Séance en hémicycle du 4 mars 2020 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle le débat sur les mesures de santé publique prises face aux risques d’une épidémie de coronavirus Covid-19 en France.

Mes chers collègues, sur proposition du président Bruno Retailleau, j’ai demandé au Gouvernement d’inscrire ce débat à l’ordre du jour.

En effet, il nous a paru collectivement nécessaire et urgent que notre assemblée puisse débattre de manière ouverte et transparente avec le Gouvernement : face aux inquiétudes de nos concitoyens, l’information la plus large sur les risques et les mesures prises pour y répondre nous paraît indispensable, dans un esprit de responsabilité. Dans le même esprit, nous devons éviter d’alimenter les psychoses.

Cette séance s’organisera en deux temps – et je remercie dès à présent M. Gabouty, qui me succédera au fauteuil de la présidence.

Après l’intervention liminaire du Gouvernement et du représentant de la commission des affaires sociales, pour une durée de huit minutes, chacun des groupes disposera de cinq minutes – trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe –, à raison d’un orateur par groupe. Il s’agit là de la formule classique suivie par le Sénat.

Nous procéderons ensuite à un débat interactif de quinze questions-réponses.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à vous dire ma fierté de me trouver devant vous ce soir pour débattre avec vous et tenter de répondre à vos interrogations, que j’imagine nombreuses, face à la menace inédite que connaît notre pays. Cette menace appelle, de la part du Gouvernement, de la rigueur, beaucoup de rigueur, et de la transparence, beaucoup de transparence.

Le ministère qui m’est confié et, au-delà, l’ensemble du Gouvernement se mobilisent face à cette situation exceptionnelle. Je laisserai chacun juge de la rigueur des décisions prises et des actions engagées ; mais me voici devant vous pour la transparence.

Je salue devant cet hémicycle la mobilisation exceptionnelle des professionnels de santé, qui sont en première ligne, qui rassurent nos concitoyens et les prennent en charge de A à Z chaque fois que la situation l’exige, quel que soit le point du territoire national concerné.

Saluer le dévouement et le professionnalisme des soignants, c’est déjà rassurer les Français. Je le dis à nos concitoyens : nous avons la chance de pouvoir compter, en France, sur les meilleurs médecins et les meilleurs soignants du monde. Et si c’est par gros temps que l’on reconnaît les bons marins, je peux vous assurer que tous les professionnels de santé que j’ai rencontrés ces derniers jours m’ont impressionné par leur réactivité, leur sang-froid et leur sens du devoir.

À travers vous, je salue également tous les élus. Je sais combien ils sont sollicités, dans tous les territoires, par des citoyens inquiets pour eux, inquiets pour leurs enfants, inquiets pour leurs proches.

Une crise sanitaire mondiale touche notre territoire depuis quelques semaines. Notre responsabilité collective, c’est de protéger nos concitoyens, c’est de garantir le bon fonctionnement de notre système de santé.

Je vous confirme que notre système de santé est prêt et que notre vigilance est à son plus haut niveau.

Depuis le 7 janvier dernier, date à laquelle le virus a été séquencé, Santé publique France mène une veille quotidienne automatique et syndromique très aboutie. Le 22 janvier, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, le Corruss, a été placé en vigilance renforcée et, le 27 janvier, nous avons constitué un centre de crise sanitaire.

Depuis, nos équipes sont mobilisées jour et nuit pour suivre l’évolution de l’épidémie et adapter notre réponse. Le Corruss suit, minute par minute, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l’évolution de la situation en France et dans le monde. Permettez-moi de saluer l’engagement de tous ses membres. Le Président de la République s’est rendu hier au ministère des solidarités et de la santé pour saluer ces équipes, qui, avec beaucoup de détermination, accomplissent un travail minutieux, en liaison avec l’ensemble des professionnels de santé de notre territoire.

Le caractère global du Covid-19 requiert une coordination globale et un dialogue étroit entre les États. Nous travaillons donc en interaction avec les experts de l’Union européenne, le siège de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le G7 santé.

Pour l’instant, et c’est heureux, nous avons réussi à nous prémunir de la machine à créer de la confusion et de la panique. Mais j’appelle chacun à la responsabilité et à la vigilance, parce que la floraison de rumeurs serait dangereuse en pareilles circonstances.

C’est la raison pour laquelle nous développons une information large à destination des professionnels de santé : ces derniers jouent un rôle majeur pour faire œuvre pédagogique.

Le site DGS-urgent, destiné aux professionnels de santé, compte déjà plus de 800 000 abonnés, qui reçoivent notamment les guides et les fiches techniques régulièrement actualisés.

Toutes les agences sanitaires sont mobilisées : Santé publique France, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’Agence de la biomédecine, l’Établissement français du sang (EFS). Les établissements référents sont désormais plus de 140, répartis sur tout le territoire : il n’y a pas un département français qui ne dispose d’un hôpital à même d’accueillir, de A à Z, des patients.

Les tests de diagnostic biologique dits PCR ont, quant à eux, été disponibles très rapidement grâce à l’Institut Pasteur.

Par ailleurs, nous tenons des points-presse quotidiens. Le directeur général de la santé a réalisé aujourd’hui le sien à dix-neuf heures quinze, comme nous en avons pris l’habitude, pour donner une information parfaitement transparente quant à l’évolution de la crise sanitaire.

Si nous assurons cette information quotidienne, c’est parce que la transparence est essentielle, parce que la situation reste très évolutive, à l’étranger comme en France.

À l’heure précise où je vous parle, 90 663 cas ont été recensés dans le monde et 45 000 des personnes concernées ont guéri. Si l’on compte désormais plus de soixante-cinq pays touchés, 90 % des patients se trouvent en Chine. Mais, aujourd’hui, la dynamique internationale se situe ailleurs : le nombre de cas croît neuf fois plus vite hors de Chine que dans ce pays.

À ce jour, la France est au stade 2, et notre objectif principal est de freiner la propagation du virus sur le territoire national.

Je vous rappelle les trois stades définis.

Au cours du stade 1, que nous avons connu, nous mettons tout en œuvre pour empêcher l’entrée du virus sur le territoire. Lorsqu’il est entré, aux Contamines-Montjoie, en Haute-Savoie, une équipe d’intervention pluridisciplinaire s’est rendue sur place pour effectuer toutes les enquêtes, tous les tests de diagnostic nécessaires, isoler les personnes contaminées et éviter que la transmission ne s’amplifie.

Au cours du stade 2, auquel nous sommes, le virus est entré sur le territoire. Nous y observons les premières transmissions interhumaines, parfois avec des regroupements de cas. C’est ce que l’on a pu appeler des « clusters », mais je préfère éviter cet anglicisme et parler de « zones de circulation active du virus ». Les chaînes de contamination entre les personnes testées positives au virus sont recherchées systématiquement. Le but est de freiner l’apparition de l’épidémie.

Au cours du stade 3, dont nous aurons sans doute l’occasion de parler ce soir, et qui n’est pas atteint, en tout cas pas encore, l’épidémie est répandue sur le territoire et les chaînes de contamination ne sont plus identifiables au cas par cas.

Au total, quatre zones territoriales sont particulièrement touchées : une zone dans l’Oise, une zone en Haute-Savoie, une zone dans le Morbihan et une zone dans le Haut-Rhin.

Pour plus de 75 % des cas, la chaîne de transmission virale peut être identifiée. L’objectif principal est donc de ralentir la propagation du virus en protégeant les zones qui ne sont pas touchées ou qui le sont peu. Ainsi, l’on obtient, à l’échelle de la France, une carte mosaïque. Certaines zones sont encore au stade 1, comme la Corse et les territoires ultramarins où aucun cas n’a encore été confirmé. D’autres territoires sont au stade 2. Parmi eux, certains présentent une faible activité dynamique virale quand d’autres, notamment les quatre zones que je viens de citer, connaissent, eux, une dynamique active de transmission du virus.

Désormais, la priorité doit aller aux mesures déployées autour du malade, pour le protéger et protéger ses proches.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout le monde doit montrer l’exemple, et il ne sera ni inutile ni fastidieux de rappeler devant votre assemblée les gestes qui constituent une barrière efficace contre la propagation et le risque de contracter le virus du Covid-19 : se laver régulièrement les mains, si possible toutes les heures ; tousser et éternuer dans son coude plutôt que dans sa main ; utiliser des mouchoirs à usage unique ; ne plus se serrer la main, pour quelque temps, hélas ! ; appeler le 15 en cas de symptômes, ne pas se rendre chez son médecin généraliste, ne pas se rendre soi-même aux urgences ; et ne porter un masque qu’en cas de maladie – nous aurons sans doute l’occasion de reparler des masques au cours de ce débat.

Au quotidien – je pense en particulier à la vie professionnelle –, tout le monde doit se sentir concerné. L’erreur serait de regarder ces recommandations avec détachement. Ces gestes simples sont des pratiques et des réflexes qui rendent chacun acteur de sa santé et de celle des autres.

Nous disons oui aux gestes simples, mais non aux discours simplistes. À cet égard, je rappelle que les frontières géographiques n’ont pas de sens quand il est question d’une épidémie et qu’en la matière seule compte la zone de diffusion du virus. L’Organisation mondiale de la santé a d’ailleurs utilement signalé que la fermeture des frontières ne constituait en rien une mesure de santé efficace. La semaine dernière, à Rome, j’ai rencontré six de mes homologues européens, notamment les ministres de la santé allemand, autrichien, italien et croate. Aucun d’eux n’avait l’intention de fermer les frontières de quelque manière que ce soit. Nous l’avons reconnu de manière unanime : il ne s’agit même pas d’une fausse bonne idée, mais d’une idée fausse mauvaise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Gouvernement, c’est d’être transparent dans l’information et déterminé dans l’action. L’enjeu, c’est la santé des Français et notre cohésion sociale.

Nous vivons un moment historique ; un moment où ce que l’on croyait appartenir à un passé lointain ressurgit et interroge notre capacité collective à faire face.

Nous ferons face, grâce à nos professionnels de santé, grâce au sens des responsabilités de chacun, parce que les solidarités se mesurent aussi et peut-être même d’abord dans l’adversité.

L’information, l’anticipation et la prévention sont les outils les plus efficaces pour lutter contre l’épidémie.

Toutes les activités essentielles à la vie des Français doivent pouvoir se poursuivre. C’est le cas dans les secteurs de l’énergie, de l’eau, du recyclage des déchets, ou encore des transports.

Je l’ai dit et je le répète : notre système de santé est prêt à affronter cette épidémie, mais la mobilisation de chacun est requise. Cette mobilisation permettra de ralentir la propagation du virus, et donc de limiter les effets de cette épidémie sur le fonctionnement de notre système de santé et sur la vie de nos concitoyens.

Il y a une inquiétude en France. Cette inquiétude est légitime. Je l’entends, je la comprends et j’y apporte quotidiennement le maximum de réponses. Nous sommes prêts, nous sommes mobilisés et nous avons plus que jamais l’esprit de responsabilité qui permet de vaincre toutes les menaces !

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, Les Indépendants, UC, Les Républicains et SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur des travées d u groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier la présidence du Sénat d’avoir accepté l’inscription à l’ordre du jour de ce débat relatif au coronavirus.

« Le fléau n’est pas à la mesure de l’homme, on se dit donc que le fléau est irréel, c’est un mauvais rêve qui va passer » écrivait Albert Camus dans La Peste.

Dans la lutte contre l’épidémie, l’information fait partie de nos armes. Informer les soignants, les patients, nos concitoyens, prévenir les rumeurs, démentir les fausses nouvelles : ce débat peut y contribuer et, mieux informés, nous pourrons être plus utiles encore.

Nous connaissons encore peu de choses du coronavirus, émergeant depuis deux mois, même si le séquençage de son génome a été réalisé avec une grande rapidité, ce qui a permis de l’apparenter à des virus connus, comme le SRAS.

La faiblesse de nos connaissances peut susciter beaucoup d’interrogations, mais aussi beaucoup de craintes. Ces craintes sont légitimes. Oserai-je dire qu’elles sont nécessaires dans la réponse à l’épidémie ?

En effet, des virus mieux connus n’en sont pas moins dangereux. Chaque année, dans notre pays, on meurt par milliers de la grippe saisonnière, ou encore de la rougeole, alors qu’une réponse vaccinale existe et que les gestes barrières peuvent protéger.

Dans tous les cas, il s’agit non seulement de se protéger soi-même, mais aussi de protéger les plus faibles : ceux que l’on ne peut pas vacciner, parce qu’ils sont encore trop jeunes ou parce qu’ils ne peuvent supporter le vaccin ; ceux qui sont âgés ; ceux qui sont déjà affectés d’autres pathologies ; ou encore ceux dont les défenses immunitaires sont affaiblies et qui ne peuvent s’en remettre qu’au rempart que vont former les autres.

Ainsi, nous devons transformer nos craintes communes en réactions, en précautions, en protections contre le virus.

Nous savons qu’un réservoir de virus émergents existe, et qu’il est même très important. Nous devons vivre avec ce risque : l’accélération des contacts et des échanges, la fréquence des déplacements, le rythme croissant des mobilités sont des chances, mais ils favorisent aussi la propagation des virus.

Quel est l’état des connaissances sur le coronavirus en 2020 ? Que savons-nous de ses caractéristiques et de la façon dont il se transmet ? Y a-t-il un danger de transmission mère-enfant ? Que savons-nous des possibilités de mutation ?

Il ne semble pas que l’on ait observé de mutation jusqu’à présent, mais ce facteur serait un élément décisif dans la réponse à apporter.

Les traitements aujourd’hui dispensés aux patients sont transposés d’autres pathologies, en particulier du VIH. D’autres pistes ont été avancées sur le fondement d’essais cliniques effectués en Chine. Que penser de la qualité de ces essais ? La chloroquine, déjà évoquée dans d’autres indications et pour des épidémies précédentes, est-elle une piste ?

Nous nous interrogeons sur les traitements, mais aussi sur les vaccins. Un vaccin est-il à notre portée si l’épidémie se prolonge ? Dans quels délais pourrions-nous en disposer ?

Monsieur le ministre, je souhaite aussi que ce débat soit l’occasion de faire le point sur la réponse apportée par les pouvoirs publics. Quelles doivent être la stratégie d’information, la stratégie de dépistage, la stratégie de prise en charge ? En quoi consistera la phase 3 de la réponse au virus ?

Au sujet de la prise en charge hospitalière, nous avons vu la doctrine évoluer en quelques jours. À titre personnel, j’approuve le choix de réserver le milieu hospitalier aux formes graves. Mais cette solution suppose d’organiser la réponse hospitalière dans un contexte où l’hôpital est fragilisé. Elle suppose aussi de mieux impliquer les professionnels de la médecine de ville, qui se sentent encore insuffisamment armés dans la réponse au virus et trop peu informés quant à sa prise en charge. Or, de toute évidence, ils sont notre première réponse ; nous devons les protéger pour préserver notre capacité à combattre l’épidémie.

Mes dernières interrogations portent sur les publics les plus fragiles. Même si nous connaîtrons sans doute des victimes jeunes et bien portantes, comme pour la grippe, le coronavirus est plus létal pour les personnes âgées. Ne devons-nous pas en tirer des conséquences sur le port du masque et sur l’accueil dans les Ehpad de notre pays ?

Nous avons donc beaucoup de questions et j’espère que le débat permettra d’y répondre. Je souhaite aussi qu’un point régulier puisse être organisé devant la commission des affaires sociales, afin que ses membres puissent se faire les relais, au sein du Sénat et dans leurs territoires, d’une information au plus près des derniers éléments disponibles.

Les précédents nous montrent que la réponse des pouvoirs publics est toujours critiquée : l’épidémie est ravageuse, on lui reproche son incurie ; qu’elle soit moins offensive que prévu et on lui reprochera d’en avoir trop fait !

Informer au jour le jour, admettre que l’on ignore certaines choses, développer la culture du risque favorise la résilience de la population et prépare notre pays à des crises qui se répéteront forcément.

Le quotidien Le Monde a fait état de l’augmentation des ventes du livre d’Albert Camus, La Peste, à la faveur de l’épidémie. Que ce livre nous aide à garder à l’esprit le besoin d’une réponse solidaire selon laquelle se protéger soi-même, c’est protéger le plus faible, qu’il me soit proche ou que je ne le connaisse pas.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, LaREM, SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Kauffmann

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’épidémie de coronavirus qui s’étend davantage sur notre territoire jour après jour aura au moins le mérite d’imposer le présent débat.

Celui-ci est censé porter sur les mesures de santé publique visant à combattre l’épidémie. Il eût été préférable que le Gouvernement adopte les dispositions utiles voilà plusieurs semaines, plutôt que de tenter de dissimuler ses responsabilités derrière un débat dont nos concitoyens n’ont que faire. Les Français souhaitent des actes et non de vaines paroles.

Certes, il y a eu des actes symboliques, destinés à la communication de l’exécutif, comme le confinement des enfants de retour d’Italie. Dans le même temps, pourtant, des milliers de supporters de football italiens déambulaient dans les rues de Lyon.

Il y a eu aussi des mesures prises, toujours à des fins de communication, la dernière en date étant d’interdire les rassemblements de plus de 5 000 personnes. Belle réussite ! Nous avons appris ce jour que, parmi les 2 000 personnes ayant récemment participé à un congrès évangélique à Mulhouse, les services sanitaires déploraient déjà dix nouveaux contaminés.

Le nombre d’individus atteints croît donc de jour en jour. Peut-on vraiment s’en étonner ?

Démontrant son impéritie, le Gouvernement n’impose toujours pas un contrôle thermique des personnes revenant des zones à risque. Nos aéroports voient librement circuler des voyageurs sans que quiconque s’intéresse à leur état de santé.

Si l’on voulait favoriser la propagation de l’épidémie, nul ne s’y prendrait autrement.

Pourquoi l’exécutif n’a-t-il pas mis en place une procédure visant à assurer la traçabilité des personnes issues de pays connaissant eux-mêmes les affres du coronavirus ? Sans cette disposition, il est impossible de suivre les individus potentiellement dangereux. C’est là une marque de l’irresponsabilité gouvernementale.

Tout aussi irresponsable est la décision de ne pas rétablir un contrôle à nos frontières, mais il est vrai que la santé de nos concitoyens ne justifie pas que l’on s’affranchisse du dogme de la libre circulation, si cher à la Commission européenne !

Ce libéralisme incontrôlé a également induit la délocalisation des productions des principes actifs médicamenteux vers des pays frappés de plein fouet par cette épidémie. Aujourd’hui, nous encourons une pénurie de médicaments, car 80 % d’entre eux sont produits désormais en dehors de France et d’Europe.

Je ne puis oublier d’évoquer la pénurie de masques, utiles à nos personnels de santé, dont certains se sont vu proposer des produits périmés.

Pour clore toutefois sur une note moins sombre, pourrions-nous savoir si les perspectives de traitement offertes par la chloroquine contre le coronavirus sont à la hauteur des attentes de tous ? Qu’en est-il également d’un futur vaccin ?

La sagesse indique que gouverner, c’est prévoir. Il est patent que le Gouvernement a sous-estimé l’ampleur de cette épidémie, en négligeant la mise en œuvre rapide de dispositions pourtant élémentaires. Cette gestion de crise au doigt mouillé est révélatrice de la désinvolture de l’exécutif ; les Français en paient aujourd’hui le lourd tribut.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux commencer mon intervention en saluant le dévouement des personnels hospitaliers qui effectuent un travail remarquable, au moment où la France est le deuxième foyer d’infection du coronavirus en Europe, derrière l’Italie.

Malgré la diminution constante des moyens depuis des années, notre système hospitalier continue à prendre en charge les malades avec un esprit de responsabilité, grâce à l’engagement des personnels soignants et administratifs. Je tenais une nouvelle fois à le souligner en mon nom comme au nom de mon groupe.

Toutefois, monsieur le ministre, au-delà des compliments que vous leur avez adressés, quelles mesures concrètes prenez-vous en leur faveur ?

Compte tenu de la vitesse de propagation du Covid-19, le passage au stade 3 de la lutte contre l’épidémie semble n’être plus qu’une question de jours.

Le Premier ministre a invité jeudi 27 février, en votre présence, les responsables des partis et les présidentes et présidents des groupes parlementaires, afin de faire le point de la situation et de partager les informations dans la plus parfaite transparence. C’était une sage décision. J’y représentais le groupe CRCE, à la demande de sa présidente, Mme Éliane Assassi. Des idées, des suggestions, des propositions vous ont été faites, mais je n’ai pas l’impression qu’elles ont été suivies d’effet. Permettez-moi donc d’avancer quelques remarques.

Comme l’a justement souligné M. Fabien Roussel, secrétaire national du parti communiste français et député du Nord, il n’est pas dans notre intention d’instrumentaliser cette question de santé publique à des fins politiciennes.

Cette remarque vaut pour tout le monde : permettez-moi de dénoncer le choix du Premier ministre, à la faveur d’un conseil des ministres convoqué en urgence et consacré exclusivement au coronavirus, d’avoir dégainé le 49-3 à propos d’une question d’intérêt général, notre système de retraites.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Revenons à vos décisions. Vous avez ouvert un numéro vert, ce qui est une bonne mesure. Pourtant, monsieur le ministre, pour que le service rendu soit optimal, il ne faut pas que le standard soit saturé en journée ou que le numéro ne soit pas joignable après dix-neuf heures, ce qui est malheureusement le cas, faute de personnel en nombre suffisant !

Vous avez également pris la décision d’annuler tous les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné et dans certains milieux ouverts, en cas de risques de contacts avec des personnes et de circulation possible du virus.

On sent monter un climat anxiogène, d’autant que des rumeurs infondées se répandent via les réseaux sociaux. La meilleure riposte est donc la transparence, la diffusion régulière d’informations, comme dans le cadre des réunions organisées par les préfets, ou encore les conférences de presse quotidiennes que vous tenez.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cependant, monsieur le ministre, ce qui peut faire la différence, ce sont les moyens humains et financiers mis à disposition de l’hôpital public et les mesures d’accompagnement pour la médecine de ville. Or, depuis un an, les personnels soignants conduisent une action pour dénoncer la crise que vit l’hôpital, à la suite des politiques de restrictions budgétaires mises en place depuis des dizaines d’années et accentuées par Mme Agnès Buzyn. Les grèves, les mouvements unitaires allant des aides-soignants jusqu’aux chefs de service ont dénoncé, et continuent de le faire, la politique dévastatrice pour notre système de soins que mène votre gouvernement.

Faut-il rappeler les chiffres et la suppression de 1 milliard d’euros pour les hôpitaux publics en 2020 ? La ministre Mme Agnès Buzyn leur a concédé 300 millions d’euros, soit un manque à gagner de 700 millions d’euros pour revenir au budget initial, mais pas pour résoudre la crise.

Monsieur le ministre, comme Mme Buzyn, vous semblez aimer le jeu de bonneteau : vous annoncez « débloquer 260 millions d’euros d’aides pour les hôpitaux », mais, détail important, ce soutien financier sera pris sur les « réserves de l’exercice budgétaire 2019 non dépensées », autrement dit, sur le budget de l’hôpital lui-même ! Cette belle entreprise de com’ ne dénote pas une volonté réelle de répondre aux besoins de santé.

Faut-il également rappeler les 18 000 lits fermés ces six dernières années, selon les chiffres du ministère des solidarités et de la santé ?

Le directeur général de la santé a tenté de nous rassurer sur la disponibilité de 2 400 lits de soins intensifs et de réanimation dans les 108 établissements dédiés. Où vont aller les patients qui occupent aujourd’hui ces lits pour d’autres pathologies ? Rappelons qu’avec les groupements hospitaliers de territoire (GHT) de nombreux hôpitaux de proximité ont été vidés de leurs missions par des fermetures de services et des suppressions de lits.

Vous nous dites que vous éprouvez des difficultés à recruter des infirmières et des aides-soignantes. Répondez donc à la revendication des personnels et titularisez les personnels soignants, au lieu de renouveler leur contrat de CDD en CDD, et portez enfin leur salaire à la hauteur de leur engagement professionnel.

Qu’en est-il des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Alors que toutes les structures sont en sous-effectifs, que les agents hospitaliers faisant fonction d’aides-soignants demandent à être formés, qu’ils l’ont dit, qu’ils l’ont crié, rien ne change !

Il faut au moins 100 000 embauches sur trois ans, une revendication que nous avons reprise dans notre proposition de loi pour faire face à l’urgence de la situation des Ehpad. Pour le moment, nous n’en constatons aucune !

Comment les personnels des Ehpad pourront-ils répondre à vos préconisations, monsieur le ministre ? « On veut bien plus de masques, mais encore faut-il avoir des personnels pour les porter », a ainsi déclaré, à juste titre, M. Patrick Bourdillon de la fédération CGT de la santé.

Il faut donc des préconisations, oui, de l’information, oui, de la transparence, oui, mais aussi de l’argent, des moyens financiers et humains pour soigner l’hôpital, ses personnels et les patients !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Michelle Meunier et Laurence Rossignol ainsi que M. Patrick Kanner applaudissent également.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM, RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, combien de temps l’épidémie va-t-elle durer ? Combien fera-t-elle de victimes ? La réponse technique et précise à ces questions est la suivante : Dieu seul le sait ! Ce n’est pas une bonne nouvelle pour nos dirigeants, en ces temps où la défiance est devenue une religion nationale, aggravée par les réseaux antisociaux, amplifiée par le complotisme.

La science avance trop lentement pour nourrir les télévisions de l’immédiat, qui lui imposent une épreuve redoutable. Il faut informer sur la propagation au jour le jour, expliquer les mesures mises en place alors que la situation change sans cesse, annoncer les aggravations progressives sans déclencher de panique. C’est la lutte de la raison contre l’émotion ; or, dans le monde d’aujourd’hui, la seconde part malheureusement favorite.

Pour inverser la donne, nous pouvons compter sur un système de santé préparé, coordonné et supervisé avec fermeté et souplesse, et sur des professionnels de santé qui sont les rares à bénéficier encore, à juste titre, de la confiance de nos concitoyens.

Nous pouvons compter aussi, à ce jour, sur l’attitude responsable des principaux partis politiques, choisissant la solidarité et la confiance dans les équipes soignantes plutôt que de chercher ce que le Gouvernement aurait pu faire de travers.

Bien sûr, l’exception que l’on attendait s’est produite, nous venons d’en avoir ici même la démonstration. Je parle de ceux qui ont sauté sur l’occasion pour ressortir des cartons leur obsession de la fermeture des frontières. §que les micro-organismes circulent sans visa.

Au XIVe siècle, à un moment où la lenteur des transports freinait mille fois plus les déplacements que la plus stricte fermeture possible des frontières actuellement, la peste venue d’Asie a tué le tiers de la population européenne après avoir franchi toutes les barrières.

Les chiffres d’aujourd’hui ou de demain n’ont rien à voir avec cela. Des mesures précises, adaptées, conformes à l’avis des spécialistes, doivent être prises, même lorsque certaines d’entre elles sont pénibles. La responsabilité du Gouvernement est que la précaution l’emporte sur la psychose, le contrôle maîtrisé sur le blocage du pays et la réponse sanitaire sur les emportements idéologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il me vient une deuxième réflexion : depuis la chute des bourses et la baisse en catastrophe du taux directeur de la Réserve fédérale américaine, tout le monde a compris que la crise économique mondiale à venir risquait d’être aussi grave que la crise sanitaire, je n’insiste pas.

Je veux toutefois rappeler une vérité inquiétante : pour des produits d’importance vitale, tels que les médicaments, nous sommes devenus dépendants d’un seul pays, la Chine. Quand ses usines ferment parce que la population est consignée, la production s’arrête.

Eh oui ! sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

L’an dernier, mon groupe, sur l’initiative de M. Jean-Pierre Decool, a lancé un cri d’alarme en créant une mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins. Celle-ci a établi qu’il était suicidaire de ne dépendre que d’un seul fournisseur. L’époque où l’on achetait tout là où les coûts étaient les moins élevés est révolue en ce qui concerne les productions stratégiques. L’aspect positif de cette crise est peut-être de révéler clairement qu’il est temps d’agir. Les changements seront difficiles, il faut les préparer.

Ma troisième réflexion est que, à l’heure où certains sont séduits par les régimes autoritaires, le jeune médecin de Wuhan, devenu un héros, nous a rappelé, avant sa mort, qu’après le virus le principal responsable de la pandémie était la dictature chinoise. Le mois et demi perdu par la peur du régime d’apparaître pris au dépourvu et par la terreur des autorités locales d’être châtiées pour un événement dont elles n’étaient pas responsables a fait perdre la première bataille, celle qui aurait pu tout stopper.

C’est une tragique ironie de voir ce pays, dans lequel chaque habitant est épié en permanence par des caméras, passer pendant cinq semaines à côté d’une épidémie évidente. Les dirigeants chinois en ont-ils tiré la leçon pour aller vers plus de démocratie ? Évidemment non, au contraire : on va vers encore plus de censure et de répression.

Je ne serais pas surpris d’apprendre que la prochaine mesure – je ne suis même pas sûr de plaisanter ! – soit d’adjoindre aux caméras optiques de chaque rue des caméras thermiques pour punir les criminels qui oseront désormais sortir de chez eux sans avoir pris leur température.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je terminerai en disant que si je parle au nom de mon groupe ce soir, c’est parce que je suis médecin épidémiologiste. J’ai commencé ma carrière en Inde au XXe siècle, au moment de la campagne d’éradication mondiale de la variole, cent fois plus mortelle que le coronavirus. À l’heure actuelle, les moins de 25 ans n’ont plus sur le bras la cicatrice gaufrée qu’ont tous ceux de nos générations, parce qu’on ne vaccine plus contre la variole : le virus a disparu de la surface de la Terre.

C’est un nouveau combat que le monde doit gagner aujourd’hui. Le Sénat est à vos côtés, monsieur le ministre, aux côtés de tous nos professionnels de santé et aux côtés de tous nos concitoyens dans l’épreuve que nous traversons et que, bien entendu, nous surmonterons.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, Les Républicains, UC, RDSE et LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, il me semble utile d’apporter modération et apaisement, face à l’emballement médiatique et parfois politique, face aux discussions tous azimuts dont nous avons pu être témoins ces derniers jours. Un sujet aussi grave mérite unité et responsabilité.

Face à un climat anxiogène, je me félicite de la tenue de ce débat sous la forme de questions-réponses. Il permettra de rétablir quelques vérités quant à la situation actuelle. Tout le monde n’a pas eu l’opportunité de regarder l’émission de Michel Cymes, hier soir, réalisée sur ce même modèle et fort intéressante. Cela permet à nos concitoyens de mieux comprendre.

Selon le centre chinois de contrôle des maladies, 80 % des cas d’infection sont considérés comme bénins. Le taux de létalité du nouveau coronavirus est relativement bas : entre 2, 3 et 2, 6 %. Ce virus est donc moins mortel que les épidémies du SRAS en 2002-2003, avec un taux de mortalité autour de 10 %, et de MERS depuis 2012, pour lequel la létalité atteint 36 %. Enfin, l’indice de contagiosité du virus est lui aussi relativement faible, entre 1, 5 et 3, 5. À titre de comparaison, celui de la varicelle est de 8, 5 et celui de la rougeole de 9.

Ce n’est pas parce qu’un virus a un indice de reproduction et une létalité faibles qu’il est inoffensif. La grippe saisonnière est dans ce cas de figure : pour la saison 2018-2019, elle a fait 8 100 morts en France. Le Covid-19, de son côté, a tué à ce jour plus de 3 000 personnes dans le monde, dont quatre dans notre pays.

Les médias ont donc un grand rôle à jouer dans la gestion de cette situation sanitaire. Moins de sensationnalisme et davantage de messages de prévention sont une partie du remède. Ces messages ont été rappelés par le ministre.

Le Gouvernement doit également faire preuve de clarté et d’une grande pédagogie dans l’explication de son plan de gestion du risque. Certaines incohérences, au moins certaines décisions perçues comme telles, dans la mise en œuvre des actions d’endiguement sont pointées du doigt : pourquoi annuler le semi-marathon de Paris et non certains matchs de football ? C’est une question de proportionnalité, je l’entends bien, mais nos concitoyens ne le comprennent pas toujours.

Chaque Français est, enfin, responsable des informations qu’il véhicule. Chacun d’entre nous peut participer, à son insu, à l’installation d’un climat anxiogène contre-productif. L’une des conséquences les plus préjudiciables en serait la saturation des hôpitaux.

Les professionnels de santé – je veux également les saluer – se préparent, dans un contexte particulier pour l’hôpital public. Il y a quelques semaines, plusieurs centaines de chefs de service ont démissionné de leurs fonctions d’encadrement pour dénoncer le manque de lits et d’effectifs.

Différents plans gouvernementaux se sont succédé ces derniers mois, sans jamais emporter la pleine satisfaction des personnels hospitaliers. Aussi, je me félicite que le Gouvernement ait débloqué 260 millions d’euros supplémentaires issus de la mise en réserve prudentielle pour faire face à cette situation. Je regrette néanmoins que l’hôpital public bénéficie d’enveloppes supplémentaires au gré des situations de crise et non de façon pérenne et programmée.

De l’aveu de médecins, certains hôpitaux sont déjà débordés, alors que le nombre de patients hospitalisés est encore faible. L’un des enjeux sera de maintenir un niveau de soins élevé pour les personnes hospitalisées pour d’autres motifs que le coronavirus.

Enfin, face à un système hospitalier en difficulté, il nous faut éviter la contamination du personnel soignant. Le manque de moyens est une chose, le manque de bras en serait une autre.

Le coronavirus soulève des questions à propos d’un autre secteur en souffrance : l’aide à domicile. Face à l’actualisation en continu des instructions ministérielles, ne faudrait-il pas une communication commune, unique à l’échelon national, pour l’aide à domicile avec des déclinaisons locales selon l’intensité de l’épidémie dans chaque département ?

La question se pose également de l’approvisionnement de tous ces professionnels de santé.

Enfin, le coronavirus a une incidence réelle sur l’économie mondiale. L’OCDE a ramené sa prévision de croissance planétaire de 2, 9 à 2, 4 % pour 2020. Celle-ci pourrait même être divisée par deux en cas d’allongement de la durée de l’épidémie. Le risque de récession est désormais envisagé. La France est également touchée : la croissance nationale pourrait passer sous les 1 % cette année.

Pour conclure, le coronavirus met au défi notre société mondialisée. Il révèle les failles de nos systèmes d’organisation. Il conduit à s’interroger sur les fondations de nos systèmes économiques.

S’il est trop tôt pour évaluer l’ampleur de l’épidémie, je veux croire que cette crise sanitaire nous permettra de rendre nos sociétés plus résilientes.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les membres de mon groupe m’ont choisie pour intervenir ce soir en leur nom, c’est probablement en raison du fait que je suis élu de l’Oise. Malheureusement, mon département est à l’origine de 99 cas sur les 285 recensés en France. Il y a quarante-huit heures, il en comptait lui-même entre 55 et 60, ainsi que la moitié des patients décédés en France.

Mes chers collègues, sans m’attarder sur l’Oise, ce que nous vivons aujourd’hui est sans doute ce que vivront demain d’autres départements.

Monsieur le ministre, je veux saluer l’exigence de transparence que vous avez faite vôtre. Étant absent lorsque je suis intervenue lors des questions d’actualité au Gouvernement de cet après-midi, vous n’avez donc pas pu me répondre. Cette transparence doit aussi s’appliquer dans l’Oise. Or, vous le savez comme moi, des questions demeurent posées et les réponses obtenues ne sont pas encore de nature à nous satisfaire. J’ai toutefois salué l’engagement de l’agence régionale de santé, du préfet, de tous les services de l’État et de tous les personnels hospitaliers.

Je souhaite évoquer maintenant le sort de personnels qui sont moins visibles : ceux qui travaillent dans les métiers du care, c’est-à-dire du soin et de l’aide à domicile, dont Élisabeth Doineau vient de parler.

Je me propose de vous lire un SMS que je viens de recevoir de la part d’une aide-soignante d’un Ehpad public du Morbihan : « Six patients en isolement, dont une partie avec des ambulanciers venus les chercher en tenues de cosmonautes. Nous, soignants, n’avons plus de masques ni de solution hydroalcoolique. Les visiteurs sont gentiment invités à reporter leur visite, mais rien n’est encore interdit. Grosse fatigue, ce soir. » Ce message m’est parvenu il y a un quart d’heure.

Il démontre que ce soir, tous les établissements, y compris dans les zones les plus difficiles, n’ont pas encore été dotés des équipements nécessaires pour faire face à l’épidémie. Quelles consignes donnez-vous aux aides-soignantes et aux Ehpad ?

Dans l’Oise, par exemple, les visites ont été interdites dans certains établissements ; elles ne sont pas recommandées dans d’autres. La directrice de l’Ehpad de Crépy-en-Valois a pris dès jeudi matin, après le décès d’un voisin, si je puis dire, la décision d’interdire les visites ; d’autres se posent la question. Les gens ne comprennent pas.

Selon une enquête publiée ce soir, 65 % des Français se sentent bien informés sur le virus. C’est un bon taux, qu’il faut préserver, voire accroître, grâce à des consignes compréhensibles par tous, donc homogènes et cohérentes.

Je souhaite également attirer votre attention et vous interroger sur la situation des assistantes maternelles, qui passe un peu au-dessous des radars. Ce matin, j’ai reçu un courriel m’indiquant que le conseil départemental recommandait aux professionnels de ne pas accueillir les enfants dans les périmètres à risque. C’est tout à fait normal. Toutefois, les assistantes maternelles me précisent que des indemnités journalières sont prévues pour les malades et pour les parents d’enfants dont l’école est fermée par arrêté gouvernemental, mais rien n’est dit au sujet des salariés des particuliers employeurs, dont elles sont.

Il faut répondre aux questions sociales, et pas seulement aux questions sanitaires. L’impact de ces dernières sur les conditions de vie des métiers de la chaîne du soin – aide à la personne, secteur médico-social ou sanitaire – doit être traité parce que nous sommes partis pour une longue période, nous le savons tous. Regardons ce qui se passe en Italie, où les chiffres sont alarmants.

Si nous voulons faire face ensemble au développement de l’épidémie, il importe de rassurer tout le monde en garantissant à chacun que la fin de mois ne sera pas un problème. Il y en a suffisamment comme ça !

Pour conclure, monsieur le ministre, je vous propose une référence historique. Vous êtes présent et actif, vous êtes venu dans mon département la semaine dernière et je vous en remercie, mais je voudrais vous rappeler ce qui est arrivé à Jean Casimir-Perier. Face à l’épidémie de choléra, en 1832, il avait décidé d’aller visiter l’Hôtel-Dieu avec le duc d’Orléans. Sur le seuil, il s’est demandé si c’était raisonnable ; le duc d’Orléans l’en a convaincu ; il est entré et quelques mois après il succombait du choléra. Monsieur le ministre, prenez soin de vous, prenez soin de vos équipes et prenez soin de nous tous !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Sophie Primas tend à M. le ministre un flacon de gel hydroalcoolique.

Sourires.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre des mesures de santé publique prises, et à prendre, pour éviter la propagation du coronavirus en France. Innover sur ce sujet paraît bien difficile, tant les informations et les commentaires plus ou moins scientifiques inondent nos chaînes d’information depuis maintenant plusieurs semaines.

Cela ne doit toutefois pas nous exempter d’un débat sur le fond, loin de certaines polémiques politiciennes qui se nourrissent de chaque crise pour prospérer, comme un virus sur sa cellule. Nous en avons eu un triste exemple dans cet hémicycle.

En ma qualité de médecin, je m’efforce de considérer avant tout les faits, de les appréhender de manière scientifique et pragmatique. Les faits, ce sont plus de 250 malades et quatre décès dans notre pays, un taux de contamination de deux à trois personnes par malade et un taux de létalité de 2, 3 %, qui tombe à 1, 3 % pour les moins de 70 ans.

Les commentateurs sont nombreux à comparer ces taux à ceux de la grippe saisonnière : ils sont plus élevés. Néanmoins, bien que nous en soyons au début de l’épidémie, le bilan du Covid-19 est très loin de celui de la grippe, qui, chaque année, contamine 2 à 6 millions de Français et en tue plusieurs milliers.

Je fais ce parallèle en espérant que la prise de conscience que nous connaissons aujourd’hui infusera dans la société pour les hivers à venir. Je n’aurai de cesse de le répéter : la prévention doit être au cœur de notre politique de santé publique. Or, à l’heure où les scientifiques s’activent pour trouver un vaccin contre le Covid-19, nous sommes très loin, trop loin, d’atteindre les objectifs de vaccination contre la grippe, qui, je le répète, tue chaque année plusieurs milliers de Français, ou contre la rougeole, qui entraîne le décès de trop nombreux enfants.

Se vacciner, c’est se protéger, mais aussi protéger ses proches, notamment les plus fragiles, qui paient plus lourdement les conséquences de ces maladies. C’est pourquoi nous devons, ensemble, continuer de militer pour une généralisation de la vaccination, notamment parmi les professionnels de santé, dont seulement 25 % se font vacciner, alors qu’ils sont en contact direct avec les populations les plus fragiles.

En matière de prévention, je salue, monsieur le ministre, les mesures prises par le Gouvernement pour réquisitionner la production française de masques et la réserver en priorité aux professionnels de santé et aux malades : aux soignants, car, en première ligne face à cette épidémie, ils doivent être protégés, tout en continuant à exercer leur indispensable métier ; aux personnes infectées, naturellement, afin de contenir la propagation de la maladie.

Toutefois, j’ai deux remarques à formuler.

D’abord, la population a pu avoir le sentiment que l’État, peut-être, avait réagi aux événements un peu tard. N’aurait-il pas fallu mettre en place des mesures de réquisition et de délivrance sur ordonnance des masques dès les premières contaminations françaises ? N’aurait-on pas dû être plus mesuré sur la quantité de matériel distribué à la Chine en février dernier, sachant qu’une pandémie se profilait ?

Ensuite, il subsiste encore, je crois, des trous dans la raquette. Malgré la bonne réaction de l’État, avec l’envoi de stocks aux pharmaciens, et malgré l’accélération, fort bienvenue, des chaînes de production de masques, certains pharmaciens continuent d’indiquer qu’ils ne disposeront pas de quantités suffisantes pour fournir l’ensemble des professionnels de santé concernés.

À ce sujet, des doutes subsistent : monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer ces professionnels, nous rassurer ? Quels seront les soignants concernés par les distributions de masques de protection ? Si la distribution est restreinte aux médecins de ville et aux établissements hospitaliers, de nombreux professionnels resteront confrontés à un risque accru, à l’instar des orthophonistes, des kinésithérapeutes et des infirmiers libéraux, qui nous font part de leur inquiétude, car ils sont en contact direct et permanent avec les patients.

Par ailleurs, monsieur le ministre, que répondez-vous au Syndicat des médecins libéraux, qui réclame des surblouses et des lunettes de protection ?

Dans les circonstances actuelles, la question ressurgit de notre approvisionnement en médicaments. Nous en débattons depuis de nombreux mois, pour ne pas dire de nombreuses années, tant s’accroît notre dépendance à l’égard de l’Asie.

S’agissant des masques, le plus gros fournisseur de France a indiqué que 70 % de sa production était basée en Chine, et qu’il ne pouvait plus rien recevoir depuis deux mois. La production française a donc été dopée et réquisitionnée : c’est fort bien, mais il est probable qu’elle ne suffise pas à pallier des décennies de dépendance croissante.

Un rapport sénatorial, à l’élaboration duquel j’ai participé, a avancé plusieurs propositions invitant les pouvoirs publics à engager rapidement des mesures pour relocaliser la production de médicaments en France, ou plutôt en Europe. Sur toute la chaîne des produits et matériels médicaux, nous devons absolument viser l’indépendance. Je vous sais, monsieur le ministre, conscient de cette nécessité : quelles mesures pensez-vous prendre pour atteindre cet objectif ?

Grâce à l’information sur les gestes de bon sens, qui semblent bien intégrés par la population, et à la limitation des rassemblements que vous avez décidée, on peut espérer contenir, voire limiter, la diffusion du virus. Grâce à l’efficience de notre système de santé, dont il faut saluer les grandes qualités, à commencer par l’engagement de ses professionnels, on peut aussi espérer contenir les conséquences les plus graves de la maladie.

Les mesures prises sont toujours guidées par les scientifiques et doivent le rester. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que tel est votre état d’esprit. Nous vous soutenons sur ce point.

Une question, toutefois, reste en suspens : l’anticipation des places en soins intensifs et en réanimation, condition indispensable à une prise en charge optimale des futurs patients les plus graves.

Personne ne sait combien de temps va durer cette épidémie, mais une chose est sûre : la panique, l’irrationnel, le fantasme ne résoudront rien. L’information, encore et toujours l’information, est, avec l’apprentissage de mesures simples et la responsabilité collective et individuelle, le seul moyen de limiter l’épidémie. Dans cette crise sanitaire exceptionnelle, monsieur le ministre, nous sommes à vos côtés !

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, convoquer, la semaine dernière, une réunion des responsables des différents groupes politiques et des chefs de parti était, de la part du Premier ministre et de tout le Gouvernement, une première marque de confiance dans la représentation nationale. Ce fut un moment d’unanimité – à une exception près. Face à l’adversité, puisse cette unanimité continuer de nous réunir.

Nous donner, ce soir, l’opportunité d’un débat public sur l’action du Gouvernement est primordial pour l’information de nos concitoyens, gage de transparence et de responsabilité. Débattre au Sénat, c’est aussi assurer à nos élus locaux, qui sont, avec les services déconcentrés de l’État, en première ligne, qu’ils sont une partie de la solution.

Une prise en charge globale de la situation nécessite une réponse en matière de sécurité sanitaire, bien entendu, mais aussi des mesures sociales, économiques et numériques, et bien d’autres encore.

Nous approuvons les priorités établies par le Gouvernement : n’agir qu’en fonction de données médicales et scientifiques, et non d’après l’émotion ; faire preuve de réactivité et d’adaptabilité à chaque instant de la crise ; en toute transparence, dire la vérité sur ce que l’on sait comme sur ce que l’on ne sait pas. Alors que la santé des Français est une priorité absolue, la gestion de la crise sanitaire telle que vous la conduisez, monsieur le ministre, montre que nous sommes prêts à faire face au risque d’épidémie.

Voilà près d’une semaine, l’Organisation mondiale de la santé a alerté du risque d’une potentielle pandémie, à la suite d’une multiplication des zones touchées par le coronavirus. À ce stade, quatre-vingts pays ont signalé des cas à l’intérieur de leurs frontières.

Ce n’est pas la première fois, comme il a déjà été souligné, que nous sommes confrontés à une telle situation. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la grippe H5N1, du H1N1, du SRAS, du chikungunya, de la fièvre Ebola, ou encore de la maladie à virus Zika, dont les pathologies sont bien plus inquiétantes que celle qui nous préoccupe aujourd’hui. Reste qu’il ne faut rien sous-estimer.

Si la propagation du virus à l’échelle internationale est d’une grande rapidité, nous ne devons pas non plus céder au catastrophisme. Il faut préciser que, dans près de 81 % des cas, cette maladie est largement bénigne.

À l’occasion de l’irruption du Covid-19 en France, les autorités sanitaires ont enclenché le stade 2 du plan de prévention et de gestion, visant à freiner la propagation du virus. Par les actions menées, nous retarderons aussi longtemps que possible le passage au stade 3, correspondant à la circulation réelle et large du virus à l’intérieur du territoire. Mais en cas de passage à ce niveau, monsieur le ministre, quelles restrictions pourraient être mises en œuvre ?

Par ailleurs, un suivi des personnes s’étant rendues dans des zones à risque a été assuré, et des règles de réduction de la vie sociale leur ont été justement imposées. Un décret du 31 janvier dernier prévoit le versement d’indemnités pour arrêt de travail de vingt jours, sans délai de carence ; cette mesure sociale bénéficie également aux parents des enfants dont l’établissement scolaire fait l’objet d’une fermeture temporaire et qui ne peuvent se rendre au travail.

Les clusters évoqués par M. le ministre ont été rapidement détectés. Des mesures raisonnables, mais néanmoins contraignantes, ont été prises au moment opportun. C’est ainsi que certains événements ont été reportés à la suite de décisions locales, dans un souci de prévention de possibles nouvelles contaminations. Monsieur le ministre, pouvez-vous mettre en lumière la cohérence des choix faits en matière d’interdictions et de fermetures ? On songe à la fermeture du marché de Crépy-en-Valois, alors que le supermarché voisin restait ouvert. En la matière, nous devons avoir le souci de la cohérence.

Au regard des dispositifs mis en place localement, nous savons que la réponse sanitaire doit être territorialisée, en métropole comme en outre-mer. Afin de transmettre les recommandations adéquates et de répondre aux inquiétudes légitimes des citoyens, les préfets, les agences régionales de santé (ARS), les professionnels de santé et les élus locaux collaborent en bonne intelligence.

Cette gestion se caractérise par la diffusion d’une information transparente, régulière et de qualité à destination de la population. Ce qui paraît indispensable, compte tenu du nombre de rumeurs qui se propagent sur internet. D’ailleurs, le Gouvernement a tenu avec les principaux moteurs de recherche une réunion de coordination sur ce sujet.

Les Français ont confiance dans notre système de santé et dans sa gestion des crises sanitaires. À ce titre, je salue à mon tour l’ensemble les professionnels qui, aujourd’hui comme hier, se dépensent sans compter pour organiser la mobilisation contre l’épidémie. Chacun de nous se doit de les aider dans cette lutte. Les gestes barrières sont simples : ne soyons donc pas égoïstes !

L’égoïsme, ce serait aussi de jouer avec les peurs, en promettant des mesures inefficaces et attentatoires aux libertés, comme récemment certains politiques. Je pense aux contrôles aux frontières, dont Claude Malhuret a déjà fort bien parlé, voire à la suggestion plus radicale encore de fermer les frontières. Que répondre, si ce n’est que le repli sur soi, que d’aucuns préconisent, n’est jamais la solution ? Ce n’est qu’une incantation illusoire, alors que, d’après l’OMS et tous les experts, les frontières terrestres n’ont pas de sens en matière épidémiologique.

Pour notre part, nous avons choisi de privilégier une coopération européenne et internationale accrue, dans le but d’apporter une réponse collective appropriée. C’est le partage d’informations et d’expériences entre États qui permet de lutter efficacement contre la maladie !

Cette crise sanitaire appelle également des réponses en matière économique à l’échelon européen. De ce point de vue, Bruno Le Maire a très justement posé la question d’une relocalisation de certaines industries et filières stratégiques en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est l’objectif même de l’ambition européenne industrielle et climatique prônée par le Président de la République. Que compte faire le Gouvernement pour accélérer les négociations avec nos partenaires en la matière ?

Monsieur le ministre, en accord avec notre désir d’unité nationale dans la lutte contre cette épidémie, nous vous renouvelons toute notre confiance !

Applaudissements sur les travées du groupe LaRE M. – MM. Jean-Marc Gabouty et Pierre Louault applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs précédents ont présenté nombre d’observations justes dans ce débat important. Alors que l’épidémie évolue de jour en jour, nous avons besoin de savoir comment les autorités sanitaires prennent en charge la situation.

Après les premières déclarations de Mme Buzyn autour du 20 janvier jugeant peu probable une propagation du virus en France, des déclarations plutôt rassurantes qui correspondaient à la photographie du moment, la France, comme d’autres pays européens, a envoyé en Chine des masques, des gels et d’autres matériels.

Mais voici que le nombre de cas détectés dans notre pays a doublé en quelques jours, pour un virus que l’on sait très contagieux, même à travers des personnes asymptomatiques, associé à un taux de mortalité supérieur à celui de la grippe saisonnière et contre lequel aucun traitement spécifique ni vaccin n’existe à ce jour.

Vous-même, monsieur le ministre, ainsi que M. le directeur général de la santé communiquez régulièrement, ce qui est important ; nos concitoyens attendent vos points de presse quotidiens.

Nous avons besoin de pédagogie, de préconisations et de dispositions fondées sur les connaissances scientifiques du moment – étant entendu que ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. C’est la condition sine qua non pour que chacun ait confiance et prenne ses propres responsabilités, sans céder aux fake news ou à une panique totale, même si l’on comprend les inquiétudes dans les secteurs les plus touchés – nos collègues des départements concernés en ont fait part.

L’annonce quasi quotidienne du nombre de morts est nécessaire, mais quelque peu anxiogène. Cette donnée devrait être rapportée au nombre total de décès par maladie en France.

Si les consignes d’hygiène que chacun doit appliquer sont de bon sens – elles devraient, d’ailleurs, être suivies en permanence –, des incompréhensions persistent, notamment sur le port des masques. Quel type de masque doit être porté, et par qui ? Vous aurez l’occasion de répondre, monsieur le ministre, dans le débat interactif.

L’appel direct au 15, s’il est justifié et permet de ne pas engorger les hôpitaux, pose la question de la saturation du SAMU et des besoins en effectifs médicaux et d’assistants de régulation. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous répondre aussi sur ce point.

Les mesures de confinement, d’interdiction de manifestation, de fermeture d’établissement, notamment scolaire, ou relatives aux transports sont prises au jour le jour, selon l’évolution de la situation. C’est normal, mais la cohérence peu lisible de certaines décisions peut troubler, ce qui fragilise la portée des mesures prises et l’adhésion de nos concitoyens.

En ce qui concerne le test, il semblerait, selon les ARS, que les consignes soient différentes, indépendamment des foyers. Monsieur le ministre, les informations, données dans la presse, sur des reprises du virus après la sortie de la quarantaine ou les possibles mutations du virus vont-elles modifier votre politique en matière de test ?

Le lien ville-hôpital est majeur. Les professionnels de santé, libéraux ou travaillant en centre de santé, sont partie prenante du dispositif, mais ils attendent les moyens afférents

La situation particulière des établissements accueillant des personnes âgées suscite nombre d’interrogations ; j’espère, monsieur le ministre, que vous y répondrez au cours du débat.

Par ailleurs, si les cas graves nécessitant une réanimation se multiplient, nos services pourront-ils faire face en termes de moyens humains et matériels – je pense singulièrement aux respirateurs ?

De nombreuses polémiques se font jour sur les masques, les quantités disponibles, la péremption des masques reçus, par exemple par les médecins libéraux, et ceux qui doivent les utiliser. Monsieur le ministre, il faut nous éclairer sur ces points, ainsi que sur les stocks de médicaments.

Si l’essentiel est évidemment d’enrayer la propagation du virus et d’accélérer la sortie de crise sanitaire, j’évoquerai, pour finir, les conséquences économiques de la situation. Nos commerces et entreprises souffrent localement. L’impact économique global est majeur, avec un risque de choc récessif. La réduction des déplacements internationaux – désormais, les Français ne sont plus acceptés en Israël, et sans doute d’autres pays vont-ils suivre, alors que c’était l’inverse voilà quelques semaines – participe à cette dégradation.

À l’issue de cette crise, que j’espère prochaine – mais, comme l’a dit Claude Malhuret, Dieu seul le sait… –, il faudra accompagner la reprise de l’économie, ce qui, certes, aurait été plus facile si les marges de manœuvre dont disposent nos pouvoirs publics étaient plus élevées. Il faudra à l’avenir en tirer les leçons.

Ce qui importe aujourd’hui, c’est de faire front commun, sur des bases de transparence, d’information régulière et de protection maximale des citoyens, notamment les plus à risque : tel est l’état d’esprit du Sénat !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Marc Gabouty et François Patriat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé. Cette possibilité, monsieur le ministre, n’est pas offerte au Gouvernement…

M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Dans le débat interactif, la parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

L’arrêt de la production de médicaments en Asie, particulièrement en Chine, n’entraîne pas encore de ruptures de stocks, mais, selon les spécialistes du secteur, si les autorités maintiennent les interdictions d’aller travailler pendant six mois, des difficultés d’approvisionnement en médicaments pourraient se faire jour. En cas de pic, le risque de pénurie concerne également les appareils respiratoires, nécessaires aux patients les plus fragiles.

La direction générale de la santé a confié à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé le soin de piloter la gestion de la situation. Si, pour l’heure, l’ANSM n’a pas constaté de tensions particulières, n’est-il pas temps, avant qu’il ne soit trop tard, d’activer la production des médicaments jugés indispensables par les professionnels de santé par la pharmacie centrale des armées ou l’agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, afin de garantir la continuité des médicaments pour les patientes et patients ?

Alors que la question de la production des médicaments se pose au-delà du coronavirus, que pensez-vous, monsieur le ministre, de la solution que nous proposons ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice Laurence Cohen, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’accessibilité des médicaments et la crainte de pénuries.

J’ai déjà répondu au Sénat en ce qui concerne l’accès au médicament. Je vous confirme que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui vérifie au jour le jour que l’accès aux médicaments est garanti sur tout le territoire national, ne nous a pas alertés à ce stade. Je surveille de très près la situation en matière d’antibiotiques injectables, des médicaments particulièrement précieux en cas de pénurie.

J’ai reçu des représentants du secteur pharmaceutique pour savoir s’ils avaient connaissance de signaux faibles ou forts établissant un risque de pénurie. À ce stade, madame la sénatrice, la réponse est négative.

Faut-il recréer une chaîne de production en France ? Clairement, oui.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Nous ne pouvons pas rester totalement dépendants en matière d’accès aux médicaments : nous avons besoin d’autonomie, a minima européenne. Au demeurant, il serait illusoire de vouloir avoir toutes les chaînes de fabrication en France, sans compter que cela supposerait d’implanter sur le territoire national un grand nombre de sites Seveso – nous parlons d’une industrie chimique lourde.

Une stratégie européenne est nécessaire pour réindustrialiser le pays, notamment à travers la filière de la fabrication des médicaments, mais cela prendra du temps : il faut deux ou trois ans, au moins, pour ouvrir une chaîne de fabrication de médicaments. Bruno Le Maire, Agnès Pannier-Runacher et moi-même, avec l’ensemble de nos collègues concernés, sommes déterminés à agir, étant entendu que notre dépendance à l’égard des pays d’Asie est totale aussi en ce qui concerne les matières premières. Nous avons démarré cette réflexion tambour battant, et, vous avez raison, la crise du coronavirus nous oblige à aller encore plus vite.

Bref, madame Cohen, il n’y a pas de pénurie à ce stade, et nous surveillons la situation de très près.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Mme Laurence Cohen. Lorsque nous avancions cette proposition devant les ministres Touraine et Buzyn, nous recevions en général une fin de non-recevoir… J’apprécie donc votre réponse, monsieur le ministre, qui marque une petite ouverture. Au-delà de la pénurie de médicaments, c’est l’indépendance de la France qui est en jeu. Agir via l’Ageps serait un premier pas vers la création, que nous appelons de nos vœux, d’un pôle public du médicament et de la recherche aux échelons français et européen. Votre réponse, monsieur le ministre, ouvre une porte : discutons-en !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Les liaisons aériennes et maritimes sont les premiers vecteurs de propagation du virus à l’échelle mondiale. À l’intérieur de nos terres, les lignes ferroviaires, les métros et les RER sont également des zones à haut risque.

Nous savons que la propagation du virus se fait à 80 % par contact manuel ou par l’intermédiaire d’un objet contaminé. Aussi les salariés des entreprises de transport et les usagers des transports sont-ils exposés à un risque de contamination particulièrement important.

Or, actuellement, les entreprises de transport ne disposent pas de protocoles communs par mode de transport pour limiter le risque. Dans ces conditions, nous savons que de nombreux salariés feront le choix d’exercer leur droit de retrait, si l’approvisionnement en masques de protection FFP2 et en gels hydroalcooliques n’est pas assuré dans la durée. Au-delà de l’aspect sanitaire, les conséquences économiques pour certaines compagnies terrestres, maritimes ou aériennes se mesurent déjà en centaines de millions d’euros.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons faire l’impasse sur la prévention du risque d’infection dans les transports, car cela conduirait à la paralysie de notre pays. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour garantir une protection efficace aux salariés des entreprises de transport en commun ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Les mêmes, monsieur le sénateur Joël Guerriau, que pour l’ensemble des Français : les gestes barrières, déjà évoqués, consistant à se protéger soi-même et à protéger les autres en évitant les contacts physiques, comme les poignées de mains, en utilisant des mouchoirs à usage unique et en éternuant dans son coude, entre autres.

Autant ces mesures sont utiles, autant le port du masque, dans la population générale, ne l’est pas. D’après l’Organisation mondiale de la santé, pour avoir un début de réduction du risque de contamination, il faudrait que 60 % de la population totale porte un masque en permanence : alors seulement on observerait une petite inflexion de la courbe… On en est évidemment très loin, et ce n’est pas un objectif souhaitable.

De fait, aucune recommandation, nationale ou internationale, ne concerne le port du masque. Encore moins le masque FFP2, qui doit servir à des soins invasifs comme des aspirations trachéo-bronchiques chez des malades infectés ou des patients atteints d’une maladie transmissible par voie aérienne, comme la tuberculose. Ces masques à haute spécialité sont destinés à des soins profonds chez des patients atteints d’une maladie grave et transmissible en milieu hospitalier.

Même les masques chirurgicaux ne sont pas indiqués pour les conducteurs de transport dont vous avez parlé. À cet égard, nous avons fait le choix, comme nos voisins, de ne pas paralyser la vie économique et sociale de notre pays, mais de mettre en place les mesures individuelles et collectives adaptées pour faire face à la menace épidémique.

Quant au droit de retrait, utile en cas de menace grave et imminente pour soi-même, il n’est pas une notion subjective : on ne doit pas déterminer qu’on se sent en danger par rapport à une probabilité d’infection. À mon sens, donc, ce droit ne s’applique pas dans la situation présente ; il y a, du reste, une jurisprudence qui le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

En cas de rupture d’approvisionnement, les personnes les plus exposées eu égard à leur activité, comme les hôtesses de l’air, devront être prioritairement protégées. Il me paraît important de répondre aux inquiétudes qui existent à cet égard, puisque, aujourd’hui déjà, les personnels interrogent leur compagnie sur les mesures prévues pour les garantir.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Élu de Haute-Savoie, un département frappé par cette maladie avant tous les autres, je sais combien nous pouvons être fiers de notre système de santé et des professionnels de terrain qui l’incarnent.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les mesures que vous entendez prendre dans les jours et les semaines qui viennent.

Ce soir, avec 3 000 personnes infectées et plus de 100 morts, nos voisins italiens viennent de décider la fermeture des écoles et des universités jusqu’au 15 mars dans tout le pays. Sans parler des mesures prises par Israël. En France, nous considérons manifestement ces mesures comme excessives. Alors, expliquons pourquoi. Tel est, je crois, l’intérêt d’un tel débat.

Dans mon département, dix nouveaux cas ont été diagnostiqués aujourd’hui. J’ai le sentiment que, désormais, l’épidémie ne pourra plus être contenue dans les seuls clusters et qu’elle risque de se généraliser. Si tel était le cas, nous passerions au stade 3, dans lequel des mesures nationales ou locales d’une tout autre ampleur sont prévues.

Les 15 et 22 mars prochain, l’ensemble de nos concitoyens adultes pourront désigner leurs élus dans les conseils municipaux. Parlons clair : je ne souhaite pas le report des élections municipales. Toutefois, monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour qu’elles se déroulent dans le climat de quiétude qui sied à l’exercice d’une telle liberté publique ? Les 35 000 maires, qui organisent ces élections, attendent d’être rassurés !

Par ailleurs, je vous en supplie : par tous les moyens, gardez l’entière maîtrise de la communication.

Mme Catherine Morin-Desailly opine.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous confirme que, derrière chaque décision de politique publique que je prends comme ministre, il y a des blouses blanches : toutes les décisions sont concertées.

Personne ne peut se dire lui-même expert. Précédemment, l’une de vos collègues – je ne sais si elle appartient au Front national ou à Debout la France – a parlé d’abondance, se plaçant quasiment dans la position d’une experte. Mais l’expertise médicale, c’est quelque chose de très sérieux !

Toutes les décisions de politique publique que nous prenons sont justifiées par des faits avérés, démontrés et publiés. Nous travaillons en concertation avec l’ensemble de nos collègues dans le monde entier pour prendre des décisions raisonnables. Ce qui ne veut pas dire qu’elles sont simples à comprendre, ni uniformes.

L’uniformité n’est d’ailleurs pas indispensable, dans la mesure où nous faisons face à des situations très particulières, territoire par territoire. Vous-même, sénateur de Haute-Savoie, avez une partie de votre département où le virus circule activement, ce qui justifie des mesures très spécifiques ; d’autres mesures sont prises pour la périphérie de ce secteur, d’autres encore sont déterminées au plan national.

On peut toujours discuter des critères, comme le seuil de 5 000 personnes pour l’interdiction des regroupements. Ce seuil est celui à partir duquel un événement doit être déclaré en préfecture, ce qui permet de décider d’une interdiction. En tout cas, la rationalité des décisions est avant tout scientifique et médicale, sans mauvaise politique. Je remercie d’ailleurs les orateurs d’avoir montré que l’union nationale est possible sur un sujet comme celui-ci, ce qui est important pour les soignants.

Nous avons parlé de la vie économique et de la vie sociale de notre pays ; la vie démocratique aussi est importante. À cet égard, les experts de santé publique ne nous opposent aujourd’hui aucun argument pouvant conduire à suspendre ou repousser les élections municipales.

Je souhaite que nous utilisions l’occasion des élections municipales pour faire de la prévention. À ce titre, j’ai proposé que, dans chaque commune, un panneau électoral soit consacré à l’affichage des « gestes barrières », et que du gel hydroalcoolique soit disponible à l’entrée de tous les bureaux de vote. Ces locaux ne se trouvent pas dans la situation de rassemblements en milieu confiné de plus de 5 000 personnes. En effet, même si la mobilisation était très forte, une telle affluence apparaît absolument impossible. Donc, les élections municipales se tiendront.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je remercie M. le ministre de ses réponses. S’agissant des élections municipales, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre de nos concitoyens vont vouloir accomplir leur devoir d’électeur dans des lieux qui seront confinés.

Se pose également la question des personnes malades qui ne pourront pas sortir de l’hôpital pour aller voter, ce qui soulève une vraie difficulté s’agissant d’une liberté publique.

Enfin, si nous vivons une situation « à l’italienne » le 15 ou le 22 mars, l’inquiétude en France sera d’une tout autre nature qu’aujourd’hui, et sans parler du report des élections, je vous demande avec insistance que les élus soient accompagnés et rassurés, afin que les élections se déroulent dans des conditions acceptables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Monsieur le président, monsieur le ministre, en dehors de la Chine, 79 pays ont signalé des cas. Les cinq continents sont concernés. Nos compatriotes établis en Chine, à Singapour, en Corée du Sud, en Iran, en Italie et dans bien d’autres pays, subissent les restrictions qui y sont imposées.

Certains ont fait le choix d’être rapatriés. D’autres sont restés, par solidarité avec les habitants du pays qui les accueille… Certains lycées français ferment leurs portes par mesure de précaution. L’activité économique est ralentie et certains de nos compatriotes sont soit licenciés, soit priés de prendre leurs congés sans savoir jusqu’à quand.

C’est dans ces périodes que l’on se rend compte de l’importance du rôle de nos conseillers des Français de l’étranger, qui agissent conjointement avec les ambassadeurs et les consuls pour prendre en mains la sécurité sanitaire de nos compatriotes.

Par ailleurs, le classement des pays à risques est surprenant. Certains pays, tels que Singapour, font l’objet d’une stigmatisation, alors qu’ils sont transparents, à l’inverse d’autres qui ne publient pas leurs chiffres et ne font donc pas l’objet de restrictions.

Le 28 février, nos compatriotes inscrits sur le dispositif Ariane ont reçu un message relatif au coronavirus indiquant : « À ce stade, plusieurs centaines de décès sont recensés à Singapour, le bilan étant en constante augmentation. » En réalité, après que 112 cas avérés ont été enregistrés, 79 sont rentrés chez eux ; à ce jour, seules 33 personnes sont hospitalisées, et aucun décès n’est à déplorer. Nous sommes loin des chiffres annoncés, mais la panique provoquée par ce message, avec ses centaines de décès annoncés, a été bien réelle !

Certes, un démenti a été effectué, mais le mal était fait. Le climat de psychose ainsi créé aura sans nul doute laissé des conséquences sur nos relations diplomatiques et commerciales.

Dans ce contexte, il est indispensable de réactualiser régulièrement la liste des pays à risques et le stade de développement de l’épidémie en tenant compte de l’évolution du nombre de cas toujours actifs. Par exemple, Singapour, qui a été classé « orange » avec 112 cas et qui n’en a plus que 33 aujourd’hui, est toujours classé « orange ».

Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures sont envisagées pour soutenir nos compatriotes établis hors de France et obtenir que la liste des pays à risques soit réajustée régulièrement ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Claudine Kauffmann applaudit également.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question qui a trait principalement à la situation des Français de l’étranger.

Je le rappelle, deux avions ont pu rapatrier les Français qui se trouvaient dans les régions qu’on appelait à l’époque les « zones rouges » – les zones rouges et orange ont disparu et sont devenues « les zones de circulation active du virus à l’étranger ». Ces Français sont revenus dans de bonnes conditions de rapatriement – la France peut s’enorgueillir du rôle qu’elle a joué à cet égard –, en étant placés en quarantaine, plus exactement « en quatorzaine », dans des villages vacances, car de nombreux enfants étaient présents. Ces ressortissants ayant été soumis à un stress élevé, il était essentiel de leur garantir le confort à leur retour.

Il est un certain nombre de pays dans lesquels les Français expatriés n’ont pas sollicité de rapatriement. C’est par exemple le cas de la Corée du Sud : nous n’avons pas reçu de demandes massives de rapatriement, alors que le virus circule activement. Des messages de prévention sont adressés à ces Français, comme à tous nos compatriotes présents à l’étranger.

À l’inverse, les Français sont invités, durant la période d’incertitude, à limiter leurs déplacements et à éviter de se rendre hors de l’Union européenne, et ce pour la raison que vous avez évoquée, madame la sénatrice : un certain nombre de pays n’ont pas pris pleinement la mesure de la situation sanitaire – j’ai ce soir une pensée pour nos ressortissants français qui se sont rendus en Égypte dans le cadre d’un voyage organisé ; sur 22 voyageurs, 8 ou 9 sont positifs au coronavirus, alors qu’un seul cas avait été déclaré par les autorités égyptiennes.

J’invite donc chacun à faire preuve de prudence dans ses déplacements. Pour cela, les recommandations sont actualisées par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, jour après jour, parfois même heure après heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le ministre, au 4 mars, 12 cas de personnes testées positivement au coronavirus Covid-19 ont été recensés dans le département de l’Aisne, dont, dans ma propre commune, un homme âgé de 56 ans, transporté par les pompiers au centre hospitalier de Laon alors qu’il se trouvait en insuffisance respiratoire.

Mon interrogation porte sur les conditions de prise en charge des malades identifiés dans les départements ruraux comparables à l’Aisne, éloignés d’un centre hospitalier universitaire. La situation de notre pays exige unité, coordination, totale transparence et confiance dans notre système de santé. Toutefois, nous savons tous que notre système hospitalier est en difficulté, parfois déstabilisé.

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le ministre, que dans tous les départements, y compris ceux qui ont les structures hospitalières les moins développées, les moyens humains et matériels sont bien en place pour accueillir les premiers malades et faire face, peut-être prochainement, au stade 3 de l’épidémie ?

Ma seconde question porte, en miroir, sur la médecine de ville, appelée, pour ne pas engorger les hôpitaux, à prendre en charge les malades atteints par des formes bénignes. Les médecins généralistes sont prêts à assumer cette responsabilité.

Néanmoins, ceux avec lesquels j’étais en contact ce matin, au-delà des nombreux mails d’information qu’ils ont reçus, n’étaient toujours pas destinataires de masques de protection. Je me fais ici l’écho de leur sentiment d’abandon et de leur impression que, par rapport à la communication, les actes ne suivent pas !

La question se pose également, et vous avez répondu en partie, monsieur le ministre, du type de masque à utiliser : chirurgical ou FFP2. À ce propos, j’insiste sur les demandes de certains syndicats de médecins. Quelle est la stratégie développée pour la médecine de ville, en particulier dans les territoires ruraux ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, votre question est double.

En premier lieu, les hôpitaux sont-ils prêts aux quatre coins du territoire ? Je l’ai dit, désormais plus de 150 hôpitaux sont capables de prendre en charge les patients de A à Z, avec au moins un établissement de santé dans chaque département français, parce que la continuité territoriale de l’accès aux soins en période épidémique est essentielle.

À côté des hôpitaux, il faut considérer la prise en charge pré-hospitalière, notamment avec les transports sanitaires qui remplissent une mission importante.

En second lieu, la médecine de ville est mise à contribution, qu’il s’agisse des médecins, des infirmières et de l’ensemble des professionnels paramédicaux exerçant en secteur libéral, pour nous aider, aujourd’hui et encore plus demain, si l’épidémie se confirme. En effet, nombre de patients sont hospitalisés aujourd’hui non pas en raison de leur état de santé, mais parce que, testés positifs au virus, leur isolement est ainsi garanti. Demain, ils seront traités par la médecine de ville et pourront ensuite retourner chez eux.

Il apparaît donc fondamental que la médecine de ville soit préparée. À cette fin, j’étais hier au téléphone avec Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins. Je lui ai demandé que des protocoles extrêmement précis permettent aux médecins libéraux de savoir à quel moment, et sur quels indicateurs cliniques, il convient d’adresser des patients à l’hôpital lorsque l’épidémie passera au stade 3.

Le coronavirus n’est pas le virus de la grippe, même si l’on constate certaines similitudes. Un certain nombre de facteurs doivent alerter sur la nécessité d’hospitaliser des patients, alors même qu’ils ne présentent pas forcément de symptômes graves.

Sur l’équipement des médecins, je complète ma réponse en indiquant que les masques chirurgicaux et anti-projections continuent à être livrés dans les officines. Nous avons progressivement privilégié des territoires, tels que l’Oise, là où la circulation du virus se révèle la plus active.

Monsieur le sénateur, je déplore que de nombreuses personnes non éligibles au port du masque, car non soignantes et sans aucune fragilité physique avancée, aient stocké des masques, au cas où. Quand on veut créer les conditions de la pénurie, on se précipite tous au même moment pour acheter un produit…

Il n’y a pas de pénurie. En revanche, des voies d’acheminement apparaissent progressivement, de façon adaptée, car il nous faut maintenant gérer nos stocks de masques « en bons pères de famille », si j’ose dire, afin de traverser une épidémie dont la durée est incertaine, tout en garantissant la protection systématique des soignants et des personnes les plus fragiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord vous saluer, car c’est la première fois que je m’adresse à vous officiellement, dans des circonstances loin d’être les meilleures… Cela dit, nous aurons d’autres occasions de discussion une fois que la crise sera passée, notamment sur la question des plantes médicinales et de leurs produits dérivés.

Ah ! et sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le ministre, je représente le Morbihan, un département particulièrement touché par le coronavirus, avec à ce jour 17 malades, dont un est décédé – cinq autres cas viennent d’être enregistrés selon les toutes dernières informations.

Deux arrêtés préfectoraux pris le lundi 2 mars ont restreint fortement les activités et l’ouverture des lieux publics dans le département jusqu’au 14 mars, en lien avec les mesures sanitaires prises par le Gouvernement : interdiction de tout rassemblement public, fermeture des cinémas, des théâtres, des discothèques, des administrations et, sur la zone du cluster, des établissements scolaires, des marchés et des piscines, etc.

Tout d’abord, si ces mesures visent à contenir au maximum l’épidémie – on ne peut que s’en réjouir –, nous sommes confrontés à un certain nombre d’incompréhensions légitimes de la part de nos concitoyens. Pourquoi fermer un marché, alors que le centre commercial bondé est ouvert ? Pourquoi les boîtes de nuit sont-elles fermées, mais pas les bars de nuit ? Pourquoi la piscine de Vannes est-elle ouverte, mais pas celle de Lorient ?

Je n’entrerai pas dans le détail, mais force est de constater que, si l’on essaie de prendre les mesures qui conviennent, elles ne sont pas toujours acceptées ou comprises par la population. Nous assistons même à des mouvements de panique, la psychose ayant d’ailleurs provoqué l’engorgement du 15, avec 4 200 appels comptabilisés hier au centre hospitalier de Vannes, soit trois fois plus qu’une journée normale. Cette surcharge a évidemment une incidence sur la prise en charge des vraies situations d’urgence.

Nous nous acheminons sans aucun doute vers le stade 3. Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour freiner la propagation du virus, tout en rassurant la population ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Le Morbihan fait effectivement partie des départements où la circulation du virus est la plus active, de sorte qu’un certain nombre de mesures de restrictions collectives ou individuelles y ont été prises.

Les mesures nationales, vous les connaissez, puisque je les ai citées. Elles sont assorties d’une adaptation locale, je l’ai dit aussi, émanant des préfets ou des directeurs généraux des ARS, parfois des recteurs, et visant à contenir des zones qui, sans cela, risqueraient de faciliter la circulation du virus.

Pour autant, je vous rejoins sur le fait que certaines décisions locales paraissent manquer par endroits de clarté. Ce sujet a été abordé ce matin au cours du Conseil national de défense auquel j’ai participé, en présence du Président de la République et du Premier ministre. Je peux vous informer qu’une instruction sera adressée dès demain aux responsables des services de l’État dans l’ensemble des territoires, afin de rappeler les doctrines et d’harmoniser les pratiques.

À mes yeux, l’information est la base de la prévention, comme la confiance de nos concitoyens, d’autant que certaines décisions, bien que justes, se révèlent complexes à appréhender et à comprendre. Essayons d’en rester aux décisions qui sont en l’état absolument nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, l’épidémie de Covid-19 a franchi la barre des 90 000 personnes infectées dans le monde et celle des 3 000 morts. Alors que le nombre de nouveaux cas quotidiens n’a jamais été aussi bas en Chine, le berceau de l’épidémie, les autres pays voient la maladie se propager comme une traînée de poudre.

En France, plus de 285 cas sont confirmés et quatre personnes sont décédées.

Dès l’annonce, par l’OMS, des premiers cas suspects dans la ville de Wuhan au début du mois janvier, le consortium REACTing a été mobilisé pour assurer le partage d’informations scientifiques et coordonner l’effort de recherche français.

Pour rappel, le consortium REACTing est un consortium multidisciplinaire rassemblant des équipes et laboratoires d’excellence, afin de préparer et coordonner la recherche pour faire face aux crises sanitaires liées aux maladies infectieuses émergentes.

Pour aller encore plus loin, je vous indique que le consortium a identifié plusieurs axes de recherche : le suivi et la modélisation de l’épidémie, la caractérisation du virus, la mise en place et l’amélioration des techniques de diagnostic, ainsi que les pistes thérapeutiques.

Afin d’accompagner le développement de ces programmes de recherches, Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et M. le ministre des solidarités et de la santé ont engagé un demi-million d’euros pour renforcer les moyens déjà engagés par les laboratoires de recherche depuis l’apparition du coronavirus. Ce montant sera ensuite complété par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (Mesri) à hauteur de 2 millions d’euros, soit un engagement total de l’État de 2, 5 millions d’euros.

Cette épidémie touche aujourd’hui tous les continents et, partout dans le monde, les scientifiques spécialisés en épidémiologie étudient son évolution et son éventuelle mutation.

Monsieur le ministre, vous avez montré votre volonté d’accompagner les chercheurs français. Pour autant, sachant que cette épidémie ne connaît pas de frontière, pouvez-vous attester d’une volonté commune, à ce jour, de développer une coopération médicale européenne, voire mondiale, pour pallier la propagation de cette épidémie ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question qui porte sur la stratégie de recherche et l’engagement de la France dans la lutte contre le coronavirus.

Le séquençage du génome du coronavirus a été réalisé en France par l’Institut Pasteur, qui travaille, avec d’autres acteurs de la recherche, au développement d’un vaccin. On le sait, ce vaccin ne sera pas disponible avant un certain temps, au minimum un an.

Il faut donc accentuer et accélérer la recherche non seulement pour trouver un vaccin, mais aussi afin d’identifier des traitements – plusieurs pistes sont actuellement explorées, notamment celle des antiviraux – pour ralentir la maladie, ou tout au moins pour en freiner les formes graves, et apporter des soins aux patients.

Demain, le Président de la République réunira un conseil de recherche avec le consortium REACTing, qui est coordonné par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et placé sous l’égide de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). Ce consortium a été mobilisé pour assurer le partage d’informations scientifiques et coordonner l’effort de recherche français. Je participerai au conseil de recherche durant lequel nous soutiendrons de nouveau la recherche – vous le constaterez demain après-midi.

Par ailleurs, s’agissant des relations internationales en matière de recherche, on est évidemment beaucoup plus forts quand on est nombreux. Mais il faut que chaque participant effectue une recherche différente et partage ensuite ses données. C’est ainsi que nous avancerons et multiplierons nos chances d’aboutir à un résultat.

Ces recherches en vue d’un traitement feront notamment l’objet des discussions auxquelles je participerai vendredi à Bruxelles lors du conseil Emploi, politique sociale, santé et consommateurs (Epsco) qui réunira les ministres européens de la santé pendant plusieurs heures. L’engagement de l’Europe en la matière est particulièrement remarquable.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la protection des médecins généralistes, qui déplorent le manque de considération des autorités de santé. Or nous allons entrer dans une phase où l’essentiel de la prise en charge va reposer sur eux, avec un report de l’hôpital vers la médecine de ville. Celle-ci sera en première ligne pour gérer l’épidémie.

Les consignes restent peu claires sur la façon de prendre en charge les malades sans risquer d’être contaminé ou de propager ensuite le virus. Depuis un changement récent, la doctrine prescrit désormais la protection par des masques chirurgicaux FFP1 destinés aux généralistes, et non par les masques FFP2 réservés, eux, exclusivement aux hôpitaux. Cela nous interpelle à juste titre !

En outre, les médecins libéraux ne savent pas précisément à combien de masques ils ont droit, et la distribution a tout juste commencé hier. Ils veulent être protégés avec certitude, mais, à ce jour, on ne peut exclure les contaminations de médecins sur le terrain. Or rien ne garantit l’entière efficacité des « masques bavettes » pour protéger du coronavirus.

Ce choix repose sur l’avis de sociétés savantes et sur un article du Journal of the American Medical Association (JAMA) dont l’étude, certes intéressante, a concerné un nombre très insuffisant de cas pour mettre en évidence une preuve scientifique irréfutable. De plus, l’étude portait sur le virus de la grippe, dont la létalité reste très inférieure à celle qui est liée au coronavirus.

Les médecins doivent donc avoir l’assurance que ce changement de doctrine n’est pas adossé à une réalité pratique, celle de la pénurie de masques FFP2, d’autant plus que, lors de l’épisode de la grippe H1N1, je le rappelle, ce sont bien ces masques-là qui leur avaient été distribués.

Ils ont besoin d’un discours de vérité et de transparence concernant cette pénurie. C’est une question de confiance entre eux et les pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les décisions prises avec les industriels français ? Des masques FFP2 sont-ils prévus pour eux, une fois la pénurie hospitalière compensée ? Et dans combien de temps ?

Vous serez sans doute d’accord avec moi : il est impossible, au nom du principe de précaution, de prendre le risque que les médecins libéraux ne soient pas intégralement protégés. Si eux sont touchés, c’est toute la prise en charge de l’épidémie qui s’effondre !

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice, je vais compléter la réponse que j’ai donnée sur les masques. Vous avez cité l’article du JAMA, qui n’est pas une petite revue scientifique : c’est l’une des plus renommées au monde. Selon cet article, il existe plusieurs voies de transmission possibles : la voie aérienne, comme dans le cas de la tuberculose, nécessite des mesures particulièrement drastiques de confinement et de protection du visage ; d’autres virus tels que le coronavirus sont transmis par gouttelettes.

Pourquoi ne faut-il pas se serrer les mains ? Parce que la main est le premier vecteur de transmission, puisqu’on se touche le visage environ 60 fois par heure sans s’en rendre compte ; en serrant la main de quelqu’un, on lui transmet les germes que l’on a.

L’autre voie de contamination résulte des projections de postillons, si on reste quinze à vingt minutes à moins d’un mètre d’une personne malade.

Conformément à l’étude du JAMA, nous suggérons aux médecins de mettre un masque chirurgical aux patients et d’en utiliser un pour leur propre protection. D’après une étude qui n’est pas confidentielle, puisqu’elle a une grande portée internationale, et a été avalisée – j’ai reçu les conclusions avant-hier – par la Société française d’hygiène hospitalière ainsi que par la Société française de santé publique, cette solution des deux barrières offre un niveau de protection permettant de répondre à toutes les situations, puisqu’il équivaut à celui d’un masque FFP2.

Ce n’était pas contre le virus H1N1 que nous voulions protéger nos concitoyens par des masques FFP2 ; c’est parce que la grippe aviaire avait eu lieu juste auparavant et qu’il nous restait tout un stock utilisable. Après l’apparition de la grippe H1N1 en 2011, les acteurs de la santé publique se sont réunis et ont considéré qu’il fallait constituer de nouveaux stocks, non pas de masques FFP2, mais de masques chirurgicaux.

Encore une fois, j’ai le feu vert de l’ensemble des autorités de santé publique auxquelles j’ai fait appel, afin qu’aucune décision politique ne soit appliquée sans avoir été confirmée par une décision de santé publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce jour, Saint-Barthélemy n’enregistre qu’un seul cas confirmé d’infection au coronavirus.

Pour autant, sur notre île, où chacun ou presque se connaît, l’anxiété peut vite grandir. Par ailleurs, le tourisme constituant l’activité dominante de l’économie, l’île est particulièrement exposée, du fait d’une fréquentation touristique cosmopolite et de sa médiatisation à une échelle internationale.

Saint-Barthélemy, comme vous le savez, est en situation de double insularité, dès lors qu’elle est reliée à Saint-Martin et à la Guadeloupe en matière sanitaire. La chaîne de prise en charge doit donc être pensée pour s’adapter à ce contexte particulier.

Dans cette situation de risque, la réduction au maximum des délais d’acheminement des prélèvements de dépistage et des délais d’évacuation sanitaire, en cas de nécessité de prise en charge hospitalière, sont les deux leviers majeurs pour permettre de prévenir la diffusion du virus et rassurer la population.

Ainsi, les résultats d’analyses biologiques doivent pouvoir être obtenus dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Monsieur le ministre, des moyens ont-ils été déployés pour garantir ce délai ?

De même, les moyens sont-ils mis en œuvre pour qu’il soit possible, si l’évolution de la situation le requérait, de gérer plusieurs évacuations sanitaires simultanées ou très rapprochées vers les centres hospitaliers de la région ?

L’attitude de la population de l’île, qui a fait preuve de civisme en adoptant les gestes préventifs préconisés, vient d’ores et déjà compléter efficacement un plan sanitaire.

En résumé, monsieur le ministre, pouvez-vous m’assurer que, à Saint-Barthélemy comme partout sur le territoire national, une stratégie visant à maîtriser la diffusion du virus est bien prévue afin de garantir la chaîne de prise en charge des patients depuis le dépistage jusqu’à l’évacuation sanitaire ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question.

Sachez que nous prenons la situation à Saint-Barthélemy très au sérieux. L’île est encore au stade 1, période durant laquelle tout est fait pour empêcher le virus d’entrer, avant qu’il ne commence à se développer.

Les mesures de confinement sont essentielles et les enquêtes de terrain indispensables. Les pouvoirs publics doivent proposer et expliquer aux habitants de Saint-Barthélemy leur stratégie, qui est d’ailleurs identique à celle qui a été mise en place sur le territoire national, notamment aux Contamines-Montjoie – avec succès.

C’est pourquoi le directeur général de l’ARS se rendra à Saint-Barthélemy dès vendredi pour rencontrer les acteurs concernés et leur expliquer la stratégie à mettre en place.

Concernant le délai entre le prélèvement et le rendu des résultats, une durée maximale de vingt-quatre heures nous semble raisonnable. Nous travaillons avec l’ensemble des hôpitaux des territoires proches de Saint-Barthélemy pour que ce délai soit tenu.

Croyez-moi, nous mettrons tout en œuvre pour éviter que le virus ne se développe à Saint-Barthélemy et qu’il ne gagne les Antilles !

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question dépasse le cadre médical. Les Français établis hors de France ont été, parmi nos compatriotes, les premiers à être touchés par l’épidémie du coronavirus : à Wuhan d’abord, puis dans toute la Chine, en Asie ensuite, et désormais dans de nombreux pays où le virus s’est propagé.

Dans tous ces pays, les Français de l’étranger ont pu compter sur le précieux soutien du ministère des affaires étrangères, qui a su répondre efficacement aux nombreux défis posés par la propagation de l’épidémie. Je pense particulièrement à l’évacuation de nos compatriotes présents à Wuhan et tiens ici à remercier le personnel de nos ambassades et de nos consulats de leur engagement.

Cependant, l’inquiétude parmi la communauté française est multiple et forte. Elle porte notamment sur la scolarisation des enfants, car à ce stade, de nombreux établissements français à l’étranger sont fermés à la demande des autorités locales.

Si tous les directeurs et enseignants sont mobilisés pour un travail à distance, le téléenseignement sur le long terme commence à montrer ses limites, et un accès facilité aux ressources numériques – TV5 Monde, ressources du réseau de création et d’accompagnement pédagogiques (Canopé), Centre national d’enseignement à distance (CNED) – permettrait aux enseignants de gagner en efficacité.

Dans ce contexte, la question du bon déroulé des examens soulève déjà de nombreuses inquiétudes.

Les personnels français s’interrogent également sur les mesures qui seront prises en cas d’aggravation de la situation sanitaire – peut-être un rapatriement ?

La stabilité financière des établissements scolaires est aussi une source de préoccupation, car il est fort possible que de nombreuses familles ne puissent plus contribuer financièrement au fonctionnement de ces établissements.

Monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de répondre à ces inquiétudes ?

Enfin, à ce stade, pouvez-vous nous confirmer que la prochaine session de l’Assemblée des Français de l’étranger aura bien lieu du 16 au 20 mars à Paris ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice, oui, il est prévu que la réunion de l’Assemblée des Français de l’étranger soit maintenue.

Concernant l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), je comprends vos interrogations. J’ai demandé au ministre de l’éducation nationale et au ministre des affaires étrangères de m’aider à obtenir des éléments factuels. L’AEFE a mis en place une cellule de veille permanente à la fin du mois de janvier, avec deux réunions hebdomadaires sous la forme de cellules de crise, qui réunissent l’ensemble des services de l’Agence. Celle-ci travaille d’ailleurs en étroite collaboration avec le centre de crise du ministère de la santé, ainsi qu’avec les ambassades concernées.

Depuis le début de la crise, l’AEFE a instauré, avec le soutien du CNED et la mobilisation de toutes les équipes enseignantes locales, un dispositif d’enseignement à distance, grâce auquel les élèves de toutes sections ont pu travailler au moins trois heures par jour et une déscolarisation massive a pu se poursuivre jusqu’à présent, avec des mesures d’accueil en présentiel lorsque c’était possible.

Une extension durable de la crise du coronavirus à d’autres pays aura des conséquences économiques potentiellement lourdes pour les établissements d’enseignement. Il faudra donc y porter une attention particulière, d’autant que le fonctionnement du réseau est déjà très perturbé en Asie.

Le Quai d’Orsay est en relation permanente avec le ministère de l’éducation nationale pour régler tous les différents problèmes rencontrés.

Je peux vous transmettre quelques prévisions concernant la réouverture d’établissements. En Chine, aucune date de réouverture n’a été communiquée par les autorités locales pour Shanghai. À Canton, Shekou, Shenzhen, les établissements pourraient rouvrir le 16 mars ; à Pékin le 23 mars ; à Hong Kong le 20 avril ; à Séoul le 24 mars ; à Téhéran le 19 mars ; au Japon le 17 mars, en Mongolie le 2 avril ; à Taïwan, la réouverture a eu lieu le 25 février et, au Vietnam, les établissements seraient rouverts le 9 mars.

Toutes ces dates sont susceptibles d’évoluer, vous l’imaginez bien, en fonction de la situation. Nous-mêmes éprouvons quelques difficultés pour anticiper les dates précises de réouverture des écoles qui ont été fermées récemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le ministre, voici une question un peu iconoclaste dans le débat de ce soir, puisqu’elle porte sur les conséquences économiques de cette crise sanitaire.

L’annonce de la propagation du coronavirus en France et les premières mesures de protection ont entraîné une baisse de l’activité dans de nombreux secteurs économiques.

Le premier domaine immédiatement touché est celui du tourisme, avec des conséquences sur les hôtels-restaurants, les entreprises d’événementiel, les traiteurs, particulièrement dans les grandes villes, où les événements d’ampleur ont été interdits. Au-delà de l’annulation de ces événements, une véritable psychose s’est installée et les annulations de séminaires, petits salons, événements d’entreprise dépassent très largement le seul cadre des décisions gouvernementales ou préfectorales.

Sur ce secteur du tourisme, l’Europe a déjà perdu 2 milliards d’euros depuis le début du mois de janvier, selon la Commission européenne.

Mais, en France, c’est un secteur particulièrement fragilisé, ayant subi depuis plusieurs années des chocs à répétition : d’abord les retombées des attentats, la terrible crise des « gilets jaunes » – le bilan que nous en avons dressé, ici, au Sénat, a donné lieu à la publication d’un rapport par Mme Évelyne Renaud-Garabedian –, les grèves de décembre dernier, les violences à répétition dans les centres-villes, désormais le coronavirus… Et c’est sans parler de l’augmentation massive des charges liées à la taxation des contrats d’usage que vous avez décidée en loi de finances !

Le Gouvernement a rapidement ressorti ce que j’appelle le kit de survie économique, ou aussi le kit « gilets jaunes », pour soutenir les entreprises avec des reports de charges ou du cautionnement de besoins de trésorerie.

Mais, au-delà de ces mesures utiles, il faudra cette fois plus et, surtout, tout de suite.

Il faut suivre chacune des entreprises individuellement, car il est à craindre qu’elles ne disposent plus maintenant de la résilience nécessaire pour absorber ce nouveau choc, le troisième en deux ans. Ainsi, c’est à un véritable effondrement immédiat auquel nous assistons. Certaines entreprises m’ont indiqué, ce soir, que leur chiffre d’affaires allait baisser de 70 % sur les deux prochains mois.

Au-delà des annonces de votre collègue Bruno Le Maire, monsieur le ministre, quel dispositif d’accompagnement supplémentaire, immédiat et dans la durée, comptez-vous mettre en place pour éviter une épidémie de dépôts de bilan ?

Mme Martine Berthet applaudit.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Cette question n’est pas iconoclaste, madame la sénatrice. La vie économique et sociale du pays, j’en ai parlé spontanément, est tout à fait fondamentale : nous avons besoin d’une économie qui fonctionne, si nous voulons avoir des services publics et privés qui fonctionnent. La situation exige donc, évidemment, une adaptation.

Notons d’abord que l’impact du ralentissement économique en Chine sur le produit intérieur brut français est estimé à 0, 1 point, un chiffre qui devra bien sûr être affiné dans la durée.

Par ailleurs, Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher ont pris la décision de reconnaître l’existence d’un cas de force majeure pour tous les contrats passés avec l’État, évitant ainsi l’imposition de pénalités aux entreprises concernées.

La banque publique d’investissement a mis en place un mécanisme de soutien depuis le 2 mars ; elle se porte garante de l’ensemble des prêts demandés par les PME, afin de les accompagner dans cette période difficile.

Une cellule de continuité économique est activée depuis le 3 mars au ministère de l’économie. Elle permet d’obtenir toutes les informations nécessaires sur la situation économique du pays en temps réel. Le but est de mieux gérer l’impact de la crise sanitaire sur notre économie, en prenant, au quotidien, les décisions qui s’avèrent nécessaires.

En outre, nous allons reporter les échéances fiscales et sociales, permettre aux entreprises, comme je l’indiquais, de faire valoir un cas de force majeure pour les contrats passés avec l’État, demander aux collectivités territoriales d’adopter la même attitude, recommander aux donneurs d’ordre de la bienveillance à l’égard des sous-traitants, financer du chômage partiel en en tirant profit pour faire de la formation professionnelle.

Les dispositifs d’aide seront coordonnés au niveau de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du G7.

Enfin, des aides ponctuelles pourront être apportées aux entreprises, notamment aux PME, qui rencontrent des difficultés dans la période actuelle.

C’est donc tout un arsenal de mesures qui est mis en place pour soutenir notre économie. La réponse est importante ; nous espérons qu’elle sera suffisante ! Mais il faut attendre de voir comment la situation économique et, surtout, la situation sanitaire évoluent, puisque, on le comprend bien, la seconde influe largement sur la première.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

On le sait, monsieur le ministre, le fonctionnement actuel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) connaît déjà dans un « mode dégradé » – j’emprunte des mots volontairement déshumanisés pour qualifier des réalités déshumanisantes ! Le manque de personnel est criant, comme ne cessent de le rappeler tous les professionnels, qui attendent des mesures.

Il est reconnu et documenté que l’hébergement en institution peut favoriser la diffusion des virus. Le Covid-19 ne fait et ne fera pas exception.

Les personnes âgées figurent parmi celles qui sont les plus exposées à un risque, de par leur vulnérabilité aux infections respiratoires aiguës, mais aussi le profil de comorbidité présenté par certains sujets. Je rappelle que le virus de la grippe reste le premier facteur de mortalité dans les établissements.

Certains Ehpad situés dans les périmètres actuellement concernés par le Covid-19, comme à Crépy-en-Valois, ont d’ores et déjà pris les mesures qui s’imposent : confinement des résidents dans leur chambre, y compris pour les repas, et restriction drastique des visites, entre autres.

S’agissant des autres établissements, dans ses dernières recommandations adressées aux professionnels du secteur médico-social, votre ministère les incite à identifier les salariés revenant des zones à risque. Dans ces cas de figure, le personnel est invité à ne venir travailler qu’après la période de quatorzaine ou à voir ses activités réorganisées pour ne pas être mis en contact avec des personnes vulnérables.

Ainsi, dans un contexte général d’activité déjà particulièrement tendue, on ne peut pas ne pas penser aux résidents. Hier, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) envoyait aux établissements un rappel des mesures générales à appliquer concernant la continuité d’activité.

Ma question, hélas simple, est donc double, monsieur le ministre. Dans le contexte épidémique éventuel, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour faire face à une prise en charge massive des personnes âgées infectées ? Quelles mesures peuvent être décidées pour permettre la continuité de l’activité dans les Ehpad ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice, la question des Ehpad est fondamentale, surtout lorsqu’il est question d’une situation épidémique.

Mais les Ehpad savent gérer les épidémies. Chaque année, l’épidémie grippale touche en moyenne 2, 5 millions de Français et fait plusieurs milliers de morts – en général 8 000 –, notamment parmi les personnes âgées, qui sont fragiles et sujettes à comorbidité.

Ces établissements sont donc habitués à faire face aux épidémies et structurés pour cela. Lorsque c’est nécessaire, les personnels sont notamment équipés de masques chirurgicaux. Dans le cas présent, il est prévu que, dans l’hypothèse où l’on détecte un cas positif parmi les résidents et où il n’y aurait plus de masques à disposition, ils puissent en demander à l’agence régionale de santé afin de se protéger et de protéger le reste des résidents.

Au-delà, il faut pouvoir mettre en place rapidement un certain nombre de mesures simples, comme l’équipement de l’ensemble des Ehpad, à l’entrée et à la sortie des établissements, en distributeurs de gel hydroalcoolique. Je pense aussi à la mise en place de ces panneaux que l’on voyait souvent dans les Ehpad ou les hôpitaux par le passé, et que l’on voit un peu moins, invitant toute personne malade ou pensant l’être à ne pas visiter les personnes fragiles, pour lesquelles la maladie pourrait avoir des conséquences bien plus graves. Il faut effectivement avoir une vigilance particulière sur ce point, en particulier s’agissant des visites d’enfants, qui, on le sait, sont volontiers asymptomatiques ou très peu symptomatiques pour le coronavirus.

Croyez en tout cas, madame la sénatrice, que je porterai une attention particulière à ce secteur des Ehpad, auquel je suis très attaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Cela a été rappelé, mon département, la Haute-Savoie, est l’un des départements concernés par le coronavirus Covid-19, avec le cluster de La Balme-de-Sillingy.

Je tiens, avant d’aller plus loin dans mon intervention, à saluer le travail remarquable de l’ARS et de son directeur général, qui a été en liaison permanente avec les élus, mais aussi du personnel hospitalier, des services de l’État et des collectivités concernées. C’est tous ensemble que nous parviendrons à apaiser les esprits, à informer au mieux pour avoir les gestes et attitudes appropriés à chaque stade de la propagation de ce virus.

La présence d’un cluster dans le département amplifie les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Au-delà des pénuries de masques, nous observons des difficultés liées aux arrêts maladie.

En effet, si une école est fermée pour risque de contamination, l’un des parents doit se mettre en arrêt maladie pour garder son enfant. Cet arrêt est normalement géré par les médecins de l’ARS. Or ces derniers, sur-sollicités, sont difficilement joignables. Certaines personnes se tournent alors vers le SAMU, ce qui n’est pas gérable sur le long terme.

Il serait donc souhaitable que les médecins libéraux puissent délivrer ces arrêts de travail, au moins de manière temporaire, pour décharger l’ARS et le SAMU.

De ce fait, il faut alerter sur le risque de saturation du 15. Le SAMU, dans certaines zones, pourrait être complètement débordé, et n’oublions pas que les autres malades ont toujours besoin de soins d’urgence, en cas d’infarctus par exemple !

Il serait également profitable pour les ARS de créer des numéros verts zonaux, c’est-à-dire par zone de défense, la Haute-Savoie se trouvant à ce titre dans la zone Sud-Est. Cela permettrait à des médecins libéraux volontaires de répondre aux questions et de réexpliquer les bonnes pratiques à observer pour éviter la propagation du virus. Les ARS seraient alors partiellement déchargées.

Monsieur le ministre, c’est aussi le flou dans les entreprises : les personnes reçoivent des informations contradictoires, souvent via les réseaux sociaux ou même par nos propres pages de parlementaires. C’est le cas dans les entreprises au sein desquelles les habitants des communes impactées côtoient les habitants de communes limitrophes. Quelles mesures envisagez-vous de mettre en place pour pallier la diffusion de certaines informations contradictoires et le besoin d’adapter parfois en temps réel les orientations ?

Enfin, la question des élections municipales se pose.

Vous évoquez la distribution de masques et de solution hydroalcoolique dans chaque bureau de vote. Mais quid des mesures à prendre dans les zones comme la Haute-Savoie et les communes touchées ?

Les bureaux de vote se situent souvent dans des écoles et, particulièrement, dans les réfectoires. Prévoyez-vous des mesures de décontamination particulières au lendemain de chaque dimanche électoral ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, vous évoquez la situation de la zone d’activité du virus de Haute-Savoie, qui est en fait la deuxième zone d’activité recensée dans ce département, après le cas de la commune des Contamines-Montjoie, où tout s’est bien terminé puisque tout le monde est sorti guéri.

À cette occasion, je m’étais rendu au CHU de Grenoble avec Agnès Buzyn – elle était encore ministre et moi-même député de Grenoble à l’époque – et nous étions allés à la rencontre des familles. Je crois que les élus, dans leur ensemble, avaient salué l’intervention réalisée dans le territoire haut-savoyard.

À mon sens, il en va de même, actuellement, à La Balme-de-Sillingy. La commune compte 30 cas confirmés sur les 51 cas recensés dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est donc, on le voit, une zone de circulation virale qui appelle une attention particulière. Les recherches de chaînes de contamination sont en cours et la situation n’échappe pas du tout aux autorités de santé – elle est plutôt sous contrôle.

C’est l’occasion pour moi de remercier tout particulièrement les équipes de l’hôpital d’Annecy. Le docteur Bruno Chanzy, du service de virologie de cet hôpital, me faisait part, hier, de la mobilisation incroyable de tout le personnel de l’établissement : « C’est dur, me disait-il, c’est une mobilisation qui nécessite beaucoup d’énergie, beaucoup d’efforts. » Nous devons tous nous en rendre compte, je crois, et nous en souvenir le moment venu !

En matière de déclaration d’arrêts maladie, les mesures ont été simplifiées, par exemple dans le cas d’un parent tenu de s’occuper de ses enfants privés d’école.

Jusqu’à présent, il fallait passer par les médecins de l’agence régionale de santé. Mais ces derniers ont vraiment trop de travail, notamment du fait des identifications de chaînes de contamination. Nous avons opté pour une formule simplifiée et dématérialisée : l’employeur déclare l’arrêt de travail à l’assurance maladie et les indemnités journalières sont directement versées à la personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Monsieur le ministre, si l’épidémie engendre son lot d’incertitudes et de questionnements, il est en revanche une certitude, c’est que, à l’instar du corps médical, des personnels hospitaliers, les élus et, singulièrement, les maires se trouvent en première ligne.

Dans les communes touchées, ou qui le seront demain, les maires, dans le cadre de leurs pouvoirs de police, sont amenés à faire respecter les interdictions préfectorales de rassemblement et les fermetures des lieux recevant du public, à commencer par les écoles, les marchés, jusqu’aux équipements sportifs.

Je pense aussi à la question particulière des Ehpad, lieux de vie et d’échanges avec l’extérieur, dont les résidents constituent la partie de la population la plus exposée aux risques du coronavirus.

Le niveau 2 d’alerte ayant été déclenché, nous devons tous anticiper la mise en place du troisième palier. Celui-ci sera sans doute assorti de mesures plus drastiques, qui auront des conséquences sur le quotidien de nos concitoyens. Ces conséquences nourriront un inévitable sentiment de frustration si le bien-fondé des mesures est mal accepté et si aucun interlocuteur de proximité n’est capable de les justifier avec tact et pédagogie.

Dans une crise comme celle à laquelle nous nous préparons, la crédibilité de la parole publique et le respect des décisions prises par les autorités sont primordiaux. Au contraire, la défiance risquerait de désarmer la lutte contre l’épidémie.

Heureusement, ces interlocuteurs de terrain existent : ce sont les 35 000 maires !

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quel rôle entendez-vous donner aux maires et aux élus locaux dans la stratégie nationale de lutte contre l’épidémie ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, nous entendons donner aux maires un rôle important, et permanent ! C’est le rôle des élus locaux, d’ailleurs, et c’est le sens de leur engagement que d’être à l’écoute de la population !

Certains d’entre eux ont déjà payé leur tribut à l’épidémie : je pense au maire de La Balme-de-Sillingy, ou à celui de Crépy-en-Valois, qui a également été diagnostiqué positif.

Vendredi dernier, je me suis rendu dans l’Oise pour rencontrer le maire de Vaumoise, une autre commune touchée. J’ai aussi rencontré le conseil municipal et certains conseillers municipaux de la commune voisine, car il m’a semblé tout à fait naturel, dans le cadre de mon premier déplacement sur le terrain en zone d’activité virale, d’aller à la rencontre des élus locaux.

Ce sont eux que la population interpellera, eux vers qui elle se tournera pour demander secours, eux qui doivent apporter des réponses – où trouve-t-on du gel hydroalcoolique ? pourquoi n’en trouve-t-on pas ? –, eux qui nous sollicitent pour obtenir des masques pour les médecins de leur commune. Il est donc tout à fait normal que nous ayons ce dialogue.

À cet égard, les associations d’élus ont un rôle fondamental.

Demain après-midi, j’irai, avec Jacqueline Gourault, à la rencontre des associations d’élus locaux de toutes les collectivités territoriales. J’étais présent, la semaine dernière, lorsque le Premier ministre a réuni l’ensemble des chefs de partis et de groupes parlementaires. Je me suis entretenu avec M. François Baroin, avec M. Dominique Bussereau, avec plusieurs maires. Je pense au maire de Creil, avec qui j’ai parlé au téléphone hier ou avant-hier – pardon si je confonds les dates, mais les journées s’enchaînent et les nuits sont courtes…

J’appelle systématiquement, ou dès que je le peux, les élus locaux quand une zone d’activité virale est détectée. C’est important de leur donner la bonne information et c’est aussi important, pour nous, d’avoir de leur part des remontées d’information. On sait effectivement qu’une situation est bien gérée quand le maire nous dit qu’elle est sous contrôle et que la population n’a pas peur.

Le rôle des élus est donc essentiel et vous pouvez compter sur moi, et sur mon ministère, pour poursuivre ce dialogue de qualité avec les élus sur tous les territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Merci de nous avoir rassurés sur ce point, monsieur le ministre, car la proximité est primordiale dans la gestion d’une épidémie comme celle du coronavirus. En complément de vos propos, je tiens à insister sur le besoin impératif de réactivité, parce que les élus seront nécessairement sollicités. Nous comptons sur la réactivité des pouvoirs publics et du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Cette épidémie pose la question de l’adaptation de nos organisations face à une crise. Elle nécessite une grande réactivité, ce qui n’est pas toujours facile.

À titre d’exemple, monsieur le ministre, conformément aux recommandations de votre ministère, nos concitoyens modifient leurs comportements en vue de contenir la propagation du virus. Conséquence fâcheuse, les solutions hydroalcooliques viennent désormais à manquer en de nombreux points du territoire. Face à cette situation planétaire, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié en ligne un guide pour aider les particuliers à élaborer leur propre gel désinfectant, ce qui pose question sur la conformité, l’innocuité, la revente, etc.

Vous savez bien, monsieur le ministre, que nos pharmaciens ont les capacités matérielles de préparer de telles solutions en officine, et ce très rapidement. Vous savez également qu’ils ne peuvent le faire en raison de contraintes légales.

En effet, ces solutions hydroalcooliques ne font pas partie des préparations officinales au sens de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. À son article L. 3131-1, ce même code vous offre pourtant la possibilité de prendre des mesures d’urgence en cas de menace d’épidémie. Dérogatoires, elles pourraient autoriser les pharmaciens à commercialiser leurs propres préparations sans délai.

Au-delà de la question des solutions hydroalcooliques, je me dois aussi d’attirer votre attention sur la réquisition des masques anti-projections.

Premiers relais de cette distribution nationale ciblée à destination des professionnels de santé, les pharmaciens ne peuvent pas en bénéficier eux-mêmes. Au contact permanent de leur clientèle, ne sont-ils pas, pourtant, exposés au même titre que les autres professionnels de santé ? Qu’en serait-il de cette distribution si ceux qui sont chargés de l’organiser étaient atteints, faute de protection ?

Monsieur le ministre, envisagez-vous d’accorder aux pharmaciens, dont le réseau maille le territoire, les moyens matériels et réglementaires appropriés dans cette lutte contre le virus ?

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Monsieur le sénateur, votre question – je crois que c’est la dernière, ce soir – me permet de saluer le rôle essentiel des pharmaciens, notamment des pharmaciens d’officine, dans la lutte contre l’extension du virus.

Je me suis entretenu avec Mme Carine Wolf, la présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, voilà quelques jours. Comme je le lui ai expliqué, nous avons besoin de l’aide des pharmaciens. Nous avons besoin que les pharmacies d’officine distribuent des masques pour les professionnels de santé sur tout le territoire, ainsi que pour les personnes fragiles, qu’elles proposent des gels hydroalcooliques à des prix raisonnables, qui n’augmenteraient pas au motif qu’il en manquerait çà et là. Mme Wolf m’a immédiatement confirmé qu’elle était prête à nous aider, et je remercie l’ensemble des pharmaciens, grâce à qui cette distribution est possible.

Vous m’interrogez tout particulièrement sur les solutions hydroalcooliques.

Ces solutions vont-elles venir à manquer ? Sachez que le premier producteur au monde de ces solutions est présent sur notre territoire. En outre, ce n’est pas parce qu’un nombre important de Français est allé acheter d’un coup un produit – ce que je ne critique pas, c’est un réflexe compréhensible –, avec des conséquences sur les stocks périphériques, qu’on en manquerait au niveau des productions centrales. Nous sommes en train de faire le point précis sur cette question.

S’agissant de la possibilité de préparer ces solutions hydroalcooliques en pharmacie, je ne suis pas le ministre qui dit « non » par principe ! Il n’y a aucune raison de refuser a priori une main tendue, une solution offerte, surtout dans la situation que nous traversons.

Je ne peux pas vous dire, aujourd’hui, si cette proposition est réaliste, envisageable ou si elle sera retenue. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est que j’ai déjà demandé à mes équipes, au ministère, d’étudier sa faisabilité. Nous avons ainsi contacté la fédération représentant les fabricants français, selon laquelle 2 millions de doses de gel hydroalcoolique peuvent être produites par jour, dans des délais extrêmement courts. C’est énorme !

Une instruction de cette question est donc nécessaire. Nous l’avons engagée et je souhaite qu’elle soit menée à terme le plus rapidement possible. Si la solution que vous préconisez est opérationnelle, si elle permet d’améliorer l’hygiène des mains et de réduire la circulation du virus, on le fera !

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre.

Avec les pharmacies, vous bénéficiez du dernier réseau de proximité. Il y en a dans toutes les villes et dans tous les villages, et les patients n’ont qu’à pousser leur porte pour avoir un accès direct à un professionnel de santé. Je pense qu’il faut utiliser à plein ce réseau dans le cadre particulier de cette épidémie. Les pharmaciens peuvent fabriquer ces gels hydroalcooliques, ce qui éviterait la pénurie que nous connaissons aujourd’hui.

Par ailleurs, vous n’avez pas répondu à la deuxième partie de ma question, portant sur le fait que les pharmaciens n’ont pas accès aux masques de protection, alors même qu’ils sont censés les distribuer aux professionnels de santé et qu’ils sont eux-mêmes en première ligne face aux malades.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat sur les mesures de santé publique prises face aux risques d’une épidémie de coronavirus Covid-19 en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 5 mars 2020 :

À dix heures trente et quatorze heures trente :

Suite du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (procédure accélérée ; texte de la commission n° 359, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, les listes des candidatures préalablement publiées sont ratifiées.

Mme Viviane Artigalas, M. Serge Babary, Mme Martine Berthet, MM. François Bonhomme, Emmanuel Capus, Patrick Chaize, Mme Nassimah Dindar, MM. André Gattolin, Éric Gold, Mme Pascale Gruny, MM. Jean-François Husson, Xavier Iacovelli, Éric Kerrouche, Jacques-Bernard Magner, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Pierre Ouzoulias, Cyril Pellevat, Mmes Angèle Préville, Marie-Pierre Richer, Denise Saint-Pé, Sophie Taillé - Polian et M. Raymond Vall.

Mmes Annick Billon, Céline Brulin, Françoise Cartron, MM. Alain Cazabonne, Gilbert-Luc Devinaz, Alain Dufaut, Mme Nicole Duranton, M. Alain Fouché, Mme Laurence Harribey, M. Jean-Raymond Hugonet, Mme Mireille Jouve, M. Claude Kern, Mmes Christine Lavarde, Brigitte Lherbier, M. Jean-Jacques Lozach, Mme Marie Mercier, MM. Stéphane Piednoir, Didier Rambaud, Michel Savin, Rachid Temal et Jean Pierre Vogel.