Intervention de Frédérique Vidal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 6 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation par téléconférence

Frédérique Vidal, ministre :

Le consortium REACTing, qui nous a permis de figurer parmi les premiers pays, dès février dernier, à proposer une réponse en termes de recherche, a reçu des financements destinés à l'amorçage de projets. Le principe est le même pour les appels Flash de l'ANR. Le comité scientifique de l'ANR a examiné les propositions et a estimé que quarante-quatre d'entre elles devaient être lancées, avec un financement immédiat. Pour les autres, des investigations supplémentaires sont nécessaires sur le plan de la solidité scientifique et de la bibliographie. Le pire en cette période serait de financer des recherches dont il a déjà été démontré qu'elles étaient inefficaces. Il ne s'agit pas d'un problème financier, puisque l'objectif est de soutenir tous les projets nécessaires : 65 % des projets REACTing sont financés et plus de 30 % de ceux de l'ANR.

Les organismes de recherche ont, sur leurs crédits de base, directement abondé plusieurs laboratoires dans lesquels des chercheurs travaillent sur ces sujets depuis longtemps et ont besoin de moyens supplémentaires. Quant aux projets présentés via les appels Flash de l'ANR, de l'ANRS et de REACTing, ce sont de nouvelles propositions de sujets de recherche.

Il faut donc distinguer les projets des équipes travaillant de longue date sur les coronavirus, financés par les organismes de recherche, et ceux de toute personne souhaitant proposer une idée nouvelle, lesquels sont soutenus dans le cadre des appels Flash de l'ANR ; enfin, les projets portant sur un nouveau protocole thérapeutique ou une nouvelle molécule attestée sont lancés par REACTing.

Nous essayons, au fur et à mesure que des molécules sont incluses dans les essais cliniques, de veiller à l'approvisionnement en matières premières ou en molécules elles-mêmes, si celles-ci ne sont pas fabriquées par des sociétés pharmaceutiques ayant au moins un laboratoire en France. La situation est très compliquée, car ces sujets sont mondiaux et tous les pays font de même. Pour cette raison, nous nous efforçons de mener un travail d'approvisionnement coordonné au niveau européen. C'est nécessaire, car, si nous commandons 10 000 doses d'un médicament tandis que les États-Unis en commandent 3 millions, nous passerons toujours derrière !

Même lorsque des commandes fermes sont passées, il arrive que les sociétés pharmaceutiques soient elles-mêmes en rupture de stock de plusieurs produits et nous annoncent des retards de livraison ; ce fut le cas pour certains tests. La tension mondiale sur les matières premières complique encore les choses.

S'agissant des tests sérologiques, que proposent de nombreuses compagnies étrangères et françaises, notamment des start-up, CARE examine leurs bases scientifiques et, si elles sont valides, un premier test, rapide, est fait sur des sérums de patients dans les CHU et laboratoires français. Les tests qui « passent » cette première étape sont transmis aux centres nationaux de référence (CNR), qui les valident définitivement.

Il faut être attentif, à la fois, à la spécificité - en effet, les coronavirus sont responsables de tous les rhumes de printemps - et à la sensibilité, en déterminant le nombre de faux positifs et de faux négatifs. Les premiers sont assez rares, mais les seconds peuvent exister puisque la réponse immunitaire de chaque individu est variable. Une analyse « macro » est faite sur place dans les CHU, puis une autre, plus complète, dans les CNR de Pasteur ou de Lyon. Nous envisageons d'habiliter certains CHU à faire ces tests complets, lesquels permettent de vérifier que les anticorps ainsi détectés sont protecteurs, c'est-à-dire capables de bloquer la propagation du virus dans des boîtes de culture. En effet, certains tests détectent des anticorps, mais il ne s'agit pas d'anticorps dits protecteurs. Cette manipulation prend trois ou quatre jours.

Plusieurs tests ayant déjà suivi ce processus de validation sont en cours de commande. Lorsqu'ils sont produits en France par des laboratoires ou des start-up, nous organisons la chaîne de production, travaillons avec le ministère de l'économie et des finances, notamment avec Mme Agnès Pannier-Runacher, qui est chargée de ce dossier, si nécessaire en réorientant des chaînes dédiées à d'autres types de tests, afin d'anticiper une phase industrielle.

Pour ce qui concerne les tests cliniques, CARE travaille sur un protocole-type, afin que tout hôpital ou tout médecin généraliste qui voudrait y participer puissent le faire en suivant une procédure normalisée. Cela permettra de conglomérer ensuite l'ensemble des résultats et de faire de la méta-analyse. Il y aura un protocole-type pour des essais en hôpital et un autre pour la médecine de ville.

J'en viens aux essais cliniques en cours. La première analyse consiste à examiner s'il est nécessaire d'arrêter une branche de ces essais parce qu'elle aurait des effets néfastes pour la santé. Pour l'instant, cela ne s'est pas produit. Les résultats sont envoyés à des statisticiens, qui établissent une analyse indépendante, dans le cadre d'une procédure qui est la plus rigoureuse possible sur le plan scientifique.

De nombreuses technologies émergent, que CARE est chargé de valider scientifiquement et qui sont financées directement. Sur la base des travaux disponibles dont la synthèse, faite par CARE, est transmise au conseil scientifique, celui-ci proposera des stratégies en matière de santé publique. Il est donc important, pour faire le lien, que des personnes siègent dans les deux instances.

S'agissant du financement de la recherche, le Président de la République a annoncé qu'y seraient consacrés 5 milliards d'euros supplémentaires par an. Aujourd'hui, 15 milliards d'euros par an sont investis dans ce domaine. Pour passer à 20 milliards annuels, des étapes successives sont prévues. Au total, 25 milliards d'euros seront investis sur dix ans.

Le Premier ministre me l'a confirmé ce matin : dès que le calendrier parlementaire le permettra, le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche sera soumis au Parlement. Il est néanmoins très important - c'est le sens de l'annonce du Président de la République - que nous puissions lancer les premiers investissements dès 2021, que la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ait été votée ou pas. Nous prévoyons, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, une première augmentation de 400 millions d'euros pour la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires).

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