Intervention de André Reichardt

Commission des affaires européennes — Réunion du 4 mars 2020 à 13h30
Budget communautaire — Lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre de la politique de voisinage - examen d'une proposition de résolution européenne et d'un avis politique

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Notre commission est saisie d'une proposition de résolution européenne visant à améliorer la lutte contre la fraude aux financements européens dans le cadre des politiques de voisinage, présentée par notre collègue Nathalie Goulet.

L'exposé des motifs de cette proposition de résolution vise clairement à lutter contre la fraude aux finances publiques européennes. Il souligne le rejet par les opinions publiques de la fraude, des détournements de subventions et aides internationales et, plus largement, de la corruption, phénomènes qui leur sont devenus intolérables. L'exposé des motifs cible plus particulièrement les pays liés à l'Union européenne par les politiques de voisinage ou les partenariats particuliers. Il cite trois pays : l'Ukraine, l'Égypte et le Liban. Il évoque notamment les manifestations au Liban et l'action des lanceurs d'alerte en faveur de « plus de transparence sur l'usage des multiples financements européens reçus au cours des dernières années par l'État libanais ».

Enfin, il mentionne le rôle de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) dans la conduite d'enquêtes sur l'utilisation du budget de l'Union européenne, enquêtes qui peuvent donner lieu à des poursuites et sanctions au niveau national. Au total, cette proposition de résolution européenne invite le Gouvernement, sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, à soutenir le renforcement du contrôle de l'OLAF sur les fonds européens alloués aux pays liés à l'Union européenne par la politique de voisinage ou un partenariat particulier. Nous ne pouvons que souscrire a priori à cet objectif.

Pour apprécier la proposition de notre collègue, je souhaiterais tout d'abord faire un rappel rapide sur la politique européenne de voisinage avant d'apporter des précisions sur le contrôle des crédits d'ores et déjà alloués à cette politique.

La politique européenne de voisinage (PEV) a été lancée en 2004 à la suite du processus de Barcelone, lui-même engagé en 1995 pour dépasser des relations jusqu'alors exclusivement bilatérales. Elle vise à développer des liens privilégiés avec seize pays voisins de l'Union européenne, dix au titre du voisinage Sud, six au titre du voisinage Est.

Il s'agit de créer un espace de prospérité et de valeurs partagées, fondé sur une intégration économique accrue, des relations politiques et culturelles plus intenses, une coopération transfrontalière renforcée et une prévention conjointe des conflits. La PEV soutient des réformes dans quatre domaines prioritaires : la bonne gouvernance de la démocratie, l'État de droit et les droits de l'Homme, le développement économique comme vecteur de stabilisation, la sécurité et, enfin, la migration et la mobilité. Elle est distincte de la politique d'élargissement et ne saurait constituer l'antichambre de l'adhésion - il s'agit là d'une position politique forte de la France.

La PEV fait l'objet d'un financement spécifique d'un montant total de 15,4 milliards d'euros pour les années 2014 à 2020, mobilisé par l'Instrument européen de voisinage (IEV). Ces crédits, mis en oeuvre sous la forme de programmes ciblés, sont alloués de trois façons différentes : des programmes bilatéraux, des programmes multi-pays et des programmes de coopération transfrontalière. L'Autorité palestinienne est la première bénéficiaire de l'aide européenne au titre de l'IEV, soit 2,2 milliards d'euros, suivie du Maroc et de la Tunisie. L'Égypte reçoit 924 millions d'euros, le Liban 385 millions d'euros. La Commission européenne a proposé de faire passer les crédits de la PEV de 15,4 à 22 milliards d'euros dans le cadre du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

Le voisinage Sud bénéficie traditionnellement des deux tiers des crédits globaux de la PEV. Les dix pays concernés entretiennent avec l'Union européenne des relations très hétérogènes. Alors que ni la Libye ni la Syrie ne disposent d'un accord d'association, le Maroc et la Jordanie bénéficient d'un statut avancé, et la Tunisie d'un partenariat privilégié.

Ainsi, les crédits de la PEV permettent de financer diverses actions dans ces seize pays liés à l'Union européenne. Il faut les distinguer des fonds structurels mis en place au titre de la politique de cohésion, tels que le Fonds européen de développement régional (FEDER) ou le Fonds social européen (FSE) qui, eux, sont destinés à réduire les écarts de développement entre régions européennes au sein même de l'Union européenne.

Cette précision est importante car la rédaction de la proposition de résolution européenne me paraît quelque peu confuse sur ce point. En effet, parmi ses visas, elle cite le rapport de la mission d'information du Sénat sur la sous-utilisation chronique des fonds européens en France, établi par notre collègue Colette Mélot, qui estimait que les fonds européens faisaient davantage l'objet d'un « sur-contrôle » que d'un « sous-contrôle ». La rédaction de cette proposition de résolution n'est pas satisfaisante car elle ne permet pas d'atteindre l'objectif que semble poursuivre l'auteure du texte, à savoir le renforcement du contrôle des crédits de la PEV.

J'en viens maintenant à mon second point, la question de l'opportunité de soumettre ces crédits à un contrôle renforcé.

L'auteure de la présente proposition de résolution propose de renforcer le contrôle de l'OLAF sur « l'allocation des fonds européens ». Je l'ai dit, cette rédaction ne permet pas de viser la PEV. En outre, employer le terme « allocation » semble signifier que l'OLAF doit exercer un contrôle d'opportunité, et non de régularité, sur l'utilisation des crédits. J'y vois une seconde difficulté rédactionnelle.

Les crédits de la politique européenne de voisinage font déjà l'objet de divers contrôles.

La Commission effectue un audit systématique de tous les programmes financés dans le cadre de l'IEV. Elle réalise également des rapports d'évaluation, ainsi qu'un rapport annuel examinant les progrès accomplis. Celui-ci comporte des informations sur les mesures financées, le résultat des activités de suivi et d'évaluation, l'engagement des partenaires concernés et l'exécution des engagements budgétaires et des crédits de paiement sur la base d'indicateurs prédéfinis et mesurables, que la Commission transmet au Conseil et au Parlement européen. Par ailleurs, la Commission établit, en collaboration avec les États membres, un rapport annuel sur la protection des intérêts financiers de l'Union européenne et la lutte contre la fraude.

L'OLAF est compétent au titre du contrôle interne, comme le relève justement le texte qui nous est soumis. Créé en 1999, l'Office est une direction de la Commission, mais dispose d'une autonomie budgétaire et administrative destinée à garantir son indépendance opérationnelle. Il établit son propre rapport annuel sous l'autorité de son directeur général.

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