Intervention de Sophie Moati

Réunion du 4 mars 2020 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes suivi d'un débat

Sophie Moati :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de la place que vous faites à la présentation de notre rapport public annuel dans un calendrier parlementaire que nous savons très chargé.

Il me semble que les modalités retenues cette année, avec l’introduction d’interventions d’orateurs des différents groupes, ont permis d’enrichir le débat. Monsieur le président, monsieur le sénateur Éric Bocquet, je vous remercie d’avoir fait la proposition à l’origine de ce débat.

Je l’ai dit en introduction, nous sommes très attentifs à ce que le Sénat, plus généralement le Parlement, s’approprie les travaux de la Cour. Ce débat peut y contribuer utilement. La Cour, en la personne de son prochain Premier président, sera – je n’en doute pas – disposée à continuer de le faire évoluer.

Si vous le permettez, je vais essayer de répondre en regroupant les diverses questions et interventions par thèmes.

Je reviendrai d’abord sur les interventions du président de la commission des finances et du rapporteur général de la commission des affaires sociales. Messieurs Éblé et Vanlerenberghe, vous avez relevé la qualité des échanges entre la Cour et vos deux commissions. Cette journée en est l’illustration, puisque ce matin à neuf heures, la commission des affaires sociales a auditionné la sixième chambre sur le chapitre du rapport public annuel relatif à l’insuffisance rénale chronique terminale, et que cet après-midi à seize heures trente, juste avant le présent débat, la commission des finances a auditionné la présidente de la deuxième chambre, Annie Podeur, sur le rapport relatif au démantèlement des installations nucléaires.

J’en viens maintenant à vos remarques et questions. Plusieurs orateurs – le président Éblé et MM. Husson, Bargeton, Delahaye, Gabouty, Menonville, Bocquet et Joly – sont revenus sur la situation d’ensemble des finances publiques, ce qui montre tout l’intérêt que vous portez à nos travaux très réguliers sur le sujet.

Le rapporteur général de la commission des affaires sociales a plus spécifiquement souhaité connaître l’analyse de la Cour sur l’incidence financière prévisible du Covid-19. Il est encore trop tôt pour se livrer à un tel exercice de prévision.

Les observations du rapport public annuel relatives à l’impact du Covid-19 sur les finances publiques ont été arrêtées sur la base des informations disponibles fin janvier, soit avant l’accélération de la propagation du Covid-19. De même, les prévisions de la Commission européenne publiées le 13 février dernier n’intègrent pas l’effet du Covid-19.

À ce stade, il est plausible que cette épidémie aura un effet significatif sur la croissance mondiale en 2020, et donc sur les finances publiques, mais quantifier cet impact, même sous forme de fourchette, paraît encore très périlleux, et nous ne nous y risquerions pas aujourd’hui compte tenu de la très grande incertitude sur l’ampleur, la durée et les conséquences économiques de l’épidémie. La Cour ne dispose pas d’analyses plus récentes que celles qui figurent dans le rapport public annuel. Elle tâchera de les actualiser au cours des prochains mois, dans le rapport sur le budget de l’État qui sera publié fin avril, et dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qui sera publié fin juin.

Par ailleurs, le Haut Conseil des finances publiques sera amené à donner à la mi-avril un avis sur les nouvelles prévisions de croissance du Gouvernement pour 2020 et les années suivantes sous-tendant le programme de stabilité qui sera envoyé à la Commission européenne à la fin du mois d’avril.

Ces différents rendez-vous permettront d’aller plus avant dans les analyses.

Plusieurs orateurs sont intervenus sur le sujet global du numérique au service de la transformation de l’action publique. Les sénateurs Bargeton, Menonville et Carcenac ont salué les nouveautés bienvenues de ce thème transversal – nous nous en réjouissons.

M. Delahaye a insisté sur l’évaluation des économies et des gains de productivité que pourrait entraîner à court et moyen termes le processus de dématérialisation, à l’instar du plan Préfectures nouvelle génération. Il n’est pas possible de chiffrer globalement les gains de productivité dus au numérique. Ce processus a commencé il y a maintenant de longues années – M. Carcenac le rappelait – et il n’est pas près de s’arrêter. Il connaît d’ailleurs régulièrement des évolutions majeures, comme les débuts de l’utilisation de l’intelligence artificielle, qui viennent actuellement rebattre les cartes.

En revanche, on peut se poser la question au cas par cas – certains d’entre vous l’ont relevé –, ce que la Cour fait régulièrement, notamment dans le présent rapport public annuel, aux chapitres sur la dématérialisation de la délivrance de titres par les préfectures ou sur les services numériques de Pôle emploi, la dématérialisation ayant permis de faire baisser de 4, 7 % le coût de l’indemnisation entre 2016 et 2018.

Néanmoins, nous soulignons aussi à plusieurs reprises la difficulté d’objectiver le coût des services numériques.

Monsieur Joly, vous avez centré votre intervention sur l’accès au numérique en évoquant l’illectronisme, en particulier en milieu rural. Le rapport public annuel souligne l’enjeu que représente la fracture numérique, notamment dans les chapitres consacrés à la délivrance de titres par les préfectures et aux services de Pôle emploi. En mars 2019, la Cour a aussi abordé cet enjeu dans un rapport rédigé à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale et intitulé L ’ Accès aux services publics dans les territoires ruraux.

Sur le dossier pharmaceutique, plusieurs d’entre vous sont intervenus, notamment M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous nous interrogez sur la conformité de la recommandation n° 3 – « faciliter la création et étendre l’utilisation des dossiers pharmaceutiques individuels en autorisant des créations automatiques sauf opposition des patients » – avec le RGPD.

Je vous confirme la compatibilité de cette recommandation avec le RGPD. Certes, en vertu de ce règlement, le traitement des données relatives à la santé est interdit. Mais ce principe admet certaines exceptions ; c’est précisément le cas si la personne concernée a donné son consentement explicite. En outre, le RGPD ouvre la possibilité de déroger au principe de consentement explicite dans ces domaines, notamment en matière de santé publique et de protection sociale.

J’y insiste : il n’y a pas d’incompatibilité. Je rappelle d’ailleurs que le dossier médical partagé sera créé automatiquement, sauf opposition du patient, à compter du 1er janvier 2021.

J’en viens à une question plus technique : était-il justifié de supprimer, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, la possibilité de substitution de médicaments biologiques par le pharmacien ? Pour justifier cette mesure, certains ont pu avancer l’argument suivant : le Conseil national de l’ordre des pharmaciens n’a pu effectuer le suivi de manière optimale via le dossier pharmaceutique, faute de liste de référence de médicaments biologiques régulièrement fournie et arrêtée par une autorité sanitaire. Toutefois, ce point n’a pas fait l’objet d’un examen particulier de notre part.

Madame Imbert, je vous remercie de votre intervention experte relative au dossier pharmaceutique, et je me félicite de voir converger, sur ce point, vos analyses et celles de la Cour.

J’allais oublier M. Masson…

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