Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 4 mars 2020 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la Première présidente, mes chers collègues, avec une certaine constance, nous nous retrouvons chaque année à la même période pour la présentation du rapport annuel de la Cour, et toujours avec une certaine constance, nous constatons l’écart entre les engagements pris et les résultats atteints ! Je me réjouis cependant cette année du nouveau cadre de nos échanges, qui permet davantage de débat.

Les chiffres, une nouvelle fois, ne sont pas tous bons, voire ne sont tout simplement pas bons. Comme vous le soulignez, madame la Première présidente, le déficit structurel n’a été réduit que de 0, 1 point de PIB entre 2018 et 2019. Et ce même déficit structurel ne marquerait « aucune amélioration en 2020 ». La loi de programmation des finances publiques que le Parlement a votée en 2018 disposait pourtant que celui-ci atteignît 1, 9 % du PIB en 2019, bien en deçà des 2, 2 % finalement atteints. En un an, notre dépense publique a augmenté de 22 milliards d’euros. Nous dépensons largement plus que nos grands voisins européens, pour des politiques publiques comparables.

Il ne s’agit pas de nier la nécessité des dépenses que nous avons votées au mois de décembre 2018, dans un contexte inédit et de grande tension sociale. Ce que nous regrettons, ce sont les acrobaties budgétaires consistant finalement à débloquer en urgence des crédits de circonstance, dont le financement repose sur des taux providentiellement bas. Ce ne sont malheureusement que des pansements sur une jambe de bois qui repoussent le problème sans jamais le régler. Ces expédients ne remplacent pas une politique courageuse s’appuyant sur une vision stratégique. Et soyons sûrs que les bénéficiaires des crédits d’aujourd’hui, et leurs enfants après eux, auront à en payer tôt ou tard le prix. Cette politique ne me paraît pas responsable.

Alors, me direz-vous, quelle marge de manœuvre resterait-il à l’État si demain nous devions affronter une nouvelle crise monétaire et bancaire ? Quelle marge de manœuvre si l’épidémie sanitaire qui nous touche devait affecter significativement nos capacités de croissance ? Le ministre de l’économie et des finances annonçait à ce titre que la perte de croissance serait « beaucoup plus significative » que le 0, 1 point estimé par la direction du Trésor. Quelle marge enfin si les tensions internationales mondiales venaient à s’accroître en pénalisant plus fortement encore nos capacités commerciales ?

Le Gouvernement parle beaucoup de responsabilité, puisqu’il va jusqu’à l’engager devant la représentation nationale. Pourtant, une politique pleinement responsable voudrait que, dans ces conditions, tout soit mis en œuvre pour se redonner des marges de manœuvre suffisantes permettant à la France de réagir en cas de chocs externes. Or, comme la Cour le souligne, les baisses d’impôt, favorables aux ménages, ont été consenties « sans avoir renforcé […] au préalable [les] marges de manœuvre budgétaires. »

Votre voix et celle de la Cour, madame la Première présidente, témoignent à la fois de la consistance de vos analyses et de la constance de nos institutions. Cette constance, en rappelant les erreurs du passé, devrait conduire le Gouvernement à éviter de reproduire de manière presque incorrigible les mauvais comportements qui ont fait perdre beaucoup de temps et d’argent à notre pays antérieurement.

Nous sommes comme englués dans le mirage d’une croissance, certes positive, mais faible, et qui risque de l’être durablement. Cet endormissement paraît presque indolore grâce à des stabilisateurs automatiques puissants.

Nous sommes pourtant au moment du kairos, ce moment favorable pour baisser notre dépense publique, sortir de la spirale infernale de la dette et oser présenter – je serais tenté de dire « enfin » – des mesures budgétaires qui, par un effort partagé entre tous, conduisent à retrouver les conditions d’une croissance durable.

Songeons au prix que les Français devraient payer alors que notre pays se distingue déjà par un taux de fiscalité et de dépense publique le plus élevé de l’Union européenne.

Par le biais de votre rapport, madame la Première présidente, vous tirez une nouvelle fois la sonnette d’alarme, comme nous avons eu l’occasion de le faire au Sénat lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2020. Nous avions alors proposé une série de mesures de baisse de la dépense publique. Le ministre les avait rejetées.

Si j’osais, je dirais que nous n’arrivons pas à endiguer ce mauvais virus de la dépense publique qui ne cesse de croître et qui est pourtant fortement préjudiciable à la bonne santé de notre pays et à l’avenir de nos concitoyens.

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