout en ayant la certitude de disposer des moyens financiers suffisants pour entretenir et développer nos infrastructures énergétiques.
Le deuxième principe, que nous devons au sénateur Bruno Sido et au député Serge Poignant, concerne la mise en place d’une « obligation de capacités d’effacement ou de production », dont la finalité est d’obliger les fournisseurs alternatifs à participer au financement de la sécurité des approvisionnements et de mieux rémunérer l’effacement de la consommation, ainsi que la production de pointe.
Le projet de loi prévoit donc, à compter de 2015, l’obligation pour le fournisseur de disposer de façon directe ou indirecte de capacités de production ou d’effacement suffisantes.
Ainsi, RTE vérifiera, chaque année, que le fournisseur détient en propre ou par contrats des capacités d’effacement ou de pointe suffisantes, les sanctions pouvant aller de la simple amende jusqu’au retrait pur et simple du droit d’exercer.
Nous passons donc d’une situation dans laquelle EDF était, en quelque sorte, assureur implicite de tout le système à une situation dans laquelle la charge est mutualisée entre l’ensemble des fournisseurs.
Le nouveau dispositif permettra en outre de développer la pratique de l’effacement, comme c’est le cas dans de nombreux pays. En parallèle ou en complément du marché de l’effacement, qui sera effectif à compter de 2012, le projet de loi prévoit la mise en place de deux innovations que nous devons au Parlement.
La première introduit un dispositif d’« interruptibilité » : en échange d’une rémunération, les très gros consommateurs s’engagent à interrompre immédiatement leur activité en cas de surcharge sur le réseau
La seconde innovation, imaginée par votre collègue Jean-Pierre Vial et soutenue par le Gouvernement, permet à RTE de lancer des appels d’offres d’effacement, toujours en direction des gros consommateurs.
J’en viens maintenant à la question des tarifs réglementés, pour lesquels il s’agit de distinguer entre petits et gros consommateurs.
Pour ce qui concerne les premiers d’entre eux – en clair, les particuliers, les commerçants et les artisans –, le projet de loi prévoit le maintien des tarifs réglementés et consacre le droit pour chacun de choisir librement et à tout moment son distributeur en fonction de ses besoins. La réversibilité est donc totale et absolue, ce qui constitue une protection très forte pour les particuliers.
Je crois d’ailleurs que nous parlerons dans le cadre de l’examen du présent texte de l’éventualité d’une extension au gaz de dispositions du même type.
Par ailleurs, nous devons réfléchir dès à présent à la meilleure façon d’aider les consommateurs les plus démunis à accéder aux tarifs sociaux.
Quant aux gros consommateurs, le projet de loi prévoit la suppression des tarifs réglementés à compter de 2015, dans la mesure où les entreprises auront désormais la certitude que leur fournisseur bénéficie du prix d’achat le plus compétitif qui soit. À elles, ensuite, de faire jouer la concurrence pour obtenir les services commerciaux et de transport les mieux adaptés à leurs besoins. Nous le constatons, les consommateurs sont ainsi protégés.
Je me dois de dire quelques mots au sujet de la Commission de régulation de l’électricité, la CRE, dont le projet de loi prévoit d’étendre à la fois les pouvoirs et les attributions.
Le texte permet d’aller vers une plus grande professionnalisation de ses membres : après concertation entre l’Assemblée nationale et la commission de l’économie, la CRE sera désormais composée de cinq commissaires à temps plein, au lieu de neuf, dont six à temps partiel, jusqu’à présent.
Le projet de loi marque la fin de la représentation catégorielle et prévoit une articulation renforcée entre la CRE et le CSE, le Conseil supérieur de l’énergie, dont nous parlerons tout à l’heure.
Désormais le régulateur dispose des moyens financiers et humains nécessaires à l’accomplissement de sa mission de service public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont donc les objectifs visés par le projet de loi qui vous est soumis et qui est un texte à la fois de refondation juridique, de consolidation de notre compétitivité industrielle et de protection du consommateur.