Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 6 avril 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cette deuxième partie de l'audition de Mme Vidal, commencée mercredi dernier, sera surtout consacrée à la recherche, mais nous reviendrons d'abord sur la situation de l'enseignement supérieur. Nous aimerions aussi savoir comment se déroule le processus Parcoursup cette année, au vu notamment de la décision que vient de rendre le Conseil constitutionnel à ce sujet.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Je veux pour commencer vous faire un bref exposé de la situation actuelle dans l'enseignement supérieur. Pour assurer la continuité pédagogique, l'immense majorité des établissements sont passés aux formations à distance. Quant aux examens, trois modalités seront retenues, en fonction des exigences de chaque formation : l'évaluation se fera le plus souvent par contrôle continu ou remise de dossiers ; pour certaines matières où des épreuves écrites sont nécessaires, on étudie la possibilité d'examens à distance ; enfin, dans les rares cas où une présence physique est indispensable, notamment dans les filières sportives, un report de ces épreuves est envisagé.

Pour ce qui est des concours, une proposition a été élaborée sous l'égide de Mme Caroline Pascal, doyenne de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche. L'objectif est le report de toutes les épreuves écrites de ces concours. Le dispositif est presque prêt pour les épreuves de première année commune aux études de santé (Paces) et les épreuves classantes nationales (ECN) ; il est en cours de finalisation pour tous les concours de grandes écoles, d'écoles de commerce et d'écoles d'ingénieurs.

Concernant l'application Parcoursup, nous allons clôturer la phase de préinscription et de confirmation des voeux par les futurs étudiants. Nous avons fourni aux proviseurs et aux professeurs principaux la liste des élèves de terminale n'ayant confirmé aucun voeu, afin qu'ils puissent les contacter directement et, s'il s'agit d'un simple problème de connexion, prendre la main pour s'assurer que ces élèves ne soient pas exclus du dispositif. On le faisait déjà l'an dernier, mais cela revêt une importance toute particulière dans les circonstances actuelles. Le processus sera terminé au milieu de cette semaine ; les dossiers seront ensuite envoyés aux établissements.

J'en viens à la recherche. Plusieurs dispositifs ont été mis en place. Il est désormais possible pour les organismes de recherche d'abonder directement les laboratoires dont le rôle peut être essentiel dans la gestion de la crise du Covid-19. Des dispositifs spécifiques ont été ouverts, au-delà des financements attribués par le biais de REACTing à l'ensemble des organismes de recherche et, notamment, à l'alliance Aviesan. Des fonds sont attribués par l'Agence nationale de la recherche (ANR) au travers du dispositif Flash, qui permet un examen accéléré des dossiers. L'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) est également impliquée afin de développer des programmes d'aide et d'analyse épidémiologique à destination des pays du Sud. Citons enfin les programmes hospitaliers de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP), qui dépendent du ministère de la santé. Au total, 50 millions d'euros ont déjà été débloqués pour soutenir l'ensemble de ces projets.

Les essais cliniques déclarés sont massifs, mais nous observons aussi beaucoup d'initiatives prises directement par les équipes médicales de recherche dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). Nous essayons d'avoir une vision globale de ces actions. Le ministère de la santé nous transmet un maximum d'informations afin que nous disposions des résultats cliniques des différents traitements utilisés par les médecins.

En plus du conseil scientifique qui aide le Gouvernement et le Président de la République à formuler et mettre en oeuvre les politiques publiques annoncées, nous avons créé un comité chargé d'une mission d'expertise ; nous lui renvoyons toutes les demandes des laboratoires publics et privés en matière, notamment, de tests sérologiques. Nous lui avons aussi demandé un travail de veille internationale afin d'identifier, au fur et à mesure qu'ils apparaissent, les différents outils de diagnostic et de sérologie. Cette démarche est articulée au sein d'une cellule de crise interministérielle : nous travaillons avec des représentants des ministères de la santé et de l'économie pour sécuriser les besoins potentiels en réactifs et passer au plus vite les commandes nécessaires : n'oublions pas qu'une pression mondiale s'exerce sur ces produits.

Je veux enfin aborder la question de l'aide aux étudiants. Nous avons mis en place, au travers du service de santé universitaire et en liaison avec les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), un dispositif de surveillance sanitaire de ceux d'entre eux qui demeurent dans les cités universitaires. Nous avons également pris des dispositions pour qu'ils puissent être aidés financièrement, en particulier s'ils ont perdu les rémunérations qu'ils percevaient au titre d'un stage ou d'un emploi étudiant et ne bénéficient pas des dispositifs de chômage partiel ou d'aide aux auto-entrepreneurs mis en place par le ministère du travail.

Ces démarches sont organisées par les Crous, en liaison avec les associations étudiantes : des référents sont désignés dans chaque résidence ; au travers de groupes sur les réseaux sociaux, ils vérifient notamment, en lien avec les services de santé, qu'aucun des résidents ne présente de symptômes. Quelques cas de Covid-19 ont été identifiés dans les résidences universitaires ; ces étudiants sont systématiquement transférés dans des studios dotés de blocs sanitaires et de cuisines, de manière à ce qu'ils puissent rester à la fois confinés et approvisionnés. Heureusement, dans la plupart des cas, les symptômes connaissent vite une évolution satisfaisante, mais une surveillance constante est nécessaire. Le dispositif d'alerte élaboré par les Crous en lien avec les associations semble fonctionner, mais notre attention sur ce point demeure toute particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Nous devons rester vigilants quant aux conditions de vie de tous les étudiants : ceux qui demeurent dans les résidences universitaires, certes, mais aussi ceux du parc privé qui, confinés comme tout le monde, ont, pour beaucoup d'entre eux, perdu les petits boulots qui leur permettaient de vivre. Certains étudiants rencontrent des difficultés préoccupantes. Dans les résidences universitaires de ma région, je constate une vraie vigilance sanitaire et un repérage des étudiants en difficulté économique, mais je veux attirer votre attention sur leur extrême précarisation : certains étudiants peuvent même rencontrer des difficultés alimentaires. Nous devons trouver les outils nécessaires pour les accompagner au mieux.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

L'objectif est que tous les étudiants soient dans le radar. Nous avons demandé aux établissements de leur envoyer des informations ; nous sommes aussi passés par les Crous, qui disposent des adresses et numéros de téléphone de tous les étudiants. Nous allons essayer de mettre en place, pour les étudiants résidant dans le parc privé, un système similaire à celui qui fonctionne dans les résidences universitaires : de petits groupes animés par un étudiant référent chargé de déterminer si certains rencontrent des difficultés particulières. Des aides spécifiques s'ajouteront à la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) pour venir en aide à tous, boursiers ou non : on sait en effet que ce sont les étudiants qui sont juste au-dessus du plafond des bourses, ou ne touchent qu'une petite bourse, qui dépendent le plus des emplois étudiants et souffrent donc le plus de leur disparition. Nous essayons en tout cas d'utiliser le plus possible les réseaux sociaux pour le signalement de difficultés au sein de groupes d'étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Qu'en est-il des étudiants du programme Erasmus qui ont dû revenir en France ? Pourront-ils retourner dans leur pays d'accueil ? Comment le second semestre de cette année d'études sera-t-il validé ? Y aura-t-il une approche harmonisée à l'échelon européen, ou bien leur sort dépendra-t-il de conventions particulières par pays, voire par université ou école ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP) a produit des fiches afin d'offrir aux établissements des cadrages généraux et de proposer des solutions. Il est très peu probable que ces étudiants repartent cette année à l'étranger. Demain doit se tenir une première réunion entre ministres européens chargés de l'enseignement supérieur et de la recherche ; nous aurons des échanges sur ce sujet, afin d'harmoniser nos approches. Nous faisons passer aux établissements des messages de bienveillance : il faut que ces étudiants soient le moins pénalisés possible. Les étudiants étrangers rentrés de France chez eux bénéficient de l'enseignement à distance ; la réciproque n'est pas toujours vraie. Un bilan sera fait au niveau européen dans les jours qui viennent. Du moins, en France, tous les établissements savent que les dispositions prises dans l'ordonnance relative à l'organisation des examens et concours leur donnent toute latitude pour adapter, au bénéfice de l'étudiant, les modalités de contrôle des connaissances.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Pouvez-vous nous éclairer davantage sur Parcoursup ? Le Conseil constitutionnel a rendu une décision très attendue sur la nécessaire transparence des traitements algorithmiques utilisés pour le classement des dossiers de candidature. C'est d'ailleurs le sens d'un courrier que je vous avais adressé, à la suite des travaux de notre collègue Jacques Grosperrin sur le suivi de l'application de la loi sur l'orientation et la réussite des étudiants. Vous nous avez dit que le processus Parcoursup pour cette année est déjà bien avancé. Cette décision intéressante du Conseil constitutionnel reconnaît le principe du secret des délibérations, mais insiste sur la nécessité d'une meilleure communication des critères ayant présidé aux décisions. Au vu de cette décision, comment prenez-vous contact avec les établissements pour vous assurer qu'il y aura une véritable transparence sur ces critères, comme notre commission l'avait d'ailleurs déjà demandé ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Je veux donner quelques chiffres sur Parcoursup. La phase de saisine et de confirmation des voeux est terminée. On relève plus de candidats et de voeux que l'année dernière, le système a fonctionné : 948 000 candidats ont confirmé au moins un voeu, - ils étaient environ 900 000 l'an dernier. 91,1 % des voeux et des sous-voeux sont confirmés, soit près d'un point de plus que l'an dernier. Cette hausse concerne tous les types de bacheliers : + 1,82 % pour les bacheliers généraux, + 2,26 % pour les bacheliers des voies technologiques et + 7,2 % pour les bacheliers professionnels. Le nombre de demandes de confirmation de voeux en réorientation augmente également. Les reprises d'études sont gérées à part, cette année, grâce à l'application Parcourplus ; celle-ci est utilisée par des candidats qui ont, pour 85 % d'entre eux, déjà exercé une activité professionnelle. Nous avons aussi vérifié l'absence de problèmes particuliers outre-mer, notamment en Guyane - 95 % ont confirmé au moins un voeu ; nous attendons des informations concernant Mayotte, seconde collectivité où des difficultés ont été rencontrées par le passé.

La décision du Conseil constitutionnel répond bien à une demande que vous aviez déjà formulée. Nous avons informé les établissements qu'ils devront expliquer la façon dont ils auront classé les étudiants, dans les filières sélectives, ou délivré les « Oui » et les « Oui si » dans les filières non sélectives. Chaque jury devra produire un compte rendu de ses délibérations et indiquer les critères utilisés. Pour leur faciliter la tâche, nous avons rédigé un modèle d'explication des critères que nous mettons à disposition des établissements dans le cadre de l'aide à la décision fournie dans Parcoursup ; chaque établissement pourra y ajouter les critères spécifiques qu'il emploie. Cela sera particulièrement important cette année au vu du nombre d'écoles qui sélectionneront exceptionnellement leurs étudiants, non par concours, mais sur dossier du fait des circonstances sanitaires. Le Conseil constitutionnel rappelle également que la procédure n'est pas complètement automatisée et qu'il faudra donc, à l'issue des délibérations, expliquer comment celles-ci se seront tenues et comment les classements auront été établis. Nous avons élaboré par anticipation les outils nécessaires ; quand un établissement utilise plutôt les siens, nous travaillons avec lui ; nous lui expliquons, désormais à distance et non plus in situ, comment rédiger les critères utilisés. C'est l'un des rôles de la cellule « Parcoursup ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Que de temps perdu ! Cela fait un moment que le Sénat demande une telle transparence ; le Gouvernement aurait pu l'écouter. Maintenant, il doit s'y employer au moment même d'une crise majeure ! Les enseignants expriment une grande inquiétude quant à l'emploi des traitements algorithmiques. Chacun voit dans la décision du Conseil constitutionnel la justification de son propre point de vue, mais je regrette en tout cas le manque d'anticipation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Évoquons à présent la recherche, secteur qui est au coeur de la crise sanitaire que nous subissons. Nous apportons notre soutien plein et entier à la communauté des chercheurs, très mobilisés en première ligne. L'attente est très forte sur les traitements thérapeutiques, les tests de dépistage et les vaccins sur lesquels travaillent nos chercheurs. Le moment est propice pour un premier bilan.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Une série de projets de recherche sur le Covid-19 a déjà été sélectionnée dans le cadre du consortium REACTing et du projet Flash de l'ANR ; une deuxième vague devrait suivre. Les moyens alloués par le Gouvernement à ces projets, déjà conséquents - 58 millions d'euros -, devront encore être ajustés en fonction des besoins. Quid des projets qui n'ont pas été retenus dans ces sélections, mais présentent un intérêt scientifique ? Comment pourront-ils bénéficier de financements ?

Vous affirmez que la loi d'urgence permet de simplifier et d'accélérer les procédures de recherche : comment cela se traduit-il ? Quelles adaptations sont prévues ? Le Comité analyse, recherche et expertise (CARE) présidé par Mme Barré-Sinoussi se prononce-t-il sur ces modifications de procédure ?

Quant aux essais thérapeutiques en cours, que se passera-t-il si l'une des molécules testées s'avère efficace ? Comment agira-t-on collectivement ? L'Institut Pasteur, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) travaillent d'arrache-pied sur des vaccins, mais aussi sur des tests de diagnostic et de sérologie, enjeux essentiels pour le déconfinement. Comment les décisions seront-elles prises entre les groupes de chercheurs et les différents comités ?

Cette crise montre qu'on a besoin d'une recherche française et européenne. Le Président de la République a annoncé une augmentation des moyens alloués à la recherche à hauteur de 5 milliards d'euros annuels sur dix ans. Ce n'est qu'un premier pas, encore insuffisant pour voir le budget de la recherche atteindre 1 % du PIB. En savez-vous un peu plus sur le devenir du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche ? Verra-t-il bientôt le jour en dépit du calendrier parlementaire bouleversé des prochains mois, ou bien faudra-t-il passer par le projet de loi de finances pour 2021 pour faire adapter les premières mesures nécessaires en la matière ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Le consortium REACTing, qui nous a permis de figurer parmi les premiers pays, dès février dernier, à proposer une réponse en termes de recherche, a reçu des financements destinés à l'amorçage de projets. Le principe est le même pour les appels Flash de l'ANR. Le comité scientifique de l'ANR a examiné les propositions et a estimé que quarante-quatre d'entre elles devaient être lancées, avec un financement immédiat. Pour les autres, des investigations supplémentaires sont nécessaires sur le plan de la solidité scientifique et de la bibliographie. Le pire en cette période serait de financer des recherches dont il a déjà été démontré qu'elles étaient inefficaces. Il ne s'agit pas d'un problème financier, puisque l'objectif est de soutenir tous les projets nécessaires : 65 % des projets REACTing sont financés et plus de 30 % de ceux de l'ANR.

Les organismes de recherche ont, sur leurs crédits de base, directement abondé plusieurs laboratoires dans lesquels des chercheurs travaillent sur ces sujets depuis longtemps et ont besoin de moyens supplémentaires. Quant aux projets présentés via les appels Flash de l'ANR, de l'ANRS et de REACTing, ce sont de nouvelles propositions de sujets de recherche.

Il faut donc distinguer les projets des équipes travaillant de longue date sur les coronavirus, financés par les organismes de recherche, et ceux de toute personne souhaitant proposer une idée nouvelle, lesquels sont soutenus dans le cadre des appels Flash de l'ANR ; enfin, les projets portant sur un nouveau protocole thérapeutique ou une nouvelle molécule attestée sont lancés par REACTing.

Nous essayons, au fur et à mesure que des molécules sont incluses dans les essais cliniques, de veiller à l'approvisionnement en matières premières ou en molécules elles-mêmes, si celles-ci ne sont pas fabriquées par des sociétés pharmaceutiques ayant au moins un laboratoire en France. La situation est très compliquée, car ces sujets sont mondiaux et tous les pays font de même. Pour cette raison, nous nous efforçons de mener un travail d'approvisionnement coordonné au niveau européen. C'est nécessaire, car, si nous commandons 10 000 doses d'un médicament tandis que les États-Unis en commandent 3 millions, nous passerons toujours derrière !

Même lorsque des commandes fermes sont passées, il arrive que les sociétés pharmaceutiques soient elles-mêmes en rupture de stock de plusieurs produits et nous annoncent des retards de livraison ; ce fut le cas pour certains tests. La tension mondiale sur les matières premières complique encore les choses.

S'agissant des tests sérologiques, que proposent de nombreuses compagnies étrangères et françaises, notamment des start-up, CARE examine leurs bases scientifiques et, si elles sont valides, un premier test, rapide, est fait sur des sérums de patients dans les CHU et laboratoires français. Les tests qui « passent » cette première étape sont transmis aux centres nationaux de référence (CNR), qui les valident définitivement.

Il faut être attentif, à la fois, à la spécificité - en effet, les coronavirus sont responsables de tous les rhumes de printemps - et à la sensibilité, en déterminant le nombre de faux positifs et de faux négatifs. Les premiers sont assez rares, mais les seconds peuvent exister puisque la réponse immunitaire de chaque individu est variable. Une analyse « macro » est faite sur place dans les CHU, puis une autre, plus complète, dans les CNR de Pasteur ou de Lyon. Nous envisageons d'habiliter certains CHU à faire ces tests complets, lesquels permettent de vérifier que les anticorps ainsi détectés sont protecteurs, c'est-à-dire capables de bloquer la propagation du virus dans des boîtes de culture. En effet, certains tests détectent des anticorps, mais il ne s'agit pas d'anticorps dits protecteurs. Cette manipulation prend trois ou quatre jours.

Plusieurs tests ayant déjà suivi ce processus de validation sont en cours de commande. Lorsqu'ils sont produits en France par des laboratoires ou des start-up, nous organisons la chaîne de production, travaillons avec le ministère de l'économie et des finances, notamment avec Mme Agnès Pannier-Runacher, qui est chargée de ce dossier, si nécessaire en réorientant des chaînes dédiées à d'autres types de tests, afin d'anticiper une phase industrielle.

Pour ce qui concerne les tests cliniques, CARE travaille sur un protocole-type, afin que tout hôpital ou tout médecin généraliste qui voudrait y participer puissent le faire en suivant une procédure normalisée. Cela permettra de conglomérer ensuite l'ensemble des résultats et de faire de la méta-analyse. Il y aura un protocole-type pour des essais en hôpital et un autre pour la médecine de ville.

J'en viens aux essais cliniques en cours. La première analyse consiste à examiner s'il est nécessaire d'arrêter une branche de ces essais parce qu'elle aurait des effets néfastes pour la santé. Pour l'instant, cela ne s'est pas produit. Les résultats sont envoyés à des statisticiens, qui établissent une analyse indépendante, dans le cadre d'une procédure qui est la plus rigoureuse possible sur le plan scientifique.

De nombreuses technologies émergent, que CARE est chargé de valider scientifiquement et qui sont financées directement. Sur la base des travaux disponibles dont la synthèse, faite par CARE, est transmise au conseil scientifique, celui-ci proposera des stratégies en matière de santé publique. Il est donc important, pour faire le lien, que des personnes siègent dans les deux instances.

S'agissant du financement de la recherche, le Président de la République a annoncé qu'y seraient consacrés 5 milliards d'euros supplémentaires par an. Aujourd'hui, 15 milliards d'euros par an sont investis dans ce domaine. Pour passer à 20 milliards annuels, des étapes successives sont prévues. Au total, 25 milliards d'euros seront investis sur dix ans.

Le Premier ministre me l'a confirmé ce matin : dès que le calendrier parlementaire le permettra, le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche sera soumis au Parlement. Il est néanmoins très important - c'est le sens de l'annonce du Président de la République - que nous puissions lancer les premiers investissements dès 2021, que la loi de programmation pluriannuelle de la recherche ait été votée ou pas. Nous prévoyons, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, une première augmentation de 400 millions d'euros pour la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (Mires).

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Je suis heureux d'entendre que la décision du Conseil constitutionnel nous satisfait tous les deux. Les Sages nous réunissent !

L'Allemagne a engagé 3,5 milliards d'euros dès 2020 pour financer les équipements médicaux, la recherche d'un remède et d'un vaccin, et vient d'affecter 150 millions d'euros pour la constitution d'un réseau de recherche de médecine universitaire confié à l'équivalent du CHU de Berlin. La France a, quant à elle, débloqué 8 millions d'euros, et vous annoncez un fonds d'urgence doté de 50 millions : cet effort est un cran au-dessous de celui de nos voisins allemands.

Les laboratoires qui sont actuellement sur le front de la recherche insistent sur la nécessité de mettre aux normes leurs équipements et outils de recherche. Tandis qu'un laboratoire chinois travaillant sur le coronavirus dispose de deux cryomicroscopes électroniques valant chacun 5 millions d'euros, les laboratoires de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) en demandent depuis quatre ans un plus petit, valant 2 millions d'euros, sans réponse pour l'instant. Sans budget supplémentaire, il sera très difficile pour ces organismes de mettre leurs matériels à niveau, et donc de trouver des financements.

Je vous approuve sur la nécessité de faire une pleine confiance aux laboratoires, chercheurs et organismes de recherche, sans passer par les appels à projets, dans la situation actuelle d'urgence. Comment leur donner très rapidement les moyens de résoudre leurs problèmes d'équipements ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Nous consacrons 4 milliards d'euros au déploiement du volet clinique et au développement de médicaments, que l'Allemagne finance à hauteur de 3,5 milliards. Nous sommes donc dans le même ordre de grandeur.

Pour ce qui est du financement de recherche, je rappelle que l'Allemagne comptabilise toujours en coûts complets, en incluant les salaires qui, chez nous, sont pris en charge par d'autres lignes. Les 50 millions d'euros dédiés au fonctionnement et à l'investissement que nous débloquons, sachant que 1 500 à 2 000 chercheurs travaillent sur le Covid-19, sont donc comparables aux crédits allemands dans ce domaine. Nous avons débloqué 8 millions d'euros début mars, puis 16 millions supplémentaires lors des dernières semaines. Nous réitérons ces opérations autant que de besoin.

L'acquisition de matériels est bien sûr nécessaire, mais il faut beaucoup de temps pour fabriquer, tester et calibrer un cryomicroscope. Il faudra le faire, et cela est prévu dans la future LPPR. En l'occurrence, ce n'est pas l'urgence du moment, d'autant qu'il y a un cryomicroscope tout à fait utilisable au sein du Centre commun de microscopie appliquée (CCMA), dans mon ancienne université - je connais donc bien le sujet.

Nous agissons dans deux directions différentes : le soutien immédiat et la préparation de l'avenir. Nous soutenons ainsi des programmes de recherche permettant de comprendre le fonctionnement du Covid-19 et d'augmenter la connaissance générale sur les coronavirus. Dans l'immédiat, l'urgence est au repositionnement de médicaments et de thérapies, aux essais cliniques et aux tests. Néanmoins, nous devons également accumuler des connaissances pour le long terme. Nous avons ainsi ouvert à travers l'ANR la possibilité de financer des projets à plus longue échéance.

On a trop négligé lors des trente dernières années l'accumulation de connaissances. La LPPR aura pour objet d'y remédier dans tous les champs disciplinaires, et pas seulement pour la santé. Nous aurons besoin, par exemple, de programmes de recherche de sociologie et d'anthropologie afin d'analyser les comportements en période de confinement ou lorsque le virus, ayant quitté l'Europe, continuera de sévir sur d'autres continents. Les projets financés relèvent donc pour un tiers des sciences humaines et sociales, dont le rôle est de penser et comprendre ces phénomènes. Il faut à la fois gérer l'urgence et respecter le temps de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

L'épisode que nous traversons met en lumière la nécessité de mettre en cohérence tous les champs de la recherche, et nous constatons qu'il vous importe d'en trouver les voies et moyens. Le comité scientifique protocolise de façon adaptée à la situation et met en place une normalisation.

La LPPR devra trouver, hors des orientations majeures, des organismes institutionnels et des appels à projets, la façon de financer les projets et de s'irriguer de la connaissance produite par des équipes de recherche qui ont emprunté des chemins de traverse, mais qui étaient autrefois accompagnées sur le long terme. Rappelons que les grandes innovations ne sont pas toujours sorties des laboratoires les plus importants.

Comment saisir ces opportunités de la recherche « hors cadre » au travers de la LPPR et quelle part y sera dévolue ? On a reproché aux appels à projets d'être court-termistes, alors qu'une grande part de la recherche repose sur le temps long et les études multicentriques. Une cohorte, par exemple, sur le plan médical, ne s'étend pas sur cinq, mais sur vingt ans. Quelle en sera la traduction financière et organisationnelle ? Des comités scientifiques ne pourraient-ils pas être nommés, sur le modèle de CARE, pour recueillir la connaissance la plus exhaustive possible de la recherche française et mondiale, et associer recherches académique et hors cadre ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Le budget actuel de la recherche s'élève à environ 15 milliards d'euros, mais 1,5 milliard seulement relève de l'ANR. Tout ne se fait donc pas sur la base d'appels à projets, loin de là. Certes, les salaires sont très faibles, mais la LPPR y remédiera. Quant à la politique de réinvestissement, s'agissant notamment du matériel, elle est perfectible. Il n'en reste pas moins que la France figure parmi les pays qui financent le plus la recherche hors-cadre. Ne confondons pas les appels à projets de l'ANR et la recherche finalisée. L'Agence finance aussi la recherche sur le Big Bang et les trous noirs ! Si la finalité de ces études n'est pas évidente, ces recherches n'en demeurent pas moins essentielles car elles apportent de la connaissance !

La veille est permanente sur la qualité scientifique de la recherche effectuée dans les laboratoires, sous l'autorité des conseils scientifiques des organismes et des universités. Dans la situation de crise que nous connaissons, après la première étape de sidération est venue celle de la mise en ébullition, dont nous devons tirer parti pour organiser et coordonner les initiatives. Il ne sert à rien que chacun ait des idées fabuleuses dans son coin, il faut s'associer pour aller plus vite.

Le rôle de CARE est d'assurer cette veille nationale et internationale. Ce comité, essentiel, est un instrument de guerre, qui fonctionne ainsi du fait du caractère exceptionnel de la période. L'organisation est énorme, mais la communauté des chercheurs ne demande qu'à participer. Ainsi, de même que des médecins acceptent de pratiquer des gestes infirmiers dans les services de réanimation, des sommités de la recherche fabriquent du gel hydroalcoolique...

Cela ne nous empêche pas de réfléchir, et nous le faisons depuis un an, à la question de l'investissement nécessaire dans la recherche en temps normal. Nous nous interrogeons ainsi sur l'identification plus rapide des laboratoires capables de fabriquer des primers pour la RT-PCR - Reverse transcriptase polymerase chain reaction. Il y a une tension mondiale sur les primers, mais aussi des synthétiseurs dans nos laboratoires : comment les réorienter ?

Les laboratoires ont aussi donné beaucoup de réactifs et de consommables aux hôpitaux, sans poser la question du remboursement. Il y a un élan ! Dans le même temps, des équipes espèrent être les premières au monde à comprendre comment fonctionne le virus. Le monde de la recherche est le mélange de ces deux démarches.

Debut de section - PermalienPhoto de Sonia de La Provôté

Il ne s'agit pas de donner des ordres aux équipes et aux organismes, mais de mettre en place des protocoles de base, qui peuvent d'ailleurs être amendés. Dans le domaine de la santé, il est intéressant d'intégrer la médecine de ville. Cette approche pourrait être retenue pour d'autres sujets hors période « de guerre ». La constitution de comités ad hoc permettrait de mettre un coup d'accélérateur et d'assurer une veille dans maints domaines ainsi qu'une plus grande efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Tandis que les étudiants de Paces ont obtenu le report de leur concours, les candidats aux formations paramédicales ne sont pas traités de la même façon. Dans la filière orthophonie, le concours est remplacé par une sélection sur dossier. Or, cette admission, très sélective, nécessite en moyenne deux années d'une préparation spécifique souvent dispensée dans des établissements privés coûteux. Envisagez-vous un report du concours d'accès aux formations paramédicales ?

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

La décision a été prise de remplacer l'ensemble des concours post-bac, y compris dans la filière orthophonie, par une sélection sur dossier. En revanche, pour les concours de la Paces, de l'internat et post-préparatoires aux grandes écoles (post-CPGE), lesquels se déroulent après l'admission dans l'enseignement supérieur, les écrits ont été maintenus.

Cette décision a été précédée d'une discussion avec l'ensemble des écoles. Il fallait être clair pour les élèves et leurs familles. Nous avons essayé de sécuriser au maximum et de diminuer le stress pour tous. Oui, en cette année exceptionnelle, les admissions que vous avez mentionnées se feront sur dossier, un modèle que nous avons retenu depuis l'an dernier pour les concours aux instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Les coûts en ont d'ailleurs été réduits pour ces jeunes, qui n'ont plus à se déplacer dans la France entière pour passer les épreuves ; j'y vois une amélioration du système. Nous devrons en tirer des conclusions générales sur les frais de concours.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je suis préoccupé par les plannings des semaines et des années à venir. On a évoqué la coordination européenne. Lors de la crise Ebola, il avait été décidé de lancer un grand chantier dans le cadre du programme Horizon Europe et les résultats avaient été intéressants. Au-delà du coronavirus, les risques sanitaires de ce type seront récurrents. Il faudra donc mettre en place des structures permanentes à l'échelle européenne afin d'être à la hauteur des États-continents, notamment les États-Unis.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal, ministre

Vous avez raison de souligner l'importance de la réaction européenne. REACTing, créé en 2011 après l'épidémie Zika, est membre d'un consortium européen de veille et de surveillance des épidémies. Ce réseau doit continuer à interagir et travailler même en dehors des périodes d'épidémie, et se mobiliser très rapidement lors d'épidémies pour mettre en place des protocoles de recherche et cliniques.

Il semble que la mobilisation et l'animation de ce réseau aient été moins actives dans les autres pays européens. En France, REACTing bénéficie chaque année de 500 000 euros pour agir au sein de ce consortium, ce qui nous a permis de lancer rapidement des essais cliniques. Nous avons ainsi été le premier pays à inclure des patients dans nos tests. Il faudra porter ce modèle au niveau européen.

L'Union européenne a ouvert un financement spécifique pour le Covid-19, à hauteur de 90 millions d'euros. Plusieurs fonds sont disponibles au niveau européen. Cela fera l'objet des discussions qu'auront demain les ministres de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci, madame la ministre. Nous avons bien saisi votre réflexion et votre plan d'actions. Nous vous apportons tout notre soutien et restons très mobilisés sur ces sujets, notamment celui de la vie étudiante en cette période difficile de révision du baccalauréat et de l'orientation des bacheliers.

Notre commission est très mobilisée sur les problématiques de la recherche. Nous avons organisé des tables rondes avec des chercheurs éminents pour préparer l'avenir. Nous nous doutons que le calendrier parlementaire sera bouleversé, mais nous avons déjà commencé à travailler sur la LPPR. Toutes nos pensées vont à la communauté des chercheurs, des universitaires et des étudiants, aux médecins et à tous ceux qui prêtent main-forte dans les hôpitaux, ainsi qu'aux malades et à leurs familles.

La téléconférence est close à 16 h 30.