Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les membres de mon groupe m’ont choisie pour intervenir ce soir en leur nom, c’est probablement en raison du fait que je suis élu de l’Oise. Malheureusement, mon département est à l’origine de 99 cas sur les 285 recensés en France. Il y a quarante-huit heures, il en comptait lui-même entre 55 et 60, ainsi que la moitié des patients décédés en France.
Mes chers collègues, sans m’attarder sur l’Oise, ce que nous vivons aujourd’hui est sans doute ce que vivront demain d’autres départements.
Monsieur le ministre, je veux saluer l’exigence de transparence que vous avez faite vôtre. Étant absent lorsque je suis intervenue lors des questions d’actualité au Gouvernement de cet après-midi, vous n’avez donc pas pu me répondre. Cette transparence doit aussi s’appliquer dans l’Oise. Or, vous le savez comme moi, des questions demeurent posées et les réponses obtenues ne sont pas encore de nature à nous satisfaire. J’ai toutefois salué l’engagement de l’agence régionale de santé, du préfet, de tous les services de l’État et de tous les personnels hospitaliers.
Je souhaite évoquer maintenant le sort de personnels qui sont moins visibles : ceux qui travaillent dans les métiers du care, c’est-à-dire du soin et de l’aide à domicile, dont Élisabeth Doineau vient de parler.
Je me propose de vous lire un SMS que je viens de recevoir de la part d’une aide-soignante d’un Ehpad public du Morbihan : « Six patients en isolement, dont une partie avec des ambulanciers venus les chercher en tenues de cosmonautes. Nous, soignants, n’avons plus de masques ni de solution hydroalcoolique. Les visiteurs sont gentiment invités à reporter leur visite, mais rien n’est encore interdit. Grosse fatigue, ce soir. » Ce message m’est parvenu il y a un quart d’heure.
Il démontre que ce soir, tous les établissements, y compris dans les zones les plus difficiles, n’ont pas encore été dotés des équipements nécessaires pour faire face à l’épidémie. Quelles consignes donnez-vous aux aides-soignantes et aux Ehpad ?
Dans l’Oise, par exemple, les visites ont été interdites dans certains établissements ; elles ne sont pas recommandées dans d’autres. La directrice de l’Ehpad de Crépy-en-Valois a pris dès jeudi matin, après le décès d’un voisin, si je puis dire, la décision d’interdire les visites ; d’autres se posent la question. Les gens ne comprennent pas.
Selon une enquête publiée ce soir, 65 % des Français se sentent bien informés sur le virus. C’est un bon taux, qu’il faut préserver, voire accroître, grâce à des consignes compréhensibles par tous, donc homogènes et cohérentes.
Je souhaite également attirer votre attention et vous interroger sur la situation des assistantes maternelles, qui passe un peu au-dessous des radars. Ce matin, j’ai reçu un courriel m’indiquant que le conseil départemental recommandait aux professionnels de ne pas accueillir les enfants dans les périmètres à risque. C’est tout à fait normal. Toutefois, les assistantes maternelles me précisent que des indemnités journalières sont prévues pour les malades et pour les parents d’enfants dont l’école est fermée par arrêté gouvernemental, mais rien n’est dit au sujet des salariés des particuliers employeurs, dont elles sont.
Il faut répondre aux questions sociales, et pas seulement aux questions sanitaires. L’impact de ces dernières sur les conditions de vie des métiers de la chaîne du soin – aide à la personne, secteur médico-social ou sanitaire – doit être traité parce que nous sommes partis pour une longue période, nous le savons tous. Regardons ce qui se passe en Italie, où les chiffres sont alarmants.
Si nous voulons faire face ensemble au développement de l’épidémie, il importe de rassurer tout le monde en garantissant à chacun que la fin de mois ne sera pas un problème. Il y en a suffisamment comme ça !
Pour conclure, monsieur le ministre, je vous propose une référence historique. Vous êtes présent et actif, vous êtes venu dans mon département la semaine dernière et je vous en remercie, mais je voudrais vous rappeler ce qui est arrivé à Jean Casimir-Perier. Face à l’épidémie de choléra, en 1832, il avait décidé d’aller visiter l’Hôtel-Dieu avec le duc d’Orléans. Sur le seuil, il s’est demandé si c’était raisonnable ; le duc d’Orléans l’en a convaincu ; il est entré et quelques mois après il succombait du choléra. Monsieur le ministre, prenez soin de vous, prenez soin de vos équipes et prenez soin de nous tous !