Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, les circonstances exceptionnelles qui nous réunissent aujourd’hui appellent des mesures exceptionnelles.
Parmi les dispositions contenues dans le projet de loi ordinaire soumis à notre examen, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis du titre II, qui porte sur la création d’un état d’urgence sanitaire, ainsi que de l’article 7, qui prévoit l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances plusieurs mesures touchant au droit du travail ainsi qu’en matière sociale.
Deux principes ont guidé notre examen de ce texte destiné à adapter notre droit à des circonstances exceptionnelles : la nécessité et la proportionnalité, avec le souci de ne pas aller plus loin que ce que prescrit la situation difficile que nous vivons et que nous allons vivre encore pendant une période indéterminée, laquelle sera de toute façon très longue.
À travers le prisme de ces deux principes, il a semblé à la commission des affaires sociales que les dispositions de l’article 7 étaient nécessaires et proportionnées, à deux exceptions près.
Concernant le titre II, en revanche, il est légitimement permis de s’interroger sur la nécessité d’un nouveau dispositif s’ajoutant au droit actuel.
La création d’un état d’urgence sanitaire a répondu à la nécessité de conforter la base légale du décret pris par le Premier ministre le 16 mars dernier, dans lequel sont décrites les mesures de confinement, par définition restrictives de certaines libertés publiques, qui s’imposent à nous depuis bientôt trois jours. Le Conseil d’État a estimé indispensable la définition d’une nouvelle base légale, dont nous n’avons pas approuvé toutes les modalités.
À notre sens, quatre difficultés pouvaient se présenter : premièrement, le caractère pérenne du dispositif proposé, qui s’ajoutait aux dispositifs existants en matière de mesures d’urgence sanitaire, au risque d’une concurrence juridique avec ces derniers ; deuxièmement, le périmètre initial des restrictions aux libertés d’aller et de venir ainsi que de réunion excédait très largement les mesures pour l’heure contenues dans le décret du 16 mars 2020 et faisait courir le risque d’une disproportion des mesures administratives ; troisièmement, certaines ambiguïtés relatives au rôle des différents acteurs ministériels, notamment s’agissant de l’articulation entre le ministre de la santé, revêtu d’une autorité hiérarchique d’exception sur les forces de l’ordre, et le ministre de l’intérieur, leur autorité naturelle, dont le décret du 16 mars continue de faire expressément mention ; quatrièmement, un élargissement problématique des compétences du préfet, notamment lorsque ce dernier se trouve délégataire de l’ensemble des compétences normalement exercées par l’échelon ministériel.
À l’ensemble de ces difficultés, nous estimons que les modifications introduites par la commission des lois apportent des corrections satisfaisantes, et la commission des affaires sociales s’en est remise à la nouvelle rédaction qu’elle propose pour l’état d’urgence sanitaire.
Nous prenons néanmoins date auprès du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, pour redéfinir ensemble, lorsque cet épisode douloureux sera passé, le régime juridique de l’urgence sanitaire, dont nous voyons aujourd’hui qu’il ne peut se satisfaire d’interventions législatives précipitées. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion approfondie. Ce ne sont certainement pas les conditions dans lesquelles nous légiférons aujourd’hui, sur le fondement d’un texte connu seulement dans la soirée d’hier, qui permettront d’élaborer un dispositif d’exception pérenne et proportionné.
Sur l’article 7, je voudrais dire que les circonstances exceptionnelles ne doivent pas être vues comme l’occasion de recycler des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel. Je pense aux assistantes maternelles. Nous devons veiller en toutes circonstances à ne pas porter des atteintes démesurées aux droits des salariés. C’est le sens de l’amendement de la commission des affaires sociales sur le régime des congés payés.
Enfin, la commission des affaires sociales a rappelé que la protection des salariés était une obligation de résultat pour l’employeur. Le défaut de protection suscite des angoisses légitimes et n’est pas acceptable s’agissant de personnes dont l’activité est essentielle à la vie du pays.