Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 15 avril 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • afrique
  • aidé
  • sanitaire
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour faire ce point sur la situation internationale avec notre commission. Je veux d'abord vous remercier personnellement : vous avez accompli l'exploit d'extraire plus de 150 000 Français de 140 pays en quelques semaines. Bien des problèmes ont pu être réglés grâce à votre engagement personnel. Veuillez transmettre nos remerciements à tout le personnel diplomatique, qui, malgré les contraintes budgétaires subies, s'est montré à l'écoute des Français vivant ou séjournant à l'étranger. Nous n'oublierons pas ce moment.

Vous allez évoquer devant nous l'état du monde, qui ne s'arrange pas : le Covid-19 est une sorte d'accélérateur géostratégique de toutes les menaces à l'oeuvre qui porte un coup au système multilatéral de l'après-guerre, comme en témoigne la décision dommageable du Président Trump de suspendre la contribution américaine à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Vous nous retracerez l'action que vous menez en direction des Français à l'étranger ; vous attendez une deuxième vague de retours, depuis l'Afrique, l'Amérique latine, mais aussi l'Asie, où il y a encore beaucoup de jeunes Français.

Nous souhaitons ensuite connaître votre jugement sur la coordination européenne face à cette crise. Nous sommes par ailleurs très inquiets des conséquences sanitaires, économiques, sociales et politiques de la pandémie en Afrique, ainsi que de l'impact qu'elle peut avoir sur les régions qui connaissent déjà des crises de sécurité, que ce soit en Syrie, en Libye, en Irak, au Liban ou encore en Ukraine.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je suis très heureux d'avoir cette occasion de converser avec vous. Dans cette période difficile, il est important de garder ce lien de compréhension mutuelle.

Je veux évoquer la situation des Français à l'étranger, puis celle des Français de l'étranger - la distinction est importante.

Il nous a fallu en premier lieu permettre à nos compatriotes en déplacement personnel ou professionnel de rejoindre le territoire national alors même que le trafic aérien international était de plus en plus limité et que les frontières et les aéroports de bien des pays fermaient. En dépit de situations difficiles, nous avons fait en sorte que 166 000 personnes rentrent de 140 pays différents. Il a fallu pour ce faire affréter des vols, téléphoner à des ministres, voire à des chefs d'État, mais nous sommes presque parvenus à la fin de cette étape, même si quelques complications sont encore possibles. Je pense notamment aux jeunes qui se trouvent en Australie ou en Nouvelle-Zélande dans le cadre d'un programme vacances-travail ; du fait du confinement, ils se retrouvent parfois sans activité et sans ressources. Nous les avons invités à se manifester auprès de nos consulats et nous avons mis en place des vols à tarifs attractifs pour leur permettre de rentrer en France ; ceux qui veulent rentrer pourront le faire.

Ce rapatriement global a pu se dérouler grâce à notre bonne relation avec Air France, mais aussi à la coopération d'autres compagnies aériennes, notamment Qatar Airways et Ethiopian Airlines. Dès la semaine prochaine, ce sera une nouvelle donne. Les compagnies aériennes ont réduit considérablement leurs liaisons et se sont repliées sur un réseau squelette ; nos ressortissants encore présents à l'étranger devront donc prendre d'autres dispositions. J'apprécie en tout cas vos remerciements : notre centre de crise et les postes diplomatiques ont su faire face et accomplir leur devoir.

Concernant les Français résidant à l'étranger, nous leur avons généralement conseillé de rester sur place et de respecter les mesures de confinement prises par les autorités locales. Environ 3,5 millions de personnes sont concernées ; la crise actuelle est d'ailleurs pour elles une bonne occasion de s'inscrire au registre des Français de l'étranger tenu dans chaque consulat. Nous leur conseillons aussi de nous faire connaître leurs éventuelles vulnérabilités sanitaires. À la demande du Président de la République, nous travaillons à la mise au point d'un dispositif de soutien médical et, éventuellement, d'évacuation sanitaire, afin de les rassurer. Ce dispositif sera différent selon les pays. Dans chaque pays vulnérable, nos ambassadeurs feront connaître aux expatriés toutes les mesures susceptibles d'assurer leur protection.

Il importe que nous puissions garder notre influence dans ces pays. La sécurisation de nos concitoyens qui y résident doit par conséquent être non seulement sanitaire, mais aussi éducative et sociale. L'enseignement doit être maintenu, notamment au sein des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Nous apprécions la continuité pédagogique assurée par tous leurs enseignants restés sur place, qui ont fait montre de professionnalisme et de loyauté envers la communauté française et les autres enfants placés sous leur responsabilité. Cela aussi fait partie de l'influence de la France.

Nous nous soucions particulièrement de trois aspects de notre système éducatif à l'étranger : les bourses existantes, l'aide sociale apportée à certaines familles rencontrant aujourd'hui des difficultés, mais aussi les problèmes financiers qui touchent certains établissements. Nous allons mettre en place dans les jours qui viennent, à la demande du Président de la République, un plan d'urgence visant à apporter un soutien massif à tout le réseau et à garantir ainsi sa continuité. Nous le rendrons public dans les plus brefs délais, de même que le dispositif sanitaire ; certaines mesures requerront des traductions législatives et budgétaires.

J'en viens à la réponse européenne à la crise.

La machine a connu un léger retard à l'allumage, comme Mme von der Leyen l'a reconnu elle-même. Il y a eu du retard dans la solidarité, parce que l'ampleur de l'épidémie a surpris et désarçonné tout le monde, mais aussi parce que la santé ne fait pas partie des compétences ordinaires de l'Union européenne. Devant l'urgence, les États ont d'abord réagi en ordre dispersé. Néanmoins, ce retard a été largement rattrapé. Des actes de solidarité concrète ont vite eu lieu : nous remercions nos voisins allemands, suisses, autrichiens ou encore luxembourgeois d'avoir pris en charge des malades français. Nous avons pu collaborer pour les rapatriements, par le biais d'un mécanisme européen de protection civile qui s'est avéré efficace. Nos instruments conjoints d'appui humanitaire et d'aide au développement ont été mobilisés.

Surtout, toutes les institutions européennes ont été au rendez-vous de la réponse économique à la crise, de la Commission à la Banque centrale européenne (BCE) et à la Banque européenne d'investissement (BEI). La BCE a très tôt procédé au rachat de 750 milliards d'euros d'actifs ; des commandes groupées d'équipements de protection ont été passées très vite. L'UE a levé des tabous et pris des décisions qui, auparavant, auraient été jugées impossibles ou irresponsables : les règles du pacte de solidarité et celles relatives aux aides d'État ont été assouplies. L'Eurogroupe de la semaine dernière a acté l'engagement de 540 milliards d'euros supplémentaires au travers de la BEI et de la mobilisation du mécanisme européen de stabilité ; l'initiative Sure aidera en outre les États à financer le chômage partiel. Cela sera complété par la mise en place du fonds de relance souhaité par la France, qui avait suscité des oppositions. Ce fonds, d'un montant d'environ 500 milliards d'euros, permettra d'engager ensemble les investissements nécessaires pour sortir de la crise économique une fois la pandémie jugulée.

Je suis convaincu que ce plan de réponse global sera validé au Conseil européen du 23 avril prochain et que cet épisode amènera l'Europe à se montrer plus pragmatique, plus réactive, plus solidaire, mais aussi plus souveraine dans ses décisions. La crise peut être un accélérateur de refondation ; elle permet en tout cas des actes que l'Union n'avait jamais osé entreprendre.

Concernant l'Afrique, je tiens d'abord à condamner avec la plus grande fermeté, comme le Président de la République ce matin, les propos humainement et moralement scandaleux que j'ai entendus sur de prétendues expérimentations qui pourraient se mener sur ce continent.

Nous considérons la situation sanitaire en Afrique sans catastrophisme, mais avec une extrême vigilance. La pandémie y est plus tardive qu'en Europe - on ne compte encore que 816 morts -, mais la vague monte et la quasi-totalité des pays est désormais touchée. On connaît la fragilité des systèmes de santé africains, les difficultés d'acheminement des médicaments, le manque de ressources et de personnel médical. Par ailleurs, les mesures de confinement peuvent avoir un effet dévastateur sur la part importante de la population qui tire ses ressources de l'économie informelle. Il est de notre devoir, en tant que bons voisins et amis, d'agir pour aider l'Afrique à faire face, mais c'est aussi dans notre intérêt. C'est un impératif sanitaire : nous devons écarter la menace d'un effet boomerang dans les prochains mois. C'est aussi un impératif sécuritaire : les terroristes ne sont pas confinés, ils continuent à frapper. Il importe donc que nous continuions à aider l'Afrique de manière très vigoureuse.

Je suis impressionné par la prise de conscience de l'enjeu par les autorités africaines, qui ont pris des mesures précoces de grande ampleur. J'ai également été frappé par la qualité de l'appel lancé par le Président de la République et relayé par de nombreux chefs d'État ou de gouvernement européens et africains : les actions proposées sont extrêmement fortes, ce doit être un grand sursaut.

Il faut soutenir et accompagner les efforts des États africains dans le domaine sanitaire. C'est pourquoi j'ai décidé de réorienter immédiatement 1,2 milliard d'euros de l'aide française au développement vers les enjeux sanitaires et alimentaires, afin de renforcer les systèmes de soins et les capacités de détection. L'Europe a également pris des initiatives ; Mme von der Leyen a annoncé la mobilisation de 15 milliards d'euros pour les pays en difficulté. Le compte n'y est pas tout à fait pour l'Afrique, mais nous allons continuer de travailler. Nous agissons enfin en collaboration avec l'OMS et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, pour que le multilatéralisme soit présent et efficace sur le terrain. Nous avons négocié un accord particulier avec le Fonds mondial pour que 5 % des sommes qui lui ont été remises puissent aller à l'assistance technique aux États, qui pourraient alors bénéficier de son important réseau.

Le secteur scientifique africain ne doit pas non plus être négligé ; il permettra, en relation avec les antennes de l'Institut Pasteur, d'accélérer la recherche sur les vaccins, en lien avec l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) et l'OMS. Ces collaborations seront essentielles pour garantir qu'un vaccin soit disponible en Afrique, mais aussi aider à l'innovation.

La troisième priorité de notre action pour l'Afrique est l'urgence humanitaire. La restriction des transports et les fermetures de frontières engendrent des difficultés de ce point de vue. Nous allons donc mettre en place, à l'échelle européenne, un pont aérien humanitaire pour répondre à l'appel à la mobilisation lancé par le secrétaire général des Nations unies.

Enfin, le quatrième pilier de cette action est économique. Vous avez entendu l'appel relatif à la dette qu'a lancé le Président de la République en réponse aux initiatives des ministres des finances africains. Hier soir, une première étape a été franchie : les créanciers publics et privés bilatéraux se sont mis d'accord pour un premier moratoire de 20 milliards de dollars au sein du club de Paris ; le G20 a aussi validé cet accord. La Chine, devenue ces dernières années l'un des principaux créanciers des pays africains, a pris part à cet accord, ce qui représente un acte historique de sa part. Il faudra que les institutions multilatérales répondent à la même logique de manière à élargir ce dispositif ; parallèlement, conformément aux engagements du Président de la République, nous nous organiserons pour une annulation nette de la dette des pays pour lesquels cela s'avérera nécessaire. Ce qui paraissait récemment impossible se met en place ! Mentionnons aussi la mobilisation des droits de tirage spéciaux par le Fonds monétaire international.

Je veux à présent faire un tour d'horizon des crises internationales en cours. Le 23 mars, le secrétaire général des Nations unies a lancé un appel au cessez-le-feu mondial, auquel le pape François a fait écho le jour de Pâques. Malheureusement, malgré les efforts diplomatiques, les crises se poursuivent dans la violence.

Dans la région d'Idlib, au nord-ouest de la Syrie, l'accord conclu le 5 mars entre la Russie et la Turquie est toujours en vigueur, mais ni le régime de Bachar Al-Assad ni la Russie n'ont renoncé à l'ambition de reprendre leur offensive le moment voulu. Comme rien n'avance à Genève, Idlib reste une poudrière sanitaire : les personnes déplacées en particulier courront un risque énorme quand l'épidémie les atteindra. Nous travaillons à obtenir des dérogations pour que l'aide médicale et humanitaire parvienne dans cette zone.

En Libye, pendant la crise sanitaire, les combats continuent. La trêve conclue il y a trois semaines est restée lettre morte, le processus de Berlin est encalminé. Des offensives ont été lancées sur la bande côtière par le gouvernement dit « d'entente nationale », avec le soutien de la Turquie ; des villes, notamment Sabratha, ont été reprises à l'Armée nationale libyenne du maréchal Haftar. Celle-ci a riposté, les combats se poursuivent. Il faut que les causes profondes du conflit fassent enfin l'objet de négociations : un remplaçant doit être trouvé à M. Ghassan Salamé ; on doit désarmer les milices et faire partir les mercenaires ; les ressources pétrolières doivent être justement réparties. L'embargo sur les armes doit être respecté ; c'est l'objet de l'opération Irini, qui va bientôt se mettre en oeuvre et dont la France sera le plus grand contributeur.

Au Yémen, un cessez-le-feu de deux semaines a été annoncé par la coalition menée par l'Arabie saoudite, mais on relève de nombreuses violations de part et d'autre. Il est d'autant plus urgent de le faire respecter que les premiers cas de Covid-19 viennent s'ajouter au choléra dans un pays dont le système de santé est déjà dévasté. Nous soutenons les efforts de M. Martin Griffiths en la matière.

L'Irak, pour sa part, fait face à une accumulation de défis majeurs : une crise sanitaire - l'épidémie y a commencé -, une crise économique, du fait de l'effondrement des prix du pétrole, dont ce pays est très dépendant, une crise sécuritaire, liée aux tensions croissantes entre l'Iran et les États-Unis, enfin une crise politique interne, qui voit la poursuite de manifestations et une vacance institutionnelle : M. Al-Kadhimi a été chargé de former un gouvernement, mais nul ne sait s'il y parviendra. La lutte contre Daech demeure notre priorité, mais elle est entravée par la situation politique interne régionale. Il faut faire preuve d'une grande vigilance, l'organisation terroriste se réorganisant et demeurant très active, du moins dans sa propagande.

Au Liban, enfin, la crise économique et politique qui sévit depuis octobre se voit désormais aggravée par la crise sanitaire. J'ai des discussions régulières avec mon homologue libanais. Je lui transmets un message clair : au-delà des annonces du nouveau gouvernement, il faut que les actes soient au rendez-vous ; c'est indispensable pour restaurer la confiance dans les autorités politiques libanaises. Toutefois, le statu quo domine, les réformes urgentes ne sont pas engagées, la moitié de la population est maintenant sous le seuil de pauvreté et l'évolution économique est très préoccupante. L'arrivée du Covid-19 ne peut qu'aggraver encore la situation.

Les situations conflictuelles se poursuivent donc, ce qui rend urgente l'adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d'une résolution robuste qui fixerait le cadre d'une trêve humanitaire générale pour la durée de la pandémie. Nous travaillons à cette fin depuis quelques semaines avec les membres permanents du Conseil de sécurité. Une réunion des chefs d'État de ces pays pourrait se tenir bientôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Pourriez-vous nous rappeler quelles informations ont été fournies au Quai d'Orsay par notre ambassade en Chine au sujet du Covid-19 au début de l'épidémie, à la fin de 2019 et au début de 2020 ? Comment ces informations ont-elles été exploitées ?

Des appels à la solidarité ont été lancés, mais les luttes d'influence entre puissances perdurent. Le pays d'origine de la pandémie est le premier producteur mondial d'équipements sanitaires, le deuxième contributeur d'aide au développement et le créancier principal de beaucoup de pays. Comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays européens dans la gestion de la pandémie ? Vous avez convoqué l'ambassadeur de Chine. Qu'est-il ressorti, concrètement, de cet entretien ?

Concernant l'aide publique au développement, le Président de la République a annoncé l'annulation de la dette des pays les plus pauvres. Quels pays seront concernés et quel sera le coût de cette mesure pour l'Agence française de développement (AFD) ? À ce propos, cette agence a participé au financement de l'entretien du sarcophage de Tchernobyl. Quel bilan faisons-nous de l'utilisation de ces fonds ? Des incendies semblent menacer celui-ci ; de quelles informations crédibles disposez-vous quant à cela ?

Enfin, les États-Unis suspendent leur participation au financement de l'OMS au prétexte du manque de transparence de cette organisation, qui serait dû à l'influence chinoise. Notre représentation diplomatique à Washington vous avait-elle informé de cette tendance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Boutant

L'Union européenne est à la croisée des chemins : soit elle viendra à bout du virus, soit le virus viendra à bout de l'Union ! On a assisté à une valse-hésitation entre les pays du nord et du sud de l'Europe au sujet des coronabonds, dont on a finalement compris qu'ils ne seraient pas émis. En revanche, un plan de relance de 540 milliards d'euros a été adopté. À quelles conditions l'accès à ces fonds sera-t-il soumis ? Face à l'irruption du virus en Europe, les réactions ont d'abord été nationales ; il n'y a pas eu d'unité d'action sanitaire. Si l'Europe ne se montre pas solidaire, elle aura un avenir bien sombre. Pouvez-vous nous rassurer ? Le volet social du plan de relance est-il assuré ?

Vous avez rencontré hier matin l'ambassadeur de Chine. Nous aurions bien aimé être de petites souris pour y assister ! L'activisme chinois nous donne l'impression de s'enflammer. Alors que le G20 envisage de suspendre les dettes de 76 pays, dont 40 en Afrique, la Chine continuerait impunément de leur prêter de l'argent. Y aurait-il deux poids deux mesures ? On voit bien l'influence de la Chine sur le modèle de développement de ces pays. La situation actuelle va-t-elle conduire l'Europe à modifier la manière dont elle pratique l'aide au développement ?

Enfin, je m'interroge sur les établissements publics d'enseignement français à l'étranger. Presque tous sont fermés, mais ils semblent persister à demander le paiement de frais de scolarité très élevés, alors que les familles peuvent rencontrer des difficultés financières. Qu'en est-il ? Que prévoyez-vous pour aider à la fois ces établissements et les familles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Comme Français de l'étranger, je salue, depuis mon domicile au Royaume-Uni, votre action dans ce rapatriement d'une ampleur inédite.

Vous venez d'annoncer un plan à destination du secteur éducatif. Prévoit-il d'abonder les bourses dans le cadre du programme 151 ? Avez-vous prévu un complément pour les écoles du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le cadre du programme 185 ?

Au nom de mon groupe, je vous remercie d'avoir convoqué l'ambassadeur de Chine après les propos inacceptables qu'il a tenus. Le 20 janvier, le site de l'ambassade avait déjà comparé certains parlementaires français à « des crapauds qui nous sauteraient sur le pied ». Depuis ce week-end, le site de l'ambassade affiche un texte prétendant que « les autorités taïwanaises, soutenues par plus de quatre-vingts parlementaires français dans une déclaration cosignée, ont même utilisé le mot «nègre» pour s'en prendre au directeur général de l'OMS ». Cette fake news illustre la situation que Rachel Mazuir et moi-même analysons dans la note Désinformation, cyberattaques, cybermalveillance : l'autre guerre du Covid-19, que nous remettrons demain. Nous y recommandons la mise en oeuvre d'une force de réaction cyber pour lutter contre les fausses informations sanitaires et les campagnes d'influence de certains acteurs étrangers. Avez-vous obtenu des excuses de l'ambassadeur ? Je constate que ces propos sont toujours en ligne, avez-vous demandé leur retrait ?

Nos compatriotes qui vivent à l'étranger, notamment hors d'Europe, s'interrogent quant à la fermeture des frontières européennes annoncée par le Président de la République. Nombre d'entre eux souhaitent pouvoir rentrer pour des raisons sanitaires, mais les avions sont très peu nombreux, et ils doivent demander au consulat de leur permettre d'accéder aux rares sièges disponibles. Il en va de même s'agissant de l'approvisionnement en médicaments : il y en a peu, alors que les demandes sont massives. Le plan sanitaire que vous évoquez concerne-t-il ces compatriotes ?

Enfin, les étudiants et les jeunes actifs en volontariat international en entreprise (VIE) qui souhaitent rentrer en France depuis les États-Unis doivent s'acquitter de leur loyer, car leur bail ne peut être résilié qu'à son échéance. Mes échanges avec certains bailleurs américains m'ont indiqué que, pour rompre leur contrat de location, les intéressés doivent fournir un document consulaire attestant de la situation d'obligation dans laquelle ils se trouvent. Pourriez-vous mettre en ligne une telle attestation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À mon tour, je vous remercie du travail effectué pour rapatrier plus de 160 000 Français de l'étranger.

Je m'inquiète moi aussi pour le système éducatif français à l'étranger. Celui-ci doit être maintenu, mais la situation présente une difficulté : les deux tiers de ses élèves sont étrangers. Les efforts à faire doivent être mesurés à cette aune, car, sans ces élèves, il n'y aurait plus de système scolaire français à l'étranger.

Vous avez évoqué l'appel du 23 mars du secrétaire général de l'ONU, relayé par la France. Le Président de la République a déclaré que son endossement formel par les membres du Conseil de sécurité était à portée de main, mais qu'il manquait l'accord de la Russie. Peut-on espérer l'obtenir ? Est-ce bien sur cet appel que se base le projet de résolution de la France, qui demande une cessation des hostilités et une pause humanitaire et qui a été validé par les présidents chinois et américains ainsi que par le Premier ministre britannique ?

Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, vous avez évoqué la réflexion en cours, menée par l'Alliance pour le multilatéralisme, sur la création d'une Haute Autorité mondiale de la santé, comparable au groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), et travaillant avec l'OMS. Nos partenaires ont-ils accueilli favorablement cette idée ?

Enfin, j'imagine que votre conversation avec l'ambassadeur de Chine a été fraîche, mais le texte publié sur son site prétendait rétablir des faits alors qu'il ne contenait que des calomnies. Je suis un des quatre-vingts parlementaires dont il est question, et je n'ai pas souvenir d'avoir signé les propos qui nous sont prêtés. Considérez-vous que vos échanges ont été constructifs et faut-il en attendre une suite positive ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

Le Président de la République n'a pas avancé de calendrier s'agissant de l'ouverture des frontières avec les pays hors de l'espace Schengen. Cela doit-il faire l'objet d'une décision commune européenne ? Quels contrôles seront mis en place ? Imposera-t-on une quarantaine à tout citoyen français de retour ? Qu'en sera-t-il des étrangers ?

Dans son intervention, le Président de la République a plaidé pour une annulation de la dette des pays africains. Comment entendez-vous négocier avec les banques et les organisations internationales pour y parvenir ? Par ailleurs, des sommes importantes vont être débloquées pour accompagner ces pays ; quels moyens de contrôle seront-ils mis en oeuvre ?

La gestion de la crise par l'OMS a suscité de fortes critiques, notamment de la part des États-Unis, qui ont mis un terme à leur financement. Quel regard la France porte-t-elle sur les choix de cette organisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je vous félicite à mon tour pour le succès de ce rapatriement. Il reste toutefois un point de difficulté concernant les camping-caristes français présents au Maroc. M. Lemoyne affirmait que le problème était en passe d'être réglé, mais l'inquiétude persiste parmi les personnes concernées, et le dialogue avec l'ambassade est compliqué.

La crise du multilatéralisme préexistait à la pandémie, mais celle-ci la met en exergue. À ce sujet, je suis frappé que les appels du secrétaire général de l'ONU soient si peu repris en France, le Président de la République lui-même ne les évoque pas. Ne faudrait-il pas diffuser davantage cette parole et y souscrire, d'autant plus que la décision américaine à propos de l'OMS est indécente et scandaleuse ? Il est à la mode de relayer des propos désobligeants à l'égard de l'OMS, alors qu'il faudrait la consolider, voire la réformer. Comment la France aborde-t-elle cette situation et que comptez-vous faire pour protéger cette organisation mondiale ?

Sur la dette africaine, il semble que le mouvement se confirme, mais ne faudrait-il pas compléter cet effort en réfléchissant aux codes d'investissement en Afrique, lesquels privent les pays concernés de ressources fiscales, car les entreprises internationales sont exonérées d'impôts ? Ces pays ont besoin, pour construire leurs systèmes sanitaires, que leurs recettes fiscales soient restaurées et que la coopération soit envisagée autrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

La France est présente sur tous les océans et lutte contre l'épidémie. Celle-ci va arriver avec quelques semaines de retard, mais nos territoires y feront face avec des moyens plus importants que ceux dont disposent nos voisins, avec lesquels la France demeure liée. Le rôle de notre pays est important, le Gouvernement envisage-t-il d'accueillir des malades venant de ces pays dans les hôpitaux de nos communautés ?

Un cyclone a récemment ravagé certains archipels du Pacifique, quelle aide apportez-vous au Vanuatu, un pays dont nous sommes proches et qui essaie de se reconstruire tout en se protégeant du coronavirus ?

Enfin, quelle est l'implication de la France dans le dispositif issu de l'accord Franz, qui la lie à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande pour l'aide aux archipels du Pacifique ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Monsieur Allizard, nous avons été informés de l'épidémie en Chine par notre consul général à Wuhan au mois de janvier. Nous nous sommes alors organisés pour rapatrier nos compatriotes dans de bonnes conditions. Je souligne d'ailleurs que notre consul général et son équipe sont les seuls à être restés sur place, avec un entourage médical. Je tenais à leur rendre hommage.

Vous avez pris connaissance de mon communiqué. J'ai considéré que, dans le récit de l'ambassadeur de Chine en France, certains mots étaient inacceptables, et je le lui ai fait savoir. J'ai lu avec intérêt ce matin la réaction du ministère chinois des affaires étrangères, qui a longuement répondu en indiquant que la Chine ne fera pas de commentaires sur l'inadaptation de la réponse française à l'épidémie, qu'elle se tient aux côtés de la France face à ce défi, qu'elle a remarqué que, sous la direction du président Macron, le Gouvernement a promu des gestes barrières largement soutenus par le peuple et qui aboutissent à des résultats positifs. Il ajoute : « Nous faisons sincèrement l'éloge de cette action, nous soutenons la France dans la mise en oeuvre de mesures fortes en fonction de sa propre situation, et nous avons la conviction que la France vaincra sans aucun doute l'épidémie prochainement. » Je prends acte de cette déclaration, et je n'ai pas de commentaire à faire.

Au-delà de cela, nous avons avec la Chine une relation de clarté et de fermeté. Ce pays veut établir un nouveau multilatéralisme - c'est un concept que nous partageons -, mais il a tendance à ne l'envisager que dans un seul sens. C'est un interlocuteur incontournable avec lequel nous entretenons un dialogue franc et constructif sur trois séries de sujets, liés à l'établissement de ce nouveau multilatéralisme, sur lesquels nous sommes parfois en accord et parfois en désaccord : la réciprocité économique et commerciale, le climat et la biodiversité et, enfin, la convergence entre l'initiative des nouvelles routes de la soie et la stratégie européenne de connectivité. Nous respectons la souveraineté de la Chine, celle-ci doit également respecter notre souveraineté, notre unité et notre présence européenne collective. Comme vous l'avez constaté, nous disons ce que nous pensons. En outre, nous avons des discussions très étroites sur la crise du coronavirus - je parle moi-même régulièrement avec mon homologue M. Wang Yi pour résoudre diverses questions, s'agissant, notamment, des capacités en masques.

Je n'ai pas d'information sur l'évolution de la situation à Tchernobyl et sur les incendies dans les environs du site, mais, à ma connaissance, l'aide publique au développement n'a pas servi à la construction de la centrale.

Le Président de la République a indiqué que l'effacement de la dette concernerait les pays les plus en difficulté. Nous ne les avons pas encore identifiés, mais nous avons pu très vite accélérer sur les moratoires, c'est un bon signe. La tribune publiée par les chefs d'État ou de gouvernement d'Afrique et de l'Union européenne ainsi que par les présidents de l'Union africaine et de la Commission européenne fait sens dans la perspective de l'établissement d'un nouveau type de relation entre l'Europe et l'Afrique, notamment s'agissant des dispositifs financiers et fiscaux. Il existe également des initiatives du Fonds monétaire international en faveur des droits de tirage spéciaux. Monsieur Laurent, je suis preneur de vos propositions pour permettre à ces pays de retrouver des marges fiscales.

Nous regrettons la position américaine sur l'OMS. Il est dommage que, en période de pandémie, le seul outil de coopération mondiale soit ainsi mis en difficulté. L'OMS a un rôle normatif : elle doit dire le droit international sur la santé à partir des dispositions du règlement sanitaire international (RSI), qui n'est pas contraignant. Elle a aussi un rôle d'alerte, d'information et de coordination à travers les 150 bureaux dont elle dispose dans le monde, ainsi que de formation. Sur ce plan, une académie de santé doit d'ailleurs ouvrir à Lyon. Enfin, elle est chargée de la détection et de l'assistance technique. Son fonctionnement peut être discuté : elle manque parfois de réactivité comme d'autonomie par rapport aux États, ainsi que de moyens d'alerte et de capacités normatives, mais cette situation ne relève pas de sa responsabilité, qui est limitée. La crise actuelle devrait nous conduire à revoir le rôle des grands outils existants, car il faut conforter l'OMS. La France sera au rendez-vous sur cette question. Au-delà, il faut réfléchir à une meilleure articulation entre l'OMS, cadre général reconnu par l'ONU, et des outils comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, le GAVI pour les vaccins ou Unitaid pour les brevets, de sorte que chacune de ces organisations ait sa place et joue son rôle et que l'OMS puisse elle-même être mature dans l'exercice de ses fonctions.

Avec mon homologue allemand M. Heiko Maas, nous avons lancé l'année dernière une initiative en faveur du multilatéralisme afin de retrouver une nouvelle dynamique. Nous avons été suivis par soixante-dix ministres présents à l'assemblée générale de l'ONU. Demain, nous prendrons ensemble des initiatives afin que l'Alliance pour le multilatéralisme avance des propositions de réforme du système sanitaire international pour le rendre plus cohérent et dynamique. Plusieurs pays vont nous rejoindre. Nous ambitionnons ainsi de refonder un multilatéralisme en tirant les leçons de cette crise. Nous allons donc lancer ensemble cet appel avec le relais de l'Union européenne.

Monsieur Boutant, vous m'interrogez sur le rôle que la Chine aurait pu jouer en endettant certains pays africains. Aujourd'hui, Pékin contribue au moratoire, pour la première fois ; c'est un signe positif.

S'agissant de la conditionnalité du plan de relance, en matière d'accès au mécanisme européen de stabilité, mobilisé la semaine dernière par l'Eurogroupe, les normes de conditionnalité précédentes ont été supprimées. La seule condition qui subsiste est que les financements soient affectés à la crise sanitaire. Le futur plan de relance n'est pas la resucée d'un dispositif antérieur, mais découle d'une volonté d'emprunter collectivement des fonds permettant la relance de l'investissement, chacun à égalité pour assumer l'emprunt collectif et chacun faisant ses propres choix nationaux. J'espère que cette nouvelle donne ira jusqu'au bout et sera l'objet d'une décision le 23 avril, lors du prochain Conseil européen.

S'agissant de l'AEFE, nous sommes face à une triple difficulté : la première concerne les écoles, qui ne fonctionnent plus et perdent donc des recettes, ce qui est en particulier un problème pour les petits établissements qui ne sont pas à gestion directe et qui voient leur avenir remis en cause, car ils ont aussi des élèves qui ne sont pas français et qui subissent des conditions économiques difficiles ; la deuxième touche les familles de Français et inclut la question des droits de scolarité et des bourses ; la troisième, enfin, concerne l'AEFE elle-même. Tout cela fait l'objet du plan de relance. Sur les bourses, comme sur le programme 185, il y aura donc sans doute des modifications, mais je ne suis pas encore en mesure d'en parler. M. Lemoyne gère ce dossier, et le plan sera rapidement mis sur la table. Pour les familles étrangères, des aides seront prévues, car il s'agit d'un outil indispensable d'influence.

Sur les VIE jeunes actifs, je vais regarder, je n'ai pas de réponse technique à vous donner.

Monsieur Yung, depuis l'appel du 23 mars du secrétaire général de l'ONU à une trêve humanitaire, beaucoup de discussions ont été engagées par la France, parmi lesquelles des relations directes avec le Président chinois comme avec MM. Trump et Poutine. Nous espérons que le P5 porte ce point de vue au plus loin, sa réunion en vidéoconférence sera un événement politique de grande ampleur, dont nous espérons qu'il intervienne rapidement. Je me suis entretenu à ce sujet avec mon homologue chinois, M. Wang Yi.

S'agissant de la Haute Autorité mondiale de la santé, j'ai indiqué la semaine dernière combien une instance indépendante composée des meilleurs scientifiques pour identifier les menaces sur la santé humaine et animale me semblait utile. Comme le GIEC en matière de climat, elle agirait comme un interpellateur. Après la crise actuelle, nous nous interrogerons sur l'ensemble de la stratégie de santé dans le monde et nous reviendrons peut-être sur certains engagements pris juste après la Seconde Guerre mondiale. L'Alliance pour le multilatéralisme vise à aborder cette problématique. Lorsque le GIEC prend position, cela fait bouger les lignes, il faudrait qu'il en aille de même en matière de santé.

Les frontières européennes de l'espace Schengen, de l'Union et du Royaume-Uni ont été fermées. Cette décision a été prise en commun, c'est en commun que la décision de rouvrir sera prise. Ce n'est pas pour demain, l'espace européen restera fermé pendant quelque temps.

S'agissant des camping-caristes au Maroc, nous avons affrété deux bateaux pour ramener 400 véhicules. Malheureusement, il restait des places sur le second. Certaines personnes concernées qui se trouvaient à Agadir pensaient y rester, puis ont finalement considéré qu'il fallait rentrer. Il faut savoir si l'on veut rentrer ou non, car la frontière est fermée et, à chaque fois, cela requiert des autorisations. Les intéressés ne se rendent pas compte du temps que l'on passe à cela ! Je veux bien organiser un troisième voyage en bateau, mais alors il faut que ceux-ci soient présents au rendez-vous. Si vous les connaissez, monsieur Laurent, je vous remercie de le leur dire !

Avec mes homologues néo-zélandais et australien, nous sommes mobilisés sur les conséquences du cyclone Harold, qui sont notre priorité, et nous coopérons dans le cadre de l'accord Franz, ce qui ne fait l'objet d'aucune critique. S'agissant de l'assistance sanitaire, nous avons des accords avec certains pays qui permettent, si nécessaire, d'opérer des évacuations sanitaires. Un envoi de fret sanitaire est par ailleurs en cours ; il sera acheminé par Nouméa pour traiter la crise au Vanuatu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Je salue vos propos sur l'Afrique et le fait que le Président de la République y ait fait allusion hier.

Je voudrais appeler votre attention sur les pays du G5 Sahel, en parallèle avec les déclarations, cette semaine, du directeur général de l'Agence française de développement. Nous sommes dans l'après-Alliance Sahel : tout se met en place pour le redémarrage économique, là où c'est possible. Or ce redémarrage est affecté par la crise sanitaire. Il me semble toutefois que l'état d'esprit de notre partenariat avec ces pays suppose de ne pas lâcher la proie pour l'ombre. J'aimerais donc que vous nous confirmiez que nous poursuivons notre soutien au développement, à côté du nécessaire soutien sanitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Pensez-vous donner le feu vert à la reprise de l'activité des restaurants, cafés, campings et autres pour la période estivale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

À côté de la situation en Afrique, que notre commission suit de près, nous sommes également préoccupés par les zones de guerre. Je voudrais évoquer la question de l'Irak, de la Syrie et du Liban, trois pays en interaction très forte.

En Syrie, après la période de guerre, la crise sanitaire vient s'ajouter à une situation économique dramatique pour la population. Les humanitaires, les ONG et même les Églises rencontrent les plus grandes difficultés, non pas tant en raison des sanctions, qui ont été adaptées, mais surtout de la pesanteur de la position américaine.

Face à cette situation, le secrétaire général de l'ONU, M. António Guterres, le pape et le Président Macron ont appelé à la mobilisation du Conseil de sécurité. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est de la situation au sein du Conseil de sécurité et de la situation au Moyen-Orient, en particulier en Syrie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Merci, monsieur le ministre, d'avoir rapatrié nos compatriotes, mais il reste une poche de problèmes : des Français ayant adopté tout à fait légitimement des enfants en Haïti se sont rendus en Guadeloupe, mais ils n'ont pu récupérer leurs enfants, leur vol ayant été annulé. Un autre vol est ensuite parti pour la France, mais les enfants sont restés en Haïti. Il faut aider ces familles.

J'aimerais vous interroger sur Taïwan, même si je sais qu'il s'agit d'une question extrêmement difficile. La France s'honorerait de prendre une initiative diplomatique, avec le soutien des Européens, pour essayer de faire entrer Taïwan dans le cadre onusien. C'est un partenaire économique, fiable, démocratique, qui mérite notre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

J'ai récemment interpellé Jean-Baptiste Lemoyne sur la question des travailleurs frontaliers. En Moselle, nous vivons l'Europe tous les jours : 19 000 frontaliers passent en Sarre quotidiennement, dont 6 000 Allemands qui habitent en France.

Depuis la fermeture des frontières, il ne subsiste que cinq points de passage. J'ai saisi Jean-Baptiste Lemoyne de cette question, j'ai également saisi l'ambassadeur d'Allemagne, qui s'est exprimé dans Le Républicain lorrain, mais rien ne s'améliore. Certains frontaliers sont obligés de parcourir cinquante kilomètres pour se rendre à l'un des cinq postes-frontière ouverts - et je ne dis rien du temps nécessaire pour présenter les laissez-passer...

Je sais que le traité de Schengen autorise ces fermetures de frontière. Je me permets d'intervenir de nouveau, parce que le ministre de l'intérieur allemand a annoncé la probable prolongation de cette fermeture jusqu'au mois de mai. Pour des gens qui vivent l'Europe tous les jours, pour qui l'Allemagne, c'est de l'autre côté de la rue, faire des centaines de kilomètres pour aller travailler devient invivable. Cette situation va faire monter le populisme. Je ne reviendrai pas sur les excuses qu'a dû présenter Heiko Maas après les insultes dont ont été victimes les Français au passage des frontières. C'est que l'Allemagne a déclaré le Grand Est zone à risque.

Je ne demande pas la réouverture de tous les postes-frontière - je comprends que les Allemands veuillent se protéger -, mais peut-on au moins intervenir dans le secteur de Bouzonville, par exemple, où la situation est vraiment infernale pour des gens qui veulent aller travailler en face de chez eux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Comment la crise du Covid-19 va-t-elle réinterroger le sens de l'aide publique au développement et de ses objectifs, notamment dans les programmes mis en oeuvre par l'AFD ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Je voudrais revenir sur la question de l'AEFE. En fin d'année, nous risquons de faire face à de très grandes difficultés, de nombreux parents d'élèves étrangers décidant de retirer leurs enfants. Partout, je vois des parents inscrire leurs enfants dans des écoles locales, car les mesures prises ne leur semblent pas suffisantes pour maintenir le bon fonctionnement de l'AEFE.

André Vallini et moi-même, tous deux rapporteurs pour avis des crédits du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », avons voulu interroger le directeur de l'AEFE. On nous a demandé d'attendre l'annonce du plan gouvernemental très important qui accorde une aide massive à l'AEFE. Voilà qui est essentiel.

Même en accordant des bourses à tous les Français de l'étranger, ce ne serait pas suffisant. Il resterait toujours la question des parents d'élèves étrangers, inquiets de l'avenir des écoles françaises. Je crois qu'il faut rassurer l'ensemble des parents au plus haut niveau, à travers une communication du ministre ou de plus haut encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Saury

Merci, monsieur le ministre, des efforts réalisés pour rapatrier les ressortissants français ! Vous avez souligné combien cette situation avait été difficile à gérer. Or, selon les virologues et les épidémiologistes, la pandémie va probablement encore durer longtemps et connaîtra des périodes de rémission et de rebond. La situation que nous avons connue risque donc de se reproduire dans six mois ou dans un an. Quels enseignements peut-on tirer de ce qui vient de se passer pour faciliter le travail du ministère et pour sécuriser les voyages de nos compatriotes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Merci de votre engagement sans faille, monsieur le ministre, et de celui de votre cabinet et de l'ensemble des équipes de nos consulats ! Nous restons mobilisés et nous attendons avec impatience les annonces à venir sur les actions concrètes que vous allez mener pour sauver l'AEFE.

Nous avons facilité les retours des Français de passage à l'étranger, mais quid des étrangers résidents permanents en France ?

Par ailleurs, sommes-nous en mesure d'accueillir certains membres du gouvernement de pays étrangers contaminés par le coronavirus - je pense notamment à plusieurs ministres du Burkina Faso ? Ces pays plutôt faibles ont besoin que leur gouvernement fonctionne correctement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Le Président de la République a parlé hier, sur RFI, de la solidarité que nous devons à l'Afrique. Il s'agit non seulement d'un devoir humanitaire, mais aussi, comme vous l'avez souligné, de notre strict intérêt, notamment pour éviter un reflux Sud-Nord de la pandémie.

Au-delà de l'aide que nous pouvons apporter dans la gestion immédiate de la crise, comment pouvons-nous aider les antennes de l'Institut Pasteur ? Lors de notre déplacement à Madagascar, nous avons pu voir la qualité du travail réalisé dans cet institut, avec des moyens limités.

Comment pouvons-nous aider les épidémiologistes africains, dont beaucoup sont de très grande qualité ? Il y a la crise et l'après-crise. Vous avez évoqué les échanges de données et de bonnes pratiques. Ne serait-il pas souhaitable de les aider également sur le plan logistique et sur celui des infrastructures. Le Président de la République a évoqué le Fonds mondial, mais ce fonds est déjà affecté à la lutte contre le VIH, contre la tuberculose et contre le paludisme. Quels outils français, européens et internationaux pourraient être mobilisés pour penser l'après-pandémie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Que pensez-vous de l'annonce d'un cessez-le-feu au Yémen ? L'Arabie saoudite souhaite-t-elle mettre un terme à ce conflit ou s'agit-il seulement de s'octroyer un peu de calme durant cette crise sanitaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Vous avez évoqué le Liban. Ce pays, qui accueille plus de 2,5 millions de réfugiés, souffre économiquement depuis octobre 2019. Il s'agit d'un État en faillite qui le sera encore davantage en raison du confinement jusqu'au 15 mai. On ne peut faire de virement en direction du Liban, et les Libanais ne peuvent sortir de leurs banques plus de 100 euros par semaine. Il s'agit donc d'une situation très compliquée et qui ne peut que s'aggraver. Ils ont eu un contrôle partiel de la Banque mondiale. Comment pouvons-nous aider le Liban, pays très proche de notre culture et de nos racines ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je ne partage pas du tout votre optimisme sur l'ONU. L'appel du secrétaire général à un cessez-le-feu mondial, le 23 mars dernier, a plutôt été un fiasco. Les choses ont un peu bougé dans seulement trois pays : au Yémen, où ça n'a pas très bien marché, en Syrie et en Libye. Dans le reste des zones de conflit, rien n'a changé.

Je suis très pessimiste. Tout est bloqué à l'ONU, y compris au sein des cinq membres du Conseil de sécurité. M. Trump refuse d'utiliser le terme « coronavirus », préférant parler du « virus chinois » !

Ce « truc » comme disait le général de Gaulle sert-il encore à quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Vous avez indiqué que la situation sanitaire en Afrique était contenue. Pourtant, des millions d'emplois sont d'ores et déjà menacés. Les secteurs du tourisme et du transport aérien sont particulièrement touchés. Les cours des matières premières sont en chute libre et les transferts des différentes diasporas sont en forte baisse. Ne pensez-vous pas que la récession économique de ses principaux partenaires soit le plus grand risque que court l'Afrique ?

Debut de section - Permalien
Jean-Yves Le Drian, ministre

Faute de temps, je vais tenter de répondre aux points qui me paraissent les plus centraux et sur lesquels je ne suis pas déjà intervenu.

M. del Picchia et Mme Conway-Mouret, entre autres intervenants, ont fait part de leur inquiétude pour l'AEFE si aucune initiative forte n'était prise. Je ne peux qu'adresser un message politique fort de notre volonté d'agir pour permettre à l'AEFE de tenir le coup durant cette période, d'être au service des enfants de nos ressortissants ou de parents étrangers désireux d'inscrire leurs enfants dans une école française. Nous maintiendrons l'AEFE dans ses vocations. Il ne s'agit pas du message du seul ministre des affaires étrangères, mais aussi du message du Président de la République, qui a dit les choses avec une très grande fermeté hier, sur RFI. Je tiens à vous rassurer sur notre détermination à agir.

Madame Conway-Mouret, je souhaite aider les pays africains à combattre cette pandémie, mais sur leur territoire. Nous pouvons apporter l'aide nécessaire, avec la mobilisation financière que j'ai évoquée dans mon propos introductif, pour assurer la détection, les soins et la protection. Telle est la mission de l'AFD et de l'ensemble des acteurs qui sont aujourd'hui au rendez-vous.

Monsieur Vial, la situation politique en Syrie ne bouge pas. Le comité constitutionnel syrien mis en place à Genève ne répond pas à sa vocation. Par ailleurs, la situation dans la partie nord-ouest et nord-est du pays est très difficile pour les populations de réfugiés, de déplacés, voire de prisonniers. Nous souhaitons qu'un accès humanitaire à ces zones soit possible. La France est au rendez-vous, puisque nous avons mobilisé 50 millions d'euros pour l'aide humanitaire, qui est aussi aujourd'hui l'aide sanitaire, en particulier au nord-ouest. L'évolution politique laisse entrevoir peu de perspectives positives. Encore faut-il que nous puissions aider à éviter qu'il y ait trop de drames dans les zones où se trouvent le plus de réfugiés et de déplacés.

Monsieur Bockel, le dispositif mis en place à Pau continue de fonctionner. La crise du coronavirus n'a pas empêché la tenue d'élections au Mali. Le deuxième tour aura lieu dimanche prochain. Les grands engagements du sommet de Pau, que j'avais qualifié de sommet de la gravité, de l'unité, de la clarification et de la remobilisation, continuent d'être suivis, en dépit des difficultés que rencontre le Tchad dans sa lutte contre Boko Haram. La force conjointe du G5, les actions de Barkhane, la mise en oeuvre de la force Takuba et de l'action humanitaire se poursuivent. Vous faites bien de le rappeler tant on pourrait l'oublier en cette période.

Monsieur Roger, vous dire à quel moment les hôtels et restaurants pourront rouvrir n'est pas de ma compétence. Le Président de la République s'est prononcé lundi sur un agenda qui dépend aussi de l'évolution des conditions sanitaires. Nous allons mettre en place, avec Jean-Baptiste Lemoyne, un dispositif de soutien et de sauvetage pour toutes les entreprises liées au tourisme. C'est une profession qui souffre beaucoup et qu'il importe d'accompagner à travers un plan spécifique qu'annoncera le Premier ministre.

Monsieur Devinaz, l'AFD va reprogrammer des crédits pour déterminer des priorités intégrant la dimension Covid-19 et le combat contre la pandémie. Nous allons réorienter les financements.

Monsieur Saury, je ne suis pas prophète, mais il est certain que les habitudes de déplacement vont changer. J'espère qu'il n'y aura pas d'autre pandémie et que nous parviendrons à endiguer rapidement celle qui nous frappe.

Madame Perol-Dumont, je voudrais vous assurer de notre volonté majeure de voir émerger à l'échelle africaine un mécanisme de coordination scientifique de haut niveau. Il est nécessaire de s'appuyer sur les antennes de l'Institut Pasteur, mais aussi sur tous les outils scientifiques existant en Afrique pour créer ce réseau. C'est indispensable.

En France, la première victime médicale de la pandémie a été un médecin venu de Madagascar pour nous aider. Il s'agissait d'un épidémiologiste de grande qualité. Ce drame montre que les scientifiques africains peuvent aussi venir aider les médecins français dans une telle situation.

Monsieur Todeschini, j'essaierai de reparler avec mon homologue allemand de la question des travailleurs frontaliers et de la coopération avec l'Allemagne. Je sais que la situation est difficile. Je suis déjà intervenu à plusieurs reprises pour tenter d'alléger ces contraintes. J'ai bien entendu votre message, et j'essayerai de faire au mieux.

Heureusement, monsieur Poniatowski, que je me montre plus optimiste que vous. Je suis conscient des handicaps et des contraintes qui affectent l'ONU, notamment du blocage que peut entraîner le droit de veto. C'est la raison pour laquelle nous avons créé l'Alliance pour le multilatéralisme, dont j'espère qu'elle pourra aider à modifier certains comportements au sein des Nations unies.

Après la dernière guerre mondiale, la communauté internationale s'est dotée d'outils majeurs qui ont tenu, au moins jusqu'à maintenant, avec divers succès. Le travail mené entre les États s'est avéré très positif dans différents domaines. Sans doute passerons-nous à une nouvelle étape après cette autre crise, dont on dit qu'elle a autant d'ampleur que celles qui ont suivi les guerres mondiales. Peut-être nous permettra-t-elle de tirer les leçons de nos échecs et de recomposer notre multilatéralisme. J'ai cet optimisme. Il en faut toujours pour essayer de renverser les contraintes et l'immobilisme.

Madame Garriaud-Maylam, je vous remercie d'avoir évoqué Haïti. Vous m'avez déjà parlé de cette situation très douloureuse que nous allons essayer de régler. Malheureusement, nous avons dû suspendre les adoptions en cours en raison de conditions de sécurité dégradées.

Monsieur Guerriau, la situation au Liban nous inquiète, mais nous ne pouvons-nous substituer aux autorités libanaises. Un gouvernement a été constitué sur la base d'un programme de réformes. Il s'agit du point de passage obligé pour redonner confiance aux acteurs internationaux. Le Liban doit se prendre en main et poursuivre ces réformes, en particulier dans le domaine de l'électricité, de la gouvernance, de la régulation des secteurs clés, du fonctionnement de la banque centrale... Tout cela suppose de la transparence et une lutte extrêmement vigilante contre la corruption.

Par ailleurs, le Liban a fait défaut sur sa dette voilà un mois, sur décision de son gouvernement. Il est urgent que ce pays assure sa reprise en main. Je n'ignore pas la crise sanitaire liée au Covid-19. Elle est jusqu'à présent limitée, avec seulement 632 cas. Elle pèse toutefois sur l'économie et sur le système de santé libanais. Faisons tous en sorte que les Libanais prennent les décisions qu'il convient pour leur permettre de retrouver la confiance des acteurs que nous avions réunis à Paris dans le cadre du Groupe international de soutien au Liban, en décembre dernier. Nous étions tous prêts à agir pour aider le Liban à retrouver une dynamique positive. À lui de donner le signal de départ en prenant les mesures nécessaires. La période peut être opportune. Nous sommes tous très attachés, les uns et les autres, au Liban.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir répondu très précisément aux questions de nos collègues. Une dernière question n'a pu vous être posée sur les résidents marocains et tunisiens qui n'arrivent pas à être rapatriés dans leur pays d'origine, leurs titres de séjour étant bloqués. Peut-être faudra-t-il, là aussi, mener une action auprès des ambassadeurs ou des gouvernements en question.

La téléconférence est close à 18 h 35.