Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, rien ne sera plus jamais comme avant. La situation que nous vivons est tout à fait inédite depuis plusieurs générations : une crise sanitaire mondiale entraînant la prise de mesures privatives de liberté, nécessaires pour contenir l’épidémie, un système hospitalier submergé par la gravité de la maladie et, au premier plan de ce cataclysme, un arrêt brutal de notre économie et de l’économie mondiale. C’est la fin d’un monde pour les enfants gâtés que nous étions !
Plus que jamais, l’heure est à la responsabilité collective et au consensus. C’est dans ces circonstances exceptionnelles que le Parlement se réunit pour examiner deux projets de loi. Il est à mon sens primordial de ne pas mettre la vie parlementaire et démocratique de ce pays en quarantaine. Il est de notre devoir, en tant que sénateurs, d’assurer la continuité des institutions.
En tant que membre de la commission des affaires économiques, je m’attarderai sur le titre III du projet de loi ordinaire qui nous est présenté aujourd’hui. Il recouvre des enjeux multiples.
Comment accompagner cette crise économique dans le temps ? À la période de confinement succédera la reprise d’une vie normale, mais les entreprises seront durablement affectées. Les conséquences de la crise sur la trésorerie, la consommation, l’investissement se feront ressentir dans la durée.
Comment mettre en œuvre les différentes les mesures économiques de façon simple, sans lourdeurs administratives, pour que les entreprises touchées par la crise en bénéficient rapidement ?
Quelle coordination est mise en place avec les autres pays de l’Union européenne ? Le Conseil européen a d’ores et déjà annoncé un plan de 25 milliards d’euros, mais, on l’a vu en 2008, une coordination des différentes politiques nationales est nécessaire pour résister à une crise mondiale.
Quel modèle économique voulons-nous pour demain ? Il faudra peut-être envisager la relocalisation de certaines activités, accompagner les entreprises dans ce sens, renforcer les différents modèles agricoles… Nous devrons nécessairement engager une réflexion de fond. Cette crise sans précédent doit nous inciter à créer un nouveau modèle économique et agricole.
Sur la forme, les mesures économiques sont inscrites dans des habilitations très larges données au Gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnances. Si, au Sénat, nous ne sommes généralement pas très favorables aux ordonnances, car elles dessaisissent le Parlement de ses prérogatives, les circonstances exceptionnelles et l’urgence d’agir vite dans le domaine économique justifient entièrement que l’on y recoure.
Nous nous investirons bien entendu pleinement dans notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement. Sophie Primas a notamment annoncé la mise en place d’une cellule de veille au sein de la commission des affaires économiques pour suivre la mise en œuvre du plan du Gouvernement et faire remonter les difficultés et problématiques spécifiques de chaque secteur d’activité.
Sur le fond, les mesures du plan d’urgence, qui ont pour finalité de limiter les cessations d’activité d’entreprises, quel qu’en soit le statut – cela est très important –, seront provisoires. Elles concerneront le soutien à la trésorerie et l’attribution d’aides directes ou indirectes aux entreprises dont la viabilité est mise en cause, notamment grâce à la mise en place d’un fonds de solidarité pour les TPE et les indépendants, dont le financement sera partagé avec les collectivités, la modification des obligations des entreprises à l’égard de leurs clients et de leurs fournisseurs, notamment en termes de délais, de pénalités et de nature des contreparties, le report ou l’étalement du paiement des loyers, des factures d’eau, d’électricité et de gaz afférents aux locaux professionnels – pour les très petites entreprises, dont l’activité est affectée par les mesures prises pour limiter la propagation du virus, il sera demandé aux fournisseurs de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions ou réductions de fourniture, en cas de non-paiement de ces factures –, l’adaptation des dispositions relatives à l’organisation de la Banque publique d’investissement, afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties.
Toutes ces mesures seront complétées par des dispositions relevant du code du travail. Je pense notamment à la prise en charge de nouvelles catégories de bénéficiaires au titre du chômage partiel. C’est parce que nous, sénateurs, sommes des relais essentiels de nos territoires que nous savons que tout cela va indéniablement dans le bon sens.
Beaucoup de questions restent néanmoins en suspens, et j’espère que le Gouvernement pourra nous éclairer.
Par exemple, l’abaissement de 70 % à 50 % du seuil de perte de chiffre d’affaires au mois de mars pour obtenir l’aide de 1 500 euros du fonds de solidarité est plébiscité par tous les acteurs économiques, en premier lieu par les TPE et les indépendants, qui sont concernés. Quelle garantie a-t-on que le Gouvernement entendra cette revendication, monsieur le Premier ministre ?
Autre exemple, quelles mesures spécifiques seront mises en place pour le secteur agricole, exclu des mesures de confinement, à l’exception des horticulteurs et des pépiniéristes, qui doivent réaliser la majeure partie de leur chiffre d’affaires ces trois prochains mois ? Est-il envisagé que les banques ne facturent pas les frais de découvert et les agios ?
Plus que jamais, les entreprises ont besoin de nous tous à leurs côtés ; elles ont besoin que nous agissions vite dans ces circonstances exceptionnelles. Elles peuvent compter sur l’engagement du groupe Les Républicains.