Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 février 2020 à 9h40
Compte rendu de la conférence interparlementaire sur la stabilité la coordination économique et la gouvernance au sein de l'union européenne prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance tscg et de la semaine parlementaire du semestre européen

Photo de Claude RaynalClaude Raynal, rapporteur :

Le 18 février dernier, une délégation de la commission des finances s'est rendue à Bruxelles à l'occasion de la conférence interparlementaire semestrielle, dite « conférence de l'article 13 » sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union européenne. Notre délégation était composée de MM. Jean-François Rapin, Éric Bocquet et moi-même, et nous avons été rejoints par M. Claude Kern, membre de la commission des affaires européennes.

La présidence croate avait inscrit à l'ordre du jour l'élargissement et l'approfondissement de la gouvernance de l'Union économique et monétaire, puis deux réunions simultanées des commissions du Parlement européen, celle des affaires économiques et monétaires et celle des budgets, traitant respectivement de la mise en place d'un système fiscal international et du prochain cadre financier pluriannuel (CFP).

En marge du programme officiel, nous avons eu un déjeuner de travail avec M. Luc Tholoniat, conseiller principal du directeur général Affaires économiques et financières, M. Paolo Gentiloni, et auparavant conseiller social de M. Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission européenne. Selon lui, l'agenda de la nouvelle Commission européenne est davantage tourné vers les projets de longue durée que celui de la précédente Commission, dont l'action a été morcelée par plusieurs crises sans précédent, telles que les suites de la crise économique et financière de 2008, la crise migratoire de 2015 ou encore le Brexit. L'installation de la nouvelle Commission européenne s'inscrit dans un contexte de croissance économique la plus longue depuis la création de l'euro. Si cette croissance résulte principalement de la dynamique positive des salaires et des créations d'emplois - 15 millions d'emplois créés depuis 2015 au sein de l'Union européenne -, la Commission européenne relève néanmoins un ralentissement dans ses dernières prévisions. Le taux de croissance de l'Union européenne serait de 1,4 % en 2020 contre 1,5 % en 2019, mais notre interlocuteur s'est montré plutôt rassurant sur ces perspectives économiques, en dépit du risque que fait peser l'épidémie de coronavirus sur la croissance mondiale.

Nous avons abordé les implications budgétaires du « pacte vert pour l'Europe » - ou Green Deal - présenté par la Commission européenne en décembre dernier, qui mobilisera 1 000 milliards d'euros d'investissements au cours des dix prochaines années en faveur de la transition énergétique. La moitié de ce montant devrait provenir du budget européen, dont les contours restent encore indéterminés pour les années 2021 à 2027. De plus, 114 milliards d'euros devraient provenir des cofinancements nationaux, sur le modèle des fonds structurels européens ; 280 milliards d'euros seront mobilisés via Invest EU, grâce à un mécanisme de garantie de prêts apportée aux banques nationales et à la Banque européenne d'investissement (BEI). Enfin, le mécanisme de transition juste, visant à apporter une aide spécifique aux États membres qui seront le plus économiquement pénalisés par la transition énergétique, devrait permettre de générer 100 milliards d'euros d'investissements, également en partenariat avec la BEI. Ce mécanisme hébergera le nouveau fonds pour une transition juste, dont les principaux bénéficiaires devraient être la Pologne, la Roumanie et l'Allemagne. L'architecture du financement de ce plan vert s'appuie très largement sur l'expérimentation initiale du Plan Juncker, dont les fonds ont été mobilisés pour garantir des investissements. Dans le cadre de la mise en oeuvre du pacte vert européen, les collectivités territoriales bénéficiaires de ces fonds devraient être encouragées à recourir davantage au mécanisme de garantie de prêts plutôt qu'aux subventions. Nous nous sommes interrogés sur la capacité opérationnelle des petites collectivités à se tourner vers cette nouvelle culture du financement, au regard des difficultés déjà bien connues de gestion des crédits européens.

Enfin, nos échanges ont permis d'aborder deux autres points qui intéressent notre commission : la flexibilité des règles budgétaires issues du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui sont devenues illisibles, et les négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni quant à leur future relation, qui s'annoncent encore plus périlleuses que celles qui ont précédé le retrait.

La conférence « article 13 » s'est ouverte par une session plénière relative à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, thème abordé à chaque conférence semestrielle. Sans surprise, dans leurs interventions liminaires, les orateurs se sont contentés de répéter des objectifs bien connus de l'Eurogroupe et de la Commission européenne. Ainsi, Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission, a appelé à poursuivre l'union des marchés de capitaux. Mario Centeno, président de l'Eurogroupe, a rappelé qu'un accord rapide sur la mise en place de l'instrument budgétaire pour la convergence et la compétitivité était souhaitable pour la stabilité budgétaire de la zone euro, mais a aussi habilement indiqué que « la politique revient à trouver un équilibre entre ambition et pragmatisme », allusion à peine voilée aux objectifs progressivement réduits de cet instrument budgétaire. Paolo Gentiloni, commissaire chargé des affaires économiques, et Zdravko Maric, président du Conseil Écofin, ont tous les deux souligné la nécessité d'adapter les règles budgétaires de l'UR pour offrir plus de flexibilité aux États membres et faire face aux défis futurs, tels que le financement de la transition énergétique.

J'émets en conclusion des réserves sur la portée de cette conférence, dans la lignée des critiques plusieurs fois formulées par le président de notre commission, Vincent Éblé. L'ambition de ces conférences semestrielles est de permettre à des représentants de parlements nationaux de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le TSCG, et ainsi d'apporter une expertise parlementaire sur la coordination des politiques budgétaires au sein de l'Union européenne, domaine qui ne peut être contrôlé ni par le seul Parlement européen ni exclusivement par les parlements nationaux. En outre, ces rendez-vous devraient permettre, a priori, d'échanger avec nos homologues des autres États membres, issus d'horizons politiques variés.

Or l'ordre du jour très édulcoré de cette conférence et l'organisation des débats n'ont permis ni une réelle confrontation entre groupes politiques ni la présentation de positions affirmées sur la gouvernance de l'Union européenne. Dans la perspective de la présidence française de l'Union, prévue pour le premier semestre de 2022, il conviendrait de mener une réflexion sur l'amélioration du fonctionnement de cette conférence, d'autant que le règlement intérieur permet à la présidence de présenter des conclusions sur le contenu des débats. De fait, cette conférence a plutôt été une succession d'interventions en silo que l'occasion de véritables débats !

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