Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 s'est réunie au Sénat le dimanche 22 mars 2020.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau, constitué de M. Philippe Bas, sénateur, président, Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente, de M. René-Paul Savary, sénateur, rapporteur pour le Sénat et de Mme Marie Guévenoux, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.
Mes chers collègues, dans le respect des consignes sanitaires, nous siégeons espacés les uns des autres, dans une salle désinfectée, et avec pour objectif de donner aux autorités les moyens de faire face à l'épidémie de Covid-19 qui sévit.
Le moment venu, nous procéderons à une évaluation complète et impartiale des dispositions prises pour prévenir la contamination, assurer la prise en charge médicale des malades et limiter les conséquences économiques de cette crise exceptionnelle. Pour l'instant, l'heure est à la mobilisation générale, à l'unité nationale et au strict respect de la discipline sanitaire, avec une totale confiance envers les autorités sanitaires.
C'est dans cet état d'esprit que le Parlement a examiné les dispositions proposées par le Gouvernement et réfléchi aux amendements qui lui ont été soumis. Nous avons veillé à ce que les mesures prises pour lutter contre l'épidémie soient pertinentes et efficaces, et que les restrictions apportées aux libertés fondamentales, en cette période exceptionnelle, soient proportionnées à l'objectif visé.
Il convient donc de ramener les sujets électoraux à leur juste place, sans pour autant les minimiser. Le report du second tour des élections municipales et communautaires a fait naître des difficultés, alors que les communes ont, comme les autres collectivités territoriales, un rôle essentiel à jouer dans la mobilisation contre le Covid-19.
Nous allons consacrer tous nos efforts aux moyens d'action donnés au Gouvernement pour faire face à la crise, sans négliger les questions connexes que nous avons le devoir de résoudre.
Nous avons travaillé dans l'urgence, mais longuement : l'Assemblée nationale a débattu plus de vingt heures sur ce projet de loi, aussi sereinement que possible. Les accords entre groupes et les heureux compromis n'ont pas manqué. Bref, notre état d'esprit est constructif.
L'urgence, en effet, est de doter le Gouvernement de dispositions législatives lui permettant de faire face à l'épidémie avec rapidité et dans la légalité. Je souhaite que nous parvenions à un accord au cours de cette commission mixte paritaire, et j'en appelle à la responsabilité de chacun dans ce but. J'ai moi-même beaucoup échangé avec le président Philippe Bas en amont de cette réunion.
Merci pour votre accueil, et pour les échanges fructueux que nous avons déjà eus pour rapprocher nos positions. Je salue l'esprit de responsabilité qui a prévalu à l'Assemblée nationale dans l'examen de ce texte. Chaque parlementaire a conscience que la situation est grave. Comme le Sénat, l'Assemblée nationale a estimé que, au vu des circonstances, le titre Ier était moins prioritaire que les titres II et III. Chaque groupe en a convenu, d'ailleurs.
Nous sommes d'accord avec le Sénat sur plusieurs points. La clause de revoyure de l'état d'urgence sanitaire, que vous avez prévue en avril 2021, a rassuré les députés. La prorogation du mandat des maires et des conseillers municipaux nous a aussi semblé aller dans le bon sens.
Après vingt heures de débats à l'Assemblée nationale, nombre d'amendements, qui ont été travaillés en commun, ont été adoptés. Ainsi, nous avons prévu une augmentation graduée des sanctions pénales en cas de violation des mesures réglementaires prises au titre de l'état d'urgence sanitaire, et renforcé le contrôle parlementaire sur ce régime. Nous avons aussi adopté des dispositions sur le régime des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et sur les comptes de campagne dans le contexte particulier du report du second tour des élections municipales.
Restent quelques points de désaccord : l'encadrement des clauses de sauvegarde de l'état d'urgence sanitaire, le dépôt des candidatures pour le second tour des élections municipales et la question des maires désignés malgré les consignes de confinement.
Le Sénat a examiné ce texte d'urgence en anticipant aussi la fin du confinement, qui requerra certaines mesures que nous devons envisager dès à présent. Nous avons donné au Gouvernement les moyens de lutter contre l'épidémie, tant sur le plan sanitaire que du point de vue économique et administratif. Il s'agit de gérer l'urgence tout en préparant la reprise de l'activité, processus qui s'annonce très long et qui demandera l'effort de chacun. Les mesures prévues concerneront des millions de Français, à différents stades de l'épidémie.
Nous avons accepté la création d'un régime d'état d'urgence sanitaire pour sécuriser les mesures de confinement et disposer des instruments juridiques indispensables pour juguler l'épidémie. Fidèle à sa tradition, le Sénat a mieux encadré le dispositif afin de garantir les droits et libertés de chacun, en ouvrant un large éventail de mesures à la disposition du ministre de la santé ou du Premier ministre, mais en les détaillant et en les énumérant limitativement. Nous avons également souhaité que ce régime de l'état d'urgence sanitaire s'applique jusqu'au 1er avril 2021, afin d'éviter de créer un dispositif pérenne dans la précipitation.
Le Parlement accepte aussi d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances, avec des habilitations très larges, mais nécessaires. Les thèmes sont variés : droit du travail, aides à l'activité économique, fonctionnement de la justice, droit des étrangers... Ces ordonnances ne doivent pas constituer un blanc-seing donné à l'exécutif : notre mission de contrôle est encore plus importante en temps de crise, y compris dans la préparation et la ratification des ordonnances. Le Sénat a d'ailleurs prévu un dispositif exigeant concernant la transmission d'informations, qui s'inspire directement de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Cette démarche s'inscrit dans le droit fil des propos du Premier ministre, qui a lui-même souhaité que le Parlement exerce son entier contrôle sur l'action du Gouvernement en cette période difficile.
Le projet de loi vise, à juste titre, à tirer les conséquences pour notre démocratie locale de la situation sans précédent que nous connaissons. À cette fin, il reporte le second tour des élections municipales et communautaires ainsi que les élections consulaires. Il existe aujourd'hui un consensus pour dire que les conditions sanitaires n'étaient pas réunies pour l'organisation de ces scrutins. Il convient dès lors que la loi soit précise, explicite et aussi pédagogique que possible, afin que toutes les éventualités soient identifiées et traitées. Ainsi, il sera répondu au trouble légitime des élus locaux, confrontés à cette situation inédite.
Sur le fond, ce qui doit nous guider et primer en toutes circonstances, c'est l'impératif sanitaire, comme l'a répété le président Philippe Bas lors des débats. Le droit électoral doit s'adapter aux conditions sanitaires, pour protéger la santé des électeurs, mais également des élus et des agents territoriaux.
Nous espérons que le second tour pourra se dérouler en juin prochain, même si nous n'avons aucune certitude à ce stade. Et si, effectivement, il apparaît en mai que la situation sanitaire ne le permet pas, il conviendra que le Parlement se ressaisisse de la question en organisant de nouvelles élections municipales dans les communes concernées.
En accord avec le Gouvernement, le Sénat a également reporté l'élection des maires et des adjoints dans les communes dont le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour. C'est une décision lourde, notamment pour les candidats élus le 15 mars dernier, mais indispensable au regard des avis du comité de scientifiques. Nous devons absolument simplifier les règles d'organisation de cette première réunion du conseil municipal, afin qu'elle ait lieu le plus tôt possible. Toutes les pistes doivent être étudiées, y compris des votes à distance.
Dans cette problématique électorale, une question fait encore débat : la date de dépôt des listes de candidats pour le second tour. Estimant nécessaire de maintenir un lien réel avec le premier tour de scrutin, mais soucieux d'apporter la souplesse exigée par l'état sanitaire, le Sénat a fixé ce délai à quinze jours après ce premier tour, soit le 31 mars 2020. Pour obtenir un compromis, nous pourrions envisager de fixer ce délai à cinq jours après la fin du confinement, ce qui nous donnerait plus de souplesse.
Je souhaite vivement que nous parvenions à un accord sur ce texte. La gravité de la situation commande d'agir vite et dans un esprit consensuel.
Après de longues heures de travail, nous avons beaucoup échangé pour trouver un consensus. Nous sommes ce matin au pied du mur, au rendez-vous de l'essentiel, avec le souci de l'intérêt collectif. Des divergences subsistent mais nous ferons tout pour parvenir à une solution qui serve la Nation.
Permettez-moi de formuler une brève observation de méthode. Nos deux assemblées ont choisi de débattre d'abord du titre sur l'état d'urgence sanitaire. Pourrions-nous en faire le titre Ier de la loi ? Ce texte sera beaucoup consulté, et commenté. Il me semblerait logique que les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire apparaissent avant les dispositions électorales.
Je soutiens cette proposition. Nous verrons si elle est praticable, dans les courts délais dont nous disposons pour établir le texte de la commission mixte paritaire. Je propose d'évoquer le sujet en fin de réunion.
Nous passons à l'examen des articles restant en discussion.
Article 1er
Pour répondre aux inquiétudes des élus locaux, la proposition de rédaction n° 1 clarifie les dispositions de l'article 1er du projet de loi en rappelant des principes fondamentaux.
Elle indique que les mandats acquis dès le premier tour de scrutin ne peuvent pas être remis en cause, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants. Et, lorsque cela est nécessaire, l'objectif est d'organiser un second tour en juin prochain. Si ce scrutin ne peut pas se tenir en raison du contexte sanitaire, une loi devra prolonger les mandats en cours et prévoir une nouvelle élection à deux tours dans les communes concernées.
La proposition de rédaction fixe également le délai limite pour le dépôt des listes de candidats au second tour à cinq jours après la fin du confinement.
Pouvons-nous commencer nos travaux par le titre II, relatif à l'état d'urgence sanitaire ?
Je pense qu'il serait bon, au contraire, de régler les questions secondaires avant de passer aux questions essentielles.
Alors, il faudra un peu de temps...
Mieux vaudrait commencer par un échange d'ordre général, pour que chaque groupe puisse s'exprimer sur ce sujet.
J'interviendrai sur deux points. La sanctuarisation des mandats acquis dès le premier tour fait consensus. Faut-il l'inscrire dans la loi, notamment au regard des règles de légistique ? Je ne me prononcerai pas. En tout cas, je n'ai pas d'opposition de principe.
Sur la date de dépôt des listes de candidats pour le second tour, nous craignons les incertitudes. La proposition qui nous est soumise me semble aller dans le bon sens : en fonction de notre capacité à tenir le second tour, déposons les listes. J'émets cependant une réserve sur le fait d'appuyer notre décision sur la fin du confinement, qui ne me paraît pas être une base suffisamment solide. La fin du confinement peut être partielle et nous ne sommes pas en mesure de l'anticiper.
En nous fondant sur le rapport du comité de scientifiques, nous aurions une borne claire. À la suite de ce rapport, une réunion de l'ensemble des formations politiques permettrait de dégager un consensus sur l'organisation du second tour des élections municipales. S'ensuivrait un décret convoquant les électeurs, puis le dépôt des listes quelques jours plus tard. Voilà ma contre-proposition.
Nous partageons tous la volonté de sauver ce qui peut l'être du premier tour des élections municipales.
Reste la question de l'organisation du second tour. Reporter la décision au 10 mai 2020 nous semble trop précoce, y compris pour un second tour le 21 juin ou le 28 juin 2020, comme cela a été évoqué. La campagne doit rester brève. Une décision plus rapprochée du second tour serait plus conforme à la temporalité de cette crise. Le 24 mai 2020, un mois avant la date limite d'organisation du second tour, au regard des considérations juridiques, notamment du Conseil d'État, nous paraît plus pertinent. Cette décision pourrait être immédiatement suivie du dépôt des listes de candidats.
Enfin, en ce qui concerne les intercommunalités, les mandats des exécutifs sortants doivent être maintenus jusqu'à ce que l'ensemble des conseils municipaux composant l'intercommunalité soient installés. Nous y sommes très attachés.
Nous avons la base d'un accord en ce qui concerne le scrutin municipal : les élections acquises dès le premier tour sont sanctuarisées, la date clivante du 31 mars 2020 pour le dépôt des candidatures est laissée de côté et le second tour est acté dans les communes où il est nécessaire.
Il reste quelques modalités à déterminer, notamment en ce qui concerne la consultation du comité de scientifiques. Nous proposons la remise de deux rapports, l'un le 10 mai et l'autre le 24 mai 2020. Ces dates peuvent d'ailleurs évoluer en fonction de nos travaux. Il s'agit de permettre une décision politique rapide avec un premier rapport remis au Parlement le 10 mai 2020 et s'appuyant sur des données épidémiologiques de début mai, et une autre plus lointaine. En quinze jours, la situation peut évoluer largement. Ces dates pourraient être le point de départ des décisions de levée de confinement, et donc celui du dépôt des listes de candidats. En tout cas, monsieur le président, votre rédaction est très proche de ce que nous pourrions voter.
Nous partageons sur l'essentiel votre proposition de rédaction, monsieur le président.
Nous pensons important d'écrire dans la loi, même si c'est redondant, que les résultats du premier tour pour les quelques 30 000 communes où le conseil municipal est complet sont acquis. Certains candidats élus dès le premier tour ne parviennent pas à joindre le maire en place, ce qui peut créer de la confusion... Cette situation n'est pas la meilleure pour gérer un contexte de crise. Que les élus soient élus, et que cela ne soit pas remis en cause, même s'ils n'entrent en fonction qu'ultérieurement.
En ce qui concerne le dépôt des déclarations de candidature pour le second tour, la date de la fin du confinement ne nous paraît pas être un objet juridique suffisamment précis. En revanche, celle du 10 mai 2020 figure déjà dans le texte et pourrait nous aider à avancer. Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire d'organiser une concertation des groupes politiques. Je suggère que nous nous calions sur la date du 10 mai 2020, à laquelle s'ajouterait un nombre fixe de jours pour le dépôt des listes ; cela a l'avantage de la clarté.
Nous avons le support d'une solution consensuelle ; cela suppose l'articulation de délais et de dates de déclenchement pour l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires.
Les analyses de la pandémie suggèrent le recul des contaminations dans six semaines, c'est-à-dire début mai, mais ce reflux devra être dûment vérifié. La date du 10 mai 2020 me semble donc trop précoce pour la remise du rapport du comité de scientifiques. Elle nous expose à devoir annuler le second tour, alors que la situation peut évoluer en l'espace de dix jours. Il faut donc reculer la date du dépôt de ce rapport pour conserver des chances de tenir le second tour.
Pourquoi s'imposer un délai d'un mois entre le décret de convocation des électeurs et le second tour ? Dans notre situation, il n'y a pas d'opérations légales complexes à mener dans cet intervalle, qu'il conviendrait de ramener à quinze jours. Cela nous permettrait d'avoir plus de temps pour décider d'organiser, ou non, le second tour, en fonction de l'avis du comité de scientifiques.
Corréler le dépôt des listes de candidats à la fin du confinement se heurte aux dispositions que nous avons inscrites dans le titre sur l'état sanitaire, puisque les décisions de confinement pourront être locales.
La proposition du président Philippe Bas me paraît pleine de sagesse, sous réserve de son alinéa 2.
L'article L. 3131-23 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi, concerne la restriction ou l'interdiction de la circulation des personnes. Or il peut se produire des épidémies locales, notamment dans les départements et collectivités d'outre-mer. Ne conviendrait-il pas de prévoir, pour le dépôt des listes de candidats, une date à géométrie variable selon les territoires ? Sinon, nous n'y arriverons pas. Mais est-ce possible ?
Nous avons des certitudes et des incertitudes, ces dernières étant liées à l'épidémie. Les certitudes, ce sont les votes acquis dès le premier tour organisé le 15 mars 2020. Les élus locaux rencontrent de grandes difficultés ; il faut leur simplifier les choses. Il nous paraît important de déterminer rapidement les conditions dans lesquelles installer les conseils municipaux ou procéder à un second tour. Ces principes sont valables pour les électeurs comme pour les élus. La date du 10 mai 2020 pour la remise du rapport du comité de scientifiques semble résulter d'une concertation entre le Sénat et l'Assemblée nationale, mais je plaide pour une date aussi rapprochée que possible du 15 mars 2020.
Mon groupe et moi sommes satisfaits du maintien des mandats acquis dès le premier tour des élections municipales et communautaires.
Nous pensons que la date de dépôt des listes doit reposer sur l'avis des experts, c'est pourquoi celle du rapport du comité de scientifiques nous paraissait pertinente. Cela dit, l'hypothèse d'un rapport plus tardif, spécifique, avec une vue plus précise sur l'organisation d'un second tour, suivi d'un délai assez court pour le décret de convocation des électeurs et la tenue des opérations électorales, me semble intéressante. J'espère que nous pourrons aboutir à ce compromis.
La proposition de rédaction du président Philippe Bas, en sanctuarisant les élections acquises au premier tour et, si le second tour ne pouvait se tenir avant fin juin, en prévoyant une nouvelle élection à deux tours, convient sur au moins ces deux points majeurs.
Reste la question du dépôt des candidatures pour le second tour. Je suis favorable à une solution simple : le dépôt des candidatures doit intervenir dans les 72 heures après le décret de convocation des électeurs. Nous avons toutefois prévu trois semaines de campagne électorale, car il faudra que les électeurs se « replongent » dans les propositions, les candidatures, les fusions de listes qui, par nature, viendront d'avoir lieu. Au total, une semaine serait consacrée au dépôt des candidatures et à ses conséquences, puis trois semaines à la campagne électorale.
Si, le 10 mai 2020, le rapport scientifique préconise de ne pas convoquer les élections, j'imagine mal, politiquement, le Gouvernement prendre la décision inverse quinze jours après. On a déjà annoncé aux électeurs un jeudi qu'ils seraient confinés le lundi alors qu'on les faisait voter le dimanche... Si l'effet du confinement nous est favorable, nous nous prononcerons le 10 mai 2020 suivant la pente de l'épidémie. Je n'ai rien contre le fait de revoir la question le 24 mai 2020, mais l'essentiel est de rattacher le dépôt de candidatures au décret de convocation des électeurs, et de laisser trois semaines de campagne pour que les 5 000 communes concernées soient pourvues de maires vraiment choisis par la population, malgré les circonstances exceptionnelles.
Pour les parlementaires communistes, l'essentiel est la sanctuarisation des mandats acquis dès le premier tour.
Nous sommes assez d'accord avec M. Sueur sur une date rapprochée du 10 mai 2020 pour le dépôt des listes de candidats, de façon à fixer le cadre et à disposer des délais nécessaires. On peut se référer aux délais habituels des seconds tours, mais le pays va devoir se remettre en situation de penser aux élections, aux programmes, après un grand choc traumatique. Nous sommes donc assez favorables à la proposition formulée par le président Philippe Bas, mâtinée de la correction présentée par Jean-Pierre Sueur.
Je vais m'efforcer de formuler une proposition de synthèse. Je confirme que nous sommes d'accord avec la sanctuarisation du premier tour, y compris s'il faut l'inscrire clairement dans la loi.
À l'alinéa 3 de la proposition de rédaction, un passage concerne les conseillers municipaux des communes de moins de 1 000 habitants, élus au premier tour dans un conseil municipal incomplet. Je n'y vois pas de difficulté politique au vu de nos échanges, mais ce point soulèvera probablement des difficultés juridiques, le Conseil d'État préconisant clairement l'annulation de ces résultats.
Sur l'enjeu du calendrier à venir, la proposition du sénateur Jean-Pierre Sueur me semble aller dans le bon sens. Si nous reportons la date du rapport du comité de scientifiques, il faut la reporter le plus tard possible, mais il faut tout de même que les élections puissent se tenir fin juin. M. Philippe Gosselin a évoqué la date du 24 mai 2020 ; cela me paraît possible, dès lors que le délai de convocation des électeurs serait réduit à trois semaines et serait aligné sur la durée de la campagne officielle, telle que nous l'avons votée hier à l'Assemblée nationale.
Je souhaite, toujours au regard de nos échanges, que le dépôt de candidatures soit prévu cinq jours après le décret de convocation des électeurs, comme nous l'avions suggéré dans l'hémicycle.
Votre proposition est proche de la rédaction proposée, madame la rapporteure. Une vague épidémique n'a pas de calendrier, il faut donc prévoir des délais contraints et saisir une fenêtre de tir si elle se présente, pour éviter de reporter les élections municipales en septembre, où un rebond épidémique n'est d'ailleurs pas exclu.
Le 10 mai 2020, nous verrons quand organiser ces élections, sachant qu'elles pourraient se tenir, exceptionnellement, à des dates variables. Est-ce juridiquement faisable ? Étudions-le : on peut imaginer que les élections municipales, scrutin local, puissent se tenir à quelques semaines d'écart en fonction des territoires, compte tenu des circonstances sanitaires exceptionnelles.
Nous sommes d'accord sur l'essentiel, reste à nous accorder sur les dates. Celle du 10 mai 2020 permet d'établir un point d'étape au regard de l'analyse du comité de scientifiques ; celle du 24 mai 2020 offre la possibilité de décider au dernier moment de l'organisation du second tour en respectant les délais contraints évoqués. Cela entraîne certes une légère incertitude, mais c'est notre lot quotidien. Si les règles applicables sont claires, tous les candidats pourront prévoir comment se dérouleront les opérations électorales à partir du 10 mai ou du 24 mai 2020. Cette solution pourrait nous réunir et nous permettre de sortir par le haut de ce débat.
Le 10 mai 2020, nous y verrons plus clair. Sinon, il faudra pouvoir surseoir sur l'organisation du second tour des élections municipales.
Nous avançons, et nous pourrons aboutir. Les résultats du premier tour sont de droit. Il serait étrange de le répéter dans la loi. Mais après tout, pourquoi pas ?
Cela reviendra à graver en lettres dorées ce qui est déjà écrit dans le marbre !
Se fonder uniquement sur le rapport du comité de scientifiques me paraît fragile. Ce qui sanctionne la décision politique, c'est le décret de convocation des électeurs, pris en conseil des ministres.
Je pense que nous souhaitons tous sauver le second tour des élections municipales mais, sur le calendrier, je suis réservé sur l'idée d'un dispositif à double détente : si l'on prend une position le 10 mai 2020, pourrons-nous en changer le 24 ? Une proposition de consensus pourrait être de prendre une date unique entre le 10 et le 24 mai 2020. J'attire enfin votre attention sur le calendrier imposé par les élections sénatoriales, prévues en septembre 2020.
Voilà un argument convaincant dans ces murs !
Avec une date trop rapprochée, il faudra réduire le délai de convocation des électeurs à trois semaines, ce qui sera un peu serré si l'on veut conserver trois semaines de campagne. Les élections auraient lieu le 21 juin 2020, et les maires seraient élus le 28 juin. Pour réduire le délai de convocation, il faudra modifier l'article 1er tel qu'il a été adopté à l'Assemblée nationale. L'élection des exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale aurait lieu le 12 juillet. C'est un peu court pour les élections sénatoriales...
Personne ne propose de dépasser la date du 30 juin 2020 pour l'organisation du second tour des élections municipales. Mais vous avez raison, il faut garder en tête ce calendrier.
Cela dit, pour un second tour, la campagne dure ordinairement moins d'une semaine. On peut concevoir que, dans ces circonstances, elle soit plus longue. Pour autant, la durée de trois semaines ne doit pas être sanctuarisée, au risque de nous empêcher de prendre la décision le plus tard possible pour sauver le second tour.
La date du rapport du comité de scientifiques, à l'article 1er du texte de l'Assemblée nationale, est fixée au plus tard le 10 mai 2020. Si l'on écrit « au plus tard le 24 mai 2020 », cela n'empêchera pas ce comité, au cas où il considérerait avant cette date qu'il est possible d'organiser le second tour, de déposer son rapport dès le 12 ou le 14 mai, par exemple. Ce que nous avons à fixer, c'est la date butoir pour la remise de ce rapport.
Pour organiser les élections municipales le 21 juin 2020, le décret de convocation des électeurs doit être pris avant le 31 mai 2020. Le temps de concertation avant l'adoption du décret, si nous fixons la date limite pour la remise du rapport au 24 mai 2020, serait de sept jours.
Sur le plan juridique, rien ne s'oppose à la différenciation proposée par M. Savary en ce qui concerne le calendrier des élections municipales : ce sont des élections distinctes. Mais nous sommes tenus de respecter le butoir des trois mois qu'a évoqué le Conseil d'État et que confirmerait, j'en suis sûr, le Conseil constitutionnel. La vraie limite pour l'organisation du second tour, c'est donc le 28 juin 2020.
La question des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre est neutre dans l'organisation du cycle électoral : les grands électeurs des élections sénatoriales, ce sont les conseillers municipaux, pas les élus communautaires. Mais il faut laisser le temps aux conseils municipaux de désigner leurs grands électeurs. Les élections sénatoriales devant se tenir vers le 25 septembre, cela permet, après l'installation des conseils municipaux, de procéder à la désignation des grands électeurs. Le dernier délai pour la tenue du second tour des élections municipales, c'est donc le 28 juin 2020. Si le premier rapport du comité de scientifiques est le 10 mai, et qu'il y en a un second, une décision positive restera possible jusqu'au dernier moment.
Le président Philippe Bas nous offre une solution qui semble dégager un consensus. La date du 10 mai 2020 - un dimanche - semble précoce, puisque le décret de convocation des électeurs peut être pris jusqu'à la fin du mois, ce qui laisse tout à fait le temps d'installer les conseils municipaux et de désigner les délégués sénatoriaux.
Évitons un double cliquet avec la remise de deux rapports, sinon celui du 10 mai 2020 ne comptera pas. Mieux vaudrait une date unique, autour du 20 mai. Si le décret de convocation est pris entre le 25 et le 30 mai prochain, la campagne électorale et les élections pourraient se tenir dans de très bonnes conditions.
Nous pourrions, quitte à déroger aux textes, prévoir que les conseils municipaux éliront leurs délégués sénatoriaux dès leur installation.
Votre proposition est intéressante mais l'élection des délégués sénatoriaux ne doit pas être un enjeu pour l'élection du maire.
Ne faudrait-il pas prévoir alors que les déclarations de candidature pour le second tour des élections municipales soient déposées dans un délai de cinq jours à compter de la date de publication du décret de convocation ?
N'oublions pas que le rapport du comité de scientifiques servira aussi pour d'autres dispositions du projet de loi.
Vous avez raison, il ne faut pas priver le Gouvernement de ce rapport.
Suivant la logique de la proposition de M. Gosselin, nous pouvons spécifier que nous demandons un rapport du comité de scientifiques pour le 20 mai 2020 au plus tard. Nous pouvons ajouter que le décret de convocation des électeurs devrait être pris le 27 mai au plus tard. D'ailleurs, le rapport du comité de scientifiques pourrait être rendu encore plus tard, disons le 23 mai. En tout cas, le décret doit être pris à temps, une fois le rapport rendu public et les forces politiques consultées : il faut donc viser le conseil des ministres du mercredi 27 mai. Les listes de candidats devraient être déposées le 1er juin - ou plutôt le 2 juin, pour ne pas tomber sur le lundi de Pentecôte - et la campagne commencerait le 8 juin, pour des élections fixées le 21 juin. Je vous propose de modifier en ce sens la proposition de rédaction.
La proposition de rédaction n° 1, ainsi modifiée, est adoptée.
La proposition de rédaction n° 2 traite le cas des communes qui ont, malgré les recommandations du Gouvernement, procédé à l'élection du maire et des adjoints entre le vendredi 20 mars et le dimanche 22 mars 2020, conformément à la loi. Elle supprime l'alinéa 14 de l'article 1er afin de poursuivre la réflexion sur ce point et de consulter les associations d'élus. Le Gouvernement pourrait traiter cette question par ordonnances, en application de l'article 2 du projet de loi et après avoir recensé le nombre, apparemment faible, de communes concernées.
Ces maires et ces adjoints ont été élus dans des conditions légales et je ne vois pas pourquoi nous déciderions d'annuler leur élection. En pur droit, ce sont ceux qui n'ont pas réuni leur conseil municipal qui ont violé la loi en vigueur - sur l'injonction du Gouvernement, approuvé par tous les groupes politiques, certes. Il serait contraire aux principes fondamentaux que la parole gouvernementale l'emporte sur la loi, fût-elle soutenue par l'ensemble des forces politiques.
Nous avons eu ce débat cette nuit à l'Assemblée nationale. M. de Courson a proposé que les désignations de maires et d'adjoints qui ont eu lieu ne soient pas considérées comme annulées, mais différées à la date d'entrée en fonction des conseillers municipaux.
La décision de maintenir le premier tour des élections municipales a résulté d'un consensus des forces politiques. Il serait dommage que le Gouvernement soit seul à en porter la responsabilité politique - et j'ai bien compris que cela n'entrait aucunement dans vos intentions.
Je ne comprends pas le lien que vous faites avec la décision de maintenir le premier tour des élections municipales. Ce sont deux sujets totalement distincts.
La question que nous nous posons est la suivante : comment faire, lorsqu'un conseil municipal s'est réuni régulièrement, en observant les délais actuellement prévus par le code général des collectivités territoriales, pour ne pas inscrire dans la loi que le fait d'avoir respecté les règles entraîne l'annulation de l'élection du maire et des adjoints ? La proposition de rédaction n° 2 charge le Gouvernement de régler le problème par ordonnances, après en avoir pris la mesure. Le nombre de communes concernées doit d'ailleurs être très faible.
J'ajoute que le texte de l'Assemblée nationale risque fort d'être déclaré inconstitutionnel. Ma proposition est de reconnaître la validité de cette élection des maires et des adjoints, mais de différer leur prise de fonction pour qu'elle s'opère en même temps que dans les autres communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour. Avec le texte que nous avons voté cette nuit, nous nous exposons à ce que des maires élus aillent devant les tribunaux et déposent des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).
Je n'ai pas compris que nous adoptions cet amendement à l'Assemblée nationale, qui inflige une punition à ceux qui ont respecté la loi et ne dit rien à ceux qui ne l'ont pas respectée. Le Parlement ne peut voter ainsi une sanction - ce n'est pas autre chose - contre les maires qui viennent d'être élus. Ce ne serait pas constitutionnel, d'ailleurs. Il est vrai que nous sommes déjà très en dehors du cadre légal, et même du cadre constitutionnel, avec la loi organique, comptant sur le fait que le contrôle du Conseil constitutionnel n'interviendra que trop tard... Mais un maire élu peut prendre, dès aujourd'hui, des décisions qui peuvent soulever des QPC - avant la promulgation de la loi, donc.
La seule chose à faire est donc de supprimer cette disposition votée à l'Assemblée nationale. Quant à la solution de M. de Courson, elle ne fonctionnerait pas dans tous les cas. Quid des actes pris avant l'entrée en vigueur de la loi, en effet ?
Nous ne pouvons pas sanctionner des maires qui ont respecté la loi, même si nous pouvons les condamner moralement.
Nous n'avons que de mauvaises solutions, en réalité, vu que certains conseils municipaux se sont réunis malgré les consignes sanitaires des préfets.
La solution retenue par l'Assemblée nationale n'est pas parfaite sur le plan juridique, j'en conviens. Mais laisser les quelques dizaines de conseils municipaux concernés en place me semble compliqué. Nous ne pouvons pas avoir deux types de conseils municipaux...
En somme, la solution retenue par l'Assemblée nationale est la moins mauvaise.
Quand sera réglé le sort des maires et des adjoints qui ont été élus dès ce week-end, au cas où l'élection des autres municipalités serait reportée au-delà de l'été ?
Un autre article du texte diffère l'entrée en fonction des conseillers municipaux et, de ce fait, l'élection des nouveaux maires et des adjoints. Mais vous avez raison, il ne faut pas laisser d'angle mort dans la loi.
À la différence de ce que j'ai dit tout à l'heure, il y a une connexion entre toutes les communes, c'est la fonction d'agent de l'État confiée à leur exécutif.
Il serait donc juridiquement fragile de faire coexister, dans la grande majorité des communes, le maire qui était en fonction avant les élections et, dans certaines autres, un maire élu dans des conditions certes régulières, mais rendues caduques par l'ensemble du dispositif que nous allons adopter.
La moins mauvaise solution serait donc la suspension, qui revient à ne pas procéder à l'annulation de l'élection du maire et des adjoints, mais à en différer la mise en application à la date où les autres conseils municipaux auront le droit de se réunir - soit plus tôt que le second tour.
Si l'article 1er du projet de loi, qui reporte l'élection du maire et des adjoints, est appliqué partout, il inclura aussi les communes qui ont élu leur maire dès ce week-end, sauf à prévoir une exception.
À mon avis, ce problème fait partie de ceux dont Henri Queuille disait qu'ils se résolvent le mieux si l'on ne fait rien ! La loi dont nous discutons va entrer en vigueur après que ces maires auront été élus. Si nous les oublions, ils seront en fonction, et il n'y aura pas de difficulté, sinon un peu d'irritation dans les communes voisines. Je ne vois pas comment procéder autrement. D'où ma proposition de rédaction n° 2.
À défaut, je me rallierai à la formule proposée par M. de Courson, qui présente l'avantage, par rapport au texte de l'Assemblée nationale, de ne pas rayer d'un trait de plume une élection légale, fût-elle effectuée contrairement aux consignes gouvernementales, et de ne pas poser de problème lourd de constitutionnalité.
On imagine bien que les maires concernés avaient entendu parler de la consigne nationale, mais qu'ils ont fait l'analyse juridique, que nous partageons tous, qu'il était légal, et même obligatoire, de réunir les conseils municipaux dès ce week-end. Si nous ne les laissons pas entrer en fonction, ils se pourvoiront devant le juge administratif et je pense qu'ils gagneront. Nous serons alors montrés du doigt par le Conseil constitutionnel comme ayant laissé entrer en vigueur une solution inconstitutionnelle !
En effet, il n'y a pas de bonne solution, et il faut choisir la moins mauvaise.
Celle de M. de Courson assure le respect du fait démocratique bien que, en même temps, la plupart des personnes élues au premier tour aient respecté les consignes de leur préfet. Il serait malvenu que ce mandat commence par une prime donnée au non-respect de l'esprit républicain, qui doit prévaloir en ces circonstances exceptionnelles.
Mieux vaut donc un statut général identique pour tous les élus du premier tour, avec des conseils municipaux qui entrent en fonction lorsque l'état sanitaire le permettra, sans pour autant nier le fait démocratique qui s'est exprimé, dont nous ne ferions que retarder la prise d'effet.
Bien sûr, le fait démocratique est respectable. Mais la loi doit s'appliquer. Les maires qui ont réuni leur conseil municipal ne l'ont pas fait pour braver les consignes, mais pour pouvoir prendre leurs responsabilités. Il ne s'agit donc pas d'une manoeuvre, mais d'une prise, courageuse, de responsabilités.
Nous sommes tous à l'oeuvre pour venir au secours de nos concitoyens, notamment dans les communes rurales. Pour cela, mieux vaut une municipalité constituée.
Nous devons agir en fonction des lois, à mesure de leurs dates d'entrée en vigueur, même si les circonstances sont exceptionnelles. Qu'adviendra-t-il d'ailleurs de ceux qui ont déposé leurs listes de candidats pour le second tour ?
Les listes déjà déposées doivent pouvoir être maintenues pour le second tour, mais il doit aussi être possible de les modifier.
Notre proposition de rédaction n° 2 supprime l'alinéa 14 de l'article 1er et laisse au Gouvernement la faculté d'agir par ordonnances pour régler la situation des maires et des adjoints élus dès ce week-end. Elle permet de concilier les différents arguments évoqués. La proposition de bon sens de notre collègue Charles de Courson pourrait ainsi être mise en oeuvre par le Gouvernement.
Sur quelle habilitation le Gouvernement pourra-t-il prendre une ordonnance en cas de suppression de cet alinéa ? Celle prévue à l'alinéa 2 de l'article 2 me semble trop restreinte pour régler ce type de situations...
Nous savons que l'amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale est imparfait, mais, à l'heure actuelle, il n'existe aucune bonne solution. Des conseils municipaux sont peut-être encore, en ce moment même, en train de se réunir pour élire leur maire ! Nous allons donc vers une forme de cohabitation, en fonction des communes, entre des maires prorogés et des maires nouvellement élus. Ces derniers ont certes respecté la loi, mais il me semble que le Gouvernement avait été extrêmement clair dans ses consignes sanitaires. Je suis donc défavorable à la suppression de cet alinéa et je préfère que nous travaillions à une nouvelle rédaction sur la base de la proposition de M. de Courson.
Après réflexion, la proposition de M. de Courson me semble la plus élégante et celle qui présente le moins de risques juridiques. De surcroît, je partage l'interrogation de Mme la rapporteure pour l'Assemblée nationale concernant l'ordonnance que vous évoquez.
Je suis convaincu de l'utilité de neutraliser l'élection de ces maires et de ces adjoints sans l'annuler. L'ordonnance présente l'avantage d'être rédigée en collaboration avec le Conseil d'État, qui sera le mieux à même de prévenir le risque constitutionnel. Mieux vaudrait que nous complétions l'habilitation.
En effet... Il faudrait donc que, par amendement, le Gouvernement nous propose de compléter l'habilitation afin que cette disposition soit rédigée avec une plus grande sécurité juridique.
Heureusement que nous avons commencé par les questions secondaires... Les deux propositions, la mienne et celle de Charles de Courson, que nous examinons, s'écartent toutes deux du texte de l'Assemblée nationale. Mais la présidente et la rapporteure pour l'Assemblée nationale sont prêtes à des évolutions, compte tenu du débat que nous avons eu.
Il me semble que la proposition la plus consensuelle est celle de Charles de Courson... Elle vient de vous être distribuée, sous le numéro 10. Ma propre proposition me semble lui être supérieure, mais je n'aurais pas d'amour propre d'auteur si celle de notre collègue devait lui être préférée.
Il conviendrait toutefois de viser, dans la proposition de M. de Courson, « les désignations et délibérations régulièrement adoptées ». En effet, le conseil municipal peut s'être réuni sans avoir été régulièrement convoqué par l'ancien maire, par exemple.
J'en conviens. Il faut laisser le droit commun s'appliquer dans les cas où il y aurait eu des irrégularités. Je conclus donc de notre débat que la formulation proposée par M. de Courson est préférée à celle que M. Savary vous a présentée.
La proposition de rédaction n° 2 est retirée.
La proposition de rédaction n° 10 est adoptée.
Je vous soumets une proposition de rédaction n° 6 portant sur le V bis de l'article 1er, et qui vise à corriger quelques imperfections du texte commun aux deux assemblées s'agissant des conseils communautaires et métropolitains « hybrides ».
Ces conseils ne pourront pas siéger avant la parution du décret qui les y autorisera. Ils feront cohabiter, pendant une phase transitoire, anciens et nouveaux élus. En outre, ils devront prendre en compte les arrêtés préfectoraux de l'automne dernier relatifs aux changements d'effectifs dans les EPCI à fiscalité propre. C'est sur ce point que je propose une modification, ainsi que la prise en compte des communes nouvelles.
Reste la question de la permanence des bureaux des EPCI à fiscalité propre, sur laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale sont en désaccord. Le Sénat a en effet adopté le principe de la permanence des bureaux, sauf pour les membres de ceux-ci qui ne seraient plus conseillers communautaires - condition qu'a supprimée l'Assemblée nationale.
Il me semble que ma proposition de rédaction surmonte ces difficultés. Cela reste, somme toute, un exercice assez théorique, car il y aura vraisemblablement très peu de réunions de conseils communautaires entre le 20 mai et le 30 juin 2020. Toutefois, si le second tour des élections municipales devait être annulé, ces dispositions trouveraient à s'appliquer plus longtemps.
Votre proposition de rédaction aborde donc deux questions distinctes.
Elle prévoit tout d'abord, si je vous ai bien compris - mais je prends connaissance de votre proposition à l'instant - que seuls les présidents de conseils communautaires qui sont encore délégués communautaires restent présidents, contrairement à ce qui a été décidé par le Sénat et par l'Assemblée nationale dans leur premier vote. L'Assemblée nationale a prévu que, même s'ils n'étaient plus délégués communautaires, les présidents étaient maintenus en fonctions.
L'autre question traitée par votre proposition de rédaction est celle des conseils communautaires dont l'effectif a changé. C'est une question extrêmement technique et complexe. Je suis d'accord avec votre proposition sur ce second point, mais j'émets des réserves sur la première question, qui relève d'un choix moins technique que politique. Si les maires restent, pourquoi pas les présidents de conseils communautaires ? D'autant que cela n'est que pour un temps très court. Je suis donc - pardonnez-moi, chers collègues - favorable à la rédaction adoptée à l'Assemblée nationale !
Je me retrouve totalement dans les propos du président Philippe Bas. La proposition de rédaction de notre collègue Alain Richard ne serait utile qu'en cas d'annulation du second tour des élections municipales, mais une telle situation aurait vocation à être gérée dans le cadre d'un projet de loi d'annulation de ce second tour, et non pas dans le présent texte. Je suis donc défavorable à cette proposition de rédaction et souhaite que nous conservions un parallélisme des formes entre communes et EPCI à fiscalité propre.
Nous avons établi un parallélisme des formes entre collectivités territoriales : à l'échelon communal, nous prorogeons les mandats ; et puisque l'échelon intercommunal procède de l'échelon communal - même si certains conseillers communautaires sont désormais élus au suffrage universel direct avec fléchage -, conservons le même schéma, par souci de clarté tant pour l'opinion publique que pour les élus. Les élus intercommunaux, ne l'oublions pas, sont avant tout des élus municipaux. Monsieur le président Philippe Bas, je vous remercie de cette avancée.
J'entends l'argument selon lequel il faudrait maintenir les élus des conseils communautaires, mais permettez-moi de vous faire observer que, dans les deux assemblées, nous venons de voter le contraire.
Or, les conseils communautaires ont des décisions à prendre et il est tout à fait possible qu'ils se réunissent en juin ou en juillet prochain. Nous pouvons décider de proroger les conseils communautaires, avec les anciens élus et l'ancienne pondération intercommunale, mais c'est contraire à ce qui est actuellement prévu dans le texte du projet de loi.
Quant aux exécutifs, la rédaction que je vous propose ne s'écarte pas de la solution retenue par l'Assemblée nationale.
Plusieurs questions se posent.
Qui quitte le conseil communautaire quand la commune compte un siège de moins ? Notre collègue Alain Richard a traité cette question en orfèvre et je soutiens totalement sa proposition en la matière.
Pendant la période intermédiaire, le président de la communauté de communes ou d'agglomération peut-il ne pas être délégué communautaire - dans le cas, par exemple, où le président ne se serait pas représenté et où son premier vice-président serait issu de l'opposition ? Ne déstabilisons pas les exécutifs pendant cette période intermédiaire. Je suis donc favorable sur ce point au texte de l'Assemblée nationale, qui proroge le mandat du président, même s'il n'est plus délégué communautaire.
Reste enfin la question de savoir si la composition des conseils doit évoluer pour tenir compte du fait que les conseillers municipaux élus au premier tour dans certaines communes membres seront entrés en fonction.
Que préfère-t-on ? La cohabitation au sein des conseils communautaires d'anciens et de nouveaux élus, telle que la proposent le Sénat et l'Assemblée nationale ? Ou le maintien jusqu'au second tour des anciens conseils ? Dans cette dernière hypothèse, nous devrions adopter une nouvelle rédaction.
La proposition de rédaction n° 6 présentée par M. Alain Richard est adoptée.
Une question reste en suspens : quels sont les pouvoirs de ces exécutifs maintenus en fonction ? Disposent-ils, ou non, des pouvoirs de droit commun ? J'avais suggéré qu'ils n'expédient que les affaires courantes pendant la période intermédiaire, comme c'est le cas pour les délégations spéciales nommées par le préfet. Nous examinerons tout à l'heure un article qui donne des précisions sur le volet financier, mais il ne fonctionne pas.
Le texte vise les conseillers métropolitains et les conseillers des EPCI à fiscalité propre. Or, l'Île-de-France est dotée d'établissements publics territoriaux (EPT), qui sont des intercommunalités, mais n'ont pas de fiscalité propre. Ne faudrait-il pas les prévoir dans le dispositif ?
Lorsque les équipes en place ont été réélues au premier tour, il est inconcevable qu'elles ne se voient attribuer que de simples pouvoirs de gestion des affaires courantes !
Les maires en place doivent préparer la rentrée prochaine, lancer des investissements qui ont parfois été l'objet même du débat électoral. Qu'ils aient été battus et leur mandat, prorogé, ou réélus, ils doivent pouvoir exercer la plénitude des fonctions prévues par la loi, sinon nous risquons de paralyser les collectivités territoriales.
Pour répondre à la fois à nos collègues Charles de Courson et Jean-Christophe Lagarde, le texte confère aux conseils communautaires et à leurs exécutifs, ainsi qu'aux conseils municipaux et aux maires, la plénitude de leurs compétences y compris pendant les périodes intermédiaires. Il va même plus loin : comme il est prévisible que les budgets non encore adoptés ne le seront toujours pas au 15 avril - ce qui pose des problèmes surtout pour la section d'investissement - le texte prévoit de reporter le couperet habituel au 31 juillet 2020.
Les maires sont déjà sur le pont - par exemple pour organiser des consultations médicales dans des gymnases - et ils répondent à toutes les questions pratiques dont ils sont assaillis. C'est d'ailleurs tout l'inconvénient de n'avoir pas pu réunir les conseils municipaux qui étaient complets afin que nos communes se mettent en ordre de bataille dans cette crise. Mais cette difficulté est désormais correctement résolue par notre texte.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 2
La proposition de rédaction n° 3 précise l'habilitation à légiférer par ordonnances pour que le Gouvernement puisse prendre toutes les dispositions qui permettront d'élire rapidement le maire et les adjoints. Elle propose des souplesses sur les lieux de réunions, le calcul du quorum, le nombre de pouvoirs et les procédures de vote, à l'urne ou à distance.
Nous ne pourrons pas rester dans cet entre-deux trop longtemps : nous devons donc prévoir les modalités d'élection des maires et des adjoints, au cas où la crise sanitaire se prolongerait. Il n'était pas possible de prévoir des méthodes alternatives pour ce week-end, cela aurait été de l'improvisation. Mais nous demandons au Gouvernement de le prévoir pour la suite.
Nos débats à l'Assemblée nationale ont insisté sur l'indispensable garantie du secret du vote. Votre proposition la prévoit : j'y suis donc favorable.
Je m'étonne que nous soyons autorisés à modifier le champ des ordonnances...
La précision apportée par notre texte est, sur le plan constitutionnel, parfaitement recevable. La proposition de rédaction ne vise, en aucun cas, à étendre le champ de l'ordonnance.
La proposition de rédaction n° 3 est adoptée.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 3
Je vous propose d'adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, en modifiant toutefois la date du 10 mai 2020, qui deviendrait celle du 20 mai, pour la remise du rapport du comité de scientifiques concernant les élections consulaires, par cohérence avec ce que nous avons adopté tout à l'heure. Il s'agit d'une date butoir, l'avis pouvant être rendu en amont.
Pourquoi pas le 23 mai ? Il me semblait en outre que nous souhaitions conserver le rapport au Parlement le 10 mai...
J'ai bien retenu la date du 23 mai au plus tard pour l'article 1er, et je suis favorable à un rapport sur la tenue des élections, distinct du rapport général du conseil de scientifiques.
Je vous propose donc d'acter la date du 23 mai 2020, en rappelant qu'il s'agit, en l'espèce, uniquement du rapport relatif aux élections consulaires.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 5
Le Sénat a précisément énuméré les prérogatives spécifiques confiées au Premier ministre lorsque l'état d'urgence sanitaire est déclaré. Or l'Assemblée nationale a ajouté, à l'initiative du Gouvernement, une dixième catégorie : pourrait désormais être prise par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'aller et de venir, la liberté de réunion et la liberté d'entreprendre. De fait, cela donne tous les pouvoirs au Gouvernement. Notre proposition de rédaction n° 4 prévoit une rédaction plus restrictive, qui limiterait le champ de cette disposition à la seule liberté d'entreprendre.
Le Sénat a tenté de procéder à une énumération précise. Mais le 10° ajouté par l'Assemblée nationale, qui élargit le champ de façon excessive, est, pour nous, inacceptable. Notre proposition de rédaction supprime cet ajout, sur lequel notre jugement est sévère.
Hier, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui est une sorte de mesure-balai. Votre proposition de rédaction n° 4 prévoit, d'une part, que le Gouvernement, lorsqu'il prend les mesures prévues à l'article 5, soit éclairé par l'avis public du conseil scientifique et, d'autre part, que ces mesures ne puissent apporter de limitations qu'à la seule liberté d'entreprendre.
L'éclairage par le conseil scientifique me semble de bon aloi. En revanche, ayant entendu le Premier ministre et le ministre de la santé, il ne me semble pas raisonnable, dans la situation sanitaire qui est la nôtre, de limiter le champ des mesures qui pourraient être prises à la seule liberté d'entreprendre. La situation évolue d'heure en heure, et les mesures à prendre ne peuvent malheureusement pas être toutes anticipées. Nous sommes ici dans le cadre d'un régime provisoire, déclenché par la loi. Les mesures nécessaires qui ne relèveraient pas de la liberté d'entreprendre devraient alors être prises au titre de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique... Je comprends vos réserves, mais je suis sensible au fait de conserver le dispositif de l'amendement gouvernemental, par souci d'opérationnalité.
Je m'associe à la volonté de notre rapporteure de garder - c'est nécessaire - une marge de manoeuvre supplémentaire. On voit bien que la situation évolue extrêmement vite ; chaque heure, des mesures nouvelles sont à prendre ; chaque heure, des nouvelles terribles nous parviennent - on apprend à l'instant le premier décès d'un urgentiste dû au Covid-19. La population attend des mesures qui la protègent et qui protègent les soignants ; le Gouvernement pourrait donc être amené à prendre des mesures plus restrictives.
Il me semble que, si c'est la rédaction du 10° qui ne convient pas, il faut élargir le champ des mesures pouvant être prises au titre des 2° et 5°. Par exemple, au 2° : « Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements justifiés par des besoins familiaux, professionnels ou de santé impérieux », pourrait-on peut-être introduire la référence non seulement aux « personnes », mais à des « catégories de personnes », afin de pouvoir cibler, le moment venu, des catégories de personnes qui auraient été testées, dépistées et s'avéreraient immunisées, pour leur permettre, à elles, de sortir de nouveau. Peut-être serait-il opportun aussi de substituer, dans la liste des exceptions, les déplacements « strictement indispensables » aux déplacements « justifiés par des besoins familiaux, professionnels ».
Au 5°, « Ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services essentiels aux besoins de la population », peut-être faudrait-il supprimer l'exception et en rester à « Ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements », le caractère opportun ou non de la mention « recevant du public » étant aussi à discuter. Si nous avons besoin d'un confinement plus strict, une telle formulation permettrait-elle d'aller au bout des mesures qui s'imposent ?
Sur les modifications proposées concernant le conseil scientifique, mon avis diffère de celui de notre rapporteure. La façon dont a été conçue, en séance à l'Assemblée nationale, l'institution légale de ce conseil scientifique me semble excellente : il éclaire à la fois le Gouvernement et la population. En revanche, je mets en garde contre l'idée d'un pouvoir scientifique qui viendrait contrôler le pouvoir politique. La science doit absolument éclairer, conseiller, proposer, mais son rôle ne doit pas être d'internaliser la décision politique. À terme, cela pourrait nous conduire, dans d'autres situations, à une confusion des rôles et des places qui n'est pas souhaitable.
Deux propositions alternatives, donc : supprimer, à l'alinéa 36, l'ajout de « y compris celles prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 », puisque l'amendement qui avait été adopté permettait de clarifier le rôle d'éclairage et de transparence du conseil scientifique, chargé de rendre des avis périodiques sur l'état des connaissances scientifiques et sur les mesures à prendre, ou bien remplacer cet ajout par « y compris celles relevant des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 », ce qui permettrait de laisser une marge de manoeuvre plus importante.
M. Savary présentera aussi sa proposition de rédaction à l'alinéa 35 ; ainsi aurons-nous une vision complète des modifications susceptibles d'être apportées.
Que proposez-vous exactement à l'alinéa 36 ?
Aucun problème pour remplacer « crise » par « catastrophe ».
En revanche, l'ajout de « y compris les mesures prises... » ne me convainc pas. Hier, lorsque nous avons adopté l'amendement tendant à remplacer « le comité rend périodiquement des avis sur les mesures prises » par « le comité rend périodiquement des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme », il s'agissait d'ériger le comité scientifique en force de proposition, afin que la science puisse à la fois éclairer le Gouvernement et la population sur l'état des connaissances scientifiques relatives à la catastrophe sanitaire et formuler toute proposition sur les mesures à prendre. Mais les décisions doivent, elles, toujours relever du politique. C'est bien pour cette raison que nous avions modifié le texte dans le sens que j'ai indiqué.
En ajoutant « y compris celles prises... », nous rétablissons cette confusion entre la proposition scientifique et la décision politique. Je souhaite donc soit que nous supprimions cet ajout, soit, si vous tenez vraiment à un éclairage du comité scientifique sur les mesures prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 du code de la santé publique, que nous retenions la formulation « y compris celles relevant des articles... ».
Je comprends votre point de vue.
Pourriez-vous, monsieur Savary, présenter la proposition de rédaction n° 5, qui forme un tout avec ce dont nous venons de discuter ?
Il est proposé de renforcer la protection juridictionnelle de la population à l'encontre des mesures prescrites en période d'état d'urgence sanitaire, en étendant le champ du recours en référé à toutes les mesures prescrites, qu'elles soient de portée générale ou individuelle, en spécifiant que les mesures prescrites pourront non seulement faire l'objet d'un référé-liberté, mais également d'un référé-suspension, et en prévoyant un délai de jugement de quarante-huit heures pour les deux catégories de référé.
C'est une manière de dire que si l'on prend des mesures dont le cadre n'a pas été précisé dans la loi, il faut à tout le moins que lesdites mesures donnent lieu à un contrôle exceptionnel.
Pour m'assurer que le débat mérite d'être poursuivi sur ces questions, je voudrais mettre aux voix l'amendement présenté par M. Sueur et Mme de la Gontrie, qui supprime tout simplement la disposition visée au 10°.
Nous avons passé énormément de temps, à juste titre, sur les mesures relatives aux élections municipales. Nous avons tous dit, au début du débat, qu'il faudrait intervertir les titres, nos concitoyens estimant, à juste titre là encore, que les questions de libertés et d'urgence sanitaire sont les plus importantes.
On ne saurait donc balayer ces questions.
Je tiens à dire que le vote final de notre groupe sera déterminé par le sort réservé à ce 10° de l'article 5, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale. La logique du Sénat n'était pas celle de notre groupe au départ, mais c'est celle qu'a fait prévaloir notre président, Philippe Bas. Je tiens à rendre hommage à ce qu'il a fait en proposant, au nom de la clarté, de lister l'ensemble des champs auxquels s'appliqueront les pouvoirs conférés à l'exécutif en matière de restriction des libertés. Cette logique me semble bonne. À partir du moment où l'on décide d'ajouter « En tant que de besoin, prendre toute autre mesure générale... », on sort de cette logique.
Hier, devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre a fait état d'une forme de clause de compétence générale. Il y a là une logique extensive, contraire à celle dont le Sénat a voulu la mise en oeuvre, et qui, en définitive, autorise tout.
Il est clair que nous sommes dans une situation absolument exceptionnelle, qu'il faut être responsable. Le Parlement peut se réunir si c'est nécessaire, mais nous sommes, par principe, contre cette autorisation qui, extensive, n'est pas limitée.
Ce débat est, selon nous, le plus important du texte. Je m'excuse si nous prenons du retard...
C'est tout à fait légitime. Je reconnais volontiers qu'il s'agit d'un point essentiel.
En effet. Il est légitime de passer si nécessaire autant de temps sur cet aspect que sur les autres.
C'est ce que nous sommes en train de faire.
Pour la bonne tenue du débat, nous avons intérêt à nous prononcer sur le point de savoir si nous poursuivons la discussion en vue de la recherche d'un compromis ou si nous adoptons l'amendement de suppression du 10°. Ouvrir deux débats en même temps, l'un sur le principe et l'autre sur le compromis, me paraît source de confusion.
Tout le travail que nous avons fait, ici, au Sénat, est annulé si l'on ajoute à la liste des cas d'ouverture des pouvoirs gouvernementaux de restriction des libertés une clause de compétence générale. Pourquoi énumérer chacun des cas si c'est ensuite pour préciser que, en plus de tous ces cas, le Premier ministre peut prendre n'importe quelle autre mesure ?
Je me suis félicité, en écoutant Mmes Guévenoux et Dubost, de constater que les positions des députés de la majorité commençaient à évoluer. Leurs propositions s'inscrivent dans le cadre qui est celui de la loi du 3 avril 1955 sur l'état d'urgence. Cette loi ne dispose pas que le Gouvernement pourra prendre toute mesure pour rétablir l'ordre, mais qu'il pourra ordonner des assignations à résidence, des perquisitions administratives, des fouilles de véhicules et qu'il pourra édicter des périmètres de sécurité. En réalité, la liste adoptée par le Sénat est très large. S'il y a bien un point qui nous rassemble, c'est que nous voulons que le Gouvernement ait tous les pouvoirs dont il a besoin. Si le Gouvernement nous dit qu'il n'en a pas assez, je serai le premier favorable à lui en donner davantage. Je veux seulement que nous nous inscrivions dans un cadre qui est celui de notre État de droit.
Je rejoins les propos de M. Sueur, mais ma conviction est que nous avons une chance de nous entendre sur un dispositif de compromis. Je préférerais cette issue, qui permettrait d'exprimer la volonté commune des deux assemblées de donner tous les moyens d'action nécessaires au Gouvernement sans pour autant compromettre les principes de notre État de droit. C'est la raison pour laquelle je souhaite que nous tranchions la question de savoir si oui ou non nous supprimons carrément le 10°, afin, le cas échéant, d'entrer sans attendre dans le vif de la discussion sur un compromis possible.
J'étais au départ sur la ligne de Philippe Bas : je pensais qu'il fallait lister les mesures que nous permettions au Premier ministre d'édicter en vertu de cet article. Après réflexion, et après avoir notamment beaucoup échangé avec le Premier ministre, avec d'autres ministres et entre nous, nous nous rendons compte que notre imagination, malgré sa fertilité et malgré tous nos efforts, est incapable d'appréhender toutes les situations auxquelles le Gouvernement va être confronté dans les semaines qui viennent.
Il me semble donc qu'il faut donner au Gouvernement cette liberté d'action non répertoriée dans l'énumération qui précède.
Non, je ne suis pas d'accord, car il s'agit de mesures générales - à la différence des mesures prises en application de l'état d'urgence - dont la finalité est très précisément définie - à la différence de ce qu'autorise l'article 16 de la Constitution. La façon dont le dispositif est encadré - je pense aux avis du comité scientifique notamment - nous éloigne très fortement de l'article 16.
Il faut réussir à conserver de la souplesse ; l'objectif que nous partageons est en effet de permettre au Gouvernement d'agir en toute circonstance pour faire face à cette crise sanitaire et protéger nos concitoyens. À ce titre, je préférerais que nous réussissions à arrêter une position de compromis avant d'en arriver à un vote de suppression. Autrement dit, je souhaiterais que nous évaluions les différentes solutions qui s'offrent à nous avant de procéder aux opérations de vote. Tout à l'heure, à propos du processus électoral, le consensus a émergé sans que nous ayons besoin de trancher dans le vif sur une solution de suppression pure et simple de telle ou telle disposition.
Les auteurs de la proposition de rédaction sont-ils favorables à ce que nous procédions ainsi ?
Il est clair que nous sommes profondément attachés à notre proposition de rédaction. Il est clair que vous en comprenez la logique - et peut-être la partagez-vous. Il est clair que vous souhaitez un compromis. Cela étant, si le fait de voter dans la minute compromet tout compromis, peut-être est-il sage de suivre Mme Braun-Pivet. Mais comme vous êtes un président avisé, je m'en remettrai à votre décision, monsieur le président.
Je me réjouis que nous ne passions pas au vote maintenant ; l'échange peut tout à fait se poursuivre avant que, les uns et les autres, nous ne nous cabrions.
Le 10° soulève une vraie difficulté - ce n'est pas la longueur d'un texte qui fait sa force. Le Sénat a cherché à dresser une liste limitative de possibilités d'intervention ; or le 10° annule totalement cette liste limitative, puisque tout devient possible en tant que de besoin, s'agissant de principes fondamentaux essentiels : la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion ! C'est bel et bien, d'une certaine façon, un article 16 pour le Premier ministre. Je ne parlerai pas de confusion des pouvoirs - ne soyons pas grandiloquents ! - mais, en tant que telle, cette simple formulation de quelques lignes me paraît réellement inacceptable : c'est une loi de pleins pouvoirs, rien de moins.
J'entends néanmoins notre collègue Dubost commencer à faire un certain nombre de propositions dans le sens d'une liste plus large. J'entends bien que, à circonstances exceptionnelles, pouvoirs particuliers, parce qu'on ne pourra jamais tout prévoir. Mais quand même ! Restons dans un État de droit. Nos grands principes connaissent déjà quelques atténuations ; inutile d'en rajouter. Nul ne souhaite empêcher le Premier ministre d'agir. Nous travaillons, ici, dans un esprit de concorde et d'unité nationale.
Je crois toutefois que nous pouvons sortir de la nasse. Donnons-nous encore un petit peu de temps, et je pense que nous devrions pouvoir arriver à une rédaction commune. À défaut, et à ce stade, je partage clairement ce qui a été dit par M. Sueur et Mme de la Gontrie.
Je rejoins ce qui vient d'être dit par M. Gosselin.
Je tiens avant tout à dire qu'il n'est pas moins grave, bien au contraire, de discuter des libertés publiques collectives que de prendre des mesures touchant aux libertés individuelles, comme dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) ou dans l'état d'urgence. Les atteintes aux libertés collectives doivent retenir notre attention plus encore que les décisions individuelles. J'ai entendu la majorité répéter, depuis deux jours, qu'il y allait du collectif et non de l'individuel, qu'il ne s'agissait pas de l'état d'urgence, que donc on pouvait faire moins attention. Bien au contraire ! Cette dimension collective rend nos décisions plus lourdes encore de conséquences.
Je considère que la rédaction du 10° adoptée par l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante. Il y est question de trois libertés fondamentales : liberté d'aller et venir, liberté d'entreprendre, liberté de réunion. La proposition du président Bas et du rapporteur Savary est intéressante, en cela que la liberté d'entreprendre, qui est celle qui jusqu'à présent n'avait pas été listée, est conservée dans le 10°. On retrouve la liberté d'aller et venir dans le 1° - la notion n'y est pas formellement présente, mais si « restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret », n'est pas restreindre ou interdire la liberté d'aller et venir, alors je ne comprends pas bien le français ! Quant à la liberté de réunion, elle est largement abordée dans le 6° : « Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ».
En définitive, la proposition de M. Bas revient à la même chose, ou presque, que ce qui avait été proposé par l'Assemblée nationale, tout en réduisant le 10° à la liberté d'entreprendre et en laissant à la démarche intellectuelle qui a présidé à la rédaction de cet article sa cohérence et son intégrité.
Je dois reconnaître que je suis gêné depuis le début par cette disposition, mais gêné des deux côtés. Ce que nous devons tous craindre, premièrement, c'est que la liste telle qu'elle sera votée ne donne pas au Gouvernement toutes les possibilités d'action nécessaires à lutter contre la propagation du virus, ce qui nécessiterait une nouvelle réunion du Parlement, et retarderait ce qui doit être fait.
Deuxième crainte : l'habilitation est si générale qu'il s'agit en effet d'un article 16 offert d'ailleurs, assez curieusement, au Premier ministre. Elle ne s'assortit d'aucune prévention, d'aucune limite, d'aucune procédure. Comme l'a dit M. Schellenberger, je ne vois pas l'intérêt de mentionner la liberté d'aller et venir et la liberté de réunion, l'hypothèse de leur limitation étant déjà prévue dans la liste dressée par le Sénat, si ce n'est, en effet, pour faire exploser toute norme.
Quant à limiter la liberté d'entreprendre, je peux le concevoir, mais une telle limitation dans le cadre de la lutte contre un virus me paraît une idée curieuse. En quoi la limitation de la liberté d'entreprendre permettrait-elle d'entraver la circulation du virus ?
En tout état de cause, une chose me semble inenvisageable du point de vue de l'opinion publique : que nous ne trouvions pas de compromis, et que ce soit sur ce point-là que nous achoppions. Ce serait fou ! Personne ne nous comprendrait, au-delà des arguments juridiques.
Première piste : l'avis du comité scientifique n'est rendu public qu'au début de l'état d'urgence sanitaire, et non à l'occasion de ce type de mesures, qui sont pourtant plus exorbitantes encore. Le dispositif que vous proposez, « après avis rendu public du comité de scientifiques », me semble donc, de ce point de vue, opportun.
Deuxième piste - nous le prévoyons déjà dans d'autres cas bien moins graves : il me semble que le Parlement pourrait aussi prévoir, a minima, une consultation - je ne propose pas un avis conforme - des présidents de nos deux assemblées. Quand l'article 16 est déclenché, les présidents des deux assemblées sont consultés. Ces derniers jours, les présidents des deux assemblées ont été consultés à propos des mesures prises par le Gouvernement. Cela nous rassurerait de savoir que nos institutions sont consultées.
Je réponds à mon collègue Jean-Christophe Lagarde sur la circulation du virus et la liberté d'entreprendre : nous pensons notamment à l'hypothèse d'un blocage des ventes à l'export de respirateurs et de machines de dépistage, que nous préférerions pouvoir conserver en France, en fonction de l'évolution de la situation dans les semaines à venir. Des réquisitions sont également envisageables. Il est donc vraiment important de conserver cette mention générale de la liberté d'entreprendre.
S'agissant, en revanche, des aménagements proposés, le Sénat avait en effet effectué un travail considérable, proposant une liste de mesures comprenant déjà la liberté d'aller et venir et la liberté de réunion. Il me semble simplement qu'il faudrait renforcer ces dispositifs pour donner au Gouvernement un peu plus de marge de manoeuvre en fonction de la gravité de la situation. Je propose donc, au 2°, d'ajouter aux réserves mentionnées le caractère strictement indispensable des déplacements autorisés et de supprimer la précision du caractère familial ou professionnel desdits déplacements, et, au 5°, concernant les établissements recevant du public, de supprimer les exceptions.
Autre proposition, inspirée de ce qui avait été imaginé en 2015 dans le cadre de l'état d'urgence, de nature à renforcer le rôle du Parlement sans pour autant bloquer le Gouvernement : que tout ce qui serait fait au titre du 10°, voire de l'ensemble de la liste de l'article L. 3131-23, fasse l'objet d'une information immédiate des commissions des lois.
J'entends bien les arguments de MM. Sueur et Lagarde. Avec les propositions de Coralie Dubost, qui vont dans le sens de la recherche d'un compromis, nous nous acheminons vers une rédaction commune. La liste introduite par le Sénat est un réel apport au projet de loi. Il faut permettre néanmoins au Gouvernement d'agir et d'être réactif ; tel était le sens de l'amendement voté par l'Assemblée nationale, qui est toutefois - j'entends parfaitement le souci de précision du président Bas - beaucoup trop large.
Trois libertés fondamentales sont visées par le 10°. La première, la liberté d'aller et venir, est entièrement contenue dans le 1°, le 2°, le 3° et le 4°. Le Gouvernement a donc tout ce qu'il lui faut, et tout ajout serait superfétatoire. Même réflexion sur la liberté de réunion : le 6° y répond complètement. Reste la liberté d'entreprendre : les 5°, 7°, 8° et 9° y ont trait.
Nous pourrions peut-être - tel est, me semble-t-il, l'esprit de la proposition de rédaction du président Bas - élargir un peu en retenant uniquement la liberté d'entreprendre, mais en assortissant cette mention d'une clause de généralité que ledit amendement fait tomber, et qui figure dans le texte de l'Assemblée nationale : « toute autre mesure générale limitant la liberté d'entreprendre », donc.
Il peut y avoir des mesures réglementaires spécifiques, qui ne sont pas générales.
Elles ne sont plus réglementaires, alors ; elles sont individuelles ou d'espèce.
Je dois tenter d'esquisser, à ce stade, avant de faire intervenir les deux rapporteurs, ce que pourraient être les termes d'un compromis.
J'entends et je fais miennes les propositions qui ont été présentées par Mme Dubost. Elles pourraient nous permettre d'élargir la rédaction des premiers articles de l'énumération, qui concernent en effet, comme le disait Charles de Courson, la liberté d'aller et venir, de sorte que nous soyons tous bien certains que si surgit un nouveau besoin d'aménager des mesures restreignant cette liberté d'aller et venir, à supposer que les premiers alinéas de l'énumération ne nous paraissent pas suffisants, cette nouvelle rédaction le permette. Nous aurions, ainsi, bien progressé.
Reste la question de la liberté d'entreprendre. Pour comprendre ce que souhaite le Gouvernement, je propose de le penser par analogie avec l'organisation de la production en temps de guerre, c'est-à-dire l'armement - en l'espèce, ce sont les respirateurs, les masques, etc. : comment organiser une production largement déterminée par l'action de l'État, laquelle va, par nature, porter atteinte à la liberté d'entreprendre ? Nous avons fait un pas en avant en introduisant un 9° prévoyant la mise à disposition des patients de médicaments. Mais il n'y a pas que les médicaments ! Il y a les vaccins, les dispositifs médicaux, le matériel, les ambulances, les hôpitaux de campagne, etc. Du point de vue des exigences de la production des médicaments, vaccins, matériels médicaux et équipements, dont nous avons besoin pour lutter contre la crise, je comprends très bien qu'il faille permettre au Gouvernement de ne pas respecter toutes les règles des marchés publics, de passer des accords sur la base de prix librement négociés, d'utiliser des industries pour leur demander de produire des biens et équipements que ces industries n'ont pas l'habitude de produire, mais qu'elles seraient capables de produire.
Aussi, je propose une brève suspension de séance pour rédiger un texte commun, non sans m'assurer auparavant que cette interruption correspond bien à ce que vous souhaitez, étant entendu qu'il faudra aussi, le cas échéant, prendre en considération la proposition de rédaction n° 5 et la proposition de Mme Dubost concernant l'alinéa 36 de notre texte dans sa rédaction actuelle.
J'approuve tout à fait ce schéma de compromis. Les 1° à 4° sont suffisants pour limiter drastiquement la liberté d'aller et venir. Mais je crois avoir entendu Coralie Dubost proposer que, dans le 2°, qui vise les déplacements hors du domicile, la réserve relative aux déplacements justifiés par des besoins familiaux ou professionnels ne soit pas maintenue. Cela permettrait-il d'empêcher totalement les gens de sortir de chez eux pour un motif autre que de santé ? Il me semble que ce serait aller trop loin au regard de l'objectif que nous poursuivons.
Je propose d'ajouter : strictement indispensables.
Mme Dubost propose d'écrire qu'il s'agit « d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables justifiés par des besoins familiaux, professionnels ou de santé impérieux ».
Moi aussi ; je vous en remercie.
(La réunion est suspendue.)
Je vous lis la rédaction proposée à l'alinéa 20 : « 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ; » ; puis à l'alinéa 23 : « 5° Ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ; ».
Ensuite, telle serait la nouvelle proposition de rédaction n° 4 à l'alinéa 28 : « 10° En tant que de besoin, prendre toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-20 du présent code ».
Non, merci de cette observation, madame de la Gontrie, nous allons le préciser : « 10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d'entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l'article L. 3131-20. »
Nous adopterions ensuite la proposition de rédaction n° 5, dont serait retranchée la dernière phrase : « Le juge se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » En référé, le juge se prononce très rapidement ; cette précision est donc superflue.
À l'alinéa 36, au lieu d'indiquer : « y compris celles prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 », nous proposons plutôt « y compris celles relevant des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 ». Toutes les autres modifications de l'article 5 figurant sur le tableau comparatif, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, seraient adoptées.
Cela signifierait alors que l'« information sans délai du procureur de la République », mentionnée à deux reprises, aux alinéas 33 et 34, disparaîtrait ?
Le dernier paragraphe de l'alinéa 34 fait un condensé des deux paragraphes que vous indiquez.
Nulle part.
La suppression du mot « professionnels » signifie qu'il n'y a pas de réserve en faveur des déplacements professionnels au pouvoir reconnu au Premier ministre d'interdire aux personnes de sortir de leur domicile. Le Gouvernement pourrait donc éventuellement prendre une mesure interdisant tous les déplacements professionnels - je ne dis pas qu'il faille la prendre !
À la suite des propos de Mme de la Gontrie sur les pouvoirs de contrôle du Parlement, je m'interroge sur la conséquence qu'il y a à les évoquer ici plutôt qu'à l'article 13. Ces pouvoirs ne vaudraient alors que pour les mesures de sécurité sanitaire.
Alors qu'en les introduisant, comme l'avait fait le Sénat, dans sa sagesse, à l'article 13, ils s'appliquaient à l'ensemble du texte. C'est donc un recul, mais le compromis suppose de faire des gestes. Soyons conscients de cette conséquence. Vous l'êtes probablement, monsieur le président ?...
Maintenant je le suis, et je vous en donne la justification. Des mesures restrictives de liberté sont prévues pour l'état d'urgence sanitaire ; le contrôle du Parlement se justifie d'autant plus. Pour les autres mesures, nous aurons également un contrôle. Je demanderai au Gouvernement de s'engager à nous apporter les informations requises - je ne doute pas qu'il le fera, comme il l'a fait pour la loi de finances rectificative adoptée hier.
M. le président Larcher pourra l'ajouter à son courrier au Premier ministre.
Je demanderai spontanément au président du Sénat qu'il consacre, par un courrier, l'engagement que le Gouvernement prendra, je l'espère, devant notre assemblée.
Souhaitez-vous que nous mettions aux voix votre proposition de rédaction, pour que notre commission mixte paritaire ait le choix entre les deux propositions ?
N'aurait-on pas intérêt, à l'alinéa 20, à conserver la condition de déplacements professionnels « strictement indispensables » ? Pourquoi les exclure, puisqu'on admet des déplacements indispensables pour la famille et la santé ?
À partir du moment où dans le 10° nous coupons la liberté d'entreprendre, il n'est plus besoin de préserver la liberté de circulation professionnelle. Cela va ensemble.
Je comprends où vous voulez en venir. Je n'ai pas de religion sur ce point.
Les déplacements professionnels peuvent relever du code du travail et non du code de commerce. Ils ne sont donc pas tous relatifs à la liberté d'entreprendre - le salarié est en situation de subordination. Cette modification est justifiée par le fait que le Gouvernement sait restreindre les déplacements à motif familial ou de santé de façon stricte et encadrée. En revanche, lui dire qu'il aurait le droit de maintenir certains déplacements professionnels et non d'autres pose problème. Le besoin de la continuité des activités nationales suffit à ce que le Gouvernement n'interdise pas tous les déplacements professionnels s'il n'y est pas strictement obligé. Mais nous n'avons pas de critères suffisamment objectifs pour lui fixer une limitation. Mieux vaut ne pas conserver cette exception en faisant confiance au Gouvernement pour qu'il maintienne tout ce qui est nécessaire pour la vie nationale.
Article 5 bis
L'article 5 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 6 ter
Il vous est proposé d'adopter l'article 6 ter tel qu'introduit par l'Assemblée nationale, sous réserve d'une précision rédactionnelle.
L'article 6 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Nous passons au titre III concernant les mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de Covid-19.
Article 7 B
L'article 7 B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Article 7
Monsieur Jean-Pierre Sueur a une proposition de rédaction n° 8 à l'article 7.
Je tiens à saluer une avancée de l'Assemblée nationale sur le sujet sensible des congés payés. Selon la rédaction retenue, le chef d'entreprise ne pourra modifier unilatéralement la date des congés payés qu'à la condition d'y être autorisé par un accord de branche et un accord d'entreprise. Hier, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt ce long débat à l'Assemblée nationale, mais nous n'avons pas compris pourquoi la même disposition ne s'appliquait pas, à l'alinéa suivant, aux jours de réduction du temps de travail (RTT) et aux jours de repos. Nous proposons donc d'utiliser la même formule pour ces deux cas de figure, en prévoyant des accords de branche ou d'entreprise.
En l'occurrence, dans sa réponse, que vous avez dû entendre si vous avez regardé les débats, la ministre du travail a pointé la différence de statut entre les congés payés, qui concernent tout le monde, et les RTT ; d'où la différence d'appréciation.
M. Jean-Pierre Sueur n'est pas convaincu par la réponse de la ministre. Le sujet est donc ouvert...
Il est heureux que les débats à l'Assemblée nationale aient permis de progresser sur ce sujet, d'autant que les syndicats et le Medef avaient avancé conjointement - ce qui est intéressant et notable ! Il eût été dommage de ne pas en tenir compte. Nonobstant les statuts différents entre les congés payés, les RTT et les jours de repos, cette question est sensible.
Renversons votre raisonnement, monsieur Guerini. Qu'est-ce qui empêche que ce soit le cas ? Cette question est importante. Les salariés sont angoissés par la situation actuelle sur de nombreux plans. Les RTT et les jours de repos sont un sujet délicat. Il serait enrichissant que la référence à l'accord d'entreprise ou de branche s'applique de la même manière, afin de rassurer les salariés, et que l'ensemble du pays adhère à ces mesures assez inédites. Nous pourrions faire oeuvre utile.
Dans la mesure du possible, cette proposition peut être intéressante...
Hier, la réponse de la ministre du travail nous a satisfaits. Restons-en là !
Cette disposition de l'article 7 porte sur un point extrêmement technique qui concerne les délais de prévenance sur l'utilisation des RTT et des jours de repos, et non sur les contrats. Sa rédaction n'est pas d'une clarté totale, il faut la relire trois fois avant de comprendre...
J'étais favorable à cette idée, et je m'étais réjoui que, concernant les congés payés, nous nous en remettions à un accord et que nous fassions confiance aux partenaires sociaux. L'objet du débat porte non pas sur la nature du compte épargne-temps (CET), ce qui est l'argument de la ministre, mais sur les délais de prévenance.
Toutefois, si l'on adopte la proposition de rédaction de M. Sueur, nous devrons aussi modifier la fin de l'alinéa, puisqu'il vise également le statut général de la fonction publique.
Ne refaisons pas l'intégralité du débat d'hier avec la ministre ! Dans les usages, il y a une directivité plus forte des entreprises dans l'utilisation des RTT et du compte épargne-temps que pour les congés payés. Nous voulons reproduire la même directivité de l'entreprise sur l'utilisation par les salariés de ces jours, étant acquis qu'il ne s'agit aucunement de supprimer des congés payés ou des RTT, mais d'en imposer l'utilisation.
En ces temps de crise, il n'est pas déraisonnable que l'employeur garde la main sur l'utilisation potentielle des RTT et sur le délai de prévenance pour les utiliser.
La proposition de rédaction n°8 de M. Sueur et Mme de la Gontrie n'est pas adoptée.
L'article 7 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 7 ter
Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, concerne les Français expatriés, qu'il convient de mieux accompagner dans cette crise sanitaire.
L'article 7 ter est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 9
L'article 9 est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 11 bis
L'article 11 bis est adopté dans la rédaction de l'Assemblée nationale.
Article 13
Nous avons débattu du contrôle parlementaire, qui portera plus spécifiquement sur l'état d'urgence sanitaire en application de l'article 5 du projet de loi.
Puisque cela a été adopté par la commission mixte paritaire, fort logiquement, et non sans regret, je pense retirer ma proposition de rédaction.
Pourquoi la retirer ?
Le contrôle parlementaire, qui avait été fort pertinemment voté par le Sénat, visait l'ensemble du texte. Ce n'est pas ce qui a été décidé lors de l'examen de l'article 5, qui se limite au contrôle de l'état d'urgence sanitaire.
Monsieur le président, c'est intéressant : vous allez demander au président du Sénat d'intervenir auprès du Gouvernement pour qu'il obtienne ce que nous voulons inscrire dans l'article 13 ! Remplissons notre rôle de législateur, et inscrivons-le dans la loi plutôt que dans un courrier du président du Sénat.
Comme le groupe socialiste et républicain est un groupe pluraliste, avec de nombreux débats, je prends en compte l'avis de ma collègue.
J'avais cru comprendre que la position de la commission mixte paritaire sur l'article 5 impliquait que notre proposition de rédaction de l'article 13 ne serait pas adoptée... Mais il peut être bon qu'il y ait un vote pour que chacun prenne ses responsabilités, car Mme de la Gontrie a raison : l'objet n'est pas le même. Je maintiens donc cette proposition de rédaction pour préserver l'unité socialiste à laquelle je suis attaché depuis 1905 !
La proposition de rédaction n° 9 de M. Sueur et de Mme de la Gontrie n'est pas adoptée.
L'article 13 est supprimé.
Les parlementaires qui ne veulent pas exercer leur contrôle, c'est un grand moment que nous venons de vivre !
Permettez-moi de revenir à l'article 1er du projet de loi, dont les dispositions figurent désormais dans un nouvel article 11 ter.
Nous avions indiqué que toute élection au premier tour « reste acquise ». Notre rédaction n'aurait-elle pas pour conséquence de rendre acquises des élections qui devraient être annulées par le juge électoral, par exemple en raison du rejet d'un compte de campagne ?
Cette remarque est très pertinente. Je le préciserai en séance afin d'affirmer la volonté du législateur. C'est une conséquence qu'on ne saurait tirer de la rédaction que nous avons adoptée. Mieux vaut lever toute ambiguïté, je vous remercie de l'avoir rappelée.
En réalité, cela va de soi, mais ne laissons aucun doute sur le sujet. Il suffirait, au paragraphe visé, d'ajouter après les mots : « reste acquise », les mots « sauf recours devant le juge de l'élection ». Mais peut-être cette formulation est-elle trop large...
Précisons aussi : « et décision de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ».
Non, car seul le juge peut annuler une élection.
Pour éviter toute confusion, nous pourrions écrire que l'élection « régulière » reste acquise, le juge électoral annulant les scrutins irréguliers.
Il en est ainsi décidé.
Je vous propose de confirmer le déplacement du titre Ier du projet de loi, qui serait reporté avant le titre IV, comme nous l'avait proposé Alain Richard.
En conséquence, l'article 1er serait supprimé, ses dispositions étant insérées dans un nouvel article 11 ter. Idem pour les articles 2 et 3, qui deviendraient respectivement les articles 11 quater et 11 quinquies.
Il en est ainsi décidé.
Il me reste un doute : dans quel titre figure l'article 7, qui habilite le Gouvernement à prendre plus d'une vingtaine d'ordonnances ? Il me semble qu'il comporte des habilitations relevant de tous les titres. Il faudrait peut-être soit le mettre dans un titre intermédiaire, soit modifier le titre IV.
Cet article figure déjà dans un titre transversal, intitulé : « Mesures d'urgence économique et d'adaptation à la lutte contre l'épidémie de Covid-19 ».
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
La réunion est close à 15 h 05.