Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi dans les circonstances difficiles que vous connaissez. Alors que l’épidémie du nouveau coronavirus a connu une forte progression dans notre pays durant ces derniers jours, le chef de l’État et le Gouvernement ont proposé une série de mesures d’une ampleur considérable, visant à maîtriser la situation et à ralentir la progression du virus. Nous discutons aujourd’hui de leur concrétisation législative.
Avant d’évoquer le contenu de ces mesures, je tiens à rendre hommage à ceux qui, face à la maladie, sont depuis le début au premier rang. Je parle bien évidemment de l’ensemble des personnels soignants, ainsi que des membres des forces de sécurité. S’il est vrai, comme l’a affirmé le Président de la République, que nous sommes en guerre, alors ce sont eux les soldats du front les plus exposés, dont le dévouement dans l’assistance aux malades et la mise en place des mesures de sécurité sanitaire doivent nous inspirer et nous inciter à agir avec solidarité et responsabilité.
Avec solidarité, parce qu’en ces heures éprouvantes l’entraide et l’assistance à son prochain sont d’autant plus essentielles. Elles permettront de protéger les membres les plus fragiles de notre société, ceux qui, en raison de leur âge ou de leur état de santé, sont les plus vulnérables face au virus ou à la désorganisation de la vie quotidienne.
Avec responsabilité personnelle ensuite, parce que, devant un tel péril, l’égoïsme et l’indifférence sont autant de facteurs susceptibles de compliquer le travail des professionnels dont j’ai salué à l’instant l’importance et l’efficacité et, par conséquent, de mettre en danger des vies humaines. Il faut que chacun prenne ses responsabilités, avec sérieux et sans pessimisme. Agissons donc avec discernement, que ce soit en respectant les préconisations des autorités sanitaires ou en évitant de colporter des informations douteuses.
Venons-en au fond des textes présentés.
Il s’agit d’un ensemble de mesures destinées à aménager la vie publique, économique et sociale des prochains mois, au regard des perturbations causées par l’épidémie. J’interviendrai sur le volet « vie publique » ; deux autres membres de mon groupe inscrits dans cette discussion générale commune évoqueront les autres aspects de ces projets de loi.
La question la plus complexe, juridiquement, est sans doute celle des conséquences à tirer du report du second tour des élections municipales, report rendu inévitable par la situation sanitaire. Nous nous trouvons dans une situation inédite, où coexistent durablement des milliers de communes dans lesquelles un nouveau conseil municipal a d’ores et déjà été élu et d’autres dans lesquelles un second tour devra être organisé à une date ultérieure. Des adaptations du droit ont été proposées par le Gouvernement, visant à repousser le terme des mandats en cours, à ajuster les procédures destinées à compléter les conseils communautaires. Il est impératif d’adapter la loi aux circonstances.
Cependant, certaines de ces mesures sont discutables. Il en est ainsi de la fixation de la date de dépôt des listes pour le second tour. Il serait préférable de la fixer explicitement au plus tôt, au lieu de la remettre au deuxième lundi précédant une date de scrutin encore incertaine, en faisant ainsi sortir davantage encore le déroulement de ces élections du droit commun.
L’existence de conseils municipaux incomplètement élus présente également certains enjeux. Le texte du Gouvernement prévoit que, dans les petites communes, puisse être élu ce qui s’apparente à un « maire temporaire ». Cette solution est susceptible de soulever des interrogations sur la sincérité du second tour du scrutin. En l’état actuel du droit, le maire sortant continue d’assurer après le premier tour certaines fonctions de gestion des affaires courantes et des urgences. N’est-il pas plus simple de prolonger le mandat des conseillers municipaux sortants et de prévoir le maintien de cette situation jusqu’à ce qu’un nouveau conseil municipal puisse être constitué ?
La situation des communautés de communes est également complexe. Elles voient cohabiter des communes dotées d’un conseil municipal avec d’autres où celui-ci est incomplet. Là aussi, le Gouvernement semble privilégier la solution d’un « exécutif temporaire ». Cela est susceptible de faire émerger des situations juridiquement complexes.
Ce ne sont là que les questions les plus urgentes ; les collectivités sont confrontées à bien d’autres problématiques. Il sera nécessaire d’adapter les règles s’appliquant à elles pendant les semaines à venir, afin de rendre possible un fonctionnement à distance. Faisons encore plus confiance à nos élus locaux en ces temps de crise.
Enfin, le projet de loi ordinaire prévoit la création d’un état d’urgence sanitaire, reprenant de manière transparente certains des modes d’action instaurés par la loi de 1955 relative à l’état d’urgence. Il s’agit là, potentiellement, d’un outil puissant de lutte contre l’épidémie. Par certains aspects, ce régime est même plus exigeant que celui de l’état d’urgence « ordinaire », par exemple en matière de réquisitions.
Cependant, les pouvoirs dévolus au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent être utilisés avec prudence, en prenant soin de s’assurer systématiquement de l’équilibre entre respect des libertés publiques et exigences de la sécurité sanitaire. Le comité scientifique permettra d’assurer, pour une part, cet équilibre, en identifiant les impératifs sanitaires comme seul un collège d’experts peut le faire. Toutefois, il est essentiel que le Parlement assure l’autre part, en évaluant ces politiques et en contrôlant l’action du Gouvernement, rôle dévolu à la représentation nationale, y compris dans les circonstances les plus exceptionnelles.
Le groupe Les Républicains votera ces textes et apportera sa contribution à la résolution de la crise sanitaire actuelle, sans jamais cesser de faire preuve de la vigilance et de l’exigence qui sont essentielles à l’action parlementaire.