Vous l’avez dit, monsieur le président Retailleau, la stratégie française a consisté à mettre en œuvre le confinement, afin d’éviter que l’afflux de cas sévères dans les hôpitaux français ne soit si important que nos capacités globales d’accueil en service de réanimation soient dépassées.
Néanmoins, je ne crois pas – je le dis sans esprit de polémique – que toute la stratégie française se soit résumée au confinement.
Certes, cela a été un instrument extrêmement important pour éviter le dépassement de notre capacité hospitalière, phénomène constaté dans d’autres pays. De ce point de vue – je le dis avec une immense modestie et beaucoup de prudence –, nous avons réussi : les capacités françaises d’accueil hospitalier n’ont pas été dépassées, le système a tenu, au prix, certes, d’une pression considérable et d’efforts absolument admirables, mais il a tenu.
Cela dit, nous ne nous sommes pas cantonnés à organiser le confinement et à attendre, ensuite, que les choses se passent, vous l’imaginez bien. Nous avons ainsi veillé, dans le même temps, à ce que notre appareil productif soit développé et, à bien des égards, réorganisé, afin qu’il puisse nous fournir les instruments nécessaires et sûrs pour sortir progressivement de ce confinement et nous protéger contre le virus.
C’est pour cela que les capacités françaises de production de masques chirurgicaux et de masques FFP2 ont été accrues, et nous avons fait très tôt en sorte d’accroître cet effort productif.
Je le reconnais volontiers, monsieur le président Retailleau – vous-même le savez bien, ainsi, au fond, que tous ceux qui sont de bonne foi –, obtenir après explications d’une entreprise qui a de telles capacités de production qu’elle multiplie celles-ci par deux ou trois ne se fait pas en un instant, en claquant des doigts. Elle doit investir dans des machines, sécuriser ses circuits de distribution, acheter de la matière première, former ses salariés ; bref, cela prend du temps.
L’augmentation des capacités productives nationales en matière de masques chirurgicaux et de masques FFP2 a donc pris du temps, mais ces capacités se sont considérablement accrues. L’objectif, rappelé par le ministre des solidarités et de la santé et par le Président de la République, est d’arriver, dans les plus brefs délais, à une forme d’autonomie nationale en matière de production de masques FFP2.
Autre élément de réponse : nous avons également développé la normalisation et la certification des masques dits « grand public », qui permettront à l’ensemble de nos concitoyens de s’équiper en masques anti-projections, un facteur supplémentaire de protection.
Je veux dire un mot à ce sujet. Vous avez raison, monsieur le président Retailleau, nous devons toujours apprendre de nos voisins ou de nos partenaires, lorsque ceux-ci réussissent mieux que nous ; c’est un principe d’humilité, mais aussi d’intelligence : lorsque quelque chose fonctionne ailleurs, il faut évidemment s’en inspirer, mais considérons alors réellement tout ce qui se passe ailleurs. Constatons notamment que, dans des pays où l’on a beaucoup recouru aux tests et aux masques, on en arrive parfois au confinement, parce que cela ne suffit pas.
Considérez ainsi ce qu’il est en train de se passer au Japon ou à Singapour. Ces pays sont, on peut le dire, très différents du nôtre et ils ont adopté une politique présentée pendant quelques semaines, voire quelques mois, comme exemplaire ; mais la vérité, c’est que, eux aussi, en viennent au confinement. Cela prouve que nous devons aborder ces sujets avec, je le répète, humilité ; ce qui paraît, à un moment ou à un endroit, évident l’est parfois un peu moins lorsque l’on observe l’effet dans la durée.
Notre objectif n’est pas de faire en sorte que, le 11 mai prochain, on revienne à la situation prévalant jusqu’au confinement ; cela ne se passera pas ainsi.
Il fallait fixer un objectif – c’est ce qu’a fait le Président de la République – et dire que cette période de confinement ne pouvait évidemment pas durer indéfiniment ; il faut se donner les moyens de tenir cet objectif, en respectant scrupuleusement les trois principes, évoqués par le Président de la République, de sécurité sanitaire, de préservation de la santé des Français et de continuité de la vie de la Nation.
Cela passera – le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse l’a souligné – par une reprise progressive de l’école, progressive parce que, on le conçoit aisément, dans bien des endroits du territoire, on commencera par telle ou telle classe, on réorganisera la journée selon des rythmes un peu différents de ceux qui prévalaient auparavant ou on essaiera d’utiliser les locaux scolaires de façon différente de ce que l’on faisait jusqu’alors.
Cela nous conduira donc forcément, et heureusement, d’ailleurs, à travailler avec les maires et les élus locaux ; nous ne pouvons pas « réussir » ce déconfinement seuls. Je l’ai indiqué plusieurs fois, presque avec humour, jamais personne n’a fait ce que nous allons collectivement effectuer. Un déconfinement aussi massif, avec le risque sanitaire et les difficultés que nous connaissons, est un territoire inexploré, n’a pas de précédent. Par conséquent, abordons-le avec humilité, avec prudence et selon une logique expérimentale, si j’ose dire ; essayons de tester les choses.
J’en terminerai avec ceci. Vous nous encouragez à une vision offensive et nous allons évidemment développer les tests et les masques pour faire en sorte que chacun puisse en obtenir, mais il nous faudra sans doute accepter l’idée de tester certaines méthodes dans certains endroits. Cela posera mille questions et, je le sais, mille personnes viendront nous voir en nous demandant pourquoi nous essayons ceci ici et non là, en nous disant que, si nous essayons telle procédure, cela veut dire que nous n’en sommes pas sûrs. Nous aurons l’humidité d’expliquer qu’il nous paraît utile et intelligent d’expérimenter cette méthode pour pouvoir, ensuite, la développer.