Monsieur le ministre d’État, je commencerai moi aussi mon propos par des remerciements. Je suis depuis très longtemps – je le faisais déjà à l’époque où j’étais député – les problèmes liés à l’énergie en général, et à l’électricité en particulier. J’ai donc spécialement apprécié le fait que vous ayez souhaité associer, très en amont du texte initial, les deux rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela nous a permis, dès le départ, d’apporter un certain nombre de modifications. Pour un rapporteur, il est très agréable de travailler ainsi !
J’en viens maintenant, mes chers collègues, à l’objet principal du projet de loi que nous devons examiner. Il s’agit d’apporter une réponse à la faiblesse de la concurrence sur le marché français de l’électricité, qui, vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre d’État, nous est souvent reprochée.
En droit, l’ouverture de ce marché est complète depuis le 1er juillet 2007. Mais, comme chacun peut le constater, dans les faits, l’opérateur historique a conservé une position très largement dominante. EDF assure toujours 90 % de la production d’électricité. Surtout, grâce au maintien des tarifs réglementés, EDF sert toujours en volume plus de 95 % de la clientèle résidentielle et près de 87 % de la clientèle non résidentielle.
Un sondage récent a d’ailleurs révélé que près de 40 % des Français ne savaient même pas qu’ils pouvaient acheter de l’électricité à des électriciens concurrents d’EDF !
Cette situation contraste avec les évolutions observées dans les pays européens voisins, où les opérateurs historiques ont dû se défaire d’une partie de leurs capacités de production au profit de nouveaux entrants. La Commission européenne conteste cette exception française. Comme vous l’avez rappelé voilà un instant, monsieur le ministre d’État, elle a d’ailleurs engagé en 2006 une procédure en manquement contre la France, qui vise le maintien des tarifs réglementés. Elle a également lancé en 2007 une procédure d'examen au titre des aides d'État, laquelle pourrait conduire les entreprises françaises à devoir rembourser plusieurs milliards d'euros.
Il nous est donc impossible de nous satisfaire du statu quo. Le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit « projet de loi NOME », s'inscrit dans la droite ligne des propositions de la commission Champsaur, qui a proposé d’instaurer pour les fournisseurs alternatifs un mécanisme d'accès régulé à l'électricité de base produite par EDF à partir de son parc de centrales nucléaires. C'est ce mécanisme, depuis lors rebaptisé « accès régulé à l'électricité nucléaire historique », ou ARENH, par l'Assemblée nationale, qui est mis en place par l'article 1er du projet de loi.
Ce dispositif a été présenté aux commissaires européens chargés de la concurrence et de l'énergie. Ceux-ci en ont approuvé le principe, et fait savoir que l'adoption du projet de loi pourrait conduire à l'abandon des procédures engagées. Ce texte préserve deux acquis essentiels. D’une part, il n’affecte pas l'intégrité d'EDF, qui n'aura pas à céder une partie de son outil de production. D’autre part, le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire demeurera réservé aux consommateurs français. En effet, les fournisseurs alternatifs n'auront droit à l'ARENH qu'à hauteur des besoins de leurs clients en France.