Intervention de Elisabeth Borne

Commission des affaires économiques — Réunion du 7 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme élisabeth Borne ministre de la transition écologique et solidaire en téléconférence

Elisabeth Borne, ministre :

Monsieur le Sénateur Daniel Gremillet, la volonté du Gouvernement est bien de mettre en oeuvre la loi « Énergie-climat ». Comme vous l'avez indiqué, la loi d'urgence donne un délai supplémentaire de quatre mois pour prendre les ordonnances prévues. Nous allons être amenés à décaler de quelques mois le volet relatif à l'hydrogène, tout en s'efforçant de limiter ce décalage. Nous sommes très attentifs aux dispositions attendues pour accompagner les fermetures des centrales à charbon ; ces textes seront publiés avant l'été.

Plus généralement, notre philosophie, c'est de s'efforcer de sortir un texte lorsqu'il accompagne une transition, comme pour les centrales à charbon. En revanche, lorsqu'un texte vient bouleverser les pratiques d'un secteur, comme certaines mesures d'application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, nous pourrons repousser les délais.

J'ai rencontré les acteurs des énergies renouvelables, dont vous relayez l'inquiétude. Je leur ai confirmé que les textes pris permettent de prolonger la validité des autorisations de travaux et que des délais supplémentaires pourront être accordés pour les raccordements par rapport à ce qui était prévu dans leur contrats d'achat. Nous pourrons continuer à ajuster les appels d'offres en fonction de nos échanges avec le secteur. Certains acteurs - dont les dossiers étaient prêts - ne souhaitent pas trop différer les appels d'offres, tandis que d'autres réclament au contraire du temps pour se préparer... Sur cette base-là, nous avons publié un calendrier recalé et pourrons éventuellement envisager de fractionner les appels d'offres. En tous cas, nous ferons preuve de beaucoup souplesse pour ne pas pénaliser les porteurs de projet déjà prêts, et accorder des délais supplémentaires aux autres.

Comme l'ont rappelé M. le Sénateur Roland Courteau et Mme le Sénateur Dominique Estrosi Sassone, plus de 85 % des chantiers sont arrêtés dans le BTP. Je ne sais pas si certaines filières ont des questions sur le guide. C'est l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) qui a élaboré toutes ces règles, en lien avec les fédérations professionnelles et en concertation avec les organisations syndicales. Je crois que nous avons aujourd'hui une base solide pour permettre aux chantiers de redémarrer. Par une circulaire aux préfets, j'ai demandé à ce que des chantiers particulièrement urgents soient repris, notamment pour rétablir des infrastructures - je pense à un éboulement sur la ligne du TGV Est, certaines lignes en Île-de-France, une route nationale dans les Pyrénées orientales... Des lignes électriques ont été endommagées à la suite d'intempéries, des centres de stockage de déchets doivent être réaménagés. La priorité est aux chantiers nécessaires à la continuité de l'activité mais les autres chantiers pourront ensuite redémarrer sur la base de ce guide des bonnes pratiques.

Nous avons publié un arrêté prolongeant les dispositifs C2E et en créant de nouveaux, pour les copropriétés et dans le tertiaire. Les ajustements apportés sur les planchers bas visaient à corriger des surcompensations, qui allaient donc au-delà du coût des travaux. Par ailleurs, des cas de fraude étaient signalés sur le « coup de pouce à un euro »... Nous avons souhaité ajuster les dispositifs - pour s'assurer qu'ils couvrent de manière équitable les travaux en question - et repréciser les modalités de contrôle. Loin d'arrêter l'incitation, nous corrigeons le surdimensionnement du calibrage.

Nous sommes très attentifs à la facture énergétique des ménages précaires. J'ai demandé à l'ensemble des fournisseurs d'électricité et de gaz leur appréciation sur les consommations d'énergie. On constate que la consommation de gaz n'a quasiment pas augmenté et que la consommation électrique n'a augmenté que de quelques pourcents. Les factures ne vont donc pas augmenter significativement - mais cela signifie aussi qu'en temps normal, le chauffage fonctionne y compris lorsque les habitants ne sont pas à leur domicile. Preuve qu'il existe des leviers de réduction de ces consommations.

J'ai échangé avec le président de La Poste, dont les équipes sont très mobilisées. Nous avons choisi d'étaler l'envoi des chèques énergie pour garantir un bon acheminement et avons la certitude que les chèques arrivent bien à leur destinataire.

Monsieur le Sénateur Daniel Dubois, je suis évidemment très attentive à la situation des distributeurs de carburants, qui maillent notre territoire. Ils ont accès aux dispositifs de soutien de droit commun : les prêts garantis par l'État et le report de charges fiscales et sociales. Nous pouvons envisager, au cas par cas, des facilités de paiement des taxes énergétiques. Les plus petites entreprises peuvent aussi être accompagnées par le fonds de solidarité, si elles répondent aux critères applicables à tous les secteurs : chiffre d'affaires inférieur à un million d'euros, activité à l'arrêt - ce qui n'est pas le cas pour les stations-service - ou perte du chiffre d'affaires de plus de 50 %...

La capacité d'incorporation du bioéthanol est effectivement restreinte par la diminution de la consommation de carburants. Nous sommes en train d'examiner les mesures que nous pouvons prendre pour limiter les importations en provenance notamment des États-Unis et du Brésil, afin de protéger nos producteurs nationaux. Nous mettons également en relation les producteurs de bioéthanol avec les fabricants de gel hydroalcoolique, dont la production a très fortement augmenté ces dernières semaines

L'impact de la crise sur les recettes de TICPE est très important, pour l'État comme pour les collectivités territoriales. Une fraction de TICPE alimente le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Nous ne faisons pas de pronostics sur l'impact global des baisses de recettes - il faut aussi tenir compte de la TVA, du report des charges fiscales et sociales... Il faudra un ajustement en loi de finances pour prendre en compte ces difficultés, étant entendu que les dispositifs de soutien aux EnR, financés par le compte d'affectation spéciale, devront bien sûr se maintenir.

Madame la Sénatrice Annick Guillemot, je n'ai pas de chiffres précis sur les personnes concernées par des expulsions - cela dépend davantage du ministère en charge de la ville et du logement.

J'ai fait le point avec Enedis sur leur plan de continuité d'activité ; ils réalisent peu de travaux en dehors des urgences, mais sont bien sensibilisés à la nécessité de procéder aux raccordements pour les particuliers et pour les chantiers de BTP. Je pense que la situation devrait donc s'améliorer sur ce point, et nous continuerons à la suivre avec Enedis.

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