Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 avril 2020 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères en téléconférence

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Faute de temps, je vais tenter de répondre aux points qui me paraissent les plus centraux et sur lesquels je ne suis pas déjà intervenu.

M. del Picchia et Mme Conway-Mouret, entre autres intervenants, ont fait part de leur inquiétude pour l'AEFE si aucune initiative forte n'était prise. Je ne peux qu'adresser un message politique fort de notre volonté d'agir pour permettre à l'AEFE de tenir le coup durant cette période, d'être au service des enfants de nos ressortissants ou de parents étrangers désireux d'inscrire leurs enfants dans une école française. Nous maintiendrons l'AEFE dans ses vocations. Il ne s'agit pas du message du seul ministre des affaires étrangères, mais aussi du message du Président de la République, qui a dit les choses avec une très grande fermeté hier, sur RFI. Je tiens à vous rassurer sur notre détermination à agir.

Madame Conway-Mouret, je souhaite aider les pays africains à combattre cette pandémie, mais sur leur territoire. Nous pouvons apporter l'aide nécessaire, avec la mobilisation financière que j'ai évoquée dans mon propos introductif, pour assurer la détection, les soins et la protection. Telle est la mission de l'AFD et de l'ensemble des acteurs qui sont aujourd'hui au rendez-vous.

Monsieur Vial, la situation politique en Syrie ne bouge pas. Le comité constitutionnel syrien mis en place à Genève ne répond pas à sa vocation. Par ailleurs, la situation dans la partie nord-ouest et nord-est du pays est très difficile pour les populations de réfugiés, de déplacés, voire de prisonniers. Nous souhaitons qu'un accès humanitaire à ces zones soit possible. La France est au rendez-vous, puisque nous avons mobilisé 50 millions d'euros pour l'aide humanitaire, qui est aussi aujourd'hui l'aide sanitaire, en particulier au nord-ouest. L'évolution politique laisse entrevoir peu de perspectives positives. Encore faut-il que nous puissions aider à éviter qu'il y ait trop de drames dans les zones où se trouvent le plus de réfugiés et de déplacés.

Monsieur Bockel, le dispositif mis en place à Pau continue de fonctionner. La crise du coronavirus n'a pas empêché la tenue d'élections au Mali. Le deuxième tour aura lieu dimanche prochain. Les grands engagements du sommet de Pau, que j'avais qualifié de sommet de la gravité, de l'unité, de la clarification et de la remobilisation, continuent d'être suivis, en dépit des difficultés que rencontre le Tchad dans sa lutte contre Boko Haram. La force conjointe du G5, les actions de Barkhane, la mise en oeuvre de la force Takuba et de l'action humanitaire se poursuivent. Vous faites bien de le rappeler tant on pourrait l'oublier en cette période.

Monsieur Roger, vous dire à quel moment les hôtels et restaurants pourront rouvrir n'est pas de ma compétence. Le Président de la République s'est prononcé lundi sur un agenda qui dépend aussi de l'évolution des conditions sanitaires. Nous allons mettre en place, avec Jean-Baptiste Lemoyne, un dispositif de soutien et de sauvetage pour toutes les entreprises liées au tourisme. C'est une profession qui souffre beaucoup et qu'il importe d'accompagner à travers un plan spécifique qu'annoncera le Premier ministre.

Monsieur Devinaz, l'AFD va reprogrammer des crédits pour déterminer des priorités intégrant la dimension Covid-19 et le combat contre la pandémie. Nous allons réorienter les financements.

Monsieur Saury, je ne suis pas prophète, mais il est certain que les habitudes de déplacement vont changer. J'espère qu'il n'y aura pas d'autre pandémie et que nous parviendrons à endiguer rapidement celle qui nous frappe.

Madame Perol-Dumont, je voudrais vous assurer de notre volonté majeure de voir émerger à l'échelle africaine un mécanisme de coordination scientifique de haut niveau. Il est nécessaire de s'appuyer sur les antennes de l'Institut Pasteur, mais aussi sur tous les outils scientifiques existant en Afrique pour créer ce réseau. C'est indispensable.

En France, la première victime médicale de la pandémie a été un médecin venu de Madagascar pour nous aider. Il s'agissait d'un épidémiologiste de grande qualité. Ce drame montre que les scientifiques africains peuvent aussi venir aider les médecins français dans une telle situation.

Monsieur Todeschini, j'essaierai de reparler avec mon homologue allemand de la question des travailleurs frontaliers et de la coopération avec l'Allemagne. Je sais que la situation est difficile. Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises pour tenter d'alléger ces contraintes. J'ai bien entendu votre message, et j'essayerai de faire au mieux.

Heureusement, monsieur Poniatowski, que je me montre plus optimiste que vous. Je suis conscient des handicaps et des contraintes qui affectent l'ONU, notamment du blocage que peut entraîner le droit de veto. C'est la raison pour laquelle nous avons créé l'Alliance pour le multilatéralisme, dont j'espère qu'elle pourra aider à modifier certains comportements au sein des Nations unies.

Après la dernière guerre mondiale, la communauté internationale s'est dotée d'outils majeurs qui ont tenu, au moins jusqu'à maintenant, avec divers succès. Le travail mené entre les États s'est avéré très positif dans différents domaines. Sans doute passerons-nous à une nouvelle étape après cette autre crise, dont on dit qu'elle a autant d'ampleur que celles qui ont suivi les guerres mondiales. Peut-être nous permettra-t-elle de tirer les leçons de nos échecs et de recomposer notre multilatéralisme. J'ai cet optimisme. Il en faut toujours pour essayer de renverser les contraintes et l'immobilisme.

Madame Garriaud-Maylam, je vous remercie d'avoir évoqué Haïti. Vous m'avez déjà parlé de cette situation très douloureuse que nous allons essayer de régler. Malheureusement, nous avons dû suspendre les adoptions en cours en raison de conditions de sécurité dégradées.

Monsieur Guerriau, la situation au Liban nous inquiète, mais nous ne pouvons-nous substituer aux autorités libanaises. Un gouvernement a été constitué sur la base d'un programme de réformes. Il s'agit du point de passage obligé pour redonner confiance aux acteurs internationaux. Le Liban doit se prendre en main et poursuivre ces réformes, en particulier dans le domaine de l'électricité, de la gouvernance, de la régulation des secteurs clés, du fonctionnement de la banque centrale... Tout cela suppose de la transparence et une lutte extrêmement vigilante contre la corruption.

Par ailleurs, le Liban a fait défaut sur sa dette voilà un mois, sur décision de son gouvernement. Il est urgent que ce pays assure sa reprise en main. Je n'ignore pas la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle est jusqu'à présent limitée, avec seulement 632 cas. Elle pèse toutefois sur l'économie et sur le système de santé libanais. Faisons tous en sorte que les Libanais prennent les décisions qu'il convient pour leur permettre de retrouver la confiance des acteurs que nous avions réunis à Paris dans le cadre du Groupe international de soutien au Liban, en décembre dernier. Nous étions tous prêts à agir pour aider le Liban à retrouver une dynamique positive. À lui de donner le signal de départ en prenant les mesures nécessaires. La période peut être opportune. Nous sommes tous très attachés, les uns et les autres, au Liban.

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