Intervention de Fabrice Leggeri

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 avril 2020 à 16h10
Justice et affaires intérieures — Audition de M. Fabrice Leggeri directeur exécutif de frontex par audioconférence

Fabrice Leggeri, directeur exécutif de Frontex :

Les flux migratoires, depuis le déclenchement de la crise du Covid-19, sont en très nette réduction. La Turquie a, comme je l'ai dit, tenté de forcer violemment la frontière terrestre, mais la Grèce a tenu bon, seule les premiers jours, puis avec notre soutien. Les autorités turques se sont finalement rendu compte que rassembler des milliers de migrants le long de la frontière pouvait constituer une véritable bombe sanitaire pour le territoire turc.

Environ 1 700 personnes au total sont parvenues en Grèce, soit par la frontière terrestre, soit par la mer, mais les choses sont sous contrôle, et les arrivées qui se font encore ne concernent que quelques dizaines de personnes.

Côté italien, la situation est à peu près la même. On n'a donc pas observé de flux croissants, même si on enregistre quelques arrivées isolées depuis la Libye ou, en Espagne, en provenance du Maroc.

Pour le moment, le Covid-19 entraîne globalement une diminution des flux. C'est le cas en France. Il est cependant nécessaire de prendre des précautions. La Grèce, par exemple, impose une quarantaine. Les personnes qui arrivent depuis début mars sont séparées des autres afin d'éviter de diffuser le Covid-19 parmi les populations de migrants présentes depuis un certain temps, qui peuvent être a priori considérées comme saines.

On a également assisté à la fermeture de camps de migrants en Grèce. Les dispositions qui s'appliquent sont similaires à celles qui s'adressent au reste de la population grecque. Comme pour une grande partie de la population de l'Union européenne, le message est de rester chez soi.

Pour le moment, quelques cas ont été recensés dans les camps de migrants en Grèce. Les autorités grecques ont préparé des plans sanitaires, mais il est évident que l'on pourrait assez rapidement déplorer une catastrophe humanitaire. La situation est extrêmement volatile et comporte un risque.

L'éloignement des étrangers en situation irrégulière est quasiment interrompu depuis le 5 mars, les États membres ayant progressivement suspendu les liaisons aériennes. Nous maintenons néanmoins une capacité d'escorteurs pour réaliser des opérations de réadmission dès que possible. Nous travaillons notamment avec la Commission européenne et la Grèce à un plan d'éloignement de 5 000 migrants irréguliers déboutés du droit d'asile afin de les ramener vers leur pays d'origine.

Pour ce qui est des enfants, en particulier des mineurs isolés, on constate la même réduction de flux de façon générale. On n'observe pas, de ce point de vue d'augmentation ni de phénomène particulier.

Pour ce qui est de l'harmonisation des procédures d'éloignement au-delà des problématiques liées au Covid-19, la révision de la directive « retours » est en cours. À mon sens, ainsi que je l'avais déjà dit à la Commission européenne il y a deux ans, on parviendra vraiment à harmoniser le retour lorsqu'un règlement de l'Union européenne, plutôt qu'une directive, laissera moins de marges aux interprétations nationales et aux étrangers en situation irrégulière qui souhaiteraient se jouer des différents systèmes nationaux d'éloignement.

S'agissant du droit au séjour en période de Covid-19 et, de façon plus générale, des mesures prises dans l'Union européenne par rapport au fait que nos frontières extérieures sont fermées, la Commission européenne a associé Frontex à la préparation d'instructions pratiques à destination des États membres en vue d'appliquer la fermeture de leurs frontières extérieures.

Les frontières, en période de Covid-19, restent ouvertes aux trafics vitaux essentiels et aux Européens qui veulent pénétrer dans l'Union européenne, ainsi qu'aux résidents étrangers membres de familles de ressortissants de l'Union européenne qui possèdent un titre de séjour. J'ai eu l'occasion, avec la commissaire européenne Johansson, de présenter notre guide pratique au ministre de l'intérieur dans le cadre d'une visioconférence

D'un point de vue pratique, il n'est pas question de réduire les contrôles de sécurité dans l'espace Schengen. Nous devons demeurer particulièrement vigilants par rapport au risque terroriste sur le territoire de l'Union européenne.

Nous avons invité les États membres à concentrer la main-d'oeuvre et les équipements aux frontières extérieures, en particulier les équipements sanitaires, et à mettre en place des mesures de quarantaine et de protection des voyageurs, comme la prise de la température, afin de pouvoir notifier une quarantaine obligatoire.

En ce qui concerne le droit au séjour, la Commission européenne a également invité les autorités nationales, dans le cadre de ce guide pratique, à prolonger en tant que de besoin la durée de validité des visas pour les personnes en situation légale dans l'Union européenne et qui, pour une raison de force majeure, ne pourraient bénéficier de pont aérien.

En ce qui concerne le budget, l'essentiel de l'argent est attendu en 2021. C'est ce qu'avait proposé la Commission européenne. Ceci a été annexé au règlement européen qui a décidé la création du corps européen. Nous ne percevrons donc malheureusement de l'argent frais qu'en 2021. On espère recevoir 900 millions d'euros.

Nous toucherons cette année 460 millions d'euros. Ceci inclut la subvention européenne, qui comprend les contributions des États Schengen non-membres de l'Union européenne. Or l'année 2020, avant les événements liés au Covid-19, devait déjà être assez tendue pour Frontex. Nous devons procéder à la fois à un certain nombre d'investissements et de préparatifs liés au corps européen, tout en conservant notre activité de routine, qui a atteint un volume inégalé. Nous avons consommé 99,9 % de notre budget en 2019, ce qui ne s'était jamais produit ces dernières années.

Au vu de cette situation budgétaire délicate, je ne peux donc vous garantir que le corps européen va pouvoir compter 10 000 garde-frontières. Pour le moment, ce n'est pas financé.

Certains États membres sollicitent-ils des aides financières de Frontex ? Cela ne figure pas dans notre mandat. Nous ne pouvons pas accorder d'aides financières. Nous fournissons une aide en nature, avec des déploiements de garde-frontières, de garde-côtes, des équipements - bateaux, avions, etc. Nous assurons aussi des prestations de service pour renforcer les contrôles aux frontières. Il arrive toutefois que nous apportions indirectement une aide financière lorsque certains équipements manquent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion