Commission des affaires économiques

Réunion du 7 avril 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, pour échanger autour de l'impact de la crise du coronavirus sur la politique de transition écologique, en général, et sur la politique énergétique, en particulier.

Le week-end dernier, la Convention citoyenne pour le climat devait se réunir pour la dernière fois. Ce rendez-vous avait pour vocation d'impulser le « tournant vert » du quinquennat. La gestion de l'épidémie est évidemment venue perturber ce processus.

La priorité est aujourd'hui d'assurer les services essentiels : l'énergie, l'eau, les déchets, les transports. Les soignants sont en première ligne, mais pour que les hôpitaux fonctionnent, ces services sont vitaux.

S'agissant de l'énergie, qui est au coeur des compétences de notre commission, les mesures de confinement ont un effet direct sur les acteurs de la filière : des grands énergéticiens aux petits détaillants. À terme, c'est notre capacité à atteindre les objectifs de la transition énergétique qui est en cause. L'enjeu de cette audition, c'est de connaître votre stratégie pour maintenir ce cap.

Je souhaiterais donc vous faire part de quatre interrogations.

Je voudrais commencer par évoquer nos énergéticiens, en général.

Nous le savons, cette crise les soumet à rude épreuve.

D'une part, ils doivent poursuivre leurs activités de production, de fourniture ou de transport d'énergie, indispensables à la vie de la nation, en recourant à leurs plans de continuité d'activité.

Quel est votre avis sur la mise en oeuvre de ces plans ? Nos énergéticiens disposent-ils des équipements de protection sanitaire en quantité suffisante pour leurs salariés ? Pouvez-vous nous rassurer sur la capacité à garantir la fourniture d'énergie ?

D'autre part, nos énergéticiens sont confrontés à une chute massive et globale du prix de l'énergie, pour partie imputable à la baisse de la demande nationale et mondiale. Ainsi, par rapport à l'an passé, le cours du pétrole est en baisse de 60 % et celui du gaz de 40 %.

Ces prix très faibles érodent la rentabilité et la profitabilité des énergéticiens, et donc à terme leur capacité d'investissement.

Dans ce contexte, les opérateurs réduisent leurs investissements : Total Direct Énergie a annoncé réduire ceux-ci de 3 milliards d'euros et un plan d'économies de 800 millions d'euros ; quant à EDF, le groupe juge nécessaire une remise à plat des opérations de maintenance des centrales nucléaires existantes.

Quel est votre avis sur cette succession d'annonces ? Pouvez-vous nous rassurer sur la santé financière de nos énergéticiens ? Anticipez-vous une réduction ou un retard de leurs programmes d'investissement ?

Enfin, nos énergéticiens sont également confrontés aux conséquences des ordonnances issues de la loi d'urgence sanitaire, qui prévoient un report des factures d'électricité ou de gaz ainsi qu'un allongement de la trêve hivernale, interdisant les coupures de ces énergies en cas d'impayés.

Quel est l'impact de ces mesures sur la trésorerie des fournisseurs d'énergie ?

La deuxième interrogation porte sur EDF, en particulier.

Avant la crise, nous avions devant nous : la finalisation du projet « Hercule » mi-2020, l'élaboration d'un programme de travail sur le renouvellement du parc nucléaire mi-2021, la fermeture des quatorze réacteurs nucléaires - dont ceux de Fessenheim de février à juin 2020 - pour réduire à 50 % la part de la production d'énergie nucléaire d'ici à 2035.

Ces échéances sont-elles maintenues ? Le contenu même de ces projets ou orientations va-t-il devoir évoluer, sous l'effet de la crise du coronavirus ?

Dans le même ordre d'idées, qu'en est-il de la réforme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), pour lequel votre ministère a engagé une consultation au début de l'année ?

Certains fournisseurs alternatifs ont demandé l'activation de la « clause de force majeure », ce qui leur permettrait de cesser de s'approvisionner par ce mécanisme, au prix de 42 euros le mégawattheure (MWh), pour le faire directement sur le marché, au prix de 21 euros.

Dans sa délibération du 26 mars dernier, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a exclu une activation globale de cette clause, tout en envisageant son invocation à titre exceptionnel. Un recours a été introduit par les fournisseurs alternatifs à l'encontre de cette délibération.

Quel est votre avis sur les demandes des fournisseurs alternatifs ? Le projet de réforme l'Arenh va-t-il devoir être révisé, dans son contenu ou son calendrier, pour prendre en compte la crise du coronavirus ? Dans l'intervalle, doit-on s'attendre à une modification du plafonnement ou du prix de l'Arenh ?

Troisièmement, je voudrais connaître votre sentiment sur les conséquences de la crise sur la transition énergétique ?

Nous vous avions auditionnée, à la mi-février, sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) : où en est la publication de ces documents et vont-ils devoir être revus à l'aune de la crise du coronavirus ?

De son côté, la Convention citoyenne sur le climat a annoncé la suspension de ses travaux en présentiel, qui devaient se clore en juin prochain.

Quand pourront-ils aboutir ? Est-il encore matériellement possible que les conclusions de cette convention, notamment pour ce qui concerne la « fiscalité carbone », soient intégrées à la PPE ou à la prochaine loi de finances ? Quid du référendum à choix multiples évoqué par le Président de la République ?

En conclusion, j'aimerais connaître votre opinion sur le rôle que pourrait jouer la transition énergétique en tant que levier de sortie de crise.

Dans une tribune publiée le 14 mars dernier, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a appelé les gouvernements à « mettre l'énergie propre au coeur des plans de relance pour contrer le coronavirus ».

Comment comptez-vous utiliser la transition énergétique comme un levier pour sortir de la crise économique ?

Je ne résiste pas enfin à vous poser deux questions relatives aux transports, qui sont dans tous les esprits : qu'allez-vous faire pour Air France, qui assure vingt vols par jour contre deux mille habituellement ? Quel est l'impact de la crise sur la SNCF, qui fait circuler quarante TGV par jour contre sept cents habituellement ?

Je vous propose de répondre dès maintenant à ces questions, puis à celles que vous poseront les sénateurs « pilotes » sur l'énergie - MM. Daniel Gremillet, Roland Courteau et Daniel Dubois - et le logement - Mmes Dominique Estrosi Sassonne et Annie Guillemot - ainsi que les autres commissaires.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de cette invitation. Je pense qu'il est utile et important de répondre à vos interrogations et d'entendre vos retours du terrain, toujours très précieux.

Nous vivons une période totalement inédite ; à la crise sanitaire s'ajoute une crise économique sans précédent et sans perspective connue - à ce stade - de retour à la normale. Dans ce contexte, je voudrais rendre hommage aux salariés qui continuent à être sur le terrain tous les jours : si nous avons de l'eau, de l'électricité, du gaz, si les ordures ménagères sont collectées, si les supermarchés et hôpitaux sont approvisionnés, c'est parce que des gens sont au travail dans ces secteurs. Mon rôle, et celui de mes secrétaires d'État, est de veiller à la continuité de ces activités essentielles et de protéger cette « deuxième ligne ».

Maintenir la vie économique du pays, c'est en particulier veiller à l'interdépendance de nos activités, dont on ne s'aperçoit pas en temps normal. Par exemple, nous avons besoin de la collecte des déchets verts pour la méthanisation des boues dans les stations d'épuration ; nous avons besoin des cimenteries pour incinérer les farines animales issues des opérations d'équarrissage ; nous avons besoin des centres de tri pour que l'industrie agroalimentaire dispose d'emballages pour ses produits et que les chaînes d'approvisionnement ne soient pas rompues. Cette interdépendance concerne les donneurs d'ordres, comme les sous-traitants, dont la pleine coopération sera cruciale pour le redémarrage de l'économie.

Maintenir la vie économique du pays, c'est aussi préserver le dialogue avec les territoires. Depuis le début de la crise, j'ai pris soin d'associer à l'ensemble de nos réflexions les collectivités territoriales et leurs associations, tant leur rôle est central - vous le savez - dans la mobilité, la distribution d'énergie ou le service public de l'eau et des déchets.

Je souhaiterais vous présenter quelques éléments sur la situation des principaux secteurs dont j'ai la charge.

Nous avons volontairement réduit l'offre de transport de voyageurs longue distance. Le trafic de la SNCF est effectivement très bas : seuls 6 % des TGV circulent, 8 % des Intercités, 15 % des TER et 26 % des Transilien. Les offres de transport urbain ont aussi beaucoup baissé : la RATP fait rouler 30 % des bus, 40 % des tramways et 30 % des métros. En région, l'offre de transport varie de 10 % à 30 % en moyenne.

Le trafic aérien - la présidente l'a évoqué - a baissé de 95 % en France et on anticipe une baisse de 50 % sur l'année, ces chiffres devant être actualisés en fonction des conditions de sortie de crise. L'impact est très important sur les entreprises du secteur, y compris les plus grandes. Nous sommes très attentifs au soutien accordé à l'ensemble de ces entreprises, la situation d'Air France, dont l'État est actionnaire, nécessitant une vigilance particulière. Il est trop tôt pour préjuger des réponses qui pourront être apportées mais Air France bénéficie déjà des dispositions générales, qu'il s'agisse de l'activité partielle - à laquelle l'entreprise recourt largement - ou des garanties de prêt. Nous travaillons sur ces leviers avec le ministre de l'économie et des finances.

S'agissant de la SNCF, sa trajectoire économique avait déjà été très secouée par les grèves de fin 2019-début 2020. Compte tenu du niveau d'activité actuel du transport de voyageurs, il faudra redéfinir avec ses dirigeants une nouvelle trajectoire. Il est trop tôt pour redéfinir ces perspectives mais cela fait partie des travaux à mener en sortie de crise.

Le fret ferroviaire se maintient à un bon niveau, en comparaison avec d'autres secteurs, de l'ordre de 60 % de son activité habituelle. L'activité du transport routier de marchandise demeure très soutenue ; les entreprises de la logistique relèvent un impact modéré sur le transport intra-européen malgré des ralentissements à certains passages de frontières. Le secteur a dû réorganiser toutes les chaînes d'approvisionnement et il faut rendre hommage aux salariés.

On observe une baisse de la production des déchets non dangereux, toutes activités confondues. Le tonnage des déchets d'activité économique a baissé de 50 %, ce qui donne une indication de la situation économique du secteur industriel en particulier... Les collectes d'ordures ménagères se poursuivent sans difficulté majeure, même si le taux d'absentéisme a doublé. La majorité des déchetteries sont fermées, seules quelques collectivités territoriales les ayant maintenues ouvertes pour les artisans ou leurs services techniques, afin d'éviter les dépôts sauvages. En outre, 40 % des centres de tri d'emballages sont fermés, la situation s'améliorant dans certaines régions grâce à l'action des préfets.

Les opérateurs de l'eau et de l'assainissement fonctionnent normalement dans le cadre de leurs « plans de continuité d'activité ».

Pour ce qui concerne le secteur de l'énergie, qui intéresse tout particulièrement votre commission, j'échange en permanence avec tous les acteurs du secteur : le nucléaire, le gaz, les énergies renouvelables, la chaleur, les réseaux d'électricité et, prochainement, le secteur pétrolier.

Le premier constat est que l'approvisionnement et la distribution d'énergie se poursuivent sans difficulté majeure - je dirais même, de façon satisfaisante. Tous les opérateurs disposent de « plans de continuité d'activité » pour satisfaire les besoins indispensables. Ces plans ont été instantanément activés. Cela démontre le grand professionnalisme de tous nos opérateurs. Dans le secteur de l'énergie, comme dans les autres secteurs essentiels, ces plans, conçus au moment des épisodes de pandémie grippale, ont permis d'adapter les conditions de travail et d'assurer la continuité de l'activité.

La consommation globale d'électricité a diminué d'environ 15 %, avec des disparités selon les secteurs : - 25 % dans l'industrie, - 75 % dans le transport ferroviaire. On constate une légère hausse dans le résidentiel ; on peut en conclure que les dispositifs de chauffage fonctionnent même quand les gens ne sont pas chez eux...

Le secteur pétrolier s'adapte à la baisse significative de la demande de tous les produits, sauf le fioul domestique. La sécurité d'approvisionnement est bien garantie et les stocks sont à un haut niveau. La demande de carburants reste très faible et a diminué de près de 80 % sur certains produits. Compte tenu de la faible affluence dans les stations-service, certains opérateurs ont réduit les heures d'ouverture. Nous nous assurons en permanence qu'un nombre suffisant de stations sont ouvertes pour l'approvisionnement des transporteurs routiers.

Le secteur gazier fonctionne toujours bien et la continuité de l'activité, à court et moyen termes, est assurée. Les approvisionnements se poursuivent et le remplissage des stockages a commencé, ce qui permettra d'avoir une bonne disponibilité pour l'hiver prochain.

Une composante essentielle de la sécurité d'approvisionnement en électricité repose sur le bon fonctionnement du parc nucléaire. À court terme, EDF a pris les mesures nécessaires pour maintenir la capacité d'exploitation des centrales et le niveau de disponibilité de son parc est satisfaisant et sécurisé au regard de la demande. À moyen terme, l'enjeu important est de minimiser les perturbations sur le programme industriel des arrêts pour rechargement ou maintenance des centrales, afin d'assurer une bonne disponibilité, en particulier pour l'hiver prochain. Nous travaillons très étroitement avec EDF, en lien avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), aux adaptations qui peuvent être apportées au programme d'arrêt de tranches. Enfin, nous suivons avec beaucoup attention l'approvisionnement, l'évacuation ou l'entreposage des combustibles nucléaires, en lien étroit avec Orano et Framatome.

S'agissant des énergies renouvelables, la difficulté la plus immédiate est liée à l'arrêt des chantiers. C'est pourquoi nous avons pris des mesures pour que ces projets ne soient pas pénalisés, en accordant des délais supplémentaires par rapport à ce qui était prévu dans les contrats d'achat, sans pénalité de retard. Certains exploitants d'installations de biogaz rencontrent aussi des difficultés d'approvisionnement de leurs méthaniseurs : nous étudions avec eux la possibilité de suspendre temporairement les contrats d'achat pour ne pas les pénaliser.

L'approvisionnement en chaleur et en froid est assuré, aussi bien celui des établissements de santé, des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou des chaufferies des réseaux de chaleur et des autres bâtiments. Les approvisionnements en combustible pour le chauffage collectif et individuel sont également garantis.

Au-delà de ces enjeux de court et de moyen termes, la crise provoque des perturbations majeures sur les marchés de l'énergie dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences. Le prix du pétrole - la présidente l'a indiqué - a chuté depuis le début de l'année de plus de 75 %, le baril de pétrole étant passé sous la barre des 30 dollars le 16 mars et des 15 dollars les 31 mars et 1er avril. Les prix des carburants suivent cette évolution : entre la fin janvier et la fin mars, le prix moyen au litre de l'essence et du gazole a baissé de 20 centimes. Le prix du gaz naturel a baissé de 20 % sur les marchés spot et les marchés à terme pour les livraisons en 2020, les baisses étant comprises entre 5 % et 15 % pour les livraisons plus lointaines en 2021, 2022 et 2023.

Les prix sur les marchés spot de l'électricité se sont effondrés, à 20 euros le MWh contre 34 euros à la même période l'an dernier. Sur les marchés à terme, le prix est passé sous la barre des 30 euros, même s'il remonte.

Quelles sont les conséquences de tous ces bouleversements ? Il est encore trop tôt pour en tirer les conséquences et réfléchir à des mécanismes correctifs. On anticipe évidemment une baisse de revenus pour les fournisseurs d'énergie, qui aura sans doute un impact sur leurs investissements. Nous sommes également attentifs à la situation des opérateurs. C'est pourquoi une des ordonnances prévoit d'ouvrir le bénéfice de l'activité partielle aux agents sous le statut des industries électriques et gazières (IEG). Cela permettra à nos grandes entreprises, comme Engie ou EDF, de recourir à cette activité partielle, qui est importante pour éviter un impact trop fort sur leur situation économique.

Ces bouleversements ont également une incidence sur la compétitivité des projets d'énergie renouvelable (EnR), compte tenu de la baisse relative du prix des énergies fossiles. Ce contexte a forcément une répercussion sur les budgets publics, avec à la fois une baisse du produit des droits d'accise sur les produits énergétiques et un renchérissement des dépenses de soutien aux EnR.

Pour autant, nous maintenons le cap de notre PPE et de notre SNBC : la crise sanitaire n'efface pas la crise climatique et écologique. La poursuite de la décarbonation et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est indispensable. Il faudra regarder, dans les prochains mois, comment réajuster les dispositifs, aux plans national et européen. Un conseil informel de l'énergie est prévu, courant avril ; avec l'ensemble des États membres, nous aurons l'occasion de partager les difficultés liées à cette très grande volatilité des prix de l'énergie et du carbone. Le prix du carbone est passé de 25 à 15 euros par tonne ces dernières semaines.

Je regrette que la baisse des prix de l'électricité ait conduit certains fournisseurs à vouloir remettre en cause les volumes d'Arenh qu'ils avaient achetés l'an passé. Ce sont les mêmes fournisseurs qui demandaient à l'époque une augmentation de 50 % de ceux-ci ! Dans le contexte de la crise, il est important de ne pas essayer de tirer profit de la situation en se dédouanant des engagements passés.

Le confinement a un effet important sur le secteur de la construction, dont l'activité a été réduite de 90 %, avec une forte répercussion sur la rénovation énergétique. C'est pourquoi nous avons adopté plusieurs mesures, telle que la prolongation jusqu'à la fin de l'année du dispositif « coup de pouce » pour les travaux d'isolation et de changement de chaudières, et créé un dispositif « coup de pouce » pour le changement de chaudières au fioul des copropriétés dans le cadre d'une rénovation performante. Plus généralement, nous veillons à ce que la filière BTP puisse poursuivre son activité tout en assurant la sécurité de ses salariés. Un guide a été élaboré à cette fin avec les fédérations pour pouvoir relancer en particulier les chantiers urgents ou prioritaires.

La loi d'urgence accorde une attention toute particulière aux ménages modestes et aux entreprises fragilisées par la crise sanitaire. La trêve hivernale a été prolongée de deux mois, et avec elle l'interdiction des coupures pour tous les consommateurs et des limitations de puissance pour les bénéficiaires du chèque énergie. Avec La Poste, nous avons maintenu la campagne de distribution du chèque énergie, qui a démarré la semaine dernière et se poursuivra jusqu'au mois de mai. Coupures et baisses de puissance sont également interdites pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité ; le paiement de leurs factures peut être suspendu et étalé sur une période au-moins égale à six mois suivant la fin de l'état d'urgence.

Dans ce contexte, la CRE a instauré des mesures pour accompagner les fournisseurs d'énergie les plus vulnérables, en leur accordant des délais de paiement et des souplesses de trésorerie dans le paiement des tarifs d'utilisation des réseaux et de la fourniture d'électricité nucléaire auprès d'EDF.

Ces différentes mesures reflètent bien l'esprit de solidarité, d'entraide et de responsabilité qui, dans cette épreuve, anime mon ministère et l'ensemble des acteurs de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Comme notre présidente, je suis inquiet des conséquences que pourrait avoir la crise du coronavirus sur les objectifs de la transition énergétique : nous ne devons surtout pas abaisser le niveau d'ambition adopté à l'occasion de la loi « Énergie-Climat ».

C'est pourquoi je souhaiterais vous poser deux questions sur ce sujet.

Tout d'abord, je voudrais savoir si l'application de cette loi va être retardée par ce contexte de crise.

En effet, la loi « Énergie-Climat » prévoit la publication de plusieurs ordonnances : en mai sur l'accompagnement des fermetures de centrales à charbon et la réforme de la CRE, et en novembre sur l'entrée en vigueur du « Paquet d'hiver » européen, l'hydrogène ou l'harmonisation du code de l'énergie avec le code de la construction et de l'habitation.

Or l'article 14 de la loi d'urgence sanitaire prolonge de quatre mois la durée de l'ensemble des habilitations à légiférer par ordonnance.

Aussi, pour ce qui concerne les ordonnances que je viens de citer, le Gouvernement entend-il maintenir le calendrier de publication initial ou faire usage de ce report ?

Au-delà des ordonnances, l'édiction des mesures réglementaires attendues, à commencer par la prise en compte du critère du « bilan carbone » dans les futurs appels d'offres, prendra-t-elle également du retard ?

Par ailleurs, je souhaiterais appeler votre attention sur les effets de la crise du coronavirus sur les énergies renouvelables.

Tout d'abord, les professionnels sont inquiets de l'impact que pourrait avoir cette crise sur les projets existants, plaidant pour la prorogation des autorisations ou décisions - au titre du code de l'urbanisme, du code de l'environnement ou du code de l'énergie - qui arrivent à échéance.

L'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus est-elle susceptible de bénéficier à ces projets, le code de l'énergie n'étant pas explicitement énuméré dans les visas de cette ordonnance, au contraire des codes de l'urbanisme et de l'environnement ? Si oui, pour quelles autorisations ou décisions ?

Pour ce qui concerne les dispositifs de soutien financier à ces projets - les tarifs d'achat et compléments de rémunération seront-ils aménagés, à l'instar du gel dont bénéficient les panneaux solaires de moins de 100 kilowatts depuis un arrêté du 30 mars dernier ?

Plus encore, les professionnels sont également attentifs à l'impact de la crise du coronavirus sur les projets à venir, invitant le Gouvernement à modifier le cas échéant les calendriers des futurs appels d'offres

Confirmez-vous les reports évoqués devant certains professionnels, le 1er avril, en matière de solaire, d'éolien terrestre, d'autoconsommation et de petite hydroélectricité ?

Si oui, je constate que certains appels d'offres ne seront que peu décalés dans le temps - au 30 mai pour la petite hydroélectricité, au 3 juin pour une partie du solaire, au 18 juillet pour l'autoconsommation.

Pourquoi n'accorder qu'un mois de report à ces professionnels pour soumettre leurs candidatures quand quatre mois supplémentaires sont prévus pour permettre au Gouvernement de prendre des ordonnances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Les énergies renouvelables ayant été évoquées par mon collègue, je souhaiterais aborder l'autre pilier de la transition énergétique : la rénovation énergétique.

Les chantiers conduits par les professionnels de la rénovation énergétique sont à l'arrêt, le « Guide de préconisations de sécurité sanitaire », publié le 2 avril dernier, n'ayant pas levé toutes les ambigüités quant aux consignes sanitaires devant être suivies par les professionnels.

De plus, la profession est confrontée à une pénurie de main d'oeuvre, aux doutes des maîtres d'ouvrages ou encore à des difficultés liées à l'approvisionnement et à l'acheminement des matériaux ou équipements.

Le président du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) estime ainsi que 90 % de ces chantiers sont en suspens.

Dans ce contexte, votre ministère a publié deux arrêtés, le 25 mars dernier, prorogeant d'un an le « coup de pouce isolation » et le « coup de pouce chauffage », prévoyant une bonification via le « coup de pouce chauffagerie fioul » et assouplissant le dépôt de demandes des certificats d'économies d'énergie (C2E).

Si ces évolutions sont utiles, il est cependant regrettable, d'une part, que la prorogation ne soit que d'un an, ce qui n'offre pas beaucoup de visibilité aux professionnels, d'autre part, que la prise en charge de l'isolation des planchers soit réduite, ce qui augmente le reste à charge pour les ménages.

Entendez-vous corriger les arrêtés sur ces points ?

Par ailleurs, si les entreprises peuvent bénéficier du report ou de l'étalement de leurs factures d'énergie pour les locaux professionnels, en application de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative au paiement des facteurs d'eau, de gaz et d'électricité, aucun dispositif n'est prévu pour les particuliers.

Alors que les Français sont confinés chez eux, et auront donc des dépenses d'énergie supplémentaires - leur domicile étant parfois devenu leur local professionnel ! -, il serait paradoxal de ne pas mieux répondre aux situations de précarité énergétique, qui s'aggravent en cette période de crise.

Sur ce sujet, j'observe que le secteur privé est en avance sur l'État puisque EDF a annoncé un plan d'aide au paiement des factures d'énergie pour ses propres salariés ; sa fondation a même institué un fonds de solidarité, de 2 millions d'euros, pour les personnels soignants et les plus démunis.

Cette initiative isolée est remarquable, mais insuffisante.

Pourquoi ne pas revaloriser, pour la durée du confinement, le chèque énergie, dont le montant de 277 euros au maximum est bien trop faible pour permettre la prise en charge des dépenses de rénovation énergétique auxquelles il donne droit ?

Cela pourrait se faire par un décret, sans recourir à une ordonnance.

À l'occasion de la dernière loi de finances, le Sénat avait d'ailleurs adopté, sans que cela soit conservé in fine par le Gouvernement, une revalorisation de 75 millions d'euros de ce chèque - j'avais pour ma part proposé plus encore !

La sortie de crise doit être conçue avec une ambition sociale et climatique. Faute de quoi, les effets de cette crise risquent d'être interminables.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

L'essentiel ayant été dit par mes collègues sur la transition énergétique, des énergies renouvelables à la rénovation énergétique, je voudrais concentrer mon intervention sur la crise pétrolière que nous traversons.

Depuis la mise en oeuvre du confinement, la consommation d'essence et de gazole est inférieure de respectivement 70 % et 85 % à la normale en France, les transports n'étant plus utilisés qu'à des fins professionnelles.

Ce contexte a plusieurs conséquences tout à fait fâcheuses.

Premièrement, si de grands énergéticiens, comme Total, sont affectés par cette crise, c'est également le cas des PME intervenant dans le raffinage, la livraison ou la distribution de carburants.

Les deux mille stations-service du réseau routier secondaire ferment les unes après les autres, tandis qu'une raffinerie a été mise à l'arrêt.

Ces entreprises ne sont pas forcément éligibles au fonds de solidarité, qui vise les microentreprises de moins de 10 salariés, ayant fait l'objet d'une fermeture administrative ou perdu 50 % de leur chiffre d'affaires, selon le décret du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité.

Par ailleurs, ces entreprises sont très exposées au crédit-client, c'est-à-dire aux délais de paiement accordés aux consommateurs.

Des faillites sont à craindre dans ce secteur ; qui joue pourtant un rôle d'approvisionnement essentiel, en particulier en zone rurale.

Ces entreprises seront-elles accompagnées au sortir de la crise ? Ne peut-on pas leur ouvrir l'accès au fonds de solidarité en modifiant le décret précité ?

Deuxièmement, la crise pétrolière a aussi un impact sur la production de biocarburants.

Leur vente des biocarburants a chuté parallèlement à celle du gazole et de l'essence, auxquels ils sont le plus souvent incorporés. La filière souffre également de difficultés d'approvisionnement et de livraison en matière premières agricoles.

C'est fort dommage, dans la mesure où notre commission, mais aussi l'Assemblée nationale et votre ministère, plaidons tous pour soutenir ces filières, utiles à notre transition et notre indépendance énergétiques.

Surtout, la filière bioéthanol est en capacité de produire du gel hydroalcoolique et la filière biogazole du gel glycérique. Ne peut-on encourager davantage cette production temporaire ?

Enfin, la crise pétrolière a des implications financières pour les pouvoirs publics en raison de la baisse du produit de la taxe intérieure consommation sur les produits énergétiques (TICPE), dont les recettes, de 33,6 milliards d'euros en 2020, bénéficient à l'État à hauteur de 43,2 % et aux collectivités territoriales à hauteur de 33,3 %.

Plus largement, la crise du coronavirus, qui pèse sur l'ensemble de la demande et des prix de l'énergie, réduira les recettes liées à toute la « fiscalité énergétique », évaluées à 47 Mds d'euros par la Cour des comptes.

Disposez-vous d'éléments chiffrés sur les pertes de recettes fiscales à prévoir, pour l'État et les collectivités territoriales ?

Ne se dirige-t-on pas vers une fragilisation du principal outil de financement des EnR - le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » -, encore actif cette année et quasi intégralement financé par une fraction de TICPE, de 6,3 milliards d'euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Le secteur du BTP est quasiment au « point mort », avec une chute de son activité de plus de 85 %. Son redémarrage prendra beaucoup de temps et se fera chantier par chantier et non pas de manière globale. Vous avez fait référence au guide de bonnes pratiques, qui a enfin été publié. Il semblerait que ce guide ne fasse pas l'objet d'un véritable consensus parmi les différentes filières du secteur. De toute façon, il ne peut pas à lui seul régler tous les problèmes.

Vous avez évoqué les mesures prises en faveur des chantiers de rénovation énergétique, eux aussi à l'arrêt. S'agissant des C2E, des délais ont été accordés pour le dépôt des demandes. Envisagez-vous d'aller plus loin pour les nouvelles demandes, avec des financements à la clé à travers les appels à manifestation d'intérêt ? Le dispositif C2E sera un élément essentiel du plan de relance économique et énergétique d'après-crise, pour que la France atteigne ses objectifs en matière climatique.

Le ministre Bruno Le Maire nous a indiqué hier que la clé de la reprise et de la relance serait l'investissement. Ne faudra-t-il pas donner un gros coup de pouce à la rénovation énergétique des bâtiments, tant à travers les programmes institutionnels que pour les travaux des particuliers ? Ne faudra-t-il pas renforcer les aides de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), dont le budget n'est pas à la hauteur ?

Enfin, vous avez mentionné les chèques énergie. Ne craignez-vous pas des retards dans la distribution des chèques, ce qui poserait problème à un certain nombre de foyers modestes dont la consommation d'énergie, en cette période de confinement, s'est accrue et qui sont confrontés à une perte de pouvoir d'achat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Guillemot

La trêve hivernale est reportée à fin mai, mais combien de foyers et de personnes sont concernés, et pour quel coût ? Cet aspect est-il pris en compte dans la réflexion sur les scénarios de déconfinement ?

Les agents immobiliers et les bailleurs sociaux s'interrogent sur la continuité de service des gestionnaires des réseaux d'énergie. Avec la crise sanitaire, ces gestionnaires, notamment Enedis, n'assurent plus qu'une astreinte pour les urgences de sécurité. Or il est essentiel, pour toute la chaîne du logement, de retrouver de la fluidité ; ainsi, les raccordements doivent être effectués pour assurer les emménagements qui étaient déjà en cours. Que pensez-vous de la reprise de ce service public ?

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne, ministre

Monsieur le Sénateur Daniel Gremillet, la volonté du Gouvernement est bien de mettre en oeuvre la loi « Énergie-climat ». Comme vous l'avez indiqué, la loi d'urgence donne un délai supplémentaire de quatre mois pour prendre les ordonnances prévues. Nous allons être amenés à décaler de quelques mois le volet relatif à l'hydrogène, tout en s'efforçant de limiter ce décalage. Nous sommes très attentifs aux dispositions attendues pour accompagner les fermetures des centrales à charbon ; ces textes seront publiés avant l'été.

Plus généralement, notre philosophie, c'est de s'efforcer de sortir un texte lorsqu'il accompagne une transition, comme pour les centrales à charbon. En revanche, lorsqu'un texte vient bouleverser les pratiques d'un secteur, comme certaines mesures d'application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, nous pourrons repousser les délais.

J'ai rencontré les acteurs des énergies renouvelables, dont vous relayez l'inquiétude. Je leur ai confirmé que les textes pris permettent de prolonger la validité des autorisations de travaux et que des délais supplémentaires pourront être accordés pour les raccordements par rapport à ce qui était prévu dans leur contrats d'achat. Nous pourrons continuer à ajuster les appels d'offres en fonction de nos échanges avec le secteur. Certains acteurs - dont les dossiers étaient prêts - ne souhaitent pas trop différer les appels d'offres, tandis que d'autres réclament au contraire du temps pour se préparer... Sur cette base-là, nous avons publié un calendrier recalé et pourrons éventuellement envisager de fractionner les appels d'offres. En tous cas, nous ferons preuve de beaucoup souplesse pour ne pas pénaliser les porteurs de projet déjà prêts, et accorder des délais supplémentaires aux autres.

Comme l'ont rappelé M. le Sénateur Roland Courteau et Mme le Sénateur Dominique Estrosi Sassone, plus de 85 % des chantiers sont arrêtés dans le BTP. Je ne sais pas si certaines filières ont des questions sur le guide. C'est l'Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP) qui a élaboré toutes ces règles, en lien avec les fédérations professionnelles et en concertation avec les organisations syndicales. Je crois que nous avons aujourd'hui une base solide pour permettre aux chantiers de redémarrer. Par une circulaire aux préfets, j'ai demandé à ce que des chantiers particulièrement urgents soient repris, notamment pour rétablir des infrastructures - je pense à un éboulement sur la ligne du TGV Est, certaines lignes en Île-de-France, une route nationale dans les Pyrénées orientales... Des lignes électriques ont été endommagées à la suite d'intempéries, des centres de stockage de déchets doivent être réaménagés. La priorité est aux chantiers nécessaires à la continuité de l'activité mais les autres chantiers pourront ensuite redémarrer sur la base de ce guide des bonnes pratiques.

Nous avons publié un arrêté prolongeant les dispositifs C2E et en créant de nouveaux, pour les copropriétés et dans le tertiaire. Les ajustements apportés sur les planchers bas visaient à corriger des surcompensations, qui allaient donc au-delà du coût des travaux. Par ailleurs, des cas de fraude étaient signalés sur le « coup de pouce à un euro »... Nous avons souhaité ajuster les dispositifs - pour s'assurer qu'ils couvrent de manière équitable les travaux en question - et repréciser les modalités de contrôle. Loin d'arrêter l'incitation, nous corrigeons le surdimensionnement du calibrage.

Nous sommes très attentifs à la facture énergétique des ménages précaires. J'ai demandé à l'ensemble des fournisseurs d'électricité et de gaz leur appréciation sur les consommations d'énergie. On constate que la consommation de gaz n'a quasiment pas augmenté et que la consommation électrique n'a augmenté que de quelques pourcents. Les factures ne vont donc pas augmenter significativement - mais cela signifie aussi qu'en temps normal, le chauffage fonctionne y compris lorsque les habitants ne sont pas à leur domicile. Preuve qu'il existe des leviers de réduction de ces consommations.

J'ai échangé avec le président de La Poste, dont les équipes sont très mobilisées. Nous avons choisi d'étaler l'envoi des chèques énergie pour garantir un bon acheminement et avons la certitude que les chèques arrivent bien à leur destinataire.

Monsieur le Sénateur Daniel Dubois, je suis évidemment très attentive à la situation des distributeurs de carburants, qui maillent notre territoire. Ils ont accès aux dispositifs de soutien de droit commun : les prêts garantis par l'État et le report de charges fiscales et sociales. Nous pouvons envisager, au cas par cas, des facilités de paiement des taxes énergétiques. Les plus petites entreprises peuvent aussi être accompagnées par le fonds de solidarité, si elles répondent aux critères applicables à tous les secteurs : chiffre d'affaires inférieur à un million d'euros, activité à l'arrêt - ce qui n'est pas le cas pour les stations-service - ou perte du chiffre d'affaires de plus de 50 %...

La capacité d'incorporation du bioéthanol est effectivement restreinte par la diminution de la consommation de carburants. Nous sommes en train d'examiner les mesures que nous pouvons prendre pour limiter les importations en provenance notamment des États-Unis et du Brésil, afin de protéger nos producteurs nationaux. Nous mettons également en relation les producteurs de bioéthanol avec les fabricants de gel hydroalcoolique, dont la production a très fortement augmenté ces dernières semaines

L'impact de la crise sur les recettes de TICPE est très important, pour l'État comme pour les collectivités territoriales. Une fraction de TICPE alimente le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique ». Nous ne faisons pas de pronostics sur l'impact global des baisses de recettes - il faut aussi tenir compte de la TVA, du report des charges fiscales et sociales... Il faudra un ajustement en loi de finances pour prendre en compte ces difficultés, étant entendu que les dispositifs de soutien aux EnR, financés par le compte d'affectation spéciale, devront bien sûr se maintenir.

Madame la Sénatrice Annick Guillemot, je n'ai pas de chiffres précis sur les personnes concernées par des expulsions - cela dépend davantage du ministère en charge de la ville et du logement.

J'ai fait le point avec Enedis sur leur plan de continuité d'activité ; ils réalisent peu de travaux en dehors des urgences, mais sont bien sensibilisés à la nécessité de procéder aux raccordements pour les particuliers et pour les chantiers de BTP. Je pense que la situation devrait donc s'améliorer sur ce point, et nous continuerons à la suivre avec Enedis.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Les collectivités territoriales maîtres d'ouvrage des travaux financés par le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ) sont très favorables à un allongement des délais dont elles disposent habituellement pour transmettre leurs prévisions de travaux, leurs attestations de commencement de travaux ou leurs demandes de solde. Elles souhaiteraient être entendues.

Les premières mesures de soutien à la filière de la chaleur renouvelable ont été bien accueillies. Toutefois, 70 % des chantiers forestiers et des scieries sont à l'arrêt. La pénurie du bois, qui se profile en raison du décalage des ventes, risque d'entraîner une hausse des prix de la biomasse l'hiver prochain, alors que les prix du gaz devraient fortement diminuer. Cela pourrait freiner le développement des réseaux de chaleur renouvelable. Les porteurs de projet, pour l'essentiel des acteurs publics locaux, souhaitent par conséquent vous alerter sur ce risque et vous demander des mesures de soutien supplémentaires, compte tenu de la nécessité de ne pas prendre de retard sur les objectifs fixés dans la PPE, ni de revoir à la baisse les exigences concernant la transition énergétique.

Par son avis du 2 avril dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a conduit à l'interdiction de l'épandage des boues non hygiénisées produites après le début de l'épidémie, qui sont susceptibles d'être contaminées par le virus. Connaît-on la durée de vie potentielle du virus dans les boues ? Pour les boues hygiénisées, qui ont subi un traitement réduisant à un niveau indétectable les organismes pathogènes, les plateformes de compostage auront du mal à s'approvisionner en bio-déchets en raison de la fermeture des déchetteries.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Les fournisseurs alternatifs d'électricité souhaitent remettre en cause leurs contrats passés au tarif de 42 euros le MWh. J'ai entendu la réponse négative que vous leur avez faite, dans le même sens que la CRE. Or, je pense que la crise que nous traversons peut être assimilée à un cas de catastrophe naturelle.

Dans un contexte économique difficile, n'est-il pas souhaitable de permettre aux fournisseurs alternatifs de faire bénéficier leurs clients de tarifs plus bas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Le monde agricole et agroalimentaire fait un travail formidable pour approvisionner les Français, mais manque de bras. Les salariés de la grande distribution sont très mobilisés mais il faut assurer les livraisons. Or, par manque de salariés et en raison de retours à vide, de nombreux transporteurs ont augmenté les coûts de livraison, qui se reportent sur les industriels, déjà pénalisés par la crise. Ce n'est pas à eux de payer, mais à l'État. Pourquoi ne pas proposer des péages gratuits le temps du confinement, ce qui permettrait des livraisons plus rapides, moins coûteuses, et garantirait le modèle économique des transporteurs, tout en bénéficiant également aux salariés des secteurs essentiels, notamment les personnels soignants ?

Depuis trois ans, avec plusieurs de mes collègues, nous demandons sans cesse plus de retenue lors des débats environnementaux que nous avons dans l'hémicycle. Nous invitons à la mesure dans la condamnation du modèle agricole conventionnel et l'appel au « tout-bio ». Depuis des années, nous appelons à limiter l'addiction normative qui pénalise notre compétitivité. Depuis quelques mois, nous plaidons pour plus d'objectivité dans le procès à charge fait aux emballages plastiques.

Et pourtant, en quelques jours, face à cette crise sanitaire sans précédent, les choses ont radicalement changé : les consommateurs, par souci d'économies, de temps, ont recentré leurs achats alimentaires sur des produits basiques comme le beurre, la crème ou le lait UHT et la viande française, délaissant les produits haut de gamme, AOP ou bio, mettant en lumière la vulnérabilité de ces filières. L'autosuffisance alimentaire, en qualité et en quantité, revient à l'ordre du jour.

La volonté farouche de supprimer tous les emballages, de revenir au vrac, a été balayée en quelques jours par l'exigence de la grande distribution - donc des consommateurs ! - de remettre des emballages partout, voire plus qu'avant la loi relative à l'économie circulaire, pour des raisons sanitaires.

Il y aura un avant et un après coronavirus ; nous devrons en tirer les leçons pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Le Gouvernement en est-il conscient ? Ne faut-il pas décaler voire annuler dès aujourd'hui les mesures qui devaient entrer en vigueur. Alors que ses commandes explosent, un chef d'entreprise dans l'industrie plastique se plaint que vos services lui enjoignent de répondre à un long questionnaire sur la stratégie 2040 d'ici le 15 mai. Nul besoin de rajouter de tels tracas administratifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Je remercie vos collaborateurs, madame la ministre, avec qui les échanges sont toujours constructifs et cordiaux.

Le Gouvernement a opté pour un choc d'offre en faveur des entreprises, avec un plan de 345 milliards d'euros. Nous attendons un même choc de la demande, avec des mesures de soutien aux ménages : passer les heures pleines au tarif heures creuses, baisser la TVA à 5,5 % sur les produits de première nécessité, élargir le chèque énergie pour les plus précaires, ou les exonérer de contribution au service public de l'électricité (CSPE)...

Le Président de la République estime qu'il faudra sortir des pans entiers de l'économie des biens marchands, notamment l'énergie ou les transports. Est-il raisonnable d'aller au bout du projet « Hercule », qui scindera EDF en deux pour en privatiser une partie ? Vous êtes prêts à débattre de la nationalisation d'Air France ; êtes-vous disposés à créer un pôle public de l'énergie et à revenir sur la privatisation d'Engie ?

Les fournisseurs alternatifs d'électricité veulent fromage et dessert. Ce n'est pas sérieux. S'ils veulent sortir du tarif de l'Arenh, ils ne doivent pas pouvoir y revenir. Sur ce point, nous pouvons nous entendre.

Vous avez évoqué, à juste raison, la situation de celles et ceux mobilisés dans cette crise. Pourquoi ne pas créer un régime spécial ou un statut pour l'ensemble de ces salariés en première ligne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

La filière des biocarburants est fragilisée par la crise et le risque est accru par des importations massives. Une réaction s'impose au niveau européen pour activer la « clause de sauvegarde ».

L'industrie agroalimentaire est perturbée. Ne peut-on reporter l'application de certaines dispositions de la loi relative à l'économie circulaire et les mettre en perspective avec des études d'impact, en associant davantage les filières ?

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Une fois l'urgence passée se posera la question du déconfinement et de la reprise de l'activité, en particulier dans le secteur touristique. Je regrette la déclaration du secrétaire d'État aux transports qui demande aux Français à ne pas prévoir de vacances pour cet été. C'est un très mauvais message envoyé au secteur du tourisme, alors que nous travaillons avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères, sur un plan de relance à court et à long termes - même si 2020 sera sans doute effectivement une année blanche pour le tourisme.

Soyons optimistes, laissons aux Français aujourd'hui confinés quand même un espoir de pouvoir partir cet été ! Comment se fera la reprise des transports ? Selon quel calendrier, quelles zones géographiques ? Les transports intérieurs reprendront-ils avant les transports internationaux ? Pour favoriser le tourisme en France, ne pourrait-on baisser exceptionnellement les tarifs autoroutiers cet été ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Alors que nous traversons une crise sanitaire et économique violente et durable, pour reprendre les propos tenus devant nous par le ministre Bruno Le Maire, la planète profite de ce répit : nous redécouvrons le ciel bleu....

Le ministre de l'économie et des finances évoquait hier un projet de grand emprunt sur cinq à dix ans, si possible européen, pour relancer les investissements. Puisque l'État deviendra un planificateur économique dans les prochains mois, ne faut-il pas orienter cette relance pour aller plus vite et plus loin, faire du développement durable un levier de sortie de crise ? Je pense à la mobilité propre, à la performance énergétique, qui doivent permettre de renforcer notre durabilité et notre résilience. Pour cela, madame la ministre, il suffirait de conditionner les aides publiques à ces nouvelles orientations ? Quelle est la stratégie de votre ministère dans la perspective de cette relance économique ?

Le végétal sera demain le refroidisseur de la planète. Pourquoi obliger les horticulteurs à vendre uniquement des plantes maraîchères et non florales alors que le jardinage est bénéfique pour la planète, pour occuper les personnes confinées, et que le printemps ne reviendra que dans un an ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Il faut gérer l'urgence sanitaire et éviter des désastres économiques et sociaux, en particulier sur l'emploi. De nombreux scientifiques lient l'apparition de pandémies à la destruction de la biodiversité, à la déforestation et à la crise climatique. La crise environnementale est elle aussi une urgence. Ainsi, dans l'après crise, au moment de la relance économique, quelle sera, madame la ministre, la place pour l'environnement, le climat et la biodiversité ? N'est-ce pas une opportunité pour conditionner une partie des dépenses d'investissement nécessaires à la transition vers un nouveau modèle résilient et plus sobre. À l'échelle locale comme européenne, les plans de soutien à l'économie ne peuvent-ils pas être l'occasion d'accélérer la transition écologique ? Certaines régions françaises proposent un New Deal environnemental, avec des investissements publics dans la transition écologique, pour une économie relocalisée et résiliente. Il faut y réfléchir dès maintenant. Ne continuons pas comme avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Certaines grandes entreprises basculent de l'approvisionnement bois à l'approvisionnement gaz, profitant du seuil de 50 % d'énergies renouvelables pour avoir accès aux avantages fiscaux. Cela met en difficulté la filière bois, qui perd un débouché essentiel. Ne pourrait-on porter le seuil ouvrant droit à avantage fiscal de 50 % à 80 % de biomasse ?

Envisagez-vous un moratoire sur les textes d'application de la loi relative à l'économie circulaire ? Actuellement, on sollicite sur des sujets non urgents des entreprises mobilisées pour produire des flacons de gel hydroalcoolique...

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

EDF est doté depuis le début des années 2000 d'un plan de continuité d'activité, lui permettant de faire face à la situation de pandémie ; le groupe peut poursuivre son activité pendant douze semaines avec 25 % de ses effectifs en moins, et deux à trois semaines avec 40 % de personnel en moins. Actuellement, de nombreux salariés restent à la maison en raison de la fermeture des écoles et des crèches. La centrale de Fessenheim doit fermer un second réacteur le 30 juin. Est-ce toujours d'actualité, ou sera-t-il prolongé ?

Je m'interroge aussi sur le traitement des déchets - gants, masques, lingettes, surblouses - qui peuvent se retrouver dans la poubelle jaune. Il faut un meilleur recyclage de ces déchets, et interdire de jeter les lingettes dans les toilettes pour éviter de bloquer les stations d'épuration et limiter les risques de propagation de l'épidémie. Les matériaux hospitaliers sont traités séparément de ceux utilisés par les habitants. Des mesures sont-elles prévues en ce sens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Selon le Haut conseil de la santé publique (HCSP), il n'y a pas d'argument scientifique en faveur du nettoyage des rues et de la désinfection du domaine public. Le Comité national de la conchyliculture (CNC) demande un encadrement des pratiques de désinfection des rues pour préserver la faune et la flore terrestres et marines. Que prévoyez-vous pour encadrer ces pratiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Les chauffeurs routiers et les transporteurs jouent un rôle essentiel. Ils approvisionnent les entreprises et les hôpitaux, qui peuvent ainsi poursuivre leurs activités. Mais sur les autoroutes comme sur les autres réseaux routiers, les aires de repos sont fermées et ils se trouvent démunis faute de services. Que comptez-vous faire ? Les préfets pourront-ils apporter des assouplissements pour rouvrir certaines aires d'autoroute et mettre à disposition des emplacements dédiés ?

En outre, dans nos départements ruraux, beaucoup de personnes utilisent les transports ferroviaires pour aller au travail. Or il n'y a presque plus de liaisons TER. En temps normal, la ligne Bordeaux-Agen compte chaque jour quinze TER dans chaque sens ; aujourd'hui, il n'en roule plus qu'un ou deux. Peut-on espérer une amélioration de ces dessertes ?

Enfin, la question des déchets inquiète les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Des individus indisciplinés et irresponsables brûlent eux-mêmes leurs déchets, au risque de provoquer des incendies. Il faut également éviter les dépôts sauvages. Peut-on envisager une réouverture des déchetteries, sous certaines conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

À la lecture de la presse, les épandages agricoles seraient mis en cause : selon des organismes de surveillance de l'air et un collectif de médecins, ces traitements augmenteraient les émissions de particules fines, qui aggraveraient les symptômes du covid-19 ou faciliteraient sa propagation ! Quel est votre point de vue sur ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Les agences de voyage et les transporteurs aériens sont en plein contentieux : les règlements européens imposent aux seconds de rembourser les billets d'avion, ce qu'ils refusent de faire. Dans le meilleur des cas, ils proposent un avoir valable douze mois. Les agences de voyage, qui souffrent énormément, voudraient dix-huit mois, et une garantie en cas de faillite. Pouvez-vous venir à leur secours ?

Les entreprises assurant les transports scolaires souhaitent disposer d'indications au plus vite sur la date de rentrée des élèves. Elles en ont besoin de manière urgente pour prendre leurs décisions de gestion.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne, ministre

Monsieur le Sénateur Daniel Laurent, les prévisions de travaux éligibles au FACÉ pour 2020 ont été définies à la fin de l'année 2019. La règle est la suivante : vous avez jusqu'au 31 décembre de l'année n pour prévoir les travaux de l'année n+1. Les collectivités territoriales ont donc pu faire part des chantiers qu'elles souhaitaient mener en 2020, et elles ont jusqu'à la fin de l'année pour prévoir les travaux de 2021. Il devrait être possible de respecter ces délais. S'agissant des formalités nécessaires au déclenchement des travaux, il n'y a pas de doute : nous ferons preuve de souplesse - c'est possible avec les textes en vigueur - pour accorder aux collectivités territoriales les délais dont elles auront besoin.

L'effondrement du prix du gaz et les difficultés d'accès à la ressource pénalisent les producteurs de chaleur renouvelable, mais les aides du fonds chaleur sont précisément calibrées pour tenir compte des différentiels de coûts entre la biomasse et les énergies fossiles : cela devra donc être pris en compte. Pour autant, j'entends les difficultés liées aux activités forestières. J'espère qu'à l'instar des travaux publics, elles pourront reprendre rapidement, pour garantir la disponibilité de la ressource. Nous allons y travailler avec mon collègue, le ministre de l'agriculture Didier Guillaume. Plus globalement, nous examinons les moyens de mieux mobiliser les ressources de la filière bois au profit de la chaleur renouvelable comme de la construction. La mission de la députée Anne-Laure Cattelot se poursuit sur ce point pour trouver les bons mécanismes.

S'agissant des boues des stations d'épuration, l'avis de l'Anses précise que, pour celles hygiénisées par compostage, chaulage ou séchage thermique, le risque de propagation du virus est négligeable. Cela représente 84 % des boues. En revanche, l'Anses a préconisé de ne pas épandre les boues non hygiénisées à partir de la date de départ de l'épidémie, précisée par département. Elles devront donc être stockées et réorientées vers les filières d'hygiénisation ou d'incinération. Les préfets accompagneront les petites collectivités qui en auraient besoin.

Madame la Sénatrice Denise Saint-Pé, certains fournisseurs d'électricité veulent maintenant rendre les volumes d'Arenh qu'ils ont réclamés et obtenus à la fin de l'année dernière. Un certain nombre d'entre eux entendent activer la « clause de force majeure ». Cela signifie qu'ils ont bénéficié de l'Arenh pour acheter de l'électricité à un tarif plus faible que celui du marché, sinon ils n'auraient pas eu recours à l'Arenh mais à des contrats à terme. Maintenant, ils souhaitent, tout compte fait, rendre cette électricité. Cela reviendrait finalement à faire peser sur EDF la totalité des risques. Il y a un problème de principe, la CRE l'a fait valoir dans sa délibération. Certains fournisseurs alternatifs ont introduit un recours contre cette délibération et je n'ai pas à commenter ce que sera la décision du Conseil d'État. Je relève simplement que cela pose un vrai problème de principe de recourir à l'Arenh pour acheter à un prix inférieur au marché puis de considérer que l'on est délié de ses engagements en cas de retournement du marché. Un tel dispositif ne peut pas fonctionner durablement. Il n'est pas possible qu'un fournisseur d'énergie soit l'assureur de tous les autres. C'est aussi le sens de nos réflexions sur la nouvelle régulation économique du nucléaire. On ne peut un jour vouloir bénéficier de prix inférieurs à ceux du marché et s'en délier quand le marché se retourne ! Nous aurons à intégrer dans nos réflexions les comportements que l'on peut observer ces temps-ci.

Monsieur le Sénateur Laurent Duplomb, sur les critiques liées à l'envoi de questionnaires à certaines entreprises, sachez que mes services sont particulièrement mobilisés face à la crise que nous connaissons. Ils consacrent l'essentiel de leur énergie à accompagner toutes les entreprises des secteurs de l'eau, des déchets, des transports, de la logistique et de l'énergie, afin qu'elles puissent continuer à fournir les services essentiels à la vie de notre pays. Gardons-nous des caricatures. Les services du ministère de la transition écologique et solidaire ne sont pas là pour embêter le monde mais sont mobilisés depuis trois semaines pour accompagner notre pays dans cette crise sans précédent ! Il faudra bel et bien prendre le temps de tirer les leçons de cette crise, mais, à ce stade, mes conclusions sont à l'opposé des vôtres : il nous faut des circuits courts, des chaînes logistiques plus simples, car on ne peut pas être dépendant des produits importés. Ce débat de l'après-crise devra être mené.

Dans la situation actuelle, les chaînes logistiques doivent se réorganiser en permanence, notamment dans l'industrie agroalimentaire, et elles sont moins bien optimisées que d'habitude. Mécaniquement, si les camions sont à moitié vides, le prix du transport est plus élevé. Nous devons examiner cette question en toute transparence et s'assurer que chacun prend sa part. Le secrétaire d'État aux transports Jean-Baptiste Djebbari participe aux réunions au cours desquelles MM. Le Maire et Guillaume examinent ces sujets avec les acteurs de l'agroalimentaire, des transports et de la logistique.

Les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont, elles aussi, frappées par la crise : la circulation des véhicules légers a baissé de 85 %, celle des poids lourds de 45 %. La gratuité des péages pour les transporteurs aggraverait encore leurs difficultés. De plus, juridiquement, on ne peut pas cibler les transporteurs approvisionnant nos seuls magasins et exclure les poids lourds en transit... Cela ne me semble donc pas très praticable. Pour autant, les sociétés concessionnaires d'autoroutes sont mobilisées dans l'accompagnement de la crise. À leur initiative elles sont en train d'instituer un dispositif permettant le remboursement des péages acquittés par le personnel soignant. La société ATMB a déjà mis en place ce remboursement. C'est une action de solidarité importante.

Monsieur le Sénateur Fabien Gay, nous sommes très attentifs à la situation des ménages précaires dans le contexte actuel de confinement. Nous faisons notamment en sorte que les chèques énergie arrivent au plus vite. Le confinement peut en effet poser des problèmes financiers aux familles dont les enfants bénéficient d'ordinaire de tarifs réduits dans les cantines. Nous allons travailler sur cette question avec le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran et sa secrétaire d'État Christelle Dubos.

Au sujet du projet « Hercule », je tiens à vous rassurer : comme l'a dit le Président de la République, l'ensemble des réformes sont suspendues jusqu'à nouvel ordre, le Gouvernement se consacrant à 100 % à la gestion de la crise. Nous aurons à revenir sur la réorganisation d'EDF - pour répondre à la transition énergétique ! - et la régulation du nucléaire historique - en préservant les intérêts des consommateurs mais aussi les investissements de l'entreprise - mais le sujet n'est pas d'actualité.

Monsieur le Sénateur Franck Menonville, nous sommes très attentifs à la situation des producteurs de bioéthanol. Je suis favorable à l'activation de la « clause de sauvegarde » pour limiter les importations en cas de difficultés ; il faudra notifier la demande d'activation de cette clause à la Commission européenne. Nous veillons à mettre en lien les différents acteurs de la production de gel hydroalcoolique.

Madame la Sénatrice Viviane Artigalas, le Gouvernement a annoncé une réflexion sur le déconfinement mais les Français doivent savoir qu'il ne faut pas relâcher l'effort de confinement, afin de contenir la diffusion de l'épidémie et la pression sur nos hôpitaux. Cette réflexion n'est pas terminée. Nous ne sommes pas en train de dire que les Français ne pourront partir en vacances cet été. Le point de vigilance que soulignait M. Djebbari est que ce n'était sans doute pas le moment d'acheter un billet pour partir à l'autre bout de la planète, avec toutes les incertitudes qui existent sur l'état de l'épidémie en France et dans le monde, alors que nous venons d'accompagner le rapatriement de 150 000 compatriotes. Nous avons tous en tête la situation du secteur touristique. Nous pouvons recommander aux Français de profiter de notre beau pays pour les prochaines vacances, et, ce faisant, de soutenir nos acteurs du tourisme.

MM. les Sénateurs Alain Duran et Joël Labbé ont évoqué la sortie de la crise. D'emblée il faut indiquer que le Gouvernement est d'abord concerné sur la gestion de la crise. De même que le confinement avait été anticipé avec les plans de continuité de l'activité, il faudra anticiper le déconfinement pour les opérateurs d'importance vitale. Il sera sans doute progressif. Cet important travail préparatoire sera piloté par M. Jean Castex, avec qui nous allons échanger étroitement, pour permettre à tous les secteurs relevant de mon champ de compétences de se préparer à cette perspective. Je pense qu'il serait prématuré de donner aujourd'hui des indications.

On ignore combien de temps va durer la crise et dans quel état elle laissera notre pays et l'Europe. Il faudra faire preuve d'humilité et prendre le temps d'établir le diagnostic. A titre personnel, je suis convaincue que cette pandémie et les atteintes aux écosystèmes ont bel et bien un fondement commun ; la déforestation favorise le passage d'agents pathogènes de la faune sauvage aux humains. Il faudra en tirer toutes les conséquences, à ce titre, mais aussi en termes de souveraineté et de résilience. Nous devons préparer une société plus résiliente, plus écologique et plus solidaire, car, effectivement, la crise sanitaire n'efface pas la crise écologique. C'est à cette tâche que nous nous attèlerons.

Madame la Sénatrice Anne-Catherine Loisier, il est bien prévu d'augmenter les obligations d'incorporation de biomasse pour être éligible aux avantages fiscaux ; il faudra être attentif à la mise en oeuvre de ces dispositions, étant donné les difficultés d'approvisionnement signalées par les acteurs du secteur.

Sur la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, j'entends les questions et ferai le point avec mes services. Nous prendrons le temps de mener les consultations nécessaires dans de bonnes conditions avec les nombreux acteurs concernés.

Madame la Sénatrice Patricia Schillinger, on peut saluer la très bonne préparation d'EDF, via son plan de continuité d'activité, tout comme des autres grands opérateurs du secteur, ce qui permet d'assurer la sécurité de notre approvisionnement. Pour ce qui concerne la centrale de Fessenheim, le Gouvernement n'envisage pas de revenir sur les dates fixées qui correspondent à des obligations réglementaires : on ne peut ainsi changer de pied sur les calendriers liés à des arrêts de réacteurs nucléaires.

Le traitement des masques et des gants est une question sensible pour les opérateurs qui les collectent. Il ne faut pas mettre ces déchets dans la poubelle jaune, mais les stocker 24 heures dans un sac séparé, fermé, avant de les jeter dans la poubelle grise. Nous avons communiqué avec la filière et allons continuer à le faire.

Monsieur le Sénateur Henri Cabanel, beaucoup de questions ayant été posées sur ce sujet, nous avons souhaité avoir l'avis du HCSP. Il estime que, dans les pays où la désinfection des rues a été pratiquée, elle n'a pas eu d'impact sur la propagation de l'épidémie. Par ailleurs, nous sommes attentifs aux produits pouvant être utilisés à cette fin. Nous avons prévu une saisine complémentaire de l'Anses pour clarifier la liste des produits susceptibles d'être utilisés pour des désinfections spécifiques, notamment du mobilier urbain ou des établissements recevant du public (ERP). Les informations sont prévues dans le cadre des autorisations de mise sur le marché mais il est utile que l'Anses les explicite, alors que beaucoup de collectivités se posent des questions. Il faut s'assurer que ces produits soient efficaces pour lutter contre le virus et n'aient pas d'impact négatif sur l'environnement, notamment du fait de rejets dans le réseau de collecte ou d'assainissement

Monsieur le Sénateur Jean-Pierre Moga, M. Djebbari et moi-même suivons en permanence la situation des aires de service et de repos à disposition des routiers. Aujourd'hui, 95 % des aires de repos du réseau routier national, concédé ou non, sont ouvertes. Nous avons créé un numéro vert et une boîte aux lettres électronique pour leur permettre de nous signaler les dysfonctionnements qu'ils constatent. Tout le monde est conscient du service tout à fait majeur que le transport routier rend au pays, et les routiers doivent avoir les meilleures conditions de travail.

La réduction du trafic des TER peut créer des difficultés pour certains, mais, sur ce réseau, la fréquentation constatée est entre 0 % et 5 % du niveau habituel. Si nécessaire, les autorités organisatrices de transport peuvent affréter des cars. Cependant, l'offre maintenue de TER est en moyenne de 15 %, soit un niveau bien supérieur à la fréquentation. Si des difficultés persistent, il faut apporter des solutions ponctuelles à certains habitants.

Il n'y a pas eu de décision gouvernementale imposant la fermeture des déchetteries. Toutefois, les collectivités territoriales, chargées de ces services, ont sans doute voulu protéger les personnels concernés et les réaffecter à des tâches prioritaires, telle que la collecte des déchets. Nous allons étudier avec les collectivités territoriales dans quelle mesure ces déchetteries peuvent être rouvertes. C'est un enjeu pour les professionnels du secteur. De surcroît, nous avons besoin de déchets verts pour la méthanisation et il faut prévenir d'éventuels dépôts sauvages. À cet égard, les collectivités territoriales conservent bien sûr tous leurs pouvoirs de police.

La crise actuelle permet de mieux analyser l'origine de la pollution de l'air. Le trafic routier est presque à l'arrêt, et les oxydes d'azote ont beaucoup baissé - preuve qu'ils sont bien émis en grande majorité par les véhicules à moteur. En revanche, pour ce qui est des particules, la part de l'automobile est minoritaire et celle des épandages agricoles est importante. Au-delà du risque général, il n'est pas établi que ces particules favorisent la propagation du virus. Sur ce sujet, il importe de limiter les sources évitables - brulage à l'air libre ou chauffage d'agrément au bois - et de veiller à la qualité des combustibles.

Monsieur le Sénateur Michel Raison, face à une telle crise où tout le monde est en difficulté, les uns tentent nécessairement de se défausser aux dépens des autres. Les voyagistes sont effectivement en grande difficulté, mais les compagnies aériennes le sont également. Chacun doit prendre sa part. Il faut trouver un dispositif en ce sens, par exemple un système de prêts garantis, pour surmonter les difficultés, considérables, de ces secteurs.

Je mesure l'enjeu de visibilité pour le secteur des transports scolaires. Tous les acteurs ont besoin d'anticiper le déconfinement ; c'est précisément pourquoi M. Castex a prévu des concertations avec les différents secteurs, pour que les opérateurs puissent se préparer à un déconfinement dont nous devons encore établir les scénarios.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci d'avoir répondu à l'ensemble de nos questions. Bien sûr, nous allons poursuivre le dialogue avec vous au cours des prochaines semaines.

Demain matin, les bureaux de notre commission et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable procéderont à l'audition commune de M. Philippe Wahl, PDG du groupe La Poste.

La téléconférence est close à 20 h 55.