Si mes calculs sont bons, 39 ordonnances ont été prises depuis l'adoption de la loi d'urgence sanitaire, dont 7 par le ministère de la justice. Quand l'État de droit connaît une situation exceptionnelle, au risque d'en être fragilisé, nous avons plus que jamais besoin d'un service public de la justice à la hauteur.
Pour reprendre un propos quelque peu incisif du professeur de droit Jean-Philippe Derosier, « la crise sanitaire que nous traversons impose d'agir, mais elle ne justifie pas d'agir n'importe comment ». Rassurez-vous, madame la garde des sceaux, mon intention n'est pas de signaler des difficultés ; j'entends plutôt les prévenir !
Ainsi, le syndicat de la magistrature s'est inquiété de la prolongation des détentions provisoires. Vous avez indiqué que la personne détenue ou son avocat pouvait demander à tout moment une mainlevée de cette mesure, mais cette démarche est plus contraignante que le réexamen prévu au bout de quatre mois. Combien de personnes ont vu leur période de détention prolongée ? Combien de mesures de mainlevée ont été reçues depuis la décision de prolongation ? Comment et dans quels délais ces demandes seront-elles instruites ?
Par ailleurs, la crise va mettre à mal la trésorerie de nombreux cabinets d'avocats, essentiels à l'accès au droit et à la justice sur le territoire. J'ai une pensée particulière pour les jeunes avocats, qui seront les plus durement touchés. Au-delà des dispositifs de droit commun, envisagez-vous des mesures spécifiques pour venir en aide à cette profession, qui, voilà quelque temps, s'exprimait dans la rue sur un autre sujet ? Il ne peut y avoir de grand service public de la justice sans une profession d'avocats rassérénée sur son devenir économique !