Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 26 février 2020 à 16h35
Budget communautaire — Réunion conjointe avec la commission des affaires européennes de l'assemblée nationale et les membres français du parlement européen sur le prochain cadre financier pluriannuel de l'union européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat :

Chers collègues, merci à tous pour votre présence. Merci notamment au député européen Pierre Larrouturou. Cette réunion conjointe entre parlementaires nationaux et européens est un concept ancien qui rencontre un succès inégal en raison de la distance géographique qui nous sépare. Peut-être devrions-nous imaginer une autre approche en utilisant les nouvelles technologies.

Soyez les bienvenus au Sénat. Nous nous réunissons aujourd'hui pour évoquer un sujet majeur pour l'avenir de l'Union européenne : celui du cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027. Je vous rappelle que la Commission européenne a présenté, le 2 mai 2018, ses propositions en la matière, notamment pour conduire de nouvelles politiques permettant de répondre aux actuels défis auxquels l'Union est confrontée. Sa proposition se traduisait par un plafond de dépenses arrêté à 1,11 % du revenu national brut de l'Union à 27 en crédits d'engagement, soit 1 134 milliards d'euros en prix 2018.

Le Parlement européen, qui doit approuver le cadre financier pluriannuel, a adopté plusieurs résolutions et exige, en particulier, un montant de dépenses arrêté à 1,3 % du revenu national brut en crédits d'engagement.

La présidence finlandaise du Conseil a présenté, le 5 décembre 2019, une « boîte de négociation » proposant un montant de crédits d'engagement arrêté à 1,07 % du revenu national brut, soit environ 47 milliards de moins que la proposition initiale de la Commission européenne. Cette proposition a suscité de nombreuses critiques.

Le Président du Conseil européen, Charles Michel, a convoqué le 20 février un Conseil européen extraordinaire au cours duquel il espérait parvenir à un accord. En vain. Charles Michel n'ouvrait de fait qu'une très maigre marge de discussion par rapport à la proposition finlandaise : 7,5 milliards d'euros au total, correspondant uniquement au nouveau fonds pour la transition juste annoncé par la Commission européenne.

Dans la perspective des négociations sur le cadre financier pluriannuel, la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a adopté, en mai 2019, le rapport de Christophe Jerretie, assorti de conclusions. De son côté, le Sénat, suivant une proposition que j'ai formulée avec mon collègue Simon Sutour, a adopté fin février une résolution européenne sur le CFP. Elle confirme notamment plusieurs positions sectorielles antérieures.

Avec la Présidente Thillaye, nous avons souhaité vous proposer un texte conjoint qui reprend certaines idées fortes émanant de nos deux chambres, afin d'adresser au gouvernement français et aux autorités européennes un message clair en vue de ces négociations stratégiques. J'évoquerai brièvement quelques points et laisserai ensuite Sabine Thillaye compléter mon propos.

Nous saluons les nouvelles priorités avancées par la Commission européenne pour permettre à l'Union européenne de relever les défis auxquelles elle est confrontée, mais nous affirmons clairement que le financement de ces nouvelles priorités ne doit pas conduire à réduire les ambitions des politiques traditionnelles, notamment la politique agricole commune (PAC) et la politique de cohésion.

L'Europe a toujours besoin de la politique agricole commune et de la politique de cohésion : ce sont des politiques stratégiques, au même titre que la politique spatiale ou la politique d'innovation. Il faut donc un budget en conséquence. Nous en avons déjà débattu ensemble en octobre 2019 concernant la PAC et nous réaffirmons notre position. Nous soutenons évidemment le maintien des régions en transition au sein de la politique de cohésion.

Au moment où les États-continents (États-Unis, Inde, Chine, Brésil) consacrent un budget accru à leur politique agricole, l'Europe a adopté une démarche contraire. Il s'agit pourtant d'une politique stratégique et de souveraineté en termes à la fois alimentaires et sanitaires.

Nous souhaitons également une prise en compte, adaptée à la hauteur de leurs spécificités et enjeux propres, des régions ultrapériphériques (RUP) et des pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

Nous affirmons le souhait de conserver l'enveloppe proposée par la Commission européenne pour le programme spatial européen. Nous soulignons la nécessité de dédier à l'agence Frontex un budget lui permettant de mettre en oeuvre le mandat renforcé qui lui a été confié en 2019. Nous regrettons par ailleurs l'absence d'ambition concernant l'instrument budgétaire de convergence et de compétitivité au sein de la zone euro. Je crois qu'après avoir imaginé un certain étiage, nous sommes parvenus aux alentours de 15 milliards d'euros, ce qui est nettement insuffisant compte tenu du périmètre de cette action.

Naturellement, il faut pouvoir financer l'ensemble. C'est pourquoi nous demandons la suppression des rabais et la mise en place de nouvelles ressources propres. Cinq États membres profitent encore de la politique des rabais initiée à l'époque de Mme Thatcher. Il s'agit d'une forme de provocation de la part de ces États. Il n'est pas concevable de conserver cette politique. Sans nouvelles ressources propres, il apparaît illusoire d'imaginer aboutir à un budget ambitieux, alors que l'Europe en a besoin. Un certain nombre d'articles de presse parus dans des journaux nationaux sont explicites sur ce point.

Compte tenu de l'état d'avancement des négociations, et comme l'avait également souhaité le Parlement européen, nous appelons la Commission européenne à envisager de proroger les plafonds et autres dispositions correspondant à la dernière année de l'actuel cadre financier pluriannuel, au cas où le nouveau cadre financier ne serait pas adopté en temps utile. C'est un risque réel et il faut s'y préparer, même si ce serait un mauvais message adressé à l'Union et à nos concitoyens.

Les discussions sur le cadre financier pluriannuel font davantage ressortir les égoïsmes nationaux que le projet européen que nous partageons. Il ne s'agit évidemment pas d'être naïf, mais il est temps de retrouver la voie de l'Union au service de nos concitoyens. J'espère que cette réunion y contribuera à sa manière.

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