Le Sénat a examiné ce texte d'urgence en anticipant aussi la fin du confinement, qui requerra certaines mesures que nous devons envisager dès à présent. Nous avons donné au Gouvernement les moyens de lutter contre l'épidémie, tant sur le plan sanitaire que du point de vue économique et administratif. Il s'agit de gérer l'urgence tout en préparant la reprise de l'activité, processus qui s'annonce très long et qui demandera l'effort de chacun. Les mesures prévues concerneront des millions de Français, à différents stades de l'épidémie.
Nous avons accepté la création d'un régime d'état d'urgence sanitaire pour sécuriser les mesures de confinement et disposer des instruments juridiques indispensables pour juguler l'épidémie. Fidèle à sa tradition, le Sénat a mieux encadré le dispositif afin de garantir les droits et libertés de chacun, en ouvrant un large éventail de mesures à la disposition du ministre de la santé ou du Premier ministre, mais en les détaillant et en les énumérant limitativement. Nous avons également souhaité que ce régime de l'état d'urgence sanitaire s'applique jusqu'au 1er avril 2021, afin d'éviter de créer un dispositif pérenne dans la précipitation.
Le Parlement accepte aussi d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, avec des habilitations très larges, mais nécessaires. Les thèmes sont variés : droit du travail, aides à l'activité économique, fonctionnement de la justice, droit des étrangers... Ces ordonnances ne doivent pas constituer un blanc-seing donné à l'exécutif : notre mission de contrôle est encore plus importante en temps de crise, y compris dans la préparation et la ratification des ordonnances. Le Sénat a d'ailleurs prévu un dispositif exigeant concernant la transmission d'informations, qui s'inspire directement de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Cette démarche s'inscrit dans le droit fil des propos du Premier ministre, qui a lui-même souhaité que le Parlement exerce son entier contrôle sur l'action du Gouvernement en cette période difficile.
Le projet de loi vise, à juste titre, à tirer les conséquences pour notre démocratie locale de la situation sans précédent que nous connaissons. À cette fin, il reporte le second tour des élections municipales et communautaires ainsi que les élections consulaires. Il existe aujourd'hui un consensus pour dire que les conditions sanitaires n'étaient pas réunies pour l'organisation de ces scrutins. Il convient dès lors que la loi soit précise, explicite et aussi pédagogique que possible, afin que toutes les éventualités soient identifiées et traitées. Ainsi, il sera répondu au trouble légitime des élus locaux, confrontés à cette situation inédite.
Sur le fond, ce qui doit nous guider et primer en toutes circonstances, c'est l'impératif sanitaire, comme l'a répété le président Philippe Bas lors des débats. Le droit électoral doit s'adapter aux conditions sanitaires, pour protéger la santé des électeurs, mais également des élus et des agents territoriaux.
Nous espérons que le second tour pourra se dérouler en juin prochain, même si nous n'avons aucune certitude à ce stade. Et si, effectivement, il apparaît en mai que la situation sanitaire ne le permet pas, il conviendra que le Parlement se ressaisisse de la question en organisant de nouvelles élections municipales dans les communes concernées.
En accord avec le Gouvernement, le Sénat a également reporté l'élection des maires et des adjoints dans les communes dont le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour. C'est une décision lourde, notamment pour les candidats élus le 15 mars dernier, mais indispensable au regard des avis du comité de scientifiques. Nous devons absolument simplifier les règles d'organisation de cette première réunion du conseil municipal, afin qu'elle ait lieu le plus tôt possible. Toutes les pistes doivent être étudiées, y compris des votes à distance.
Dans cette problématique électorale, une question fait encore débat : la date de dépôt des listes de candidats pour le second tour. Estimant nécessaire de maintenir un lien réel avec le premier tour de scrutin, mais soucieux d'apporter la souplesse exigée par l'état sanitaire, le Sénat a fixé ce délai à quinze jours après ce premier tour, soit le 31 mars 2020. Pour obtenir un compromis, nous pourrions envisager de fixer ce délai à cinq jours après la fin du confinement, ce qui nous donnerait plus de souplesse.
Je souhaite vivement que nous parvenions à un accord sur ce texte. La gravité de la situation commande d'agir vite et dans un esprit consensuel.