Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’étiquetage alimentaire est une question majeure pour nos concitoyens. Il fait l’objet d’une attente sociétale que nous devons toujours avoir en tête, même s’il me faut avouer que le sujet est complexe.
En effet, entre origine des produits, modes de production – on peut penser aux œufs –, valeurs nutritionnelles, présence d’ingrédients allergènes, notamment, il faudra à un moment ou à un autre définir ensemble des priorités. Vous en conviendrez, mes chers collègues, l’étiquetage du fromage de chèvre de Rocamadour va devenir particulièrement compliqué : il faudra soit augmenter la taille du fromage, soit diminuer le nombre d’informations requises !
Cette demande de transparence, corroborée à l’évidence par le succès de certaines applications numériques, représente en réalité une opportunité pour les industries agroalimentaires d’être plus exigeantes encore sur leurs recettes et la relocalisation de leur approvisionnement.
Elle constitue aussi une opportunité de démontrer l’excellence réelle des produits français et ainsi de faire taire ceux qui laissent entendre que les industries agroalimentaires sont des empoisonneurs. Ces discours qui se nourrissent de la peur sont – permettez-moi de le dire – vraiment indécents. La France doit être fière de son industrie alimentaire, qui est exemplaire en matière de sécurité sanitaire, de qualité gustative et de diversité. Nous, Français, n’avons pas à rougir de la qualité de nos produits ; bien au contraire, nous en sommes fiers !
Les consommateurs font montre d’un intérêt tout particulier pour l’étiquetage de l’origine des pays des ingrédients primaires composant le produit fini. Toutefois, la Commission européenne refuse toute initiative allant dans ce sens, dans une volonté, certes légitime, de construire le marché unique. Au fond, si les normes de production agricole étaient identiques entre pays européens, la Commission pourrait avoir raison. Or tel n’est pas le cas : là est tout le problème.
Il faut le dire clairement : une pomme produite en Pologne ne répond pas aux mêmes standards qu’une pomme française. Je ne veux pas offenser la qualité des pommes polonaises, mais le constat de pratiques divergentes est réel. Et ces divergences sont d’autant moins acceptables, désormais, qu’elles sont aggravées par la signature de traités de libre-échange avec d’autres régions du monde qui ne suivent pas nos standards de production.
Le droit européen entretient cette situation ubuesque qui consiste à considérer que deux produits agricoles sont similaires dès lors qu’ils sont européens et qu’ils n’ont donc pas à être différenciés selon leur origine, alors qu’ils n’ont pas été produits selon les mêmes normes.
Les consommateurs ne veulent plus entendre parler de ce micmac européen. Ils veulent la transparence sur l’origine des produits qu’ils consomment, de manière à orienter leur consommation vers les produits auxquels ils font confiance. Ils veulent aussi une réduction des divergences de normes entre pays européens.
Ces dossiers devront être prioritaires au cours des négociations européennes sur la prochaine politique agricole commune. Je sais que certains pays les mettent en avant ; j’espère, monsieur le ministre, que la France en fait partie.
Un règlement européen qui doit bientôt entrer en application devrait permettre de faciliter certains étiquetages d’origine à titre volontaire, mais nous devons aller plus loin !
Dans ce contexte délicat, le Parlement français entend faire bouger les lignes. Que cette proposition de loi soit entendue comme un signal fort par le Gouvernement : les députés et les sénateurs ont, ensemble, travaillé pendant plusieurs mois pour construire ce texte.
Je veux saluer le travail réalisé par M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, et par Mme Barbara Bessot Ballot, rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale. Leur écoute et notre travail commun ont permis d’avancer, de lever les points de blocage et de prendre en compte le travail sénatorial. Permettez-moi de saluer également l’œuvre de pédagogie, de consensus et – pour reprendre un mot qui vous est cher, monsieur le ministre – de compromis de nos rapporteurs, Anne-Catherine Loisier et Henri Cabanel, tout au long de cette année.
Il en résulte une proposition de loi qui doit être appréciée à sa juste mesure : elle fait évoluer de nombreux sujets, mais dans la limite de sa conformité au droit européen.
Vous n’ignorez d’ailleurs pas, monsieur le ministre, que nous avons des doutes sur certaines rédactions issues de compromis nécessaires et retenues dans le texte final. Je pense notamment à l’indication des pays d’origine du cacao, que la directive sectorielle ne prévoit pas, mais aussi à la décision de ne plus soumettre à l’inscription au catalogue officiel les semences vendues aux jardiniers amateurs, aux termes d’un compromis que je qualifierais volontiers de « kokopelliesque ». Il importe que la Commission européenne se prononce sur la conventionalité de ces sujets, afin que nous ayons les idées claires.
Il faut surtout souligner les avancées très importantes permises par ce texte sur tous les points qui ont été mentionnés : les miels, l’affichage de l’origine des viandes, l’étiquetage des vins, ou encore le rétablissement de la déclaration de récolte obligatoire ; je ne saurais évidemment oublier, monsieur le ministre, la Clairette de Die !
Pour entériner, enfin, ces avancées permises par le Parlement, le groupe Les Républicains votera bien sûr en faveur de ce texte. Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le ministre, de l’avoir fait inscrire très prochainement à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Le Parlement a fait sa part de travail. À vous, désormais, d’aller négocier à l’échelon européen avec, sous le bras, ce petit signal que nous envoyons !