La situation commande que nous prenions des décisions exceptionnelles – Jean-Pierre Sueur l’a brillamment rappelé –, mais n’agissons pas à la légère. Il ne s’agit pas de mesures anodines : elles limitent la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre. Elles concernent le fonctionnement même de la démocratie représentative. Elles mettent en cause certains principes et acquis de notre droit du travail. Permettez-moi, à ce sujet, de remercier à mon tour les millions de Françaises et de Français qui font vivre notre pays en cette période.
Une crise, quelle qu’elle soit, ne peut servir de prétexte à affaiblir durablement les principes démocratiques fondamentaux, les libertés publiques et individuelles, le socle social de notre démocratie. Un état d’exception est par définition attentatoire aux libertés – tel est l’objet même d’un état d’exception. Mais, sous peine de renoncer à notre identité, il faut répliquer avec les moyens attachés à l’État de droit, dont fait partie, monsieur le président, le contrôle du Parlement, que nous voulions plus fort, notamment dans l’association à l’élaboration des ordonnances.
J’ai bien entendu votre message, monsieur le ministre. Il se trouve que nous avons un peu de temps pour vous aider dans l’élaboration des ordonnances en cette période…
La Constitution est notre ultime refuge. Elle sait s’adapter aux jours de tempête comme aux jours de miel, pour reprendre la belle expression d’Albert Camus. Comme la démocratie, elle est une arme dans cette crise. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain demande en premier lieu au Président de la République de saisir le Conseil constitutionnel de cet objet non identifié, qui ne peut, qui ne doit ressembler ni de près ni de loin à un article 16 rampant à caractère sanitaire.
J’espère aussi qu’à l’occasion de cette crise le Gouvernement comprend que nos agents publics et nos services publics sont nécessaires au fonctionnement du pays. Ils doivent être considérés comme une chance et non comme un coût. Il est temps de mettre un terme à la gestion d’apothicaire qui constitue votre politique en la matière.
Cette crise doit également conduire à une refonte de la politique industrielle. Je pense en particulier à la réimplantation d’entreprises à caractère stratégique, notamment en matière de médicaments.
Cette crise, je l’espère, sera enfin l’occasion de renouer avec les corps intermédiaires à l’issue d’une période autoritaire. La qualité du dialogue social sera l’une des conditions de reconstruction du pays, la condition d’une confiance retrouvée. N’ayons pas peur de la démocratie sociale. Nous y prendrons toute notre part.
Nous sommes favorables au principe de l’état d’urgence sanitaire, même si nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas pris en compte nos remarques qui visaient à garantir l’unité nationale face à l’épidémie. Viendra ensuite l’heure du bilan. D’ici là, en responsabilité, nous vous confirmons que nous allons nous abstenir sur ce projet de loi.