Intervention de Olivier Véran

Réunion du 4 mars 2020 à 21h45
Débat sur les mesures de santé publique prises face aux risques d'une épidémie de coronavirus covid-19 en france

Olivier Véran :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous dire ma fierté de me trouver devant vous ce soir pour débattre avec vous et tenter de répondre à vos interrogations, que j’imagine nombreuses, face à la menace inédite que connaît notre pays. Cette menace appelle, de la part du Gouvernement, de la rigueur, beaucoup de rigueur, et de la transparence, beaucoup de transparence.

Le ministère qui m’est confié et, au-delà, l’ensemble du Gouvernement se mobilisent face à cette situation exceptionnelle. Je laisserai chacun juge de la rigueur des décisions prises et des actions engagées ; mais me voici devant vous pour la transparence.

Je salue devant cet hémicycle la mobilisation exceptionnelle des professionnels de santé, qui sont en première ligne, qui rassurent nos concitoyens et les prennent en charge de A à Z chaque fois que la situation l’exige, quel que soit le point du territoire national concerné.

Saluer le dévouement et le professionnalisme des soignants, c’est déjà rassurer les Français. Je le dis à nos concitoyens : nous avons la chance de pouvoir compter, en France, sur les meilleurs médecins et les meilleurs soignants du monde. Et si c’est par gros temps que l’on reconnaît les bons marins, je peux vous assurer que tous les professionnels de santé que j’ai rencontrés ces derniers jours m’ont impressionné par leur réactivité, leur sang-froid et leur sens du devoir.

À travers vous, je salue également tous les élus. Je sais combien ils sont sollicités, dans tous les territoires, par des citoyens inquiets pour eux, inquiets pour leurs enfants, inquiets pour leurs proches.

Une crise sanitaire mondiale touche notre territoire depuis quelques semaines. Notre responsabilité collective, c’est de protéger nos concitoyens, c’est de garantir le bon fonctionnement de notre système de santé.

Je vous confirme que notre système de santé est prêt et que notre vigilance est à son plus haut niveau.

Depuis le 7 janvier dernier, date à laquelle le virus a été séquencé, Santé publique France mène une veille quotidienne automatique et syndromique très aboutie. Le 22 janvier, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, le Corruss, a été placé en vigilance renforcée et, le 27 janvier, nous avons constitué un centre de crise sanitaire.

Depuis, nos équipes sont mobilisées jour et nuit pour suivre l’évolution de l’épidémie et adapter notre réponse. Le Corruss suit, minute par minute, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l’évolution de la situation en France et dans le monde. Permettez-moi de saluer l’engagement de tous ses membres. Le Président de la République s’est rendu hier au ministère des solidarités et de la santé pour saluer ces équipes, qui, avec beaucoup de détermination, accomplissent un travail minutieux, en liaison avec l’ensemble des professionnels de santé de notre territoire.

Le caractère global du Covid-19 requiert une coordination globale et un dialogue étroit entre les États. Nous travaillons donc en interaction avec les experts de l’Union européenne, le siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le G7 santé.

Pour l’instant, et c’est heureux, nous avons réussi à nous prémunir de la machine à créer de la confusion et de la panique. Mais j’appelle chacun à la responsabilité et à la vigilance, parce que la floraison de rumeurs serait dangereuse en pareilles circonstances.

C’est la raison pour laquelle nous développons une information large à destination des professionnels de santé : ces derniers jouent un rôle majeur pour faire œuvre pédagogique.

Le site DGS-urgent, destiné aux professionnels de santé, compte déjà plus de 800 000 abonnés, qui reçoivent notamment les guides et les fiches techniques régulièrement actualisés.

Toutes les agences sanitaires sont mobilisées : Santé publique France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’Agence de la biomédecine, l’Établissement français du sang (EFS). Les établissements référents sont désormais plus de 140, répartis sur tout le territoire : il n’y a pas un département français qui ne dispose d’un hôpital à même d’accueillir, de A à Z, des patients.

Les tests de diagnostic biologique dits PCR ont, quant à eux, été disponibles très rapidement grâce à l’Institut Pasteur.

Par ailleurs, nous tenons des points-presse quotidiens. Le directeur général de la santé a réalisé aujourd’hui le sien à dix-neuf heures quinze, comme nous en avons pris l’habitude, pour donner une information parfaitement transparente quant à l’évolution de la crise sanitaire.

Si nous assurons cette information quotidienne, c’est parce que la transparence est essentielle, parce que la situation reste très évolutive, à l’étranger comme en France.

À l’heure précise où je vous parle, 90 663 cas ont été recensés dans le monde et 45 000 des personnes concernées ont guéri. Si l’on compte désormais plus de soixante-cinq pays touchés, 90 % des patients se trouvent en Chine. Mais, aujourd’hui, la dynamique internationale se situe ailleurs : le nombre de cas croît neuf fois plus vite hors de Chine que dans ce pays.

À ce jour, la France est au stade 2, et notre objectif principal est de freiner la propagation du virus sur le territoire national.

Je vous rappelle les trois stades définis.

Au cours du stade 1, que nous avons connu, nous mettons tout en œuvre pour empêcher l’entrée du virus sur le territoire. Lorsqu’il est entré, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, une équipe d’intervention pluridisciplinaire s’est rendue sur place pour effectuer toutes les enquêtes, tous les tests de diagnostic nécessaires, isoler les personnes contaminées et éviter que la transmission ne s’amplifie.

Au cours du stade 2, auquel nous sommes, le virus est entré sur le territoire. Nous y observons les premières transmissions interhumaines, parfois avec des regroupements de cas. C’est ce que l’on a pu appeler des « clusters », mais je préfère éviter cet anglicisme et parler de « zones de circulation active du virus ». Les chaînes de contamination entre les personnes testées positives au virus sont recherchées systématiquement. Le but est de freiner l’apparition de l’épidémie.

Au cours du stade 3, dont nous aurons sans doute l’occasion de parler ce soir, et qui n’est pas atteint, en tout cas pas encore, l’épidémie est répandue sur le territoire et les chaînes de contamination ne sont plus identifiables au cas par cas.

Au total, quatre zones territoriales sont particulièrement touchées : une zone dans l’Oise, une zone en Haute-Savoie, une zone dans le Morbihan et une zone dans le Haut-Rhin.

Pour plus de 75 % des cas, la chaîne de transmission virale peut être identifiée. L’objectif principal est donc de ralentir la propagation du virus en protégeant les zones qui ne sont pas touchées ou qui le sont peu. Ainsi, l’on obtient, à l’échelle de la France, une carte mosaïque. Certaines zones sont encore au stade 1, comme la Corse et les territoires ultramarins où aucun cas n’a encore été confirmé. D’autres territoires sont au stade 2. Parmi eux, certains présentent une faible activité dynamique virale quand d’autres, notamment les quatre zones que je viens de citer, connaissent, eux, une dynamique active de transmission du virus.

Désormais, la priorité doit aller aux mesures déployées autour du malade, pour le protéger et protéger ses proches.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout le monde doit montrer l’exemple, et il ne sera ni inutile ni fastidieux de rappeler devant votre assemblée les gestes qui constituent une barrière efficace contre la propagation et le risque de contracter le virus du Covid-19 : se laver régulièrement les mains, si possible toutes les heures ; tousser et éternuer dans son coude plutôt que dans sa main ; utiliser des mouchoirs à usage unique ; ne plus se serrer la main, pour quelque temps, hélas ! ; appeler le 15 en cas de symptômes, ne pas se rendre chez son médecin généraliste, ne pas se rendre soi-même aux urgences ; et ne porter un masque qu’en cas de maladie – nous aurons sans doute l’occasion de reparler des masques au cours de ce débat.

Au quotidien – je pense en particulier à la vie professionnelle –, tout le monde doit se sentir concerné. L’erreur serait de regarder ces recommandations avec détachement. Ces gestes simples sont des pratiques et des réflexes qui rendent chacun acteur de sa santé et de celle des autres.

Nous disons oui aux gestes simples, mais non aux discours simplistes. À cet égard, je rappelle que les frontières géographiques n’ont pas de sens quand il est question d’une épidémie et qu’en la matière seule compte la zone de diffusion du virus. L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs utilement signalé que la fermeture des frontières ne constituait en rien une mesure de santé efficace. La semaine dernière, à Rome, j’ai rencontré six de mes homologues européens, notamment les ministres de la santé allemand, autrichien, italien et croate. Aucun d’eux n’avait l’intention de fermer les frontières de quelque manière que ce soit. Nous l’avons reconnu de manière unanime : il ne s’agit même pas d’une fausse bonne idée, mais d’une idée fausse mauvaise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Gouvernement, c’est d’être transparent dans l’information et déterminé dans l’action. L’enjeu, c’est la santé des Français et notre cohésion sociale.

Nous vivons un moment historique ; un moment où ce que l’on croyait appartenir à un passé lointain ressurgit et interroge notre capacité collective à faire face.

Nous ferons face, grâce à nos professionnels de santé, grâce au sens des responsabilités de chacun, parce que les solidarités se mesurent aussi et peut-être même d’abord dans l’adversité.

L’information, l’anticipation et la prévention sont les outils les plus efficaces pour lutter contre l’épidémie.

Toutes les activités essentielles à la vie des Français doivent pouvoir se poursuivre. C’est le cas dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, du recyclage des déchets, ou encore des transports.

Je l’ai dit et je le répète : notre système de santé est prêt à affronter cette épidémie, mais la mobilisation de chacun est requise. Cette mobilisation permettra de ralentir la propagation du virus, et donc de limiter les effets de cette épidémie sur le fonctionnement de notre système de santé et sur la vie de nos concitoyens.

Il y a une inquiétude en France. Cette inquiétude est légitime. Je l’entends, je la comprends et j’y apporte quotidiennement le maximum de réponses. Nous sommes prêts, nous sommes mobilisés et nous avons plus que jamais l’esprit de responsabilité qui permet de vaincre toutes les menaces !

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