La commission spéciale avait donné un avis défavorable à cet amendement, et je tiens à expliquer cette position en raison de sa contradiction apparente avec l’avis donné sur l’amendement n° 158 rectifié que nous examinerons un peu plus tard.
En commission spéciale, j’avais indiqué que le présent amendement, qui concerne le déploiement du dossier pharmaceutique, me semblait poser une difficulté juridique majeure de conformité avec le RGPD. En effet, l’article 9 de ce règlement, dont l’application est directe dans l’ordre juridique interne, prévoit que tout traitement de données personnelles de santé doit, pour exister, recueillir le consentement explicite du patient. Or le principe de l’ouverture automatique du dossier pharmaceutique substitue au consentement explicite un principe de consentement tacite du patient, ce qui paraît en contradiction manifeste avec le RGPD.
Pour autant, la loi Santé a bien introduit cette substitution pour le cas du dossier médical partagé. Cependant, dans ce cas, la contradiction avec le RGPD n’est qu’apparente, puisque le consentement explicite du patient est préservé, le patient devant être mis en position d’exprimer au préalable son opposition à l’ouverture du dossier. Le DMP, lorsqu’il n’est pas ouvert par le patient lui-même, l’est la plupart du temps par son médecin traitant à un moment où l’opposition du patient peut sans problème être recueillie.
L’amendement de notre collègue Martine Berthet prévoit les mêmes précautions et assortit également le principe d’une ouverture automatique du dossier pharmaceutique de l’obligation de mettre le patient en situation d’exprimer son opposition préalablement à l’ouverture du dossier. Toutefois, il existe à mon sens une différence fondamentale avec le DMP : contrairement au médecin, le pharmacien ne sera pas à tout moment en mesure de recueillir cette opposition préalable, notamment lorsque le dossier pharmaceutique est créé par le pharmacien d’un établissement de santé ou lorsque la récupération de médicaments en officine se fait par une autre personne que le patient. La Cour des comptes a d’ailleurs soulevé ce problème dans son avis récent : « Il y a un déficit d’information des patients, qui ignorent souvent s’ils disposent ou non d’un dossier pharmaceutique. »
À mon sens, il existe donc un risque juridique important, auquel serait certainement exposé le pharmacien incité par la loi à créer automatiquement un dossier pharmaceutique, tout en n’ayant pas pu mettre le patient en situation d’exprimer son opposition préalable. C’est de cette inquiétude que la commission spéciale s’est fait l’écho, et non d’une réticence de principe au déploiement du dossier pharmaceutique, dont je saisis parfaitement les intérêts en termes de santé publique.
Aussi, consciente des attentes de mes collègues en la matière, je sollicite, à titre personnel, l’avis du Gouvernement.